Tu es démasqué [Feat. Isaiah E. Navarro]

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Cela fait désormais une semaine que Johan n'a plus mis les pieds au lycée, et pour cause, il est bien trop occupé à essayer de rester en vie plutôt que de se rendre dans un établissement où il n'apprend rien et même, où il s'ennuie à mourir. L'allemand a donc pris la décision de ne plus aller en cours pour le moment. Le plus important reste pour lui retrouver cet homme pour qui il a fait le déplacement, car en vérité, il sait que s'il rentre en Allemagne, sa famille d'accueil a du prévenir les autorités de sa fugue et il sera forcé d'y retourner.

Il y a quelque chose que Johan n'a jamais compris dans le système des administrations. Quand deux parents divorcent, se font la guerre, la seule chose qui leur importe c'est de savoir qui prend quoi, mais personne, que ce soit les parents ou les professionnels ne vont s'occuper de ce que pense l'enfant, de ce qu'il veut. On ne lui avait jamais demandé son son avis, on l'a mis là un point c'est tout.

Le jeune garçon n'a beau être qu'un gamin, il se doute bien que son absence n'est pas passée inaperçue, bien qu'il ne soit jamais manifesté dans quelque cours que ce soit. Et sa couverture qu'il avait jusqu'à maintenant doit être tombée à l'eau. Ils ont dû essayer de joindre ses soit disant parents aux noms fictifs et aux numéros de téléphone inventés. S'il remettait les pieds au lycée, il savait qu'il allait devoir fournir une explication et il ne se sentait clairement pas d'attaque à le faire maintenant.

Après avoir passé une énième journée à rechercher des indices pour retrouver son père biologique, la nuit commence à tomber lui signifiant que c'était l'heure pour lui de trouver un endroit où dormir. Le temps devenait de plus en plus frais et il n'avait pas d'habits pour se couvrir convenablement. Grelottant, il mit quelques minutes avant de trouver un endroit qui semblait libre et où il posa ses affaires. Ce n'était pas un hôtel cinq étoiles, mais c'était bien assez pour lui qui avait appris à vivre sans confort depuis son arrivée ici.

Ce n'est que quelques minutes plus tard qu'il fut délogé par une bande de jeunes, visiblement totalement ivres. Ils venaient de trouver leur jeu préféré jusqu'à temps que Johan ne se relève plus du bitume. C'est alors qu'il les entendit s'éloigner. Il mit plusieurs minutes avant de reprendre conscience et de se rendre compte des dégâts. Le visage en sang, il décida de quitter l'endroit où il s'était installé pour un autre où il serait plus ou moins en sécurité. C'était une mauvaise idée et il le savait, mais qu'importe, c'était son seul recours.

Il prit donc le chemin du lycée, arrivé devant la grille bien évidemment close du bâtiment, il jeta son sac par-dessus et escala sans grande difficulté celle-ci. Une fois de l'autre côté, il se dépêcha pour ne pas se faire remarquer, et se faufila dans les couloirs du lycée afin d'y être au chaud. Soufflant dans ses mains pour essayer de se réchauffer, il se dit qu'il devrait peut-être se passer de l'eau sur le visage afin de retirer tout le sang. Les toilettes les plus proches étaient celles du gymnase, ni une ni deux il s'y rendit pour se laver le visage en espérant que ça suffise pour qu'il puisse dormir que quelques heures avant de devoir repartir avant l'arrivée des étudiants.

Johan & Isaiah

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Lorsque je me rendis compte que le soleil était tombé et que la nuit était bien installée, plongeant le gynase dans une pénombre un peu louche, simplement brisée par les quelques lumières qui étaient allumées en permanence, par question de sécurité, je soupirai fortement, et dans ce même esprit de désespoir, je refermai mon ordinateur portable, en ayant assez de le regarder pour aujourd’hui. Lassé de mon boulot ? Pas vraiment, pas du tout même. Je ne travaillais même pas sur mes notes à rentrer pour les bulletins, ni pour ma planification des prochaines semaines, rien de tout cela. Ce que je faisais, c’était que je cherchais un logement, un logement où je pourrais m’installer, puisque je devais avouer que je commençais à en avoir assez de vivre dans mon bureau. Même si le lycée ne m’avait rien fait et que j’étais capable de m’accorder certains répits en ayant loger chez des amis, mais c’était toujours à court terme, parce que je n’osais pas déranger, parce que je ne savais pas quand j’allais mettre fin à cette situation, alors je refusais de m’imposer bien longtemps, il n’en demeurait pas moins que c’était lassant de voir toujours les mêmes murs en tout temps. De plus, vivre dans son bureau, sur un matelas, ce n’était pas une vie non plus, il me faudrait bien me reprendre en main, à commencer par avoir un toit sur la tête, puisque je refusais de m’obstiner avec Maureen pour récupérer la maison. Lorsque je trouverais le courage de lui demander le divorce, j’allais lui vendre ma part, et elle pourra en faire ce qu’elle voulait. De ce fait, je voulais avoir un endroit où m’installer, même si ce n’était que temporairement, mais je ne trouvais rien qui faisait l’affaire, encore une fois, à mon grand désarroi. Profondément embêté et en ayant assez, je me résignai à me préparer à éventuellement aller dormir afin de me lever assez tôt pour tout ranger avant l’arrivée des étudiants, histoire que personne ne pose de questions. Attrapant mes vêtements de nuit et, dans un sac, tout le nécessaire pour me laver et me brosser les dents, je me dirigeai dans les vestaires. Prenant pour acquis que j’étais seul, comme à chaque soir, je me rendis sous la douche, me lavai en quelques minutes, et sachant que j’étais seul, je retournai dans les vestiaires, là où il y avait un peu plus de place pour me sécher et me changer. De façon nonchalente donc, je marchai dans les vestiaires, mais bien rapidement, je me ressaisis, quand je me rendis compte que je n’étais pas seul. Sursautant, je lâchai même un cri de surprise qui n’avait rien de viril. Reprenant un peu de contenance, je m’approchai de ce que je pensais être quelqu’un, et ce fut aux toilettes que je vis un jeune homme dont j’aperçus brièvement le visage au travers du miroir, et toujours ma serviette autour de la taille, comme un idiot, je dis, incrédule: « Johan !? Que fais-tu ici ? » Après tout, qu’aurais-je pu lui demander d’autre ? Bon, peut-être aurais-je pu tourner ma phrase autrement, mais je n’y parvenais pas, compte tenu du fait que j’étais trop choqué de le voir ici, et encore plus pour la première fois depuis bientôt une semaine, Mais ça, je ne l’abordai pas tout de suite, attendant de voir si j’allais avoir réponse à ma question principale.

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Ces derniers temps, Johan était tout sauf serein. En vérité, il était toujours ses gardes, encore plus qu'à son habitude. Le mode de vie auquel il était désormais livré faisait de lui une cible permanente, que ce soit pour les policiers ou même des sans-abri à qui il aurait involontairement pris la place qui leur était réservé. Chez les sans abri c'est comme chez les animaux, il y a divers territoires et chacun d'entre eux sont réservés à telle ou telle personne. Johan se devait de choisir correctement l'endroit où dormir.

De plus, le jeune garçon ne domait que très peu, difficile de dormir sereinement quand on est dans une station de métro ou dans un squat fréquenté des personnes dépendantes à toutes sortes de substances illégales. Le monde que Johan avait découvert en venant ici n'était pas celui qu'un gamin de treize ans devrait voir, mais hélas, c'est bel et bien son cas. Dormir sereinement n'est pas possible quand on peut se faire réveiller par des sirènes des forces de l'ordre, menaçant de vous renvoyez soit à la case prison soit chez vous. L'allemand n'avait pas fait tout ce chemin pour finir à la case départ, il devait se battre et c'est ce qu'il faisait depuis son arrivée à Washington. En revanche, il n'avait aucune idée de savoir si son combat valait réellement la peine.

Finalement au terme de quelques hésitations, le jeune garçon avait décidé de trouver refuge au lycée. Après avoir regardé le fonctionnement de ce dernier, il savait que le gardien fermait les portes relativement tôt, ce qui permettait à l'allemand de pouvoir se faufiler quand ce dernier quittait les lieux. C'est donc ce qu'il avait fait. Tapi dans un coin, il s'était assuré que personne ne pouvait le voir ou même le surprendre quand il escaladerait la grille, et seulement une fois qu'il en fut assuré, il se hâta pour entrer dans l'enceinte du bâtiment scolaire.

Une fois à l'intérieur de celui-ci, son coeur retrouva un rythme un peu plus normal mais surtout, il profita de la chaleur qu'il offrait contrairement à la température et la météo extérieure. Johan ne se sentit pas en sécurité pour autant, il devait toujours être sur ses gardes au cas où les choses ne se dérouleraient pas comme prévu. C'est pour cette raison qu'il avanca au coup par coup et toujours à pas de velours. Johan avait toujours été de nature discrète, et là ça lui servait bien plus que d'habitude.

Ce n'est qu'une fois arrivé dans les vestiaires qui se laissa enfin souffler un petit peu. Mais ce fut un court moment puisque bien rapidement il fut interrompu par une silhouette assez imposante. Il lui fallut plusieurs minutes pour reconnaître la voix et la silhouette de son professeur de sport. Que faisait-il ici à cette heure-ci ? Ne devrait-il pas être rentré chez lui ?

" - Bordel.. Vous pouviez pas prévenir.."

Oui sur le coup, Johan avait eu peur, réellement. Bien plus que lorsqu'il voit les policiers s'approcher de lui. Le pire, c'était surtout la tenue de son professeur qui se tenait, torse nu en serviette devant lui. Posant ses yeux sur lui, après que son coeur retrouve un semblant de rythme normal, il ne put que remarquer le torse sculpté de cet homme, au fond, il aimerait pouvoir être comme lui, aussi musclé, mais il n'était qu'une crevette et vu son amour pour le sport, ça ne risquait pas de changer.

" - Je peux vous posez la même question. Vous ne devriez pas être chez vous ? Normalement il n'y a plus personne à cette heure-ci."

En tout cas, c'est ce qu'il avait remarqué quand il avait analysé le fonctionnement du lycée avant de venir s'y installer. Toujours sous le choc, Johan était plus gêné par la situation et le corps de son professeur que de se retrouver réellement face à lui. D'autant plus que le jeune garçon n'avait jamais réellement su s'il était attiré plus par un sexe que par l'autre, mais à treize ans ce ne sont pas vraiment ces questions que l'on se pose, et puis, ça ne l'a jamais intéressé de savoir. Quand il sera attiré par quelqu'un, il le découvrira probablement bien assez tôt.

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Cela faisait un bon moment maintenant que je squattais le lycée en soirée et pendant la nuit, un bon moment que je m’étais habitué au fait que j’étais bien souvent seul, sauf quand le personnel de l’entretien passait, mais pour eux, ils avaient une heure précise et maintenant ils étaient au courant de ma situation et n’en faisaient rien. J’étais persuadé qu’ils me jugeaient lorsque je n’étais pas là, mais je m’en moquais, puisque je m’arrêtais à ça, je ne serais pas à l’aise nul part. Mais outre eux, je n’étais pas habitué à voir qui que ce soit débarquer, et pour sûr, voir le jeune homme débarquer était une vraie surprise, comme je ne manquai pas de le mentionner. En revanche, ce que je ne marquai pas, ce fut le fait que pour lui, c’était inhabituel aussi. Pour moi, ce ne l’était même plus, que je sois là, c’était un peu idiot, n’est-ce pas ? Et le pire, c’est que cela fit en sorte que je fus quelque peu choqué qu’il me pose la question, me retrouvant alors bouche-bée, ne sachant que répondre. Je me sentais vulnérable, exposé, grillé, et pourtant, ce n’était pas comme si je pouvais m’excuser, puisque lui aussi, il était dans la même situation, enfreignait les mêmes principes. Est-ce qu’il y en avait un de nous deux qui avait le plus tort ? Je n’en savais rien, mais ça restait une situation bien gênante, encore plus gênante compte tenu du fait que j’étais là, nu, avec une seule serviette pour me couvrir, devant un de mes étudiants. Pour un conflit d’intérêts et d’éthique professionnelle, ça en était un énorme. Décidant de ne pas être dans cette situation plus longtemps, je voulus contourner la rangée de casiers derrière nous, histoire de m’y réfugier et me changer, mais avant que je puisse le faire, Johan en vint à me poser une autre question, réitérant en quelques sortes la mienne, me prenant au dépourvu, même s’il avait bien fait, puisque moi-même, je n’avais pas su le lui demander. Embêté, je ne sus que balbutier: « Euh je… » me rendant compte après-coup que je ne savais que répondre. Pour la toute première fois, je me trouvais dans cette situation où je devais expliquer ce que je faisais là, à un adolescent, un adolescent qui pourrait me griller auprès des autres et faire en sorte que tout ça vienne nuire à ma carrière. Pas que mes supérieurs ne le savaient pas, mais parce que bon, je ne voulais pas que ça foute des rumeurs qui viendraient ruiner ma réputation que j’avais mis bien des années à bâtir. Oui, je pourrais toujours lui mentir, mais je ne saurais pas comment, et je n’étais pas un bon menteur. Je savais cacher la vérité, mais là, la vérité était exposée comme jamais, c’était donc beaucoup trop difficile. Mais n’oubliant pas ce que je comptais faire avant, je décidai de me donner un temps de réflexion supplémentaire, le temps de finalement contourner les casiers et être hors de vue de l’étudiant, mais pas hors d’attiente, faisant en sorte que je pouvais lui parler, d’où le fait que je pus lui sortir: « Je loge ici temporairement. Avec l’accord de la direction. » Après tout, c’était la vérité, la vérité sans toutefois que j’expose trop de détails, c’était suffisant non ? Terminant d’enfiler mes vêtements de nuit, soit un jogging et un t-shirt des Yankees, mon équipe de baseball préférée, je revins finalement face à Johan, et ayant repris un peu de contenance pendant ce temps, je pus finalement lui demander: « Mais comme tu l’as dit, il n’y a plus personne à cette heure… Que fais-tu ici toi ? » Ce fut ainsi que je pus également remarquer que son visage semblait ensanglanté, voire même quelque peu déformé. Que s’était-il passé ? Avait-il été frappé ? Je n’allais pas le nier, je me sentais quelque peu inquiet pour lui, même si ce n’était pas la première fois que je voyais quelqu’un blessé, après son absence de la semaine, puis le fait qu’il avait été injoignable, rien de tout cela me disait quelque chose qui vaille.

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Au final, la situation était devenue embarassante pour les deux hommes. Non seulement, le professeur se sentait pris sur le fait comme s'il avait fait quelque chose qu'il ne fallait pas, quant à Johan, il se sentait bien con. Il était mis devant le fait accompli, est-ce que les professeurs savaient réellement sa situation, est-ce que quelqu'un avait cherché à savoir d'où il venait ? Autant de questions qu'il se posait mais auxquelles il n'avait aucune réponse. Peut-être que finalement c'est le destin qui a choisi de le mettre face à ce professeur, finalement ils ont peut-être plus en commun qu'ils n'auraient pu l'imaginer au premier regard.

Finalement, le jeune enseignant semble se sentir mal à l'aise face au regard du gamin, il décide de s'éclipser afin de se changer. À l'abri derrière des cassiers, il troque sa serviette contre des habits plus décents et il en profite pour répondre à Johan. Désormais, le garçon ne savait plus vraiment où se mettre. S'il dormait dans son bureau c'est qu'il y avait sans doute une bonne raison, mais demander laquelle serait déplacé de sa part.

Quand la question revient vers lui, deux possibilités s'offraient à lui, soit il expliquait sa situation, ce qui impliquait qu'il risquait gros et surtout d'être renvoyé dans sa famille d'accueil en Allemagne ou alors, il mentait. Des deux options qui se présentaient à lui, la plus raisonnable semblait être la seconde, pourtant quelque chose l'en empêchait, comme si pour une fois il voulait être honnête envers quelqu'un. Mais se livrer voulait aussi dire prendre le risque de s'exposer et donc de souffrir par la suite.

" - Et bien je.."

Ouais au final il était un peu comme son professeur, il ne savait pas vraiment quoi répondre, ni même sur quel pied danser. Il est évident qu'il ne pouvait pas fuir indéfiniment cette question, il pouvait dévier le sujet, mais ça reviendrait qu'à retarder le moment fatidique où il allait devoir avouer la vérité quant à sa situation.

" - J'avais besoin d'un endroit où dormir.."

C'était la vérité sans pour autant qu'il ne s'étale sur ses conditions de vie, il espérait simplement que le professeur ne lui poserait pas plus de questions, se contentant de la réponse qu'il lui offrait.

Grimaçant sous la douleur qui venait de se réveiller suite aux blessures au visage, le jeune garçon demanda l'accès aux lavabos, comme si l'endroit appartenait à son professeur, comme si c'était chez lui, et au final c'est un peu l'impression qu'il avait. L'impression qu'il avait pénétré chez quelqu'un en crochetant la serrure et qu'il s'était finalement fait prendre sur le fait et qu'il devait maintenant répondre de ses actes.

" - Je.. Promettez moi de ne rien dire, je partirai d'ici quelques heures, j'ai juste besoin de dormir un peu.." fit-il presque sur le ton d'un supplice.

Johan était inquiet quant à la réaction de l'adulte, rien ne lui disait qu'il allait agir comme il le lui avait dit, et si jamais le lycée apprenait qu'il avait dormi ici alors qu'il ne se rendait plus en cours depuis une semaine, il savait que ça ne lui apporterait que de problèmes, encore plus qu'il n'en a déjà à l'heure actuelle. L'allemand était désormais démasqué, il venait d'exposer son armure dans laquelle une brèche s'était formé, il ne restait plus qu'à remonter à l'origine de celle-ci pour découvrir le gamin qui se cache réellement sous ce masque. Un gamin bien différent de celui qu'il veut paraître. Un gamin fragile et en manque d'amour et de repères.

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Même si la situation était loin d’être agréable et que je ne pouvais m’en sentir fier, je ne fus pas tant surpris qu’il m’annonce qu’il avait besoin d’un endroit pour dormir. Dans ma tête, certains morceaux étaient en train de se mettre en place. Pendant la semaine, lorsque le secrétariat appelait pour signaler à ses parents, ou aux personnes qui s’occupaient de lui, qu’il était absent, afin d’avoir une raison ou quelque chose du genre, ils se heurtaient à un mur, chaque fois. Un numéro qui ne répondait pas, un faux numéro. Bref, de ce que j’avais pu entendre, bien des essais avaient été vains. Et maintenant qu’il disait vouloir rester ici, tout portait à croire qu’en fait, c’était parce qu’il n’avait pas de demeure. Mais est-ce que cela expliquait ses absences répétées pendant la semaine ? Ça, je n’en étais pas totalement convaincu, et je ne me voyais pas tant le lui demander. Ce que je fis, c’est que j’accusai réception d’un hochement de tête, n’étant pas totalement persuadé que je pouvais me permettre de le lui demander. Gardant le silence, je lui donnai l’occasion de se montrer plus suppliant, me demandant s’il pouvait rester, ne serait-ce que quelques heures, signifiant qu’il allait repartir par la suite. Là, ce fut plus fort que moi, je lui demandai: « Pour t’absenter une nouvelle fois en cours demain ? » Rapidement, je le regrettai d’avoir été si direct avec lui, et je le fis savoir en marmonnant un petit « Désolé… » avant de me pincer les lèvres, m’important une réflexion supplémentaire avant d’ajouter quoi que ce soit. Je me permis même de baisser le regard, et une fois que j’eus repris de la contenance et que j’eus réfléchi davantage à mes propos, je dis: « Il y a des matelas de gymnastique dans l’entrepôt. Je vais tenter de te trouver une couverture à l’infirmerie… Et des compresses aussi, pour ton visage. » Enfin, pas dans l’immédiat, comme je le démontrai en ne bougeant pas, pas pour le moment en tout cas. Je voulais lui laisser aussi le temps d’assimiler ce que je venais de dire, en l’occurence que je lui donnais l’autorisation de dormir en ces lieux. Ce serait un peu idiot de ma part de ne pas lui laisser l’occasion de le faire alors que je me le permettais. Après, je ne pourrais pas le dire à qui que ce soit, j’en étais conscient, mais encore faudrait-il qu’il m’assure qu’il ait un toit sur la tête pour les nuits à venir. Par contre, je n’osais pas tant lui demander, alors je me contentai de simplement ajouter: « Tu peux aller t’installer dans le gymnase, si tu veux. » Et sur ce, je finis de ramasser mes affaires, allant pour vrai à l’infirmerie comme je l’avais mentionné dans un premier temps, dans l’intention de revenir quelques instants après.

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Johan était devant le fait accompli, il venait de dire à son professeur qu'il avait besoin d'un endroit où dormir pour la nuit, et au fond, pour toutes les nuits qui allaient suivre celle-ci, mais il se retient de le lui dire. Mais il ne fallait pas être surdoué pour comprendre dans quelle situation il se trouvait. Ses absences prolongées durant la semaine avaient sans doute débouchées sur des coups de téléphone à ses soit disant parents joignables au numéro qu'il avait fourni. Un faux numéro bien évidemment. Est-ce pour autant que l'administration avait cherché à le retrouver ? Non certainement pas, et d'un côté, ça lui allait très bien de la sorte.

Il supplia le professeur de le laisser dormir sur place tout en lui promettant de partir avant l'arrivée des étudiants le lendemain. Johan était habitué à ne dormir que quelques heures par nuit, parfois même, il ne dormait pas du tout, mais il devait affronter la journée qui se présentait devant lui. Mais les propos de son enseignant le firent relever la tête. Son air presque arrogant lui rappelant qu'il avait été absent toute la semaine. En soit c'était justifié mais l'allemand se sentait désormais en danger. Et si finalement il avertissait la direction ? Le garçon n'avait aucune idée de s'il pouvait lui faire réellement confiance ou non. Pour lui, la confiance est quelque chose d exceptionnel et il est très rare qu'il l'accorde à qui que ce soit, c'est tellement facile de se dire que manipuler un gosse est un jeu d'enfant.

" - Vous comprenez pas, j'ai rien à faire en cours. C'est pas ma place."

Sa place c'était avant toute chose de rester en vie, et ce n'est pas chose aisée quand on vit dans la rue et encore moins avec le fait d'avoir treize ans.

" - Merci.."

Il venait de recevoir l'autorisation de dormir dans le gymnase pour cette nuit, il savait que ce n'était qu'une nuit de trêve avant le retour à la dure réalité, le lendemain il allait devoir retourner au froid. Peu serein, il hocha simplement la tête avant de le voir s'éclipser. Johan n'avait pas besoin de tant de confort, quelques cartons en temps normal faisait largement l'affaire, mais il n'allait pas le lui dire pour griller entièrement sa couverture.

Il s'installa quand le professeur disparu de son champ de vision. C'était l'occasion pour lui de découvrir le calme assourdissant que renvoyait les murs du gymnase, tout comme ces lumières blanchâtre qui semblaient rester en permanence allumées. Un univers qui lui était bien étranger en soi, mais il n'allait pas s'en plaindre pour cette nuit, bien au contraire.

Johan s'était mis à même le sol, les bras enveloppant ses genoux, son dos collé au mur, ses sens en éveil. C'est bien souvent de la sorte qu'il passait la nuit, essayant de se réchauffer tant bien que mal, mais surtout, de veiller en permanence sur ce qui se passait autour de lui, au cas où il doive fuir en urgence, notamment lorsque les policiers viennent déloger les sans-abri. Le jeune garçon attendait, il n'avait pas d'autres choix de toute manière. Il savait qu'au retour de son enseignant, il allait sans doute devoir répondre à un interrogatoire, et il ignorait s'il y était préparé.

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Je dus avouer que je ne fus pas tant surpris d’entendre Johan me dire que les cours, ce n’était pas sa place, parce qu’il s’ennuyait. Non seulement, je m’en doutais depuis un bon moment, au vu de son jeune âge pour être au lycée, même à sa première année, mais de plus, il me l’avait fait comprendre lors de notre précédent entretien, et maintenant, il me le rappelait, plutôt clairement. Mais est-ce que cela pouvait vraiment tout expliquer ? Ça, je n’en étais pas persuadé, mais j’avais compris lors de notre dernier entretien qu’insister n’était pas utile, pas avec lui. Peut-être que je me trompais, mais j’avais le sentiment que Johan était du genre à se rétracter si jamais on insistait, qu’il s’ouvrait quand il se sentait en confiance. C’était comme ça que bien des élèves fonctionnaient, mais avec lui, c’était encore plus délicat. Et là, j’estimais que je n’avais nul besoin d’insister pour le moment, espérant que peut-être il viendrait à m’en parler, et idéalement changer d’idée sur le fait de faire école buissonnière, mais nous en étions encore bien loin. Pour le moment, je me contentai donc de me rendre à l’infirmerie pour lui apporter ce dont il avait besoin. Je fis seulement un détour pour attraper mes clés dans mon bureau, puis je me rendis dans la dite infirmerie. Rapidement, je trouvai ce dont j’avais besoin; une couverture, et une trousse de premiers soins portative, incluant des compresses et des bandages qui seraient plus que nécessaires à mon avis, en espérant toutefois que ce soit suffisant, puisque je n’avais pas de quoi lui faire des points de suture ou trucs du genre. Bon, il y avait toujours l’hôpital, mais je me doutais que ce ne serait pas chose simple de l’y emmener, surtout qu’il n’avait pas d’adresse fixe, tuteur légal ou quoi que ce soit du genre. Espérant sincèrement que tout soit bon, je pris le tout, refermai les lumières et la porte de l’infirmerie - me rappelant que je devrais rendre ce que j’avais dérobé le lendemain - puis je retournai au gymnase, retrouvant le jeune homme recroquevillé sur lui-même, les yeux écarquillés, offrant une vision particulièrement triste. Était-ce comme ça qu’il était au quotidien ? Devait-il toujours se soucier de son bien-être ? À cette idée, mon coeur se fendit un peu, mais sachant que ce n’était pas le moment de le montrer, je repris ma contenance, puis je m’approchai. Premièrement, je lui tendis la couverture, puis je déposai la trousse de secours à côté, lui demandant alors: « Tu veux t’occuper de tes plaies ou bien tu souhaites que je le fasse ? » Je préférais lui demander plutôt que de prendre quelconque initiative, histoire qu’il ne se sente pas agressé, et afin de pouvoir peut-être le mettre un peu plus en confiance, même si ça, je savais que ce n’était pas quelque chose que je pouvais prendre pour acquis.

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Dans un premier temps, il est clair que Johan n'était vraiment à l'aise avec les propos qu'avaient tenus son enseignant. Il se demandait même s'il était sage de rester la nuit ici. Qui lui disait qu'il n'irait pas avertir la direction dès le lendemain matin ? Certes l'allemand sera bien évidemment déjà parti, mais il n'en demeurait pas qu'ils renforceraient peut-être la sécurité s'ils avaient appris qu'il avait simplement du escalader la grille pour entrer dans le bâtiment scolaire.

Malgré sa bouille angélique, Johan n'avait rien d'un ange, en vivant dans la rue il avait développé tout un tas de compétences et il n'en était pas particulièrement fier. Comme le fait de pouvoir escalader toutes sortes de parois pour entrer là où il voulait, ou bien celle de savoir crocheter des serrures. Un objet métallique, un autre permettant de jouer jusqu'à trouver le point d'entrée. Rien de compliqué. En fait, il était en train de devenir un petit voyou, prêt à tout pour survivre, il lui arrivait, souvent, trop souvent même, de voler quelques aliments dans les étalages des marchands. Pour certains ça pouvait être un jeu, un défi entre amis mais pour Johan c'est une question de survie.

Est-ce qu'il aurait pensé mener cette vie là ? Pas le moins du monde, mais il y avait été contraint suite au décès de sa mère et au fait de devoir se débrouiller seul. Ce n'était pas facile tous les jours, il savait que tôt ou tard ses actions auront de lourdes conséquences, mais dans l'immédiat, il se contente de vivre au jour le jour autant qu'il le peut. Johan n'est pas du genre à faire des plans sur la comète, il ne sait déjà pas où il va dormir chaque soir, alors prévoir quelque chose serait totalement idiot.

Perdu dans ses pensées et sur la défensive, le jeune garçon sursauta en entendant la voix grave de son enseignant. Ce dernier était de retour avec une couverture et une trousse de secours afin de soigner les plaies sur son visage. Il déposa la couverture auprès de lui et le garçon se hâta de la mettre autour de ses épaules pour se réchauffer. Il était frigorifié à être resté dehors avec un temps pareil.

" - Je veux bien que vous le fassiez.."

Quil s'estime gagnant, en temps normal, Johan n'aurait jamais agit comme ça, peu importe avec qui. Il autorisait personne à le toucher, c'était bien une première pour l'allemand. Peut-être qu'il sentait que cet homme ne lui voulait pas de mal et qu'il cherchait simplement à l'aider ? Mais ce n'était pas pour autant qu'il lui faisait pleinement confiance. À la moindre hésitation, Johan était prêt à partir sans se retourner, c'est comme ça qu'il vivait depuis plusieurs semaines maintenant.

À cet instant précis, Johan ressemblait à un enfant de son âge, peut-être même un peu plus jeune. Un gamin fragile, détruit qui ne cherche qu'à se faire aider, mais demander de l'aide n'est guère facile pour lui qui a toujours dû se debrouiller seul. Pendant que le professeur s'occupait de son visage sanglant, quelques grimaces s'échappait à cause de la douleur.

" - Ça fait longtemps que vous dormez ici ?"

Avait-il le droit de se montrer aussi indiscret que ça ? Et s'il lui retournait la question ? S'il avait deviner que Johan vivait dans la rue ? Il aurait dû réfléchir à deux fois avant de poser cette question.

" - Qu'est-ce qui vous empêche de rentrer chez vous ?"

Vivait-il seul ? Avec ses parents ? Avec une copine peut-être ? Un rapide coup d'oeil sur la main sur le soignait lui suffit à apercevoir une bague. Une alliance plus exactement.

" - C'est à cause d'elle ?" fit-il en désignant du menton la bague et ainsi la personne à qui elle était relié.

Pourquoi un homme marié préfère dormir dans un gymnase, sur son lieu de travail plutôt que de rentrer chez lui, retrouver sa femme ? Les hypothèses ne manquaient pas, mais Johan était sans doute bien placé pour comprendre ce qu'il vivait, même s'il n'avait que treize ans.

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Tu es démasqué

Please know that you are not alone

Sitôt que Johan m’en donna l’autorisation, je n’attendis pas plus longtemps pour commencer l’opération qui était de panser ses blessures. Dans un premier temps, je regardai celles-ci plus attentivement, histoire de voir ce dont il aurait vraiment besoin. Puis, une fois que j’eus à peu près une idée de ce dont j’aurais besoin, je me mis à fouiller dans la trousse de premiers soins, en sortant dans un premier temps des compresses désinfectantes pour ses coupures, ce qui était, en mon sens, le plus urgent à soigner. Non pas qu’il était en train de se vider de son sang, mais une fois que celles-ci seraient pansées, ou du moins, désinfectées, j’étais certain que cela me donnerait une meilleure idée pour la suite, ce que je pouvais panser ou pas pour le coup. Attentivement, je me mis donc au travail, appliquant doucement les compresses sur les coupures, faisant gaffe à ne pas lui faire trop mal, sachant très bien que juste le contact du bandage alcoolisé sur la peau à découvert n’était pas agréable, comme il me le prouvait en grimaçant. Je le savais aussi, pour en avoir utilisé plus d’une fois sur ma personne, mais il fallait faire avec, pour aller mieux par la suite, j’en étais conscient, et ce fut pour cela que je ne bronchai pas, même en voyant les grimaces du jeune étudiant. Après, si jamais je faisais vraiment un mauvais boulot, je m’excuserais ou un truc du genre, mais là tout de suite, j’estimais que ce n’était pas nécessaire. Ce qui me fit broncher dans l’immédiat toutefois, ce fut au moment où il vint à me demander depuis combien de temps je dormais en ces lieux, pourquoi j’y dormais. Au fond de moi, je savais que cette question viendrait à un moment ou un autre, mais en toute franchise, je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi rapide. Légèrement perturbé, je ne sus pas vraiment quoi répondre, ou plutôt, je me demandais s’il faudrait que je lui réponde ou non et si oui, comment j’allais le faire. Mon premier réflexe aurait été bien sûr de lui mentir, trouver une excuse bidon pour expliquer pourquoi je dormais en ces lieux, comme une inondation chez moi ou un truc du genre, mais devant un élève aussi brillant, j’étais peu certain que ça passerait. Cette réalité me fut confirmée au moment où il reprit la parole, sans que j’aie eu l’occasion de dire quoi que ce soit, en venant à me demander si c’était à cause « d’elle ». Ne comprenant pas dans un premier temps, ne comprenant en fait pas comment il avait pu en venir à cette conclusion, je le compris quand il me désigna mon alliance, que je portais toujours au doigt. Je n’allais pas le nier, j’avais songé à l’enlever, mais puisque je tentais de garder ça discret, je m’étais dit que ç’aurait provoqué des réactions, même si je ne savais pas si ç’aurait été remarqué dans un premier temps. De toute façon, l’essentiel n’était pas là. L’essentiel, c’était qu’en ce moment, j’étais grillé, par un adolescent de treize ans. Enfin, pas totalement, je pouvais encore m’en sauver, mais ce que je craignais à ce moment, c’était que si jamais je ne lui disais pas la vérité, Johan ne m’accorderait pas sa confiance pour la suite, et avec lui, cette confiance, je l’estimais, était essentielle. Perdu, je ne sus quoi lui répondre, jusqu’à ce que j’en vienne à me dire que si moi, je gardais son secret, la moindre des choses serait qu’il garde le mien, en quelques sortes. Soupirant, je lui répondis donc: « Oui, c’est à cause d’elle. » Je marquai une pause, puis je me rendis compte que clairement, il n’avait pas besoin d’entendre mes geignements sur ma vie privée. Je me contentai donc d’ajouter, dans un haussement d’épaules: « Et plutôt que de vivre chez moi je préfère rester ici et me trouver un autre endroit où habiter. » Je me disais que c’était une réponse simple, une réponse qui ne m’avait pas obligé de vraiment parler de ma situation, une réponse qui, en mon sens, convenait parfaitement pour le moment, même si quelque chose me disait que le jeune homme ne s’arrêterait probablement pas qu’à ça.

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