What's up, doc ? (ft. Amelia)

Dire qu’elle n’avait jamais commis d’erreur tout au long de sa carrière de médecin aurait été terriblement prétentieux. Pire que ça, ça aurait été mentir. Elle espérait qu’aucune de ses erreurs n’ait coûté directement la vie à un de ses patients, qu’il lui arrivait souvent de perdre malheureusement dans son service des urgences. Elle n’avait jamais eu à faire face à une accusation ou à un jugement remettant en doute ses capacités. Mais à chaque fois que la vie s’éteignait dans son service, d’une personne dont elle avait la charge, elle ne pouvait s’empêcher de tout remettre en cause. Le moindre de ses gestes, ses décisions. Tout était passé au crible dans son esprit, l’empêchant bien souvent de trouver le sommeil. Néanmoins toutes les erreurs n’avaient pas la même gravité, et il lui arrivait souvent de commettre des bourdes qui ne coûteraient la vie de personne. Une information donnée en manquant un peu de tact, un nom écorché, une mauvaise date de naissance. Personne n’est parfait, à commencer par elle. C’est ce que Lia répétait à ses internes quand ils se morfondaient pendant des jours d’une erreur anodine, ou parfois plus grave. Ils apprenaient ainsi, et si elle n’avait rien pu faire pour empêcher ce qui s’était passé en tant que tuteur, c’est qu’il n’y avait rien à faire. Mais quand les internes prenaient trop les choses à la légère, elle n’hésitait pas à durcir le ton et à leur faire vivre un petit enfer pour les pousser à se remettre en question. Et ça arrivait bien plus souvent qu’elle n’aurait voulu avoir recours à ce genre de procédés.

La matinée avait commencé tranquillement pour une fois, lui laissant un peu de répit pour organiser quelques documents administratifs et monter dans les services pour prendre des nouvelles de quelques patients qui sortaient des soins intensifs pour regagner des services traditionnels. Il y avait toujours des cas à gérer aux urgences. Mais pour les soins mineurs, il lui arrivait de confier les rênes à son groupe d’internes, gardant son bipeur à proximité, toujours prête à répondre présente. Dans l’ascenseur, elle repense en souriant à son fils qui ce matin partait avec une grande fierté à l’école, en lui expliquant à quel point c’était important de bien travailler en classe et lui promettant de lui ramener son plus beau coloriage. « Sans dépasser, promis ! ». Elle aurait aimé pouvoir s’offrir le luxe de l’emmener elle-même jusqu’à la maternelle mais compte tenu de ses horaires, Lia laissait cette responsabilité à la fille au pair. Peut-être qu’elle aurait le temps d’aller le chercher aujourd’hui, si rien ne la retenait jusqu’à tard dans la soirée. La brune a encore la tête perdu dans ses pensées alors qu’elle s’écarte pour laisser entrer une femme dans l’ascenseur. Son nom la tire brutalement de son petit nuage et elle sursaute légèrement. Il lui faut quelques secondes pour replacer la jeune femme dans son esprit, la fixant sans grande expression avant d’enfin étirer un large sourire. Elle se souvenait de ce visage-là. Une erreur, pas mortelle, mais très embarrassante. Elle se souvenait parfaitement de lui avoir annoncé que son enfant allait bien d’entrée de jeu en pensant bien faire alors que sa patiente ignorait tout de sa grossesse. « Oh bonjour ! Excusez-moi, j’avais l’esprit ailleurs. Et vous comment ça va ? » Elle désigne instinctivement le ventre de la jeune femme, son sourire grandissant un peu plus. « Tout se passe bien ? Comment avance votre grossesse ? » Son expression retrouve un peu de sérieux. Après tout, si elle est à l’hôpital, c’est peut-être parce qu’il y a un problème, et elle ne voudrait pas la mettre mal à l’aise une nouvelle fois. La première fois, dans le petit box des urgences, lu avait suffi. L’interne qui avait jugé nécessaire d’indiquer la grossesse sur le dossier, ce qu’elle ne remettait pas en cause, avait oublié de mentionner également que l’information avait été obtenue à la suite de tests sanguins et nullement de la part de la patiente. Lia avait passé de longues minutes à tenter de lui faire comprendre qu’une femme enceinte l’aurait immédiatement indiqué en arrivant aux urgences et que ça aurait été sa première inquiétude. Mais il n’avait pas voulu en démordre et depuis, elle l’assignait aux égratignures et autres maux de tête sans importance, préférant des étudiants plus enclins à se remettre en question que ce genre d’individus. « Je suis heureuse de vous revoir en pleine forme en tout cas. Vous allez à quel étage ? » Le médecin sourit à nouveau, attendant qu’elle le lui indique pour appuyer sur le bouton correspondant.