Shabel ▬ Puisque nous devons travailler ensemble

Puisque nous devons travailler ensemble...

Isobel Hogan | Shane Holloran

« Eh merde ! Encore à côté ! Chié ! » Reprise difficile aujourd’hui. Je suis censé partir en viré avec mon binôme, seulement ce dernier a décidé de tomber malade et une bande de pingouin en costard a débarqué. Un tueur en série rôde. Et au lieu de me frayer un chemin à l’extérieur de mon bureau pour me dénicher un collègue en pleine forme et faire mon boulot, je me suis enfermé dans le plus grand des calmes, avec pour objectif de m’entraîner au basket. Des vieux rapports mal imprimés ou en double me servent de ballons que je froisse au préalable et jette depuis mon siège roulant. Je ne suis même pas capable de faire mine de travailler sur un dossier. De toute façon, vu l’état de crise dans lequel nous sommes, le commissaire ne remarque même pas que je suis encore planté là, à ne rien faire. Je me redressais et me levais en direction de mon champ de météorite en papier, les ramassant les uns après les autres avant de retourner bien sagement à ma place et de réitérer mon entraînement intensif. Les pieds posés juste à côté du clavier, penché en arrière, on dirait un ado en plein cours de math. La porte s’ouvre sur une bien jolie tignasse blonde qui ne m’est pas inconnue. Je n’ai même pas le temps de me remettre à faire semblant de taper quelque chose sur mon ordinateur que Isobel s’emballe et m’informe qu’elle va travailler ici. Je la regarde la bouche grande ouverte, mettant un moment à décrypter ses propos. Mon regard se dirige lentement vers mon ordinateur et pries pour que je n’ai laissé aucun site suspect ouvert sur ce dernier.
La jeune femme s’avance vers moi. J’ôte mes pieds du bureau et me redresse à nouveau, déposant mes boules de papiers à côté du clavier et lui tends la main. « Salut beauté. Bien sûr que tu peux prendre mon ordinateur. De toute façon, pour ce que j’en fais… » Je le regarde de nouveau et constate qu’il y a une tâche de mayonnaise séchée sur le plastique entourant l’écran. Je lui présent mon fauteuil. « Tiens, prends place. Je vais me chercher une chaise. » Je me dirige vers la porte, priant d’avoir effacé l’historique de navigation. Je n’entends pas de manifestation d’indignation. C’est bon signe. Je sors de mon bureau et me dirige vers celui de mon collègue malade. On dirait bien que mon programme pour la journée est plus que contrarier. Il va falloir que je me trouve une nouvelle activité. Surtout avec Isobel dans les pattes. Si au moins elle avait cédée à mes tentatives de dragues, j’aurai sans doute pu tirer ma crampe, mais elle était du genre à ne pas se laisser faire. Une fois le fauteuil en ma possession, je le fais rouler en direction du couloir et constate qu’il n’y a personne dans les parages. Je m’assois dessus et commence à le faire rouler à vive allure. Un vrai gosse, comme dirait ma sœur. Je me dirige jusqu’à mon bureau et reprends un semblant de sérieux, me remettant une nouvelle fois debout pour franchir la porte. Je le rapproche d’Isobel et m’installe dessus. « Alors dis-moi, pourquoi es-tu venu directement dans mon bureau pour accéder à un PC plutôt que d’aller dans celui de ce bon vieux Robert. C’est pour mon charme, c’est ça ? Avoues… » Je lui fais un large sourire avant d’attraper mon mug de café encore fumant et de tremper mes lèvres dedans.

Puisque nous devons travailler ensemble...

Isobel Hogan | Shane Holloran

Miss intello se permet de critiquer mon travail. Bien sûr que je ne fais absolument rien de ma journée, mais je n’ai pas envie de voir ces agents du FBI, ou je ne sais quel organisation du gouvernement, foutre leur nez dans mes affaires. Je les trouve sans culot, eux et leur façon de procéder. Ils ne connaissent le terrain que quelques fois dans l’année, le restant du temps, ils font des réunions, des briefings, et voyagent un maximum pour leur métier. Ils ne se doutent pas ce que c’est que de toujours travailler dans le même secteur, d’être confronté au même délinquant jour après jour et de devoir survivre dans cette jungle. Alors oui, j’entraîne mon tir, mais au moins, je garde un œil sur eux. Il n’y a que les grosses enquêtes qui les attirent. Je ne vais sûrement pas les pistonner sur mon réseau. Je suis presque sûr qu’il y a un tueur en série dans mes clients, en plus.
On fait ce qu’on peut pour s’occuper, m’zelle. , me contentais-je de lui répondre, tout en lui tendant la main. Oui, ne vous en faites pas. Je ne suis peut-être pas monsieur propre, mais j’ai un minimum d’hygiène. Je marque une pause, le temps qu’elle digère ma réponse à sa question sur le lavage de mes mains. Ce n’est pas parce que le FBI nous laisse la merde à gérer, que nous sommes sales, vous savez… ? Je préférais en rester là pour le moment, me mettant en quête d’un fauteuil, lui cédant le mien.
A peine étais-je de retour, que je lui lancer une de mes remarques sur mon pseudo charme. C’était bien entendu une blague plus qu’une sérieuse question. Mais il semblerait que la demoiselle ne connaisse pas le second degré, ce qui me fit lever les yeux vers le ciel. Enfin, elle se mit à me faire un rapport sur le fait qu’elle soit venue dans mon bureau plutôt que dans celui d’un autre. J’aurai bien soupiré, mais ç’aurait été mal vu. Au lieu de ça, je me contente d’une réponse franche, à la Shane.
Détends toi, c’était une blague. De toute façon, j’ai du mal à utiliser ces trucs, dis-je en désignant l’ordinateur. Tu en feras meilleur usage que moi. Et puis de toute façon, ça ne me fait pas de mal, un peu de compagnie. finis-je en la regardant à nouveau de la tête au pied, m’arrêtant quelque peu sur ses formes alléchantes.
Et revoici la jolie blondie à la charge au sujet de mon boulot –ou plutôt du manque de celui-ci. Il fallait toujours que ces gens-là remettent en question ce que je fais. Pourquoi je ne bosse pas ? Parce qu’il est interdit de partir en virée sans son binôme, tant notre emploi est dangereux. Et étant donné que mon collègue est malade, et que je n’aime pas beaucoup ceux disponibles, je préfère rester ici pour travailler sur mes rapports. Et comme je n’ai aucun rapport à faire, alors je m’entraîne au basket, me tenant prêt en cas d’une éventuelle intervention musclée. Menteur. Et toi ? Qu’est-ce qui t’amène à travailler chez les unités des bas-fonds ? Vous vous ennuyez dans vos bureaux luxueux qui ne servent à rien, si ce n’est vous prendre la tête sur le prochain serial killer que vous allez coffrer ? C’était méchant, j’avais. Mais jouissif. Pour une fois que je pouvais me permettre de critiquer le FBI en face, je ne m’en privais pas.

Puisque nous devons travailler ensemble...

Isobel Hogan | Shane Holloran

La jeune femme s'offusquait en entendant le mot "s'occuper" laissant prédire qu'elle n'a nullement le temps de s'ennuyer. J'hésite trop longtemps entre le ricanement et le soupir, à tel point que le faire à l'instant où je l'avais décidé ne rimerait plus à rien. Elle me chantait déjà son petit discours de carrièriste. Je levais mes yeux vers le ciel en songeant que si à une époque j'aurai pu me laisser prendre au jeu de l'augmentation et du pouvoir, dorénavent, cette idée est complétement écartée. J'étais trop attachée par l'appat du gain rapide pour patienter une prime et un échelonnage. Et mon caractère ne collait pas avec ce que l'on attend de moi si je grimpe d'un niveau. "Mouai, quoiqu'il en soit, très peu pour moi, tout ça. J'ai d'autres priorités dans la vie que de tout sacrifier pour une carrière." Je passais sous silence ma famille, mes amis, et mes nombreuses conquêtes, considérant que le sous-entendu était suffisamment explicite pour qu'elle le comprenne.
La demoiselle me demande si je suis un homme de terrain. Garde ton fou rire pour toi, Shane. J'acquièse d'un mouvement de tête, et enchaîne sur sa seconde question : "En fait... Oui, il s'occupe de tout ça. La paperasse a le don de me prendre la tête. De toute façon, j'ai arrêté de toucher aux PC le jour où ils ont retirés le démineur des applications Windows." Finis-je en lançant un regard de mépris vers mon ordinateur. Et la jeune femme semblait aimer à ridiculiser mon emploi, et le résoudre à de simples arrestation, bon contre gentil. Elle ne semblait pas saisir que si on arrête la mauvaise personne, on prend des risques. Le FBI a tellement l'habitude d'être dans toutes les villes en même temps qu'ils en oublient que les pauvres flics que nous sommes voyons cette ville partagée entre la pègre et nos proches. Ce n'est pas comme si les enquêtes nous emmenaient d'un bout à l'autre du pays à chaque fois. Nous devions rester dans notre juridiction. "Vraiment rien à faire, non non. Et de toute façon, on a qu'à arrêter un dealer, il en repoussera deux. C'est un peu une hydre du crime, cette ville. Enfin... Toutes les grosses villes j'imagine. Elles ont leurs bons et leurs mauvais côtés."
Vu la mimique qu'elle prend, j'imagine qu'elle est blessée par mon commentaire sur le FBI et son don à venir mettre sa pagaille ça et là. Et je dois bien avouer que je me fais littéralement scié les pattes par la jeune femme. Elle a le don de me remettre à ma place. En temps normal, je lui aurai sans doute arraché le téléphone des mains, pour lui glisser une main sur la gorge et serrer legèrement le temps de proférer quelques menaces, mais avec Isobel, j'ai juste envie de sourire et de tendre l'autre joue. Juste avant que son interlocuteur ne décroche, je me contente de dire un "Ok, je l'ai cherché." Je me penche en arrière sur ma chaise un instant, l'observant du coin de l'oeil.
Je l'entends dire qu'elle a des infos, et ne prête qu'à moitié attention au restant de ses propos. Je me questionne moi-même sur le type de sous-vêtements que cette femme pourrait bien avoir. Je songe à une vieille culotte de grand-mère, sur le coup. Surement un contre coup de sa réponse. Puis je me concentre un peu plus et l'imagine aisèment en sous-vêtements de plus en plus sexy. A tel point que je me surprends à dénicher derrière ses lunettes, un charme qui jusqu'ici ne me sautait nullement aux yeux. Je suis presque sûr qu'en dehors de son boulot, où elle doit avoir une tenue plus que correcte, elle doit être très ravissante. Je paierais cher pour voir ça.