Chambre 69 ♠ Sylvia

La jeune fille venait de quitter la chambre, et je restais là pendant un petit moment, regardant le plafond, encore en boxer. Je me retenais de prendre une cigarette et de la fumer, puisque je connaissais la gérante et qu’elle ne voulait pas d’odeur de fumées dans sa chambre la plus luxueuse, et c’était bien normal. Depuis très longtemps, je venais dans cet hôtel pour faire mes petites affaires, mes infidélités, mes écarts de couple. Depuis très longtemps, j’avais réussi à venir de façon presque anonyme, puisque je signais toujours le registre sous un faux nom, lunettes de soleil sur le nez pour éviter au maximum qu’on ne puisse me reconnaître et pourtant, un soir, Sylvia, la gérante, avait tout de même finit par comprendre qui je suis et ce que je venais faire dans cet endroit, chaque soir avec une femme différente. Au début, j’avais cru qu’elle préviendrait la presse où qu’elle essayerait d’en profiter pour me faire du chantage, ce qui en un sens, n’aurait pas été étonnant et aurait été plutôt intelligente. Mais voilà, tout ne s’était pas exactement passé de cette manière. Il faut dire que c’est une femme honnête et elle n’avait certainement pas voulu me jeter en pâture aux journalistes, précipitant un divorce certain. Nous avions parlé lorsque j’étais sorti un soir de ma chambre, et finalement, tout ce qu’elle m’avait demandé en échange, c’est de continuer à être discret mais surtout, à lui raconter mes petites aventures croustillantes. Je crois que c’était parfaitement le genre d’amitié qui me manquait jusqu’à maintenant. Quelqu’un avec qui échanger à propos de sexe et d’histoires d’adultes, sans pourtant que je ne sois jugé. En général une femme qui sait qu’un homme trompe sa femme n’est pas aussi gentille et clémente que Sylvia et pourtant elle l’avait été tout de suite avec moi, alors lui raconter mes petites aventures, c’était le moindre mal qu’elle m’avait demandé de faire, et encore maintenant, ça avait fini par m’amuser au fil du temps. Lorsque la jeune fille avait quitté la chambre définitivement, je m’étais redressé pour m’habiller, fermant la porte derrière moi une fois que j’avais pris mes affaires, me redonnant un air correct d’homme d’affaires sans aucune histoire néfaste. J’étais allé au comptoir, mais ne voyant pas mon amie, j’avais compris qu’elle m’attendait sans doute plus à la réception, là où on servait du café et du thé aux gens qui préféraient passer du temps dans le hall avant de remonter dans la chambre. Remettant ma cravate correctement, je m’étais dirigé jusqu’à chez elle. En passant devant elle, j’avais déposé un baiser amical sur le haut de son crâne, tout en m’installant dans le fauteuil en face d’elle, j’avais pu constater que deux tasses de thé étaient déjà posées sur la table. J’avais souris, croisant les jambes en regardant ma conquête sortir de l’hôtel. J’avais souris, regardant à nouveau Sylvia, qui m’attendait sans doute depuis un petit moment. « Bonsoir Sylvia. » Je me suis penché pour prendre la tasse qui se trouvait de mon côté. J’avais pris soin de regarder mon potable pour m’assurer qu’il n’y avait pas d’urgence au bureau mais appartement tout se passait très bien sans moi et c’était tant mieux. J’avais envoyé un message rapide à ma femme pour signifier que je serais en retard, et ça suffisait. « Comment tu vas aujourd’hui ? Je te préviens la chambre sera longue à nettoyer. » J’avais doucement souris en coin, je savais que elle comprendrait l’allusion je ne m’inquiétais pas du tout pour ça, on avait toujours ce genre de remarques entre nous.