Des cris, un pleur. On enroule un petit bébé dans une couverture bleue tandis qu'un autre pointe enfin le bout de son nez avec un duvet de cheveux déjà bien noir sur la tête. Après un laps de temps qui paraît très long à la maman, on lui pose sur la poitrine ses deux jumeaux, un garçon et une fille. Les deux parents ont les larmes aux yeux tant l'émotion est grande. Ces deux enfants seraient probablement très fusionnels, tous les jumeaux le sont, non ? Les parents de Lorenzo et Erika ont vite déchanté en oubliant ce cliché. Père américain qui se tuait au travail pour ramener un maximum d'argent à sa petite famille, mère italienne qui s'épanouissait pleinement dans son rôle de femme au foyer, les jumeaux Mills voyaient bien plus souvent leur mère que leur père. Au grand damne d'Erika... Quand ils étaient vraiment petits, il n'y avait pas vraiment de souci, même si les jumeaux passaient leur temps à se chamailler. Mais rapidement, Erika s'est sentie délaissée... Elle avait l'impression que sa mère n'aimait que son frère. Il recevait toujours des compliments sans faire d'efforts alors qu'Erika faisait des efforts pour ne recevoir que des critiques. Quand leur père était à la maison, Erika était collée à lui, il était le seul à lui dispenser suffisamment d'amour et d'intérêt... mais il était souvent fatigué voire éreinté par son travail, alors quand il était là, Erika en profitait un maximum. Mais venait toujours le moment où il était trop fatigué pour continuer à jouer avec elle et partait se coucher.
« De toute façon t'es jamais là ! Tu m'aimes pas !! » Erika devait avoir sept ou huit ans et elle était en pleine crise existentielle. Elle se démenait pour plaire à ses parents mais ce n'était jamais assez. De son jeune âge, elle ne comprenait pas pourquoi son père n'était jamais à la maison. Si leur mère était constamment là, pourquoi il ne faisait pas pareil, lui ? Elle était partie en courant et avait claqué la porte de sa chambre avant de se jeter dans son lit en pleurant. Lorenzo était entré pour la réconforter mais elle l'avait envoyer bouler
« Laisse-moi tranquille toi, c'est ta faute ! » mais Lorenzo n'y était pour rien si leur mère correspondait au parfait cliché de la mère italienne qui ne voit que par son fils. Malgré les protestations, son frère était resté et elle avait pleuré dans ses bras jusqu'à tomber de fatigue.
L'adolescence avait été une grande période de rébellion pour Erika. Délaissée par une mère qui ne se rendait même pas compte de la différence de traitement qu'elle accordait à ses deux enfants, Erika avait appris à se débrouiller toute seule et à arrêter d'attendre désespérément la reconnaissance de sa mère.
« C'est bien mon fils, je suis fière de toi » « Erika, je t'ai dis huit fois de ranger ta chambre » c'était toujours ça. Donc foutu pour foutu, Erika avait arrêté les efforts. Elle était prête à donner une médaille à Lorenzo quand il faisait son lit alors que quoi qu'Erika fasse, au mieux c'était « normal » donc pas besoin d'être félicitée. Pourtant, il aurait fallu être aveugle pour ne pas comprendre qu'Erika avait juste besoin de l'attention de sa mère – de la bonne attention – ses mauvais résultats à l'école, les bagarres dans la cours de récréation, les caprices pour un oui ou pour un non... Elle s'était mise à fumer à treize ans, à quatorze ans, elle sortait par la fenêtre la nuit et ne rentrait qu'au petit matin. Avec ça, forcément elle dormait en cours, se prenait des réflexions de la part des profs et ensuite de la part de sa mère quand elle rentrait à la maison et voyait les mots dans son carnet. De toute façon, elle n'aimait pas les cours, elle n'y allait que parce qu'elle était obligée. Et encore... elle avait pris l'habitude de sécher de plus en plus souvent. Au lieu d'aller en maths, elle allait au stade pas loin pour fumer un joint, ou elle allait manger un sandwich avec quelques potes. L'adolescence c'est aussi la période où Lorenzo en a eu marre d'avoir sa mère sur le dos et qu'Erika a commencé à l'emmener avec elle dans des fêtes la nuit. La plupart du temps, leur mère autorisait Lorenzo a sortir, c'était un homme, il ne risquait rien. Mais pour Erika, soit elle n'avait pas le droit, soit elle avait une limite d'heure pour rentrer. Elle avait la paix uniquement lorsque les jumeaux allaient à la même fête, mais c'était toujours
« Lorenzo amuse-toi bien, Erika tu fais attention et tu te tiens tranquille » bah ouiii bien sûr ! Il ne faudrait pas gâcher la fête de môsieur en faisant n'importe quoi ! Encore heureux qu'il soutenait sa sœur et non sa mère.
A seize ans, Erika a définitivement dit bye bye au lycée. La loi ne l'obligeait pas à continuer, et personne ne pouvait la forcer à suivre les cours. Ils voulaient faire quoi de toute façon ? La ligoter à sa chaise et l'hypnotiser pour lui faire écouter les discours soporifiques de ses profs ? Vous conviendrez que ce n'est pas très réaliste. Et puis, ses profs n'étaient pas les derniers à être ravis de ne plus avoir la pénible Erika Mills dans leur classe. Évidemment, sa mère a poussé une gueulante en la comparant pour la énième fois à son jumeau. Son père aussi avait exprimé sa déception mais Erika avait secoué la tête d'un air dédaigneux.
« D'où tu donnes ton avis toi ? T'es jamais là et quand tu daignes montrer que t'es là c'est pour faire chier ? Foutez moi tous la paix sérieux ! » Ignorant les paroles que ses parents continuaient à proférer dans le vide
« Erika Tracy Mills, reviens ici quand je te parles ! » « Erika, écoute ta mère ! » elle leur envoya un beau majeur en l'air et s'enferma dans sa chambre. Elle bloqua la porte, remplit un sac de quelques fringues et sortit par la fenêtre. Erika passa quelques jours chez des potes, ignorant les appels de ses parents et ne répondant qu'à son frère sans lui dire chez qui elle squattait. Elle aurait pu s'absenter plus longtemps mais il fallait bien admettre qu'elle ne pouvait pas indéfiniment abandonner son frère. Alors elle était revenue au bout de trois jours, essuyant à la fois la colère et le soulagement de ses parents. N'allant plus en classe, Erika n'avait rien à faire de ses journées et rester à la maison avec sa mère n'était pas la meilleure des idées... Sa mère essayait de modeler Erika a son image : une parfaite femme au foyer. Sauf qu'Erika collait plus à l'image d'une jeune américaine que d'une italienne bonne cuisinière et bonne épouse. Les bons petits plats ? C'était plus simple d'acheter une bolognaise toute faite. Tenir une maison parfaitement bien rangée ? Elle n'était déjà pas capable de ranger ses chaussettes par paires, il y en avait toujours une perdue quelque part. Femme parfaite pour un gentil mari ? Comme si c'était dans ses projets … Déjà que sa mère n'avait pas l'air d'avoir conscience qu'Erika n'était plus vierge... ni même que son médecin avait accepté de lui prescrire la pilule. Elle avait passé plus de temps avec sa mère en quelques jours que pendant les seize dernières années. Et c'était l'enfer ! Comment Lorenzo avait supporté ça jusqu'à treize ans ? Finalement, elle préférait quand sa mère ne s'intéressait pas à elle. Alors rapidement, Erika commença a passer ses journées dehors. Elle se levait tard et sortait en début d'après-midi, souvent elle traînait dans la rue, les parcs, les centres commerciaux, elle allait fumer au bord d'un étang, retrouvait des potes qui séchaient les cours. Elle ignorait délibérément les
« Erika, ne sors pas comme ça, une fille bien ne s'habille pas avec une jupe aussi courte ! Et puis c'est quoi ce décolleté ? Rentre tout de suite ! » que sa mère lui criait depuis la porte d'entrée alors qu'Erika faisait claquer les tallons de ses bottes sur le goudron. Imaginez un peu sa tête quand elle a vu pour la première fois qu'elle s'était fait tatouée sans avoir obtenu l'accord légal de ses parents. Après une journée dehors, elle ne rentrait généralement que lorsque Lorenzo rentrait de sa journée de cours.
En plus de passer ses journées dehors, beaucoup de nuits y passaient aussi, souvent avec son frère. A force de trainer, elle n'avait que ça à faire d'écouter les bons plans pour les grosses soirées. Elle connaissait les bars et les boîtes pas très regardant sur l'âge des clients et elle partageait ça avec son jumeau. Mais quand Lorenzo n'était pas avec elle, Erika avait fini par s'entourer de mecs pas très fréquentables. Des mecs qui avaient des contacts avec des dealeurs, Erika leur filait du fric pour qu'ils lui prennent de l'herbe aussi. Ces mecs qui avaient juré à Erika qu'il n'y avait aucun risque à partir sans payer d'un bar, à entrer au cinéma par la sortie de secours, à piquer dans les magasins... ouais, jusqu'au jour où elle s'était fait chopée pour vol à l'étalage... Sa mère lui avait hurlé dessus. Premier délit officiel et encore mineure, Erika n'a pas eu d'ennuis, juste un avertissement et ses parents ont du payé une amende. Ce fut le premier épisode d'une longue série d'ennuis qui lui valurent quelques passages au commissariat : ivresse sur la voie publique, tentative d'effraction – pour sa défense, elle s'était
vraiment plantée de maison, elle était sûre d'être chez elle... mais non – pour laquelle elle avait été finalement considérée comme non coupable, mais elle avait réussi à ne jamais se faire choper pour possession de drogue ! Certains de ses ennuis lui avaient valu des travaux d'intérêt général... le manteau fluo a ramasser les saletés des gens qui ne savaient pas viser dans une poubelle : plus jamais !! Bref pour Erika, la vie, c'était un beau bordel. A dix-huit ans, sa mère la tannait pour qu'elle trouve un travail et pour une fois, Erika ne pouvait pas lui donner tort. Mais sans diplôme, elle n'avait pas grand choix sous la main. Elle finit par dégoter un job de barmaid qui lui avait permis de louer un petit appartement sans avoir sa mère sur le dos. Pendant quelques années, elle a gardé ce boulot tout en dépensant une bonne partie de son salaire dans l'herbe et l'alcool. Elle avait entamé une relation avec un homme, un simple coup d'un soir qui avait fini par devenir plus sérieux, une relation qui n'étaient pas la plus saine du monde avec un homme dont aucun parent n'aurait voulu comme gendre, ni qu'aucun frère n'aurait voulu voir avec sa sœur. Ils n'avaient jamais officialisé leur relation, mais c'était tout comme. Au point que lorsqu'il a dit devoir partir pour New York, Erika l'a suivi. Elle a rendu les clés de son appartement, à dit au revoir à son frère... C'était sûrement la chose la plus difficile. Ils avaient beau avoir leur différends, s'engueuler pour des broutilles parfois et même se taper dessus par moments... ils étaient jumeaux et ça restait difficile d'être séparée de lui. Ne pas vivre ensemble ça allait, mais ne plus être dans la même ville, ce n'était pas encore arrivé. Alors une fois n'est pas coutume, elle a serré son frère dans ses bras et il n'a pas su la convaincre de rester à Washington et ce n'était pas depuis son école de police qu'il pouvait l'empêcher de partir.
Erika aimait bien New York, c'était une chouette ville. Elle partageait un appartement avec son plus ou moins copain et leur relation libre. Bien souvent des potes à lui étaient là aussi et l'appartement se transformait en aquarium. Elle avait retrouvé un job de barmaid, de toute façon elle ne savait faire que ça. Mais cette fois il y avait deux salaires... enfin... officiellement, il n'y avait que celui d'Erika. Son mec dealait et traînait dans d'autres histoires pas très nettes, pas le genre de revenus qu'ils pouvaient déclarer. Beaucoup de femmes auraient fini par flipper, Erika s'en foutait. Jusqu'à ce que son frère sorte de l'école de police en étant muté à New York. Oh elle était ravie d'avoir de nouveau son frère dans la même ville qu'elle ! Mais entre un mec dealer et un frangin flic... ça la foutait assez mal donc Erika l'invitait rarement chez elle, c'était plutôt elle qui se rendait chez son frère. Les années passaient, la vie d'Erika n'était pas très saine mais elle lui convenait bien quand on mettait de côté les fois où elle avait pu envoyer son poings droit dans le nez de mecs trop insistants qui lui collaient au train. Son pseudo-mec ? Jamais il n'intervenait quand un mec faisait du gringue à Erika. Premièrement parce qu'il trouvait ça assez excitant, deuxièmement parce qu'il savait très bien ce qui attendait le mec en question. Elle appréciait de se sentir désirée mais quand un gros lourd venait se coller à son cul, ce n'était pas la peine. Oui, elle s'habillait sexy, oui elle se trémoussait, mais non ce n'était pas une invitation à être un gros porc. Il y avait deux façons de draguer, la bonne et la mauvaise. Lui coller une main aux fesses avant de lui demander son nom, c'était la mauvaise et c'était une patate dans la tronche. Quelque part, Erika était une féministe, elle se battait pour que les femmes puissent se balader à poil sans avoir peur d'être agressées. Elle haïssait d'autant plus celles qui se résignaient à trouver normal les comportements abjects. Comme tous ces gens qui n'intervenaient pas quand ils étaient témoin d'une agression. Pour elle c'était inimaginable. Un soir qu'elle sortait rejoindre des potes en boite, elle était passée près d'une ruelle où elle avait entendu une fille crier, les gens avaient continué de marcher... Erika était la seule qui s'était arrêtée.
« Hey ! » avait-elle gueulé en s'approchant du type qui essayait manifestement d'arracher les fringues d'une pauvre innocente, sa main collée sur sa bouche pour l'empêcher de crier encore. Erika avait chopé ce type par le col de sa veste et l'avait violemment tiré en arrière.
« Attaque toi à quelqu'un de ta taille, connard ! » ni une ni deux, elle lui avait avait plaqué la paume de sa main contre son nez d'un coup sec. La tête du type était partie en arrière et la fille qu'il agressait l'avait rapidement remerciée avant de partir en courant. Erika allait repartir mais il lui avait attrapé le bras pour la retenir. Être mis à terre par une nana, ça blesse toujours l'égo. Elle s'était pris un coup de poing en pleine joue qui lui avait fait voir des étoiles pendant plusieurs secondes. S'en était suivie une bagarre plus violente qu'Erika l'aurait voulu. Elle avait tout juste eu le temps de faire un bond en arrière quand elle avait aperçu une lame, elle l'avait désarmé d'un coup de pieds avant de lui planter son couteau dans le bras. Après quoi, elle en avait profité pour se barrer en courant malgré les contusions qu'elle avait sur le corps.
Le salaire d'Erika n'était pas grandiose et même si les affaires louches de son mec rapportait un peu plus, ils avaient prévu un coup qui leur rapporterait vraiment du fric. Au début, Erika n'était pas tout à fait pour mais elle s'était laissée convaincre. Ils avaient repérer une grande baraque qui puait le fric dans laquelle vivaient deux petits vieux, un des mecs de la bande était venu faire des travaux chez eux. Le plan était plutôt simple à la base : attendre la nuit, rentrer grâce au double des clés qu'il avait piqué, chourer les trucs de valeurs et repartir, le tout le plus vite possible. La nuit venue, le plan se déroulait comme prévu. L'alarme de l'entrée avait été coupée et ils commençaient à voler l'argent et les objets de valeurs... C'était sans compter que le propriétaire se réveille. Il avait entendu du bruit et avait appelé la police, puis il était descendu avec son fusil. Le coup de feu fit sursauter tout le monde. Le fusil était pointé sur l'un de ses complices mais flingue à la main et paniquée, Erika fut la première à tirer, la balle atteint le vieil homme non loin du cœur.
« Vite vite ! On se casse ! Putain Erika qu'est-ce que tu fous ? » Par réflexe, Erika s'était précipitée vers l'homme et essayait de compresser la blessure.
« On peut pas le laisser là ! » « On s'en fous, allez viens !! » Mais Erika ne pouvait pas laisser mourir cet homme dont elle avait le sang sur les mains, au sens propre. Ses complices détalèrent pendant qu'Erika était à genoux à côté de lui, à essayer de l'empêcher de se vider de tout son sang mais en vain, c'était trop tard pour lui. Et trop tard pour elle, quand elle sortit en courant de la maison, les flics étaient déjà là. Flingues braqués sur elle, elle n'avait eu d'autre choix que de lever les mains en l'air et de se mettre à genoux par terre. Un flic lui menotta les poignets non sans qu'elle se débatte, essayant vainement de lui coller des coups de tallons dans le dos
« Lâche-moi espèce d'enfoiré ! » Bah oui, pourquoi ne pas insulter le flic qui l'arrêtait tiens ? Quand il la releva, elle croisa le regard de son frère... il était là. Des collègues se tenaient à l’affût pour l'empêcher d'intervenir. Alors qu'elle lisait choc et déception dans son regard, Erika se sentit totalement minable... Des conneries elle en avait fait mais elle ne s'était jamais sentie.. comme ça, pas dans les yeux de Lorenzo.
Cette fois, Erika était vraiment dans la merde. Le vieillard était décédé dans l'ambulance avant d'arriver à l'hôpital, elle avait un homicide involontaire sur les bras. Et vu qu'ils étaient entrés illégalement dans une propriété privée, qui plus est dans le but de cambrioler, elle ne pouvait pas plaider la légitime défense. Le pire c'est qu'elle n'était pas franchement coopérative avec les agents.
« Vous n'avez pas l'air consciente de ce que vous risquez. » Erika n'était pas du genre à se laisser intimider mais pour une fois, il fallait qu'elle se force à mettre sa fierté de côté. Elle regarda le flic d'un air hautain en gardant le silence.
« Résumons : pénétrer dans une propriété privée, cambriolage et homicide involontaire » Erika deglutit en essayant de ne rien laisser paraître.
« Vous risquez de cinq à vingt-cinq ans de prison. Et autant dire que si vous refusez de coopérer, ne comptez pas sur le fait de n'écoper que de cinq ans. » « J'veux un avocat. » répondit-elle froidement avant d'être remise en cellule. Son frère avait réussi à lui trouver un bon avocat. Un avocat qui eut plus d'impact sur Erika que la vaine intimidation de la police. Elle commençait à réaliser que vingt-cinq ans... c'était très long.
« Et si je balance mes complices ? » Erika avait toujours été loyale, les avait couvert mais... eux n'avaient pas hésité à la laisser sur place pour sauver leur cul, alors pourquoi devrait-elle continuer à les protéger ? Si elle devait aller en taule, pas question d'y aller seule. Après de longues négociations et du blablatage d'avocat, le juge décida d'une peine de huit ans. Elle s'en sortait bien d'une certaine façon... Mais elle était incapable de soutenir le regard de son frère et les propos qu'il tenait à son égard lui faisaient bien plus de mal qu'elle ne voulait bien le montrer. Être une déception aux yeux de ses parents, de ses profs, tout ça elle s'en foutait, le regard des autres sur elle, elle s'en balançait, mais Lorenzo... c'était différent. C'était quand même sa moitié depuis presque vingt-huit ans.
Derrière les barreaux, Erika n'était pas fière. Bien sûr, elle se montrait dure et sûre d'elle sinon elle se serait faite bouffée dès le premier jour. Être une victime, hors de question. Ici, elle était entourée de nanas qui avaient son caractère voire pire, ce n'était pas comme lorsqu'elle pouvaient mettre K.O des midinettes d'un simple regard. Erika ne cherchait pas à déclencher de bagarres mais les premiers jours, elle n'avait pas eu le choix, il fallait qu'elle s'impose si elle voulait la paix. Petite nouvelle, on lui avait forcément chercher des noises mais elle avait répondu et ça avait suffit pour que les fortes têtes lui accordent du respect et à partir du moment où ces quelques femmes en haut de la hiérarchie lui accordaient un minimum de considération, toutes les autres suivaient sans se poser de questions. Deux ans après son incarcération, on lui colla une camarade de cellule. Erika lui lança un regard dur qui s'adoucit rapidement en voyant cette petite créature blonde qui avait l'air sortie tout droit d'un magasin de porcelaine. Elle avait été naïve, son mec avait fraudé et mis tous les comptes à son nom alors c'était elle qui avait pris. La pauvre, Erika avait l'impression qu'elle allait se mettre à chialer d'une seconde à l'autre. Quelque part, elle avait eu de la chance de tomber sur quelqu'un qui avait un minimum d'empathie. Dès sa première sortie, elle se fit agressée. Erika avait du éclaté la prisonnière pour faire comprendre à tout le monde que cette fille était à elle et que personne ne devait la toucher, la loi de la taule. Erika s'était retrouvée en isolement mais le message était passé. Elle avait beau être en taule, les choses auraient pu se passer plus mal que ça... c'était loin d'être une partie de plaisir mais elle avait su s'entourer des bonnes personnes pour qu'on lui foute à peu près la paix. Son frère passait la voir régulièrement, sa colère s'étaient apaisée petit à petit et depuis qu'il avait été muté à Washington ça demandait plus de trajet mais il venait quand même.
« Mills, t'as de la visite ! ». La gardienne ouvrit la cellule d'Erika pour l'emmener au parloir mais elle fronça les sourcils. Elle ne voyait pas son frère, à vrai dire elle ne voyait aucun visage connu donc qui pouvait bien être venue la voir. La gardienne lui indiqua un type d'un signe de tête. Méfiante elle s'assied devant le mec qui se présenta sous le nom de Gabriel. Il était le coéquipier de Lorenzo. A peine avait-il dit ces mots qu'Erika sentit une vague de panique. Pourquoi son coéquipier ? Où était son frère ? Qu'est-ce qui lui était arrivé ? Voyant qu'Erika commençait à se faire des films, il la rassura rapidement en lui disant que Lorenzo allait bien, qu'il avait juste pris une balle perdue et qu'il ne pouvait pas venir la voir pour l'instant. Ouais ben elle n'était qu'à demie-rassurée quand même … Elle discuta un peu avec le coéquipier de son frère et lui donna quelques messages à transmettre à Lorenzo puis elle dut retourner dans sa cellule.
Huit ans... huit longues années qu'Erika avait passé derrière ces barreaux, toujours dans les mêmes fringues, avec les mêmes quelques affaires personnelles, le même plumard inconfortable, la même bouffe dégueulasse. Et aujourd'hui état le jour tant attendu ! En guise d'au-revoir, elle ébouriffa les cheveux de sa co-piaule à qui elle avait pris soin de trouver une nouvelle protectrice. Retrouver sa veste en cuir lui faisait foutrement plaisir. A peine les portes de la prison franchies, elle prit une grande inspiration. C'était comme si l'air était différent d'un côté et de l'autre de ces murs. Son frère l'attendait à sa sortie, elle le prit dans ses bras et le serra aussi fort qu'elle le pouvait. Elle avait beau ne pas être très tactile, ça faisait un bien fou d'être contre lui, de pouvoir lui parler sans vitre ni menotte. Elle rentra avec lui à Washington, New-York c'était fini pour elle et pas question d'y remettre les pieds de sitôt. Pendant quelques temps il l’hébergea, le temps qu'elle se refasse à une vie normale. Le premier jour, elle s'était endormie comme une masse en plein milieu d'une phrase tant le lit était confortable par rapport à ce qu'elle se tapait depuis huit ans. Pendant deux mois, elle se la coula douce chez son frère, profitant de sa liberté fraîchement retrouvée. Mais elle ne pouvait pas indéfiniment se reposer sur son frère, il allait falloir qu'elle retrouve son indépendance. Mais ça... ça passait par se trouver un job et ce n'était pas avec une carrière de barmaid et un passage de huit ans en taule que beaucoup de portes lui étaient ouvertes. Elle avait bien fait quelques entretiens pour des boulots dont elle ne voulait pas mais chaque fois qu'on lui demandait à quoi correspondait le trou de huit ans dans son CV, ça jetait un froid. Les « On vous rappellera » elle les connaissait par cœur, surtout quand elle passait les entretiens avec des minettes en tailleur et tallons hauts. Elle commençait à désespérer... jusqu'à ce qu'elle passe dans un garage, en matant les voitures elle constata une affiche de recherche d'employé. Sans aucun CV en main, elle se présenta au culot auprès du patron qui ne cacha pas sa surprise de voir une femme. Pour autant, il lui laissa sa chance de défendre son mérite. Elle n'avait jamais travaillé dans un garage, mais elle avait de l'expérience avec les bagnoles et ça s'entendait dans ce qu'elle disait. Alors faisant abstraction de son CV et son casier, il prit Erika a l'essai et depuis deux mois elle s'est fait sa place dans l'équipe.