Hearts Still Beating

Je n’étais pas nécessairement une personne extravertie, mais avec ma femme, au quotidien, je savais me sentir libre, je savais ne pas me sentir timide de mes paroles, de mes gestes. Et donc, me montrer timide avec Zara en ce moment, c’était inconfortable, même si je m’étais fait à l’idée ces derniers mois, puisque c’était devenu notre triste réalité. J’avais appris, à contre-coeur, à ne pas compter sur son réconfort, sur son toucher pour me faire sentir mieux. Et normalement, j’avais le courage d’être autonome, de prendre sur moi, mais plus maintenant. Avec cette nouvelle, je ne pouvais rester dans mon coin, et il était hors de question que je reste là, sans rien faire. Lui prendre la main n’était pas devenu un caprice, mais bien une urgence, et le fait qu’elle ne me repousse pas, non pas une normalité, mais bien une source de grand soulagement. Et ce fut suffisant pour me donner le courage de lui dire ce que je pensais, ce que je voulais, sachant parfaitement que c’était égoïste, sachant que ç’avait été source de conflit ces derniers temps. Mais cette fois-ci, je n’avais pas fait maintes détours, je lui avais dit directement, clairement. Et nerveux, j’avais attendu sa réponse, pour être finalement récompensé de tout ça. Et cette fois-ci, je voulais la croire, je voulais croire que lorsqu’elle me promettait que je n’allais plus passer en second plan, elle le pensait vraiment, et qu’elle n’allait pas tout réorganiser de sorte à ce que tout le contraire arrive. J’avais envie de la croire puisqu’en me le disant, elle m’avait regardée droit dans les yeux. Plus encore, elle en avait ajouté davantage, ce que jamais, elle n’avait fait, pas au paravant en tout cas. Convaincu, je laissai mon regard se plonger dans le sien encore un moment, pour y chercher encore un peu de réconfort, et finalement, dans un soupir, je finis par lui dire:  « Tu me manques, Zara… » Et je lui disais ces mots dans la plus grande sincérité. Je savais qu’on se voyait chaque jour, et on dormait encore dans la même chambre, dans le même lit, mais la distance faisait qu’elle me manquait quand même, d’une façon probablement encore plus douloureuse que si elle n’était pas là tous les jours. Mais dans l’espoir plus que certain que ça saurait s’arranger, prêt à assumer mes torts si je me devais de le faire, quand je me devrais de le faire - parce que je savais que j’en avais - je me fis un peu moins timide, et je me permis quelque chose que je ne pensais pas faire, que limite, je ne pensais jamais faire à court terme, c’est-à-dire de me permettre de poser ma main libre sur son ventre qui ne laissait rien paraître pour le moment, en ne me permettant pas une caresse bien sérieuse, mais juste pour… accepter la situation, montrer que je l’acceptais en tout cas.

Voilà maintenant combien de temps que nous n’avions pas eu un moment calme et tendre comme ça ? Sauf peut-être le soir où nous avions conçu cet enfant que Zara attendait depuis maintenant quelques semaines, je ne saurais pas le dire. C’était un constat que je faisais souvent ces derniers temps, un constat qu’à chaque fois, je trouvais triste, qui avait pour effet de briser le coeur. Je le pensais encore une fois à cet instant précis, alors que je rendais à Zara son baiser de façon douce, mais un peu trop à mon goût, parce qu’il était limite chaste, avec une retenue qui ne me plaisait pas nécessairement, même si j’avais été obligé d’apprendre à vivre avec celle-ci. À la différence des autres fois par contre, à la fin de ce baiser, lorsque je l’entendis me dire que je lui manquais également, je voulus ne pas ressentir de tristesse, mais de la confiance, confiance comme quoi nous serions capables de partir sur de bonnes bases. Je savais bien que ce n’était pas ce soir qui allait tout changer - même si la nouvelle que je venais d’apprendre avait évidemment changé bien des choses - mais peut-être c’était la petite poussée que nous avions besoin pour tenter de nous sentir mieux, pour avancer plutôt que de se freiner au moindre problème. Déglutissant, je compris qu’il me faudrait peut-être un peu plus de courage pour dire quoi que ce soit. Fuyant quelque peu son regard pendant un instant, je penchai la tête, le temps de déposer un baiser dans son cou, non loin de son épaule. Inspirant profondément, j’ajoutai ensuite:  « C’est vrai, ce que tu as écrit… Concernant l’hôpital… ? » Je ne savais pas d’où ça sortait. C’était à croire que maintenant que nous avions abordé le sujet principal, il me tardait d’en savoir plus, de partir de l’entièreté de cette lettre. Tristement, nous avions rarement parlé du temps où j’étais dans le coma - parce qu’évidemment je ne m’en souvenais pas - et parce que je n’osais pas lui demander. Mais j’avais envie qu’elle me le confirme, même si j’avais aussi peur, sachant très bien qu’il ne m’en faudrait pas plus pour me sentir encore plus coupable que je me sentais déjà par rapport à tout cette histoire.

Qu’est-ce qui l’avait faite culpabiliser au point qu’elle n’avait pas voulu m’avouer qu’elle était là, à l’hôpital ? Était-ce parce qu’elle était absente au moment de mon réveil et ç’avait été pour elle la meilleure solution ? S’en voulait-elle par rapport à l’accident, par rapport à la dispute qui avait précédé celui-ci ? Tant de questions restaient sans réponse et pourtant, je n’osais pas en demander ne serait-ce qu’une seule. Le regard baissé, je la laissai aller au bout de son propos, en silence, n’osant pas parler, sachant très bien que je ne saurais quoi dire, de toute façon. Ce fut qu’à ses derniers mots que je relevai le regard, cherchant le sien, cherchant aussi un peu de courage pour lui dire:  « Faut pas… » J’avais dit la première chose qui m’était passée à l’esprit, sans savoir comment j’allais m’expliquer, justifier ce propos tout bref qui pouvait pourtant en dire long. Maladroitement, je levai la main, pour chasser de mon pouce une larme qui s’était échappée de ses yeux pour rouler sur sa joue. Je n’y arrivai même pas précisément, conséquence de l’accident, mais l’intention, la bonne intention, était là. Ayant eu le temps de trouver mes mots, je pus ajouter:  « Qu’importe comment tu te sens… Ne me le cache pas… Je suis ton mari… Je suis là pour toi… » Je pinçai les lèvres, réalisant au fur et à mesure que mes propos étaient peut-être peu appropriés, dans le sens où je n’avais pas été un modèle de soutien. Ressentant le besoin de me corriger, je renchéris en disant:  « Je veux être là pour toi, que tu sois triste, heureuse… Ou complètement démunie… Et je ne pourrai jamais assez te dire à quel point je suis désolé de ne pas l’avoir fait… » Je savais depuis longtemps maintenant que j’avais commis des erreurs, mais jamais je n’avais su les admettre aussi concrètement, aussi clairement à Zara. Il était plus que temps que je le fasse, même si ce n’était pas parfait. N’était-ce pas déjà un pas dans la bonne direction ? J’espérais qu’elle le verrait comme ça.

Je savais que je ne pouvais pas y faire grand-chose, parce que c’était dans le passé, parce que ça faisait plusieurs mois maintenant que j’étais sorti de l’hôpital et même quand j’y étais, il m’aurait été bien difficile de faire quoi que ce soit, sachant que j’avais été dans le coma pendant plusieurs semaines. Mais malgré tout, je me sentais mal, mal qu’elle ait dû faire preuve de cette retenue, me doutant bien que c’était ma faute en partie, parce que je n’avais pas su rétablir ce confort qu’il y avait dans notre couple avant que tout se mette à déraper. Et j’espérais qu’en mettant ainsi le doigt sur le mal qui nous affligeait apparemment tous les deux, ç’allait nous aider à aller dans la bonne direction, parce que je croyais sincèrement qu’il nous fallait être honnêtes l’un avec l’autre désormais, même si parfois ça faisait mal. Désormais conscient de ce fait, voyant que Zara voulait faire les efforts de son côté aussi, j’avais envie d’être un peu plus confiant, d’autant plus que j’avais de bonnes raisons de l’être maintenant; je savais à quoi m’attendre, je savais où diriger mes efforts de sorte à ce que tout se passe mieux. Bien sûr que ce ne serait pas parfait dès maintenant, mais j’avais quand même envie de voir ce moment de précis comme le début de quelque chose de nouveau, un pas dans la bonne direction. Voilà pourquoi je dis:  « Plus de secrets ou de cachettes… D’accord ? » Réalisant après-coup que peut-être dit comme ça, ce n’était pas trop délicat, peut-être même un peu trop demandé, je me mordillai la lèvre inférieure, attendant sa réponse, espérant juste ne pas avoir tout gâché en l’espace de quelques mots.