[Kelvin] Curiosity is my daily drug

Aujourd’hui n’était pas un jour où on pouvait dire que j’étais ravi. J’avais passé une journée de merde, bloqué sur cette affaire que je n’arrivais pas à débloquer car l’homme qui avait les réponses refusaient de parler. J’étais donc rentré en colère à l’appartement, ce qui m’avait valu les foudres de Solora. Je ne pouvais que comprendre, après tout, ce n’était pas un défouloir et pour la peine, je m’étais renfermé dans ma chambre, comme un gosse et j’avais repris la boîte que je cachais. J’avais mis mon nez dedans, attrapant la photo de ma femme puis j’étais sorti de l’appartement en murmurant que j’allais me promener et me calmer. Ce qui n’était pas du luxe. Je pris l’air frais et je sentis tout de suite une différence. Me mettre en colère comme je l’avais fait ne servait à rien, mais ça m’énervait tellement tout ça. Le fait de ne pas pouvoir mettre la main sur qui avait fait du mal à ma femme, sur le fait que je commençais à confondre boulot et plus que de l’amitié pour Solora. Bref, tout ça, ça se mélangeait et je finissais par exploser. Le seul moyen pour évacuer ma colère était de me promener et d’aller au bar du coin. Pas forcément pour boire mais pour me retrouver dans un endroit que je connaissais et où on ne me faisait pas chier. Je passais les portes en hochant la tête, saluant le barman puis m’installais sur le tabouret en face de lui, posant la photo sur le comptoir. Elle était si belle, souriante et on aurait pu avoir un futur magnifique si sa couverture n’avait pas foiré ! Je serrais les poings et levais la tête pour demander un verre d’eau pétillante. Je n’avais pas le cœur à boire quelque chose ce soir, je voulais juste replonger dans mes souvenirs et essayer de me remémorer les souvenirs qui s’effaçaient au fur et à mesure que les années passaient. Je remerciai le barman et me frottai le visage avant de porter le verre à mes lèvres. Je détestais ressentir cette sensation d’impuissance quant à ce qui était arrivé à ma femme. Plongée dans mes pensées, je ne vis même pas la jeune femme prendre place à mes côtés jusqu’à ce qu’elle se mette à parler. Je ne pensais pas qu’elle s’adressait à moi, mais en voyant son regard sur la photo de Jess, j’arquai un sourcil en posant ma main dessus. Défense privée. « Ca vous regarde ? » Disais-je en étant froid et distant dans mes paroles. Je ne supportais pas qu’on soit curieux et qu’on me pose des questions sur elle, c’était mon sanctuaire, ma boîte à souvenir, ma femme, ma vie. Je fermai les yeux et pinçai les lèvres en prenant soin de répondre à la jeune femme. « Oui, c’est moi qui ait pris les photos. Mettait en valeur. » Je faisais toujours en sorte de marquer le passé quand il s’agissait de ce sujet, bien trop longtemps j’avais parlé de Jess au présent après sa mort et ça n’avait qu’aggraver ma situation. Me tournant de nouveau face aux nombreuses bouteilles qui se trouvaient derrière le bar, je pris une autre gorgée avant de ranger la photo dans la poche arrière de mon jean. « Ca vous arrive souvent de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas ? » Posais-je comme question en lui jetant un regard. J’avais été piqué dans mon moment de tranquillité avec mes souvenirs et je voulais savoir qui était cette jolie blonde qui s’en était permise. Je savais que ce n’était pas pour me faire de la peine ou autre vu qu’elle ne connaissait pas l’histoire, mais j’avais été interrompu et je n’aimais pas cela.

Etre interrompu dans mes souvenirs ainsi que dans mes recherches, ça m’énerve et je le fais savoir à cette grande blonde. Je suis bien d’accord que dans un bar tout le monde peut jouer les curieux mais moi, je ne le tolère pas car je ne me permets pas de faire ce genre de chose. Mais je préfère ne pas monter tout de suite sur mes grands chevaux. Sa phrase me fait sourire mais nerveusement. Pourquoi est-ce que quand je dis ce genre de chose, on veut tout de suite présenter ses condoléances ? Parfois, ce sont des gens qui ne connaissaient pas ma femme, tout comme cette femme là, à ma droite en train de prononcer ces mots. Je secoue la tête et me passe une main sur le visage avant de répondre. « Vous n’avez pas à prononcer ces mots. » Je n’aime pas sentir de la pitié dans la voix d’autrui et surtout quand on ne me connaît pas. J’évite d’être froid même si l’envie est présente ! Je bois une gorgée de ma boisson en écoutant sa réponse qui m’arrache un vrai sourire cette fois. Cette femme reconnaît au moins ses défauts et c’est plutôt une bonne chose. Au moins, elle vit avec et ne s’en cache pas. Cependant, ça peut être perturbant pour des personnes comme moi, surtout quand on entre sur un terrain privé dans lequel il y a une pancarte « interdiction d’entrer ». « Je n’ai pas besoin d’aide, merci. » Dis-je en soupirant avant de la regarder quelques secondes. Pourquoi les gens pensent tout de suite qu’on a besoin d’aide dès qu’on regarde vers le passé ? Je déteste ce genre de personnes qui pensent pouvoir tout résoudre car ils veulent vivre dans un monde de bisounours. Ca me donne la nausée ce genre de comportement. Et le pire, c’est que je crois que cette femme n’est pas prête de partir et est prête à me parler jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite. Comme si j’avais besoin de ça. « Et ? Je suis ravi de l’apprendre. » Je hausse les épaules face à ce qu’elle m’a dit. En fait, je m’en fiche qu’elle soit psychologue, qu’est-ce que j’y peux, moi ? Elle va me faire une thérapie dans ce bar ce soir et me dire ensuite comment agir. Non, sans façon, je n’ai jamais eu besoin d’aller consulter et ça n’allait pas être demain la veille. De plus, c’est une grande bavarde, moi qui voulait quitter Solora ce soir pour avoir un peu de paix me voilà avec un autre moulin à paroles ! Je tourne la tête vers elle et l’écoute parler tout en buvant la dernière gorgée de ma boisson. « J’espère que votre amie ne va pas tarder. » Dis-je en omettant de répondre à la deuxième partie de sa phrase. Je ne sais pas quoi lui dire d’autre à part lui demander de me laisser seul mais je crois que c’est peine perdue. « Vous ne vous arrêtez jamais de parler et de vous justifier ? » Je demande en la regardant et commandant un autre verre. Car si cette jolie blonde tente de me parler pendant encore de longues minutes car son amie n’est pas ponctuelle, autant que je me prépare psychologiquement en avalant une mixture forte. « Je vous en prie, vous mourrez d’envie de vous asseoir à mes côtés. » Dis-je en pointant le tabouret à mes côtés avant de remercier le serveur d’un geste de la main. Je hume le parfum de mon verre et souris rien qu’à savourer l’odeur de ma boisson.