She just wants a life for her baby, all on her own. + Maureen

Sans doute était-ce l’appel du danger, ou de l’adrénaline, qui avait poussé Alicia à accepter cette cigarette qu’on lui tendait. Ou bien était-ce juste l’envie de goûter à cette fameuse clope, à ce rouleau de tabac, à cette drogue dont tout le monde parlait. Toujours est-il qu’ elle avait dit oui à ses potes, il y a deux jours de cela. Depuis, elle avait également vu revenir les quintes de toux, qu’elle tentait de cacher à sa sœur Maureen... L’adolescente avait trouvé des excuses à chaque fois, que ce soit une odeur trop forte, une déglutition qui passe mal, bref elle avait eu de l’imagination et les excuses avaient fusé. Ce n’était pas certain que sa sœur l’ait cru, vu comme elle la surveillait. Mais c’était passé. Ali était porteuse d’une forme d’asthme aiguë qui l’obligeait à être suivie à l’hôpital et d’avoir un traitement à vie, sans oublier la ventoline. Alors fumer, c’était proscrit pour elle, évidemment. Mais quand on est jeunes, on a pas conscience des risques hein ? On se dit que de toute façon, ça ne peut qu’arriver aux autres. La preuve, il ne lui était rien arrivée ! Elle toussait mais c’était tout, c’est rien de la toux, non ? Elle n’avait pas encore eu de grosse quinte, celle qui l’empêchait de reprendre son souffle et de respirer. Du coup, elle avait continué, puisque que cela allait. Elle n’en avait pas fumé beaucoup, heureusement. Une ou deux dans la journée depuis deux jours. Pour ne pas se dégonfler. Pour suivre le mouvement du groupe. Pour faire comme ses potes. Sauf qu’elle n’était pas comme eux. Elle marchait donc avec deux de ses copines et un pote, sortant tranquillement du lycée. Elle traînait un peu, juste pour profiter de cet instant de liberté qui lui était octroyé. Cela lui faisait tellement de bien ! Et puis, le temps était assez clément et donc propice à ce genre de chose. Du coup, le petit groupe était tranquillement en train de discuter et de fumer leur clope tout en avançant vers l’arrêt de bus. Alicia essayait tant bien que mal de ne pas trop tousser à chaque bouffée de cigarette qu’elle prenait, elle ne voulait pas se mettre la honte devant ses potes. Elle n’avait pas l’habitude et elle avait encore un peu de mal à recracher la fumée et à ne pas l’avaler. Les rires allaient bon train, tout se passait plutôt bien. Alicia allait ensuite rentrer chez elle, une fois qu'elle aurait réussi à dissiper un peu l'odeur de cigarette, puis se serait attelée à ses devoirs, nombreux, comme chaque soir. Elle aimait les choses bien faites et elle s'appliquait toujours en ce qui concernait le lycée, et l'école en général. Ce qu'elle préférait, c'était les mathématiques, étonnamment. Mais aussi le français. Alicia adorait lire, c'était un de ses passe-temps favoris. D'ailleurs, elle passait énormément de temps à la bibliothèque pour emprunter de nouveaux livres, juste pour le plaisir. Sauf que rien ne se passait comme prévu. Au lieu de ça, alors qu'elle avait le sourire aux lèvres, ravie du moment qu'elle passait, elle vit la voiture de sa sœur, Maureen, passer par là. Elle devrait être au travail, alors elle hésita un moment, qu'est ce qu'elle ferait là ? Est-ce que c'était vraiment elle, ou juste la même voiture ? Elle glissa la main qui tenait sa cigarette derrière son dos et plissa les yeux, ne prononçant plus un seul mot, comme figée. La plaque d'immatriculation était bien la même. Son cœur se mit à battre, elle priait pour qu'elle ne l'ait pas vu ! Rapidement elle laissa tomber sa cigarette et l'écrasa avec son talon. « putain c'est ma sœur ! » s'exclama t-elle à ses potes, comme pour se prévenir elle-même qu'elle risquait de passer un mauvais quart d'heure si elle la voyait. Elle adorait sa sœur, elle l'admirait et lui était reconnaissante de la vie qu'elle lui offrait. Elle n'avait rien à voir avec l'ancienne, celle de quand elle était encore avec sa mère, qu'elle voyait très peu maintenant. Et puis, quand elle en avait le droit, c'était une visite médiatisée, elle n'avait pas trop compris pour quoi, mais on ne voulait pas la laisser seule avec elle. Pourtant, elle ne lui avait pas fait de mal. Pas intentionnellement en tout cas. Si elle s'était brûlée, ce n'était pas de sa faute, Alicia ne savait pas comment il fallait s'en servir, de cette baignoire... Pour elle, rien n'avait été grave, et elle n'avait jamais vraiment compris pourquoi elle ne pouvait plus vivre avec elle. Les adultes sont toujours en train de se chercher des problèmes des uns aux autres... Mais bon, elle devait avouer qu'elle préférait vraiment cette vie là, même si elle ne voyait plus souvent Sofia maintenant. Elle vivait avec Maureen et dans l'ensemble ça se passait bien. Sauf que là, elle avait beau l'adorer, Alicia allait quand même la maudire un peu, voire la détester, si elle la chopait. La voiture ralentissait, elle arrivait à sa hauteur. La jeune fille regardait ailleurs, essayant de faire comprendre à ses potes qu'ils fallait qu'ils écrasent leurs cigarettes rapidement s'ils voulaient garder contact avec elle... Le doute pourrait toujours être permis de cette façon, Maureen aurait pu mal voir de loin... Et puis, la voiture  s'arrêta et cette fois,  Alicia en était sûre et certaine, c'était bien sa grande sœur dans cette voiture. Oh, comme elle avait envie de fuir.... Loin, très loin d'ici. Pour le moment, elle sortit son plus beau sourire quad la fenêtre côté passager s'ouvrit. « Coucou... qu'est ce que tu fais ici ? Tu travailles pas ? » Elle avait prit sa voix douce. Celle qui lui dit "non non, tu as mal vu, je ne faisais rien de mal". La même voix qui lui disait "évidemment que je suis coupable." Elle attendait juste que la sentence tombe. Le moment ou sa soeur allait lui tomber dessus avec tous les arguments du monde justifiant qu'elle était complètement inconsciente de fumer avec sa pathologie. Et Ali n'aurait pas vraiment d'excuse parce qu'elle avait raison. Et même si elle en avait, elle savait à quel point son ainée détestait avoir tord...

Des volutes de fumées s’échappaient des lèvres d’Alicia et ce n’était pas sa bombe de ventoline qu’elle avait dans la main. Maureen s’était penchée en avant et avait plissé les yeux en apercevant sa fille à l’arrêt de bus. Au départ, ça n’avait qu’été que pour vérifier s’il s’agissait bel et bien d’elle mais ce qu’elle voyait la laissait sans voix. Son sang n’avait fait d’un tour et elle n’arrivait tout bonnement pas à en croire ses yeux. Comment est-ce que l’adolescente pouvait être aussi inconsciente, ça la dépassait. Mais elle ne voulait pas y croire, elle n’en avait clairement pas envie. Alicia était censée être cette fille raisonnable et intelligente. Elle n’était pas comme elle, n’était comme personne qu’elle connaissait. Elle était bien meilleure. Jamais, ça lui viendrait à l’esprit de faire une chose aussi stupide que de s’aventurer à fumer une cigarette quand elle savait ce qu’elle risquait. Mais elle avait besoin d’en avoir le cœur net, elle avait besoin de se confirmer que la chaire de sa chaire n’était pas suicidaire. Peut-être qu’elle avait mal vu. Elle avait été loin et elle espérait tellement être dans le faux. Alors elle arrêta sa luxueuse voiture juste devant le bus stop bien qu’elle n’ait absolument pas le droit de le faire. Elle allait même jusqu’à baisser la vitre côté passager de son véhicule et se penchait pour avoir une vue plus dégagée. A ses pieds, elle pouvait voir ce mégot qui avait été écrasé. Ça aurait pu être celui de quelqu’un d’autre car après tout, la majeure population de cette ville était consommatrice. Mais la Latina avait le sens des détails et le rouge à lèvre qui entachait le mégot était exactement celui que la petite brune avait sur les lèvres. Pourtant, elle refusait toujours d’y croire. Personne ne pouvait être aussi stupide. Personne ne pouvait avoir des envies de morts aussi prononcé! Le reste du monde peut-être mais pas Alicia. Jamais elle ne se ferait ça, jamais elle ne lui ferait ça à elle. Mais le timbre de sa voix trahissait sa bêtise et encore là, elle ne voulait pas le croire. Elle détachait sa ceinture, sortait de son automobile pour en faire le tour jusqu’au trottoir. Elle jeta un bref coup d’elle vers les potes de la jeune adolescente, tous cachaient derrière leurs dos des clopes entamées. La brunette s’approcha alors de sa fille, attrapa sa main et porta ses doigts à son nez. L’odeur du tabac froid ne pouvait être ignorée. « Tu te fous de ma gueule, Ali? », le dénie dans lequel elle était s’évaporait peu à peu et elle tombait de haut. Maureen ne pouvait s’empêcher d’assembler alors les quelques pièces de puzzle qui se présentait à elle. Ce n’était pas la première fois qu’elle fumait, ça ne se pouvait pas. La coïncidence était bien trop frappante. Rapidement, elle reliait les points et elle comprenait que les quintes de toux que l’adolescente avaient eu récemment ne pouvait qu’être lié à cette nouvelle lubie. Elle relâcha sa main comme si elle avait été brûlée. Maureen se sentait trahis par les mensonges répétés de la jeune fille. Mais par dessous tout, elle était en colère et incroyablement déçue. « Putain, t’es vraiment une pauvre gamine inconsciente! », elle désarme une cigarette de la main d’une de ses potes, la plus proche et lui brandi l’arme du crime sous les yeux. « Ça, ca peut te tuer! Comment tu peux être aussi conne? », elle ne mâchait pas ses mots. Elle est trop dure, elle en avait conscience mais elle ne pouvait pas laisser faire ça. Elle ne peut pas. Maureen ne pouvait  pas laisser sa fille se suicider, elle ne pouvait pas. Elle écrasait la clope dans sa main, sa paume s’enflammait , la lançait , lui brûlait mais elle n’y faisait même pas attention. A la place, elle lèvait les yeux vers ses amis. « Elle est asthmatique. Le simple fait de respirer les effluves de vos clopes peut lui faire faire une crise. C’est ça que vous voulez être plus grand? Des assassins? », elle voyait rouge et la situation lui échappait totalement. Elle retournait son attention sur Alicia, son regard dur. « On rentre. », froid, ferme.

Alicia se sentait terriblement mal en cet instant. Et elle ne savait pas ce qui était le pire. Se faire prendre en flagrant délit de connerie, ou se taper la honte devant ses potes. Elle n’était qu’une simple adolescente et cet après midi, elle avait simplement voulu s’amuser. Fumer cette clope, faire ce geste qu’elle pratiquait depuis deux jours maintenant, semblait pourtant si anodin ! Et même si elle avait eu des quintes de toux lors des premières bouffées, elle n’y avait pas fait très attention. Après tout, ses potes lui avaient expliqué que c’était normal au début, qu'elle n’avait pas encore appris à recracher la fumée et que ça faisait tousser. Pourtant, ce n’était pas si bénin comme action pour la jeune Alicia. Elle n’en avait pas vraiment conscience, mais fumer une cigarette avec de l’asthme, c’était très dangereux. Déjà avec un asthme ”classique” cela entraînait une inflammation des bronches, mais avec sa forme d’asthme à elle, cela ne pouvait qu’être pire. Et même si elle avait sorti sa voix la plus innocente du monde quand la voiture de sa sœur s’arrêta sur le bord de la route, elle savait que Maureen savait. Son regard la trahissait. Elle n’arrivait de toute façon pas à lui mentir. Sa sœur était bien trop douée pour déceler les mensonges... et lorsqu’elle l’a vit sortir de son carrosse, d’un pas pressé, Ali eut un mouvement de recul. Ce fut pire quand elle lui attrapa la main pour la porter à son nez. Putain, elle allait loin quand même. Et la, Ali ne pouvait plus mentir, cela sentait forcément la cigarette. Elle avait envie de s’enfoncer six pieds sous terre, et partir loin, très loin d’ici. Elle vint lui demander si elle se foutait de sa gueule, tandis que la jeune adolescente tentait de dégager sa main de la sienne. Elle n’osait même plus regarder ses potes. Elle détestait Maureen en cet instant. Qu’est ce qu’elle lui faisait ?! C’était pas si grave quand même ! Et quand elle ajouta qu’elle n’était qu’une pauvre gamine inconsciente, c’est naturellement et impulsivement que ses lèvres s’articulèrent. « Je crois que j’ai eu un bon modèle pour ça. » c’était méchant, et complètement gratuit. Surtout, elle l’admirait tellement Maureen que c’était idiot de sortir ça. Même si elle savait très bien que son adolescence avait été mouvementée. Depuis qu'elle vivait avec elle, Ali n'avait pas remarqué que sa grande sœur était inconsciente. Son aînée attrapa une cigarette dans la main d’une de ses potes, qui pourtant l’avait caché. Sous ses yeux, elle agitait l’arme du crime, la clope, lui demandant comment elle pouvait être aussi conne. Boum. Premier coup de poignard dans son coeur. Jamais, oh non jamais, Maureen ne lui avait dit de telles choses. Et Alicia lui en voulait. Et elle s’en voulait. Tout ça était de sa faute. Elle ne disait rien, se laissant humilier davantage devant ses potes quand Maureen leur annonçait que rien que la fumée pouvait provoquer une crise à Alicia. C’était sûrement vrai, sauf qu'ils n'y étaient pour rien ! Et puis, elle ne pouvait de toute façon pas vivre toute sa vie dans une bulle ! Partout, des gens fumaient, et jusque là elle n’avait pas eu davantage de problèmes. Lorsque Maureen eut terminé son petit discours, c’est de nouveau à elle qu’elle s’adressa. Elle ne lui laissait pas le choix, elles allaient rentrer. Alors, elle fit un signe à ses amis, malgré tout, puis grimpa dans la voiture. Et c’est évidemment au moment où elle attachait sa ceinture, morte de honte, qu’une quinte de toux se présentait à nouveau. Putain de maladie de merde ! Elle toussa pendant quelques secondes, comme pour donner raison à Maureen de lui passer un savon. Mais ce n'était peut-être même pas à cause de la cigarette mais plutôt à cause du stress qu'elle était en train de lui causer ! Elle ne disait plus rien, bien trop humiliée pour ça. Elle regardait droit devant elle. Et puis, un mensonge. « C’était la seule fois... » est-ce qu’elle s’enfonçait davantage ? Certainement. Mais une fois qu’on est au fond du trou, peut-on vraiment creuser davantage ? Et puis merde, qu’est ce qu’elle faisait là, sa sœur ?! Elle n’aurait jamais dû être là et devrait plutôt être en train de travailler.... mais il n’était pas nécessaire qu’elle lui pose la question, Ali savait qu’elle n’obtiendrait pas de réponse, et que le pire restait à venir. Quelle vie de merde. Parfois, elle se disait qu'elle ne causait que des soucis à sa sœur et qu'elle aurait peut-être été mieux dans une famille d'accueil.

Sa réplique lui faisait l'effet d'une gifle qu'elle aurait pris en pleine figure. Jamais de sa vie, elle n'aurait pensé Alicia capable de lui balancé des mots aussi perfides. Juste dans le but de blesser, de faire mal. Et bien qu'elle en ait conscience. Que ce ne serait au bout de la journée que des mots bêtes et méchantes, l'effet principale était escomptée. Parce qu'elle avait raison. Elle n'avait jamais qu'été une pauvre excuse d'humanité. Elle n'a jamais été la mère qu'elle aurait dû être pour elle et elle n'a même pas été fichu d'être la sœur qu'elle se disait être. Et dire qu'elle n'avait pas voulu l'abandonner à sa naissance pour passer tout le reste de sa vie à l'observer de loin, vivre une vie qu'elle n'aurait jamais souhaité à personne. Dans ce quartier pourrie, avec cette mère qui n'avait jamais su en être une. Mais c'est âme que Maureen avait choisi de sacrifier pour offrir à cette fille, sa fille, une meilleure vie. Une vie où il lui serait possible de réaliser ses rêves, d'acquérir ce qu'elle désir. Et ce n'était sûrement pas en tirant une latte de trop qu'elle aurait cette chance. Alicia jouait avec le feu et elle ne s'en rendait même pas compte. C'était peut-être sa faute. Peut-être que si elle avait été une meilleure personne, elle aurait été capable d'inculqué à sa fille des choses et d'autres qui l'aurait amené au bout du compte à refuser cette clope. Mais elle n'était pas un modèle. En tout cas, pas un bon. La vie qu'elle menait était dégradante, humiliante et c'est bien la raison pour laquelle, Alicia ne devait jamais apprendre qu'en réalité, elle était un être plus répugnant qu'il ne lui serait possible d'imaginer. Maureen était une menteuse et une putain d'hypocrite mais ça n'avait aucune importance parce qu'elle ne risquait certainement pas d'en crever. «  Chérie, être qui je suis ne me conduira pas six pieds sous terre. », ou peut-être que si. Elle ne vivait pas la vie la plus saine du monde et fricoter avec des politiciens était toujours un métier à hauts risques. On ne savait jamais quand le couperet finirait par abattre sur votre tête. La latina avait fermé son visage par fierté. Il était pour elle hors de question que qui que ce soit, même sa fille parvienne à apercevoir sur ses traits l'impact que pouvait avoir certain mot aiguisé sur son cœur déjà meurtris. De toute manière, elle était bien trop en colère pour laisser paraître une autre émotion ou s'en soucier si par mégarde, ça avait été le cas. Elle avait claqué sa portière bien plus fort que c'était nécessaire, faisant trembler les jointures métalliques. Ses mains parfaitement manucurée se resserraient autour de son volant et elle pouvait sentir sa peau calcinée par le mégot de cigarette coller au plastique. Pourtant, elle ne desserra aucunement sa prise. Elle accueillait cette douleur comme le réconfort d'une vieille amie. La belle s'était à peine engagée sur la route qu'elle arrêtait aussitôt toute manœuvre quand sa fille se mit à tousser. Maureen avait beau lui en vouloir, beau ne pas vouloir lui adresser la parole pour l'heure. Elle ne supportait pas de voir ce qu'elle s'était infligée. Et même si tout était sa faute, même si elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même. L'inquiétude et la peur lui terrassaient ses entrailles. Derechef, elle avait ouvert la boite à gant pour en sortir la ventoline qu'elle y gardait tout le temps en cas de besoin pour l'approcher de son visage, de ses lèvres. Mais la quinte finit par se calmer et ses mots la figeait dans son élan. Elle lui déposa finalement la pompe entre ses doigts. « Tu mens. », elle le sait et cette fois, elle ne compte pas lui faire le plaisir d'avaler ses bobards. Maureen n'était pas née de la dernière plus et si Alicia souhaitait tester ses limites, ce n'était pas avec elle qu'elle pourrait s'y risquer. Ses mains retrouvaient leur places initiales sur le volant et c'est en silence qu'elle prit le chemin de la maison. La latina était bien trop remontée contre sa fille pour se risquer à dire quoique ce soit. Elle savait qu'elle dépasserait les bornes, qu'elle dirait des choses qu'elle ne penserait pas forcément et finirait par blesser la jeune femme et ce n'était pas son intention. A Alicia, elle n'avait jamais envie de faire du mal, jamais. Elle jugeait qu'elle en avait involontairement ou pas, suffisamment fait. A destination, elles finirent par arriver. Dans le parking souterrain privatif à l'immeuble, elle garait son véhicule. Contrainte de grimacer quand finalement, elle décollait sa paume du plastique circulaire. Sans un mot toujours, elle s'extirpait du véhicule mais ce silence la pesait, elle n'était pas habituée à intérioriser ses émotions. Ce n'était pas son fort mais celui de Raquel et avec Alicia, elle n'était jamais son alter-ego. Ce fut dans l'habitacle métallique de l'ascenseur qu'elle perdit finalement son semblant de sang froid. Son regard sombre, tempétueux, orageux se posait sur celui de l'adolescente. Sévère. Et dire qu'elle a pratiquement arrêté la clope pour son bien. « T'es vraiment une gamine ingrate. », qu'elle lui lâchait finalement.

La colère avait fait dire des mots qu’Alicia regretterait d’ici quelques heures. Ce qu’elle venait de balancer à sa grande sœur, son modèle, c’était juste méchant et gratuit, et surtout dans le but de la blesser. Mais Maureen n’était pas du genre à montrer ses sentiments, et Ali la voyait comme une femme forte qui pouvait tout encaisser. C’était très sûrement faux, évidemment, personne n’est intouchable. Ali ne rajoutait rien, se contentant de regarder sa sœur l’humilier encore et encore devant ses potes. Jamais elle ne s’était sentie aussi mal et aussi honteuse. Sa sœur reprit la parole et Alicia baissait la tête, comme une enfant privée de télé. C’est exactement la façon dont elle se sentait, infantilisée. C’était inhabituel puisque dans sa vie, elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion d’être une véritable enfant. Son enfance n’avait été qu’un vulgaire cauchemar mais son adolescence tendait à être mieux, et c’était grâce à Maureen. Elle ne lui répondait rien, parce qu’elle avait raison. Si Maureen pouvait être inconsciente -et encore, Ali ne savait rien de sa double vie- cela ne devrait pas la tuer. La jeune adolescente avait tellement de mal à croire son aînée. Comme la cigarette pourrait la tuer, vraiment ? Ce n’était que du tabac et à petite dose cela ne devait pas être si terrible. Mais dans cette situation, cela rappelait juste à l’adolescente que c’était Maureen l’adulte. C’était Maureen qui avait l’ascendant sur elle et jamais elle ne s’y ferait. Cette forme d’autorité que sa sœur lui donnait était tellement différent de cette enfant livrée quasiment à elle-même. Elles montèrent dans la voiture et Ali ne put s’empêcher de regarder les mains de sa sœur se poser sur le volant. Elle était tellement tendue et c’était à cause d’elle. Sa main était brûlée et ça aussi, c’était à cause d’elle. Et cette putain de toux qui revenait se pointer l’air de rien au moment le moins opportun. Elle détestait ce putain d’asthme qui lui gâchait la vie à chaque fois qu’elle voulait faire quelque chose de « cool ». Maureen avait arrêtée la voiture et même si Alicia pouvait ressentir toute sa colère envers elle, elle ressentait également cette inquiétude. Davantage encore lorsqu’elle lui sorti sa ventoline de la boîte à gants. Mais la toux de la jeune adolescente se calma. Maureen lui avait mit entre les mains sa ventoline mais Alicia n’en voulait pas. Honteuse, en colère, elle l’a jeta au sol, ajoutant qu’elle n’avait fumé qu’une seule fois. Il ne fallait pas être devin pour savoir que c’était faux. Maureen le devinait immédiatement d’ailleurs, et Alicia se réfugia dans le silence. Le trajet jusqu’à l’appartement était froid. Jamais l’ambiance entre les deux jeunes femmes n’avait été aussi glaciale et Ali n’arrêtait pas de se répéter que c’était de sa faute. Et déjà, elle voulait à nouveau retrouver les effluves de la cigarette, sentir les effets dans son corps. Alicia se sentait coupable oui, mais elle ne regrettait pourtant pas. C’était paradoxale toutes ces émotions qu’elle ressentait alors qu’enfin, Maureen lui adressa la parole. Alicia se tourna vers elle, lui jetant un regard noir. Et des mots tellement durs et tellement cruels avaient envie de sortir de sa bouche. Mais Alicia ne voulait pas perdre l’amour de sa sœur. Le seul véritable amour qu’elle n’ait jamais eu. Mesurant ses paroles, elle articulait. « Et toi, t’es une soeur de merde, je te déteste putain ! Comme si une cigarette pouvait me tuer ! Tu crois pas que je devrais être déjà morte si c’était le cas ? » Alicia était tellement inconsciente et elle ne se rendait tellement pas compte de ce que la cigarette pouvait infliger à ses poumons déjà bien abîmés. Non, elle ne savait pas, elle n’avait pas conscience que sa maladie était si grave. Parce que, combien de fois les médecins avaient demandés à parler aux responsables légaux de la jeune adolescente et non pas directement à elle. Combien de fois ils l’avaient mise à l’écart alors que c’était elle la principale concernée ! Et pendant ce temps là, ni elle ni Maureen n’avaient appuyé sur le bouton de l’étage de leur appartement. Les portes étaient fermées mais elles ne montaient pas. Alicia jeta un regard sur la main de sa grande sœur. Brûlée, elle l’était, et c’était de sa faute à elle. Et malgré toute la haine et la colère qu’elle ressentait, elle ne put s’empêcher de lui demander. « Ça va ...? »

Une sœur de merde. A cet instant, Maureen aurait aimé lui dire qu'elle n'était pas et n'avait jamais été sa putain de sœur. Qu'elle était sa mère, la femme qui l'a mise au monde, bordel. Celle qui préférerait mourir, s'arracher le cœur plutôt que de lui voir arriver quoique ce soit. Qu'elle était son sang, la chaire de sa chaire. Qu'elle était ce qu'elle avait de plus beau, de plus précieux. Parce qu'elle avait été faite d'amour, d'un amour si fort, si ardent que jamais il ne pourrait s'éteindre mais ces choses là, elle n'avait pas le droit de les dire. Pour dire la vérité, elle avait laissé passer ses chances et aujourd'hui, elle n'avait que ce mensonge à maintenir. Il était après tout, le fondamental pilier de son château de carte. Elle disait la détester et aujourd'hui, elle n'avait fait que s'emporter parce qu'elle avait été inquiète. Dans sa poitrine, elle ressentait les lacérations profonde que ses mots avaient sur son cœur mais elle resta de marbre. Comme si son cœur avait été fait de pierre. « Mais je suis ce que tu as de mieux. Sans moi, t'aurais une vie de merde. Sans moi, t'aurais personne. », mais son cœur n'est pas de pierre et ses mots sont méchantes, gratuites. Mais elle ne sait pas réagir autrement. Elle est cette animal qu'on aurait blessé, qui n'aurait plus d'autre choix que de mettre toute sa force et sa férocité pour se défendre. La belle brune arqua un sourcil, les yeux plissé, secouant doucement la tête de gauche à droite face à la bêtise dont l'adolescente pouvait faire preuve. « C'est ça que tu veux ? Je savais pas que t'étais une putain de suicidaire,  Ali ! Tu te rends même pas compte de la chance que tu as d'être encore en vie ! Quand tu vas te prendre pour une grande et fumer des clopes, essaie de réfléchir comme tel. Là, t'es juste une gamine qui ne peut être plus conne. », elle s'emporte clairement et cette situation la gave. Comment est-ce qu'on peut vouloir bien faire et finir par mettre les deux pieds dans le plats. Comme quoi, même avec toutes les bonnes intentions du monde, le succès n'était jamais garanti. La belle brune soupira longuement, passant sa main saine sur son visage. Excédée, au bout du rouleau. « Non, ça va pas, Ali. Je peux pas tout faire toute seule. J'ai besoin que t'y mettes du tien. », elle s'épuise, se plie en quatre pour sa fille. Elle dégrade son corps, son estime pour lui offrir la meilleure vie qui soit. Est-ce trop que d'attendre que l'adolescente soit un minimum responsable de sa propre santé ?

Maureen était dure dans ses mots. Alors Alicia, piquée dans son estime et dans son amour pour cette femme, faisait de même. Non elle ne l’a détestait pas, et non elle n’était pas une sœur de merde. Mais elle avait envie de la blesser, de la toucher comme elle, venait de le faire. Maureen avait raison. Ali le savait. Sa sœur était ce qu’elle avait de mieux dans sa vie, et sans elle.... elle se serait retrouvée en famille d’accueil, avec des visites médiatisées pour voir sa famille. Enfin, Maureen quoi. « J’ai Sofia aussi. Même si tu veux jamais la voir. » Elle lui manquait terriblement. Elle avait toujours grandie avec ses deux sœurs à ses côtés et depuis que Sofia était partie, elle avait envie de la rejoindre, de passer quelques jours la bas. Mais Maureen prétextait toujours qu’elle avait trop de travail pour ça. Et Sofia... ne montrait pas tellement d’enthousiasme à l’idée de revenir par ici. Entre les deux femmes, c’est Alicia qui souffrait de son absence... D'autant plus, qu'elle n'avait jamais compris les véritables raisons de son départ. Elle l'avait un peu vécu comme un abandon. E bizarrement, ça résonnait en elle, l'abandon. Comme si elle l'avait déjà vécue... Par son "père" notamment, qu'elle ne connaissait pas. D'ailleurs, Alicia se disait qu'elle tenait de lui. Elle ne ressemblait pas en grand chose à sa mère, mise à part un peu physiquement. Mais sinon, c'était son contraire. Ali aimait lire, elle aimait se cultiver, n'aimait pas faire du mal aux autres. Sa mère en avait fait tellement autour d'elle... La jeune adolescente baissa la tête. Elle encaissait les mots, ces mots si durs que Maureen lui balançait en pleine figure. Suicidaire. Conne. Peut être qu’elle l’était finalement. Peut être que si elle n’était pas née, tout aurait été plus simple pour tout le monde. « Il y a tellement de choses que tu ne sais pas sur moi Maureen. T’es pas ma mère alors tais toi... » Et Alicia trouvait vraiment que sa sœur en faisait trop. Beaucoup trop. Pour une cigarette ! Une vulgaire clope. Alicia n’y voyait pas tout ce mal. Elle n’y avait même pas songé. Maureen avait raison, elle était conne. Idiote. Inconsciente. « Je parlais de ta main. Elle est brûlée. » Le reste, elle s’en fichait. Depuis quand les adolescents se souciaient des problèmes qu’ils pouvaient causer et de l’inquiétude qu’ils pouvaient créer ? Alicia appuya enfin sur le bouton de l’ascenseur. 3ème étage, c’était le leur. La peau sur la main de sa soeur était à vif, et rien qu'à regarder, elle avait mal pour elle.