Tu me fais penser à quelqu'un [PV : Janus Jones]

Janus s’était une fois encore retrouvé à bougonner chez lui quand, en ouvrant le frigo pour se faire à manger, il avait découvert que ses dernières réserves s’étaient apparemment éteintes la veille au soir. Puis il sentait son chien en train de tourner autours de lui, sans doute affamé lui aussi et c’est avec horreur qu’il constatait qu’il en était de même pour les croquettes.

« Bon mon vieux… on dirait bien qu’il va falloir aller faire les courses… » soufflait-il, tâtonnant un instant pour trouver son chemin vers le porte-manteau où il trouvait sa veste et la sacoche contenant son portemonnaie. « Aller copain, on y va. »

Ce ne fut que l’histoire de quelques minutes avant qu’ils sortent de l’immeuble, le temps de saluer un voisin croisé dans le hall et qui lui disait qu’il passerait dans la soirée pour lui lire son courrier si besoin était et avec un sourire contrit, Janus acceptait avant de souhaiter une bonne journée à cet homme et se rendre en ville. Il avait quelques repères maintenant, une carte mentale pour se rendre à l’épicerie et l’animalerie, où il ressortait avec son caddie bien rempli. Oui, il avait l’air d’un petit vieux avec sa charrette pour trimballer ses courses, mais c’était plus pratique que d’avoir les bras remplis, surtout pour tenir son guide à quatre pattes et éviter de bousculer les gens avec ses sacs. Ainsi, il avait l’air d’un vieux, mais pas d’un vieil éclopé déjà et c’était parfait… pourtant sur le chemin du retour, alors qu’il passait par le parc pour profiter d’un peu d’air frai dans la grande ville, Janus eu une sensation étrange. Son chien s’était stoppé quand une voix d’homme s’était fait entendre, appelant un certain « Monsieur » mais il ne pensait pas qu’il soit question de lui avant qu’une main ne se referme autours de son bras, le faisant se tendre et il sentait son cœur s’accélérer dans sa poitrine. Il ne savait pas s’il était déjà si craintif avant, mais ne jamais savoir qui l’attrapait le stressait énormément, car il ne pouvait savoir si le geste était ami ou ennemi… et rapidement, la confusion le gagnait quand il se retrouvait tiré dans une étreinte et comprenait les mots de l’étranger. Il devait y avoir une erreur… et son fidèle ami à quatre pattes ne se privait pas pour grogner sur l’étranger. Janus était d’ailleurs certain qu’il montrait aussi les crocs pour montrer qu’en cas de problème, il irait mordre l’autre homme.

« Ex-… excusez-moi mais… je crois que vous faites erreur. » bafouillait Janus, qui avait lâché son caddie en se retrouvant tiré dans les bras d’un inconnu, et qui repoussait gentiment l’autre. Son regard cherchait vainement à trouver un visage, une ombre sur laquelle se poser mais ce n’était pas son jour et il soupirait avant de simplement fixer droit devant lui sans savoir s’il regardait au bon endroit. « Je ne connais pas de Lucas je… je m’appelle Janus. » et il avait sans doute un visage très commun, alors les confusions étaient possibles… puis peut-être que cet homme faisant semblant de le connaître parce qu’il avait de l’argent ? Même si sa voix semblait réellement nouée par une émotion qu’il n’avait que rarement entendue depuis son arrivée ici : de l’espoir. « Qui… qui êtes-vous ? »

Voilà, la bombe était lancée. La même qu’il lâchait chaque fois qu’une personne prétendant le connaître frappait à sa porte. Le seul truc qu’il n’avait jamais eu, c’était la personne prétendant être un père ou une mère. Autrement il avait tout eu…

Le silence qui suivit arracha un frisson à ce pauvre Janus avant que son oreille ne perçoive ce qui semblait être, à son oreille, comme la supplique d'un animal blessé. Cet homme souffrait. Il souffrait de l'absence d'une personne lui étant chère et apparemment on avait pensé qu'il était cette personne. Est-ce que c'était possible? Il doutait que le destin soit assez ironique pour le placer sur le chemin d'une personne de son passé... il avait même demandé à des gens en ville si quelqu'un le connaissait, genre si son visage leur était familier... mais en dehors de quelques personnes qui s'avéraient vouloir profiter de lui, il n'y avait rien à faire et il s'était dit que laisser tomber semblait être la meilleure des choses à faire.

"Je... ce n'est pas de votre faute. Je pense que je dois avoir un visage très commun... enfin, je suppose?"

Est-ce que c'était le cas? Une fois, une personne lui avait dit que tous les asiatiques se ressemblaient avant de l'envoyer péter... il supposait que c'était du racisme... mais dans le doute, il ne pouvait s'empêcher de se dire que ce propos pouvait être une réalité aussi.

"A qui... à qui est-ce que je ressemble...?" demandait Janus, qui mettait les pieds dans le plat mais avait besoin de savoir. Il voulait comprendre comment quelqu'un pouvait avoir été aussi heureux de penser le trouver par accident.  Puis il souriait en entendant comment l'étranger parlait à son ami à quatre pattes, avant de serrer maladroitement la main de l'autre homme.

Il n'était pas doué pour saluer les gens, mais souriait en comprenant ce qu'il se passait. Le pauvre cherchait son mari... un mari disparu depuis deux ans... inconsciemment, son coeur se mettait à battre la chamade car ces dates avaient une étrange correspondance avec son passé... ou son manque de passé, mais ce n'était bien entendu qu'une cruelle coïncidence de la part du destin et il secouait la tête.

"Il n'y a pas de mal. Je comprend votre inquiétude... est-ce que... est-ce que vous avez des indices sur sa disparition?" pas qu'il puisse réellement aider en réalité, et il sentait surtout de la compassion grandir en lui. En fait, peut-être que son absence de souvenirs était une bénédiction, au moins rien ne pouvait lui manquer... alors que cet homme, ce Thomas, il vivait chaque jour dans la peur et l'incertitude. "Vous le racontez sans doute car vous avez peur... vous avez besoin de réponses et si vous êtes seul dans cette quête, vous n'avez personne pour vous écouter... en tout cas, je ne sais rien à son sujet non... après, je ne sors pas très souvent, sauf quand je suis sur le point de mourir de faim. Mais si vous voulez, venez chez moi et demandez à mes voisins. Ils seront sans doute ravis de vous aider, et j'ai un ordinateur. Il ne me sert pas, pour des raisons évidentes, mais vous pourrez chercher dans le registre de l'hôpital de la ville, ce genre de choses?"

C'était une idée non? Puis... il espérait aussi que certains de ses voisins puissent réellement être utiles. Peut-être que l'un d'eux connaîtrait ce Thomas et auraient une bonne nouvelle?

S'il laissait parler son romantisme? Ce type, en cet instant, laissait clairement parler son romantisme ou alors il était une licorne unijambiste en train de danser la salsa dans un club de country. Wahou... il ne savait pas d'où venait cette expression mais celle-là venait de loin, de très loin, et Janus secouait la tête. Parfois, il se désespérait tout seul et se disait qu'aller consulter un psy ne serait pas plus mal pour savoir si en plus de perdre la mémoire il n'avait pas perdu une partie de sa raison. Un visage à nul autre pareil... il rêverait qu'un homme vienne à lui dire cela un jour. Ou une femme... il ne savait pas réellement en fait et son esprit se déconnectait l'espace d'un instant avant qu'il ne se mette à sourire. Une contradiction en effet, s'il était le sosie du mari disparu de cet homme. Quelle horreur cela devait être... de parcourir les villes, chercher les indices, pour un époux qui ne reviendrait peut-être jamais. Wah... son optimisme faisait peur à voir. Il était certain d'avoir laissé de la tristesse apparaître sur son visage en entendant l'information concernant le fait que ce Lucas était un époux disparu soudainement.

Est-ce que quelqu'un le recherchait aussi? Est-ce qu'une personne était là, quelque part, en train de le chercher avec la même envie désespérée de remettre la main sur lui pour le ramener à la maison? Lucas Ellie-Walsh avait de la chance... et une famille. Est-ce qu'il avait une famille? Des enfants? Est-ce qu'il était seulement un homme bien? Peut-être qu'en fait il était un assassin ou pire? Non. Il n'y avait sans doute rien de pire que le meurtre... à moins d'être dans le cas de Thomas, à être dans l'ignorance la plus totale. Devait-il pleurer un mort ou espérer?

"Et je ne vous serais d'aucune utilité... sans mes yeux et mes souvenirs..." soufflait-il tristement. Il ne savait même pas son prénom, il pourrait aussi bien être le Pape qu'il n'en aurait aucune fichtre idée tant que rien ne ravivait les prémices de ce qu'il avait perdu, puis tout le reste. "Regardez peut-être dans les registres des hopitaux plus éloignés de chez vous? Vous ne savez pas où il était ou ce qu'il s'est passé... peut-être qu'il a fini plus loin et n'est pas en mesure de vous contacter? Peut-être qu'il n'avait pas ses papiers d'identité et de fait, personne ne vous a appelé..."

Janus devinait en tout cas que son guide reniflait l'inconnu et il ne serait pas surpris qu'il ai donné au passage une petit léchouille réconfortante à la main de l'autre homme. Cet animal sentait assez bien la détresse des autres et tentait toujours de se montrer réconfortant.Un vrai petit trésor pour Janus quand il se sentait au plus bas à cause de sa situation.

"Ne perdez pas espoir. Je suis certain que votre mari est quelque part à attendre que vous reveniez le chercher et le ramener chez vous. A votre façon de parler de lui, votre amour est évident et je ne peux pas penser qu'il soit partit de son propre chef..."