Que devient l'inconnu dans l'équation de la famille ? ♠ Neryllis

J’adorais cette partie de week-end où je pouvais souffler et me reposer. Enfin… c’est ce dont je pensais. Je venais de terminer mon chapitre quand la voix de Daisy me sortir de ma lecture. Je jetais un œil vers la pendule et compris, c’était l’heure de la sieste. A croire que cette petite était réglée comme une horloge pour se coucher à la même heure. Je lui souris, pose mon livre et attrape sa main pour l’emmener dans sa chambre. « Je vais coucher Daisy. » Je regarde Neil et lui souris avant de monter les escaliers menant à la chambre de la petite. Cette arrivée nous avait bouleversés, ça avait été compliqué mais maintenant on arrivait à avoir une routine. Enfin… presque car je n’arrivais toujours pas à me faire à l’idée que Daisy restera à jamais à la maison et qu’on allait devoir poursuivre son éducation. Ce qui n’a pas l’air de dérangé mon mari qui s’en occupe comme une princesse. Ca m’enlève un poids, je dois l’avouer mais quelque chose me dérange et je ne saurais dire quoi. Je la mets dans son lit et m’assois à ses côtés pour attraper un livre au dessus de sa tête de lit. « Tu veux que je te lise une histoire ? » Avec un hochement de tête, j’entame le livre que j’ai pris, c’est la belle et la bête, mon histoire préférée aussi quand j’étais jeune. A croire que cette petite me ressemble en quelques points. Je lui lis l’histoire et une fois que je la vois fermer les yeux, je dépose un baiser sur son front caressant ses doux cheveux avec un sourire sur mon visage. Cette petite remplit un espace qu’il manquait dans mon cœur mais qui en créé un par la même occasion. A chaque fois que je croise son regard, j’ai l’impression de voir Coleen et pas que. Je me lève, la regardant une dernière fois en souriant toujours d’adoration de voir ce petit visage si paisible après les évènements qui se sont passés récemment. Descendant dans le salon, je passe devant Neil pour aller dans la cuisine, histoire de me préparer un thé. « Tu veux boire quelque chose ? » J’ai baissé le son de ma voix, je sais que Daisy a un sommeil assez profond mais je ne veux pas la réveiller alors qu’elle vient juste de fermer les yeux. Je soupire en m’accoudant contre le plan de travail, attendant que mon eau chauffe. Me frottant le front, je me sers mon thé avant de rejoindre Neil sur le canapé, posant mes jambes sur les siennes. « J’adore ce calme. » Je n’étais plus habituée à avoir tant de paroles pendant les repas, enfin si les jumeaux racontaient leur journée mais avoir une fille, ça parle beaucoup en fait et je ne m’en étais pas rendue compte. Je ne me rendais pas compte que les jeunes enfants parlaient beaucoup, j’étais si loin de ça que maintenant ça faisait bizarre de retomber là dedans. Portant ma tasse à mes lèvres, je bois une gorgée avant de poser ma tasse sur la table basse pour attraper mon livre, passer du temps ainsi ne me dérange pas en fait, c’est plutôt confortable d’avoir rien à faire que de lire et de passer du temps avec l’homme qu’on aime. Mais je ne peux pas lire une ligne sans que mon cerveau ne travaille à toute vitesse. C’est le moment aussi, oui, peut être qu’il faut en parler ? Je me pince les lèvres et me redresse pour mettre mes jambes sous mes fesses, faisant face à Neil. « Dis, chéri, je crois qu’il faut qu’on discute d’un point important. » Je m’engage dans un terrain délicat, je le sens, il est si proche de la petite que j’ai peur de le vexer ou bien de le voir se renfermer. « Il faut qu’on parle de Daisy. » Je m’arrête là, je sais que j’ai toute son intention à présent. Je souris doucement, histoire que ça passe bien et pas comme un reproche, loin de là. C’est juste qu’en tant que maman, je me dois de parler de ça surtout quand ça touche Chip et Skye.

Neil savait qu'il allait faire un terrible retraité. Deux jours de repos par semaine lui suffisait amplement. Juste assez pour profiter pleinement de sa famille, se relaxer et faire les petites choses qui passaient au deuxième plan lors de la semaine. Il n'avait pas besoin de plus. Plus et il s'ennuierait sans doute. Quoique, si sa femme était tout aussi libre que lui, les enfants grands et indépendants, ils auraient largement de quoi passer le temps à deux et profiter de leur seconde vie. En attendant, Neil appréciait son weekend, les pieds allongés devant lui sur le canapé et un livre à la main. Il avait avancé de seulement cinq pages dans la semaine et s'était aujourd'hui donné pour mission d'au moins passer au chapitre suivant! Sa femme l'accompagnait dans son activité, jusqu'çà ce que la voix de Daisy les tira de leur lecture. Il était l'heure de la sieste et Amaryllis se porta volontaire pour cette mission. Neil hocha la tête lorsqu'elle l'informa de ce qu'elle allait faire, la regardant sortir de la pièce avec un sourire. Neil n'aurait franchement su dire si cette situation était une récompense ou un coup du destin pour lui faire avouer ses pêchés, mais il suffisait de regarder Ama pour oublier tout le négatif. Elle était heureuse, c'était indéniable. Elle qui avait toujours rêvé d'une fille. C'était à croire que le pseudo adultère de Neil été arrivé pour une raison bien précise, comme s'il avait été destinée à créer cette petite fille pour qu'elle puisse un jour combler la vie de sa femme. C'était absurde et n'enlevait en rien ses fautes ou l'accident tragique qui avait arraché Daisy à ses vraies parents. Mais les faits étaient là: Amaryllis aimait cette petite, autant que Neil pouvait l'aimer, et elle était désormais un membre à part entière de cette famille. Comme elle aurait toujours dû l'être. Chaque moment passé avec elle, Neil se demandait où il avait trouvé la force de rester à distance pendant les six premières années de sa vie. A faire comme si cette fille n'était pas la sienne, à ne pas s'enquérir de ses passions, de ses rêves, de ses peurs. S'il avait été prudent au début, incertains quand à l'assimilation de la jeune fille dans sa nouvelle famille, il n'avait désormais plus de retenu. Il agissait comme le père qu'il aurait toujours pu être pour elle. Ama redescendit quelques minutes plus tard, avant de lui proposer une boisson.  « Non merci, chérie » lui répondit-il, laissant sa main caresser son poignet lorsqu'elle passa devant lui. Lorsqu'elle réapparu dans le salon, Neil déplia ses jambes pour lui faire de la place. Elle entremêla ses jambes aux siennes, laissant la chaleur de sa peau se diffuser contre la sienne. Neil avait abandonné toute lecture, son regard occupé à dévisager sa femme. Calme, sereine, et naturellement éblouissante, elle était la définition même de confort. Neil réalisa sur le moment qu'il ne lui avouerait jamais la véritable origine de Daisy. Premièrement, l'intérêt était vain. Elle était leur fille à présent. Deuxièmement, Neil ne pouvait se soumettre à risquer, ne serait-ce qu'un instant, de perdre cette femme. Elle lui pardonnerait, il en était convaincu, mais ne le regarderait plus de la même manière, et ça, il ne pouvait l'envisager. Elle était la femme de sa vie, et il n'allait pas lui donner les armes pour en douter. « Moi aussi » répondit-il. « Un miracle dans une maison avec deux gars plein d'hormones et une petite fille » continua-t-il. Il disait cela, mais il n'aimait rien de plus qu'une maison animée par les éclats de voix des enfants. Les paroles énergétiques de Chip, les récits posés de Skye, les rires légers de Daisy, autant de choses qui lui manqueront inévitablement lorsque viendra le moment pour eux de voler de leurs propres ailes. Neil fut arraché de ses pensées lorsque les jambes de sa femme se délièrent des siennes. Un coup d'œil sur son visage et il réalisa qu'une conversation sérieuse allait se produire. Sur quoi? Sur qui? Daisy. Neil se figea un instant. Il ne pouvait imaginer l'expression sur son visage mais se força à adopter un air neutre. « Daisy? » répéta-t-il, prudent. Il ne pouvait pas s'agir de ce qu'il pensait, n'est-ce pas? Elle n'avait aucune moyen de savoir la vérité. Aucun. Il valait mieux qu'il fasse l'idiot. Elle lui souriait. C'était bon signe non? Elle lui aurait plutôt balancé son livre à la tronche si elle était sur le point de le confronter à son petit tango avec sa défunte meilleure amie. Et ok, c'était très glauque dit comme ça. « Il y a un problème? Elle t'a dit quelque chose? ».

J’aurais pu rester plus longtemps dans ce fauteuil s’il n’avait pas eu Daisy. Parfois j’oubliais sa présence tellement elle était discrète et qu’elle ne faisait pas de bruit. Je devais avouer que je m’étais attendue à pire mais ça allait, elle était si douce et calme que je ne pouvais pas nier que le fait de l’avoir à la maison me rendait heureuse. J’avais … du moins, j’avais une fille… C’était aussi un sujet délicat pour le moment mais il allait falloir y penser pour que ce soit plus simple pour tout le monde. Cependant, en voyant son visage et celui ravi de Neil, je n’avais pas envie de briser ces moments. C’était tellement beau que je les gravais dans ma mémoire. Neil était si heureux que je l’étais également. Même si ça posait des soucis, du moins avec les garçons, nous étions une famille et nous devions faire face à ce genre de choses. Mais je ne voulais pas non plus que les garçons se sentent à l’écart et plus précisément Chip, je l’avais senti. Enfin j’avais développé un flair durant ces années quand mes enfants n’étaient pas dans leur assiette. Parfois je demandais à Neil de voir avec eux car c’était plus des soucis de garçons mais bon… c’était tout aussi difficile avec lui que sans lui. Bref, vu que nous étions seuls, il était temps que l’on en parle. Je ne savais pas comment amené le sujet si bien que j’y réfléchissais tout en couchant la petite déposant un baiser sur son front pour ensuite redescendre dans le salon. Mon regard s’attarda sur mon mari et je me sentis défaillir à chaque fois que je le regardais. Comment pouvait-on aimer plus que l’on ne pouvait ? Je n’avais pas la réponse mais c’était ce que je ressentais à chaque fois. Me servant mon thé, je revins dans le salon en m’installant contre Neil, retrouvant cette chaleur humaine que j’appréciais à chaque fois. Mais je ne pouvais pas profiter de ce moment tant que le sujet Daisy n’était pas lancé. Après ça, je n’étais pas contre me détendre et de passer une après-midi tranquille avec lui. Passant mes doigts dans ses cheveux, je lui souriais hochant la tête à sa réponse. « C’est plus qu’un miracle. On devrait songer à avoir ce calme plus souvent. » Disais-je en haussant légèrement les épaules. Après tout pourquoi ne pas partir un week-end rien que tous les deux. Les garçons étaient bien capables de garder Daisy mais avant cela, il fallait que les choses soient mises à plat. Je me redressais pour aborder justement ce sujet délicat, pour moi il l’était car quand je voyais le sourire de Neil et le rire de Daisy, je ne pouvais pas gâcher cela, cependant je le devais en tant que maman. C’était plus fort que moi. Je le regardais en pinçant les lèvres quand il releva le souci, je hochais la tête en expirant doucement. Je ne savais vraiment pas comment dire ça sans être trop proche de mes enfants sans l’être assez de Daisy. Je secouais la tête à ses deux questions successives. « Non, elle n’a rien, elle va bien. Comment expliquer… » Je cherchais correctement mes mots pour ne pas faire de contre-sens ni même d’être méchante dans mes paroles. « Je pense que la venue de Daisy ne plait pas aux enfants. » Je me mordis la lèvre et tapotais sur mes cuisses avant de reprendre en parlant plus posément. « Je pense que les garçons l’apprécient, mais je doute fort qu’ils aiment bien l’attention que tu lui accordes… Enfin je pense que tu lui en accordes trop pour elle et pas assez à eux. » Ce n’était pas un reproche, c’était mon ressenti et je ne voulais pas qu’il le prenne pas. Je posais ma main sur son bras et lui fis un demi-sourire. « Je sais que je te balance ça de but en blanc mais je ne savais pas comment faire pour te le dire. Après ça se trouve j’invente mais à en voir leur tête et parfois les entendre, je me dis que ça doit être mis sur le tapis cette discussion… » Je détestais ce genre de chose où l’on risquait d’être en désaccord. Rien que d’y penser j’avais mon estomac qui faisait des bonds. Je plantais mon regard dans le sien attendant maintenant sa réaction, ma main toujours posée sur son bras.

Neil laissa ses yeux se fermer un instant, appréciant le toucher de sa femme dans ses cheveux. Il était formidable de pouvoir arriver à un tel état de contentement dans son mariage, après tant d'année ensemble. Le temps n'avait pas semblé impacter leur relation, ne les avait pas rendu indifférents l'un à l'autre. Leur amour était toujours intact et les épreuves n'avaient fait que le rendre plus fort. Cela pouvait paraître cliché, cela pouvait même paraître anodin. Neil se souvenait lorsque l'un de ses fils roulaient des yeux ou pestaient en voyant leurs parents être ouvertement affectueux l'un envers l'autre, comme s'il était mal avisé de montrer leurs sentiments à leur âge. Neil hocha la tête, appréciateur, suite aux paroles de sa femme. « Hm, c'est pas une mauvaise idée ça » contempla-t-il. « Des vacances juste toi et moi, pendant que nos fils nous détestent pour les forcer à jouer les babysitters » continua-t-il, un sourire amusé aux lèvres. Il imaginait bien la réaction de Chip et Skye face à une telle requête. Neil estimait qu'ils pouvaient bien faire ça pour leurs chers parents. Les laisser profiter d'un moment de calme, en toute relaxation et intimité. Leurs fils étaient grands et bientôt serait venu le jour où ils quitteraient la maison, laissons Ama et lui en tête à tête. Maintenant, avec Daisy, l'échéance avait été repoussée. Ca n'était pas une forcément une mauvaise chose, mais cela allait en effet limiter leurs possibilités de faire des petites escapades en amoureux! En parlant de Daisy, Neil fut immédiatement soulagé lorsque sa femme lui assura que la petite n'avait rien. La suite, en revanche, le laissa quelque peu confus. Il sentait bien qu'Ama s'inquiètait de la façon dont il allait prendre la chose. Il ne le prenait pas mal. Quoique, il aurait pu débattre de la notion de 'trop de temps'. « Toi aussi tu passes du temps avec elle, non?! » demanda-t-il d'un ton légèrement ahuri. Ce n'était pas une accusation, mais il ne comprendrais pas pourquoi c'était son attention à lui qui était remise en question. Qu'Est-ce qui faisait dire à Ama que le problème venait de lui? Son premier réflexe était de nier en bloc. Une envie viscérale de se distancer de ces accusations, de clamer haut et fort qu'il ne passait pas un temps excessif avec Daisy, au point où ça en paraitrait louche. Neil était angoissé à l'idée que sa relation avec Daisy ne semble pas naturel, que la force et la rapidité de son affection trahisse sa paternité. C'était pourtant ridicule. Qui ne s'attacherait pas à une telle enfant, surtout après les évènements atroces qu'elle venait de subir. Elle était très jeune et avait besoin de confort, d'amour, d'une famille. Neil laissa finalement échapper une petite exclamation incrédule. « Je crois qu'ils ont passés l'âge de se battre pour mon attention » dit-il, bien conscient que sa femme n'y voyait là aucun humour. C'était tout simplement ridicule. Les lycéens ne cherchent-ils pas au contraire à passer le moins de temps possibles avec leurs ringards de parents? Mais Neil savait qu'il n'avait pas ce genre de relation avec ses fils. Ils étaient proches, ne s'embarrassaient pas de passer du temps ensemble. Particulièrement Chip, avec qui il avait une complicité à part entière. Evidemment qu'il avait remarqué un changement dans le comportement de son fils, et l'avait associé à l'arrivée de Daisy, mais il pensait simplement que Chip était en période de transition et qu'il s'habituait juste à avoir une sœur. Il n'imaginait pas un instant que ce soit sa relation avec Daisy le problème. Peut-être que sa femme se trompait, tout simplement. « Ils ont juste besoin de temps pour s'habituer à la nouvelle dynamique familiale » proposa-t-il d'un ton calme. « Peut-être qu'ils nous en veulent de ne pas les avoir concerté avant de prendre cette décision? ». Cela paraissait plus logique, non? « J'entends ce que tu me dis » la rassura-t-il en posant une main sur la sienne. Son but n'était pas d'envoyer balader les inquiétudes de sa femme, au contraire. « Mais ça me paraît un peu absurde qu'ils puissent être jaloux que je passe du temps avec Daisy » avoua-t-il.

Oh oui, j’en rêvais de vacances… Des vacances pour souffler et ne penser à rien. Maintenant qu’il y avait Daisy c’était plus compliqué alors que les deux autres étaient grands… Même un week-end rien qu’avec Neil, ça me suffisait et me rendrait heureuse. « Aller, soyons fous ! Essayons de nous organiser ça prochainement. » Je le regardais avec les yeux brillants et espérais que mon vœu allait s’exaucer bientôt car je rêvais de ces quelques instants de calme avec mon mari. Mais pour l’heure, il fallait que je parle de Daisy et du fait que Neil s’en occupait peut être trop par rapport à ses enfants. Je ne voulais pas le blâmer et je ne savais toujours pas vers où cette conversation allait nous mener. Je me mordis les lèvres quand j’entendis sa réponse et haussais les épaules avant de me frotter le front et de lui répondre. « Oui j’en passe mais… Tu passes beaucoup de ton temps libre avec elle alors qu’avant tu faisais plus de choses avec les garçons. » Je savais que j’en passais aussi du temps avec elle mais Neil. Neil en passait plus que moi. Puis les garçons le ressentaient ça se voyait sur leur visage et je ne saurais dire si c’était de la jalousie ou que c’était moi qui me faisait des films par rapport à ces petits détails depuis l’arrivée de la petite. Enfin c’est pour ça que je mettais les choses au clair pour ne pas qu’on se fasse de bile et que notre famille reste unie et parfaite comme elle l’était depuis le début. « Oui peut être mais… tu es leur père même s’ils sont grands, ils vont toujours vouloir rechercher de l’attention, non ? » Je ne savais pas comment m’y prendre autrement et ni comment lui dire que ses fils auraient toujours besoin de leur père malgré leur grand âge. Je me redresse et soupire avant de réfléchir à ce qu’il venait de dire. Oui l’arrivée de Daisy avait perturbé notre quotidien, oui il avait fallu s’y habituer et refaire une vie de famille et réaménager les emplois du temps. J’avais moi-même perdu l’habitude d’emmener les enfants à l’école et de leur préparer leur goûter. Tout ça était des petits trucs important et à tenir en compte aussi mais je n’étais pas certaine que c’était seulement l’arrivée de Daisy qui perturbait les enfants. Non, j’étais sûre que le rôle de Neil côté parental jouait aussi et je ne savais pas comment lui dire sans qu’il ne se brusque. J’avais bien vu son moment de légère panique quand je le lui avais dit, ça ne m’avait pas échappé alors soit il niait, soit il n’était pas fautif et ne s’en rendait pas compte. Dans ce cas là, c’était moi la bête de l’histoire et je m’en excuserai mais mon instinct de mère me disait le contraire. « Tu as peut être raison, je n’en sais rien en fait. » Haussant les épaules, je repris en entrelaçant mes doigts. « Ce n’est pas Chip ni Skye qui viendraient nous voir pour nous dire ce qui ne va pas. » Et ça j’en mettais ma main à couper. Puis c’était des garçons, les garçons ça ne vient jamais pleurer de leurs soucis et ça ne dit jamais rien à papa et maman. Non, au contraire, ça préfère ruminer et ne rien dire pour que ce soit nous, les parents qui prennent les devants. J’attrapais sa main et la serrais avant de venir me coller contre lui, humant son parfum que j’aimais tant et qui m’apaisais. « Je serais jalouse moi, je suis jalouse parfois. Quand on est avec des personnes qu’on aime énormément, le temps passe vite et tu vois… Tu es souvent avec elle donc ton temps libre c’est souvent avec Daisy… » Je le regarde avant d’étendre le bras et de poser ma main sur mon front théâtralement. « Et moi, mon chéri, tu m’oublis me laissant de côté dramatiquement… Et je me sens si seuuuule. » Je rigolais avant de me redresser et de déposer un bisou sur sa joue. « Je pense que tu devrais faire attention et garder du temps pour chacun de tes enfants. Y compris Daisy. » Bah oui, autant dire que c’était notre fille à présent, même si j’avais toujours cette appréhension qu’un jour elle prononce ce genre de nominatif devant moi. « Ah, j’oubliais, passer beaucoup de temps avec ta femme aussi. » Dis-je en lui faisant un grand sourire.

« Promis juré » lui répondit-il dans un sourire. Il imaginait déjà la tronche qu'allait tirer sa secrétaire lorsqu'il lui indiquerait qu'il allait s'octroyer de petites vacances. Dans le climat actuel de son entreprise, mettre les voiles et ignorer tous les tracas du quotidien n'était pas la plus intelligente des solutions, mais il le méritait bien quand même, non? Dans le pire des cas, ses week-ends restaient encore sa propriété et rien ni personne n'allait lui dicter comment s'occuper pendant son temps libre. S'il souhaitait emmener sa femme quelque part de chaud et paisible, personne n'allait l'en empêcher. Il était le boss tout de même, non mais. Si la proposition était partie d'une plaisanterie, Neil comptait bien la tenir. Ca leur ferait le plus grand bien de se chouchouter un peu, rien que tous les deux. Il était tellement facile de s'oublier un petit peu en tant que couple après de longues années de mariages et une poignée d'enfant, mais Neil ne souhaitait pas que ça leur arrive, qu'ils perdent la flemme et se retrouvent comme de vulgaires colocataires qui se connaissent un peu trop bien. En attendant, ils devaient parler de Daisy. Et des sensibilités de leurs fils, apparemment. Neil entendait parfaitement les propos de sa femme. Ils comprenaient leurs sens et leur application, mais pour l'amour du ciel, il ne saisissait toujours pas ce qu'il y avait de problématique là-dedans. Une part de lui se demandait si le temps passé avec Daisy les gênait car elle n'était pas sa "vraie fille". Que, peut-être, si elle avait été à cent pour cent leur sœur biologique, alors ils n'auraient rien eu à dire. Mais elle était sa vraie fille, sa chair et son sang, et il n'avait jamais eu autant envie de dire la vérité qu'en ce moment. Il n'allait pas le faire, bien évidemment. Rien ne méritait de prendre un tel risque.  « Oui mais » riposta-t-il, presque agacé, mais pas contre sa femme. Il ne comprenait juste pas pourquoi ils faisaient tout un cinéma pour ça.  « Enfin elle est petite! Elle a perdu ses parents, débarque dans une nouvelle famille....c'est normal qu'on privilégie un peu notre temps avec elle » continua-t-il. Et mathématiquement parlant, le peu de son temps libre était désormais divisé par quatre au lieu de trois, ce qui en toute logique, diminuait forcément le temps passé avec Chip et Skye. « Je ne les ignore pas, ils auront toujours mon attention...ça me paraît ridicule qu'ils puissent penser le contraire » dit-il d'un ton mal-assuré. Négligeait-il ses fils? Il pourrait jurer que non. Il aimait ses gamins à en crever et se félicitait d'avoir une relation privilégiée avec eux. Ama commençait à douter de ses paroles et Neil ne pouvait que la rejoindre. Ils n'en savaient rien finalement. Tout cela n'était que des suppositions de parents qui s'inquiètent un peu trop. « J'en parlerai avec eux  » lui promit-il. Pas de but en blanc, ses fils nieraient forcément s'ils les accusait d'être jaloux d'une enfant de six ans. « Comme tu le dis, je doute qu'ils viennent en parler par eux-mêmes s'il y a réellement un soucis », mais il ne croyait pas vraiment ses mots. En temps normal, Chip en particulier était assez ouvert avec lui et il lui arrivait de se confier. Maintenant, si Neil était en effet au cœur du problème, il était évidemment que Chip n'en parlerait pas. Neil dégagea son bras pour le passer autour des épaules de sa femme et la blottit contre lui lorsqu'elle se rapprocha. Il laissa échapper un rire en entendant Ama se plaindre d'être négligée. « Ok » murmura-t-il, éternellement envoûté par le charme de sa femme, avant de capturer ses lèvres dans un rapide baiser. « Je vais attention à ne négliger personne » dit-il. « Et surtout pas ma femme! » ajouta-t-il dans un sourire taquin. « Elle risquerait de se lasser de moi sinon, et on ne peut pas laisser ça arriver! » dit-il, écarquillant les yeux dans une mine faussement inquiète.

Je souriais satisfaite d’obtenir enfin un moment de solitude avec mon mari. Pas sûre que ça plaise à nos enfants mais ce n’était qu’un détail au final. Si on ne pouvait plus profiter car une nouvelle était arrivée dans la maison, alors ça ne servait à rien de faire des efforts pour avoir ces moments de tranquillités qu’on appelait vacances. Mais au fond, j’étais certaine que je m’en voudrais de les laisser en train de faire du babysitting pendant que Neil et moi seront en train de nous la couler douce. Cependant, ça me faisait sourire et j’imaginais déjà mes pieds en éventail et le soleil me tapant dessus, ou bien emmitouflé dans une doudoune profitant du paysage hivernal que l’on retrouve encore dans certains pays. Bref, je m’y voyais déjà. Mais le fait de revenir au sujet principal m’enleva presque tous sourires et je ne savais pas pourquoi il réagissait de la sorte. Bien que je comprenais son point de vue, je soupirais et levais la tête en l’air avant de prendre la parole à mon tour, gardant mon calme vu son irritation qui commençait à grimper. « Oui mais ce n’est pas pour ça qu’il faut délaisser tes propres enfants, bien qu’ils soient grands ! » Je soupirais et essayais de paraître neutre sans être méchante envers Daisy, j’adorais cette petite, mais mes enfants étaient mes enfants… « Daisy est adorable, j’ai toujours eu envie d’une fille mais… elle n’est pas de nous. Tu vois ? C’est la différence que je fais. » Je le regardais et finis par le sourire en posant ma main sur son épaule. « Je suis heureuse de te voir si épanoui une fois de plus dans ton rôle de père. Ca me rappelle de bons souvenirs. » Rigolant légèrement, je me remémore certains souvenirs, avec Neil et les enfants et cela me redonne le sourire me faisant me sentir mieux à présent. « Ce sont encore des enfants, tu l’oublies ça aussi. » Je ne disais rien de méchant, juste lui rappeler que même quand on est grand, dans notre âme on reste un enfant et que quelque chose de nouveau dans notre vie, ce n’est pas vraiment génial. Je le sais car j’aurais réagi pareil si ça avait été mon cas. Parler avec Neil était assez simple, enfin disons qu’au fil du temps j’avais appris à le connaître et que maintenant il n’avait plus de secrets pour moi, je savais quand ça n’allait pas, quand ça allait bien et quand quelque chose le tracassait. C’était un livre ouvert, sauf pour quelques exceptions mais jamais il me cachait quelque chose. « Je te laisserai gérer ça alors. » Pas question que je fasse les entremetteuses entre mes enfants et leur père pour qu’ils puissent parler tous ensemble de ce qui se passe. Puis ça les mettrait mal à l’aise et les forcer à parler ce n’est pas mieux. Je me laissais aller contre lui et humais son parfum qui me faisait fondre. J’y étais habituée et je savais que ça lui correspondait, que c’était lui. Je rigolais et savourais son rapidement baiser avant de poser ma main sur sa joue. « Oui, ne laissons pas ça arriver… Ca serait terrible pour cette pauvre femme de se lasser de l’homme qui la fait fondre depuis des années. » J’aimais tellement me retrouver contre lui, d’avoir ces petits moments qui nous appartiennent et qui sont toujours bénéfiques pour notre couple. « Tu sais de quoi j’ai envie du coup, maintenant… » Je me pinçais les lèvres, sérieuses, le regardant dans les yeux avant de m’approcher de lui, et de lui murmurer à l’oreille. « J’aimerai bien qu’on soit seulement tous les deux… » Je me reculais avec un grand sourire taquin sur mes lèvres avant de reprendre un peu mon sérieux pour reprendre la parole. « Merci, de m’avoir écoutée. » Je glissais mes doigts contre sa joue et fermais les yeux en gardant ce moment gravé dans ma tête. Je ne saurais expliquer à quel point je l’aimais et ce que je ressentais pour lui. En fait, je débordais d’amour à chaque fois que je croisais son regard et même quand je ne le voyais pas. « Il faut vraiment qu’on ait ces vacances, Neil… » Et pouvoir se retrouver seuls en tête à tête comme au bon vieux temps. Mais pour l’instant, je pouvais tout aussi bien profiter de lui, dans le bon sens du terme avant que la douce voit de Daisy ne vienne à nos oreilles pour signaler son réveil.

Plus ils en parlaient et plus la perspective de prendre des vacances lui plaisait. Au-delà de ses chamboulements familiaux et du désir naturel de passer du temps en tête à tête avec sa femme, s'éloigner de cet autre aspect de sa vie qu'était le boulot, lui paraissait tout aussi tentant. Le scandale dont était victime son entreprise lui occupait l'esprit à chaque instant, et c'est au téléphone ou en réunion qu'il passait ses journées. Une gestion de crise qui n'en finissait pas et qui l'épuisait. Partir sous le soleil n'effacerait en rien les problèmes qui pesaient au dessus de sa tête, mais s'il pouvait juste se permettre de les mettre de côté un instant, ça serait déjà ça. En attendant, c'est un tout autre problème qu'il attaquait. « Je ne les délaisse pas voyons! » riposta-t-il, accentuant le mot comme s'il lui laissait un mauvais goût dans la bouche. C'était ridicule. Il avait soudainement l'impression d'être un de ces parents que l'on accuse de maltraitance envers son enfant pour une raison complètement injustifiée. Neil se demandait vraiment si toutes ces folles suppositions sortaient uniquement de la tête de sa femme, où s'il s'agissait en effet du sentiment ressenti par ses fils. Il fallait qu'il leur parle au plus vite. Il refusait qu'on lui colle cette étiquette dans le dos! Délaisser, négliger...jamais de la vie. Neil sentait bien qu'Ama s'efforçait de maintenir un ton calme et neutre, mais il avait bien du mal à ne pas se sentir accablé par les propos de celle-ci. Il aurait vraiment dû faire en sorte de tuer cette conservation dans l'œuf, car ce qui suivait? Ce qui suivait prenait une très, très mauvaise direction. Neil se figea imperceptiblement en entendant les mots d'Ama. Il pouvait presque sentir ses nerfs se tordre devant l'ironie de la chose. Oh Daisy n'était pas d'eux, certes, mais elle était complétement et assurément de lui. Ca, bien sûr, il n'allait pas lui dire. Mais il avait une toute autre riposte de prête. « On ne devrait pas faire de différence » dit-il après un battement, d'un ton plus posé. « On ne peut pas amener un autre enfant dans cette famille et lui faire sentir qu'elle ne sera jamais aussi importante à nos yeux que nos enfants biologiques ». C'était injuste et, de toute manière, impossible pour Neil. Il ne pouvait pas faire de différence, il en était incapable. Daisy n'était pas juste là pour satisfaire le manque de fille dans cette famille, comme un chiot que l'on achète pour assouvir un rêve de gosse. Du moment où ils avaient signés le contrat d'adoption, alors ils s'engageaient à la traiter comme leur propre enfant. Mais l'un dans l'autre, cela revenait au même: ses enfants n'étaient apparemment pas égaux puisqu'il passait plus de temps avec Daisy qu'avec ses garçons. Ok. Message reçu. Ama s'était apaisée entre temps,  plongée dans la nostalgie. « Oui, tu as raison... ». Ils étaient encore jeunes en effet, et resteraient éternellement des enfants aux yeux de leur parents. Neil s'empara de la main de sa femme et déposa un baiser sur le dos de celle-ci. « Merci », lui dit-il. Ils avaient toujours su maintenir un bon équilibre dans leur stratégie parentale. Ama ne s'imposait pas dans les conflits qu'elle estimait essentiellement père-fils, laissant son mari gérer la chose. Et inversement. Ils se faisaient pleinement confiance pour gérer les problèmes, sans être sur le dos l'un de l'autre pour vérifier que sa moitié s'y était pris de la bonne manière. Vraiment, ils formaient un super duo. Une équipe. Une autre de leur force, et qui contribuait à la longévité de leur couple, était qu'ils n'avaient rien perdu de leur intimité. Ils savouraient toujours autant la présence de l'autre. Neil laissait ses lèvres se déformer dans un sourire, haussant un sourcils amusé sous les paroles de sa femme. « Ah oui, je le sais? » taquina-t-il tandis qu'elle approchait son visage du sien. Il s'attendait à un nouveau baiser, plutôt satisfait de la direction que ça prenait, mais elle passa ses lèvres pour aller murmurer à son oreille. Il passa un bras autour de sa taille pour l'attirer contre lui, prêt à lui dire qu'ils pouvaient s'arranger ça, lorsqu'elle se recula. Il fit une légère moue accentuée avant de capturer la main qu'elle avait posé sur sa joue. « Merci de m'en avoir fait part. Je suis pas sûr que je l'aurai relevé tout seul » lui retourna-t-il. « Promis, dès demain je m'arrange pour me dégager une semaine » lui dit-il. Il n'a qu'une parole, et être en tête à tête avec sa femme était tout ce qu'il désirait en cet instant. Sales gosses.

Hochant la tête, je me résigne à retenir ce qu’il me dit et finis par soupirer avant de poser mon doigt sur le bout de son nez en souriant. « Compris, monsieur Danvers. » Je ne veux pas me battre avec lui et je le crois concernant le fait qu’il ne délaisse personne. Enfin je m’y résous car à en voir son visage, je sais que je l’ai blessé un tant soit peu en disant ce genre de choses. Je pinçais les lèvres en l’entendant et finis par capituler concernant le sujet de Daisy. Je savais qu’il ne fallait pas faire de différence mais j’avais comme un blocage, je voulais l’adopter enfin la considérer comme ma fille à présent mais j’avais cet espèce de ressenti bizarre comme quoi ce n’était pas possible. Puis la voir si proche de Neil, au fond, me rendait peut être jalouse ? Je n’étais pas prête à avoir une enfant à la maison et voilà qu’on me l’imposait. Certes j’avais toujours voulu une fille, mais là c’était pire que de l’imposer. Je tiquais à sa réponse et soupirais avant de me passer une main dans les cheveux. Je savais qu’il avait raison, je n’avais juste pas envie de m’y résoudre pour l’instant. « Oui, je sais tout ça. Tu as raison. » J’étais têtue mais je savais aussi me résoudre à capituler pour éviter de perdre mon temps à débattre alors que Neil est buté sur son idée. J’allais faire des efforts, je me le promettais intérieurement et même si ça prenait du temps pour moi de l’accepter. Je finis par me radoucir et soupirais d’aise en sentant le baiser de Neil sur ma main. Ce n’était pas grand-chose mais j’adorais ces petits moments avec lui et j’avais vraiment envie de me retrouver seule avec lui. Pas comme maintenant avec l’appréhension que Daisy redescende à ce moment là pour nous interrompre. « Mais c’est normal, on est deux dans cette histoire. » Je déposai un baiser sur ses lèvres avant de me resserrer contre lui. Il n’était pas question qu’on se divise pour ce genre d’histoire, notre force était notre couple. « Oh oui, j’ai vraiment envie de me retrouver rien qu’avec toi et le plus tôt possible si tu vois ce que je veux dire. » Je laissais mes mains monter le long de sa chemise en frôlant ses lèvres avec les miennes. Cependant, je ne pouvais pas faire plus pour l’instant. Rien que le fait de savoir Daisy quelque part dans la maison me rendait mal à l’aise. Je ne savais pas pourquoi mais c’était comme ça, si bien que je me reculais à contre-cœur de mon mari en le remerciant de m’avoir écoutée sur cette fameuse histoire. Me laissant aller contre lui, je passais une jambe par-dessus les siennes et restais blottie ainsi contre son torse, relevant la tête vers lui pour l’écouter parler. Je souris en guise de réponse et l’embrasse dans le cou suite à la dernière phrase qu’il vient de prononcer. « Tu as plutôt intérêt oui. » Avouais-je en rigolant, laissant ma tête se reposer dans le creux de son épaule pour la fin de l’après-midi. J’étais pressée d’arriver à ces vacances, pour ne profiter que de nous. Rien que nous deux. Ensemble sans personne pour nous déranger. Je fermais les yeux et m’abandonnais dans les bras de mon mari, songeuse et souriante à l’idée de passer quelques jours avec lui sans les enfants.