De toi à moi • Elostin

Ce soir j’avais décidé de rester chez moi, enfin dans ce qui me servait de chez moi, cet immeuble abandonné dans lequel j’avais élu domicile il y a maintenant quelques mois. Ce grand immeuble dans lequel j’étais seul. Je m’étais surtout installé au dernier étage dans l’appartement du fond parce qu’il était le seul à avoir une serrure et dans lequel je pouvais cacher mes affaires. J’aurais très bien pu aller chez Chip qui m’hébergeait dès que je le souhaitais et avec qui j’aurais sans doute fini en ville pour n’aller dormir qu’au milieu de la nuit mais je n’avais pas trop eu la tête à ça. Le cirque ambulant dans lequel j’ai été membre depuis des années allait bientôt passé en ville et ça m’avait fait remonté vraiment plein de souvenir. Des mauvais, plein de mauvais mais aussi des bons parce que même si j’avais prit mon courage à deux mains et que j’avais été le seul à avoir le courage de partir, une bonne partie de la troupe me manquait, ils étaient mes amis après tout et même ma famille à défaut d’avoir laissé mon propre frère jumeau derrière moi. Devon me manquait, Connor me manquait, tous me manquait mais je ne voulais pas retourner là-bas… Pour rien au monde je ne le ferais. Mais ça m’avait touché le moral et m’avait coupé tout envie de sortir, d’aller faire la fête ou de voir n’importe quel ami. J’allais resté dans ce vieil appartement sombre à contempler la vue de la ville et ça m’allait très bien. Je ne voulais pas me montrer sentimental devant qui que ce soit, j’étais Austin le pote sympa, toujours souriant, tête brulé et un brin moqueur, pas la chochotte qui se remémore des souvenirs de famille. J’avais enfilé mon fameux sweet que je ne quittais jamais depuis que je l’avais piqué à Eloan et je m’étais installé à ma fenêtre, en grignotant un paquet de bonbons piqué à la superette du quartier. J’avais reçu un message de Chip me proposant de l’accompagner, rien d’étonnant, c’était un peu notre programme ces derniers temps, même si là il ne s’agissait pas de soirée mais d’une simple sortie. Dans tous les cas je n’étais pas intéressé, je lui avais brièvement répondu avant de jeter mon téléphone sur le vieux matelas posé au sol qui me servait de lit. C’est alors que j’avais entendu du bruit, l’immeuble étant vide et surtout les portes étant toutes ouvertes, le moindre bruit résonnait et se faisait entendre dans l’ensemble du batiment. Je me préparais déjà à partir, ramassant mes affaires, planquant ma valise sous les lattes de plancher que j’avais décroché avant de les placer quand j’avais entendu mon prénom, ce qui me stoppa totalement dans mes actions. Qui donc venait me voir directement ici. J’avais quitté l’appartement pour regarder dans les escaliers qui venait, c’est alors que la personne s’identifia. Eloan. « Monte, je suis en haut » lui avais-je simplement répondu, inutile d’hurler pour se parler et je n’étais pas du genre à descendre les escaliers en courant pour me jeter dans ses bras. J’étais pourtant très content de le voir, je le connaissais depuis mon arrivée ici, parce qu’avant il était dans la même situation que moi, un pote de galère avec qui j’avais habité ou plutôt squatté durant quelques temps. Puis il avait finalement réussi à s’en sortir, où ce qui s’en rapprochait le plus et il était partie, ne laissant derrière lui que ce fameux pull que je m’étais souvent. Il comptait pour moi Eloan, et j’étais content qu’il arrive à avancer mais je ne pensais plus qu’il reviendrait jusqu’ici pour que l’on se voie. Une fois à ma hauteur, je lui souriais avant de le prendre dans mes bras dans une étreinte brève et fraternelle avant de poser mes yeux verts sur lui. « Bah qu’est ce que tu fais là ? » Je me demandais bien pour quelle raison il était venue se perdre jusqu’ici. Je lui souriais avant de le laisser passer. « Entre j’ai eu… Des bonbons si tu veux ? » Ou comment dire que ma situation à moi n’avait pas du tout changé, je n’avais même plus une bouteille d’eau à lui offrir, il faudra que j’aille les remplir. « Content de te voir en tout cas.

Voir Eloan débarqué si soudainement avait tout de même été une énorme surprise notamment parce que je ne m’étais pas vraiment attendu à le voir débarquer. Je pensais qu’il ne le ferait plus de si tôt pour être honnête. Eloan c’était un peu mon grand frère de la rue, on avait vécu beaucoup de choses tous les deux, on avait survécu ensemble mais il s’en était sorti. Et sans la moindre jalousie j’avais été réellement heureux pour lui, qu’il se sorte de cette misère, qu’il avance et qu’il soit heureux. C’est tout ce qui comptait, moi je me contentais de ma vie sans me plaindre, en me disant qu’un jour ma chance à moi allait tournée aussi. Par conséquent, voir qu’Eloan ne m’avait pas oublié m’avait fait chaud au cœur. Je ne lui en voulais pas de ne pas passer souvent mais je m’étais habitué à ne plus le voir. Je m’étais même résigné à n’avoir pour seul souvenir de lui que le sweat qu’il m’avait offert ou plutôt que je lui avais piqué, que je portais quasiment constamment. Bien entendu, je n’extériorisais pas toute cette joie en moi, je me montrais souriant rien qu’en le voyant, mais je restais calme. Sans doute encore trop de réserve à dévoiler ce que je ressens et puis je ne voulais pas qu’Eloan se mette à culpabiliser de ne pas venir assez souvent si je saute de joie devant lui. J’avais attendu qu’il monte me rejoindre après que je lui ais indiqué être en haut. Je savais qu’il ne lui faudrait bien longtemps. Il ne le savait pas mais il avait égayer ma soirée rien qu’en me rendant visite. Je me sentais un peu seul à chaque fois que je passais mes nuits ici, je ne pouvais pas squatter chez mes amis chaque soir ni même leur imposé de passer la nuit dehors avec moi alors qu’ils avaient cours le lendemain. Finalement lorsqu’il fut fasse à moi, je ne pu contenir un large sourire, c’était bon de le revoir. Evidemment, je ne l’avais pas repoussé lorsqu’il m’avait serré dans ses bras, au contraire, j’avais posé mes mains dans son dos lui tapotant chaleureusement avant de me faire ébouriffer les cheveux.  « Toi non plus t’as pas changé, ah  si, tu sens bon maintenant ! » Je le taquinais un peu avant poser mon regard sur son sweat à la suite de sa remarque. Je haussais les épaules avant d’ajouter d’un air désintéressé. « Il tient chaud, alors je le mets c’est tout. » Je n’allais quand même pas faire les sentimentales ni quoi que ce soit, je préférais donner l’air de m’en foutre de tout. Mais au fond non, j’y tenais à ce vêtement, plus qu’à n’importe laquelle de mes affaires. « C’est trop mignon, je te manquais trop alors t’es venu me voir » Je m’étais mis sur la pointe des pieds pour à mon tour lui ébouriffé les cheveux. On était comme ça tous les deux, vraiment taquins, je faisais toujours semblant de ne m’intéresser à rien et lui était plus expressif. Une bien drôle de paire. Je lui avais alors proposé de grignoter des bonbons, je n’avais pas acheté grand-chose, la chasse au portefeuille n’avait pas forcément été très fructueuse et pourtant, je n’hésiterais pas à lui laisser mon dernier paquet s’il le fallait. Heureusement, il avait ramené plein de truc à manger. « Dans ton sac ? Quel sac ? » J’espérais qu’il ne parlait pas du sac qu’il avait laissé en bas parce que sinon il allait devoir faire un aller retour. « Entre, je te présente pas les lieux tu connais. » Je passais mes mains dans la poche du sweat avant d’ajouter. « Tu m’as ramené d’autres fringues que j’puisse te voler ? » Je ne comptais pas le voler en réalité, c’était simplement de l’humour. Je m’étais assez battu pour avoir ce pull, je n’allais pas être trop gourmand.

Cet immeuble désaffecte, je le détestais et pourtant c’était mon chez moi. Il me rappelait que je vivais dehors, que je n’avais rien et que je n’étais rien. Mais je m’y faisais et je n’avais pas que des mauvais souvenirs ici, j’avais rencontré Eloan, j’avais accueilli plusieurs personnes même si je ne rêvais que d’une seule chose partir d’ici. Mais je ne me faisais pas d’illusion, ça n’allait pas arriver avant un  bon moment, du moins c’est ce que je pensais. Au moins, même si ici, je galérais à mort, je n’étais plus sous l’emprise d’un tyran violent et manipulateur. Et puis au moins, j’avais vraiment rencontré des personnes spéciales ici, Chip, Chelsea et même Eloan. Je me sentais toujours moins seul. Bien sur, Devon, Blue ou encore Hansel me manquaient mais je devais les laisser derrière moi, ils ne laisseront sans doute jamais Gaspard derrière eux mais je ne parvenais pas à les oublier. Au moins, Eloan qui me rendait une petite visite surprise allait me sortir du petit coup de blues dans lequel je me lançais. J’étais vraiment content de le voir, ça me faisait plaisir de voir qu’il ne m’avait pas oublier. Même si j’avais été heureux de le voir quitter cet horrible endroit, s’en sortir un peu, ne plus être un gars de la rue, j’avais aussi ressenti une immense peine. Parce qu’avec Eloan, je n’avais pas peur, j’arrivais à dormir sur deux oreilles, il était un réconfort pour moi, comme un grand frère. Je lui souhaitais le meilleur mais il me manquait. J’avais fini par me faire une raison mais je traduisais ce manque par ce pull que je portais presque constamment. Bien entendu, j’étais fier et je ne voulais pas le culpabiliser alors je ne lui montrais pas tout ce que je ressentais juste en voyant qu’il venait me voir, je la jouais cool, comme s’il s’agissait d’une soirée comme les autres. Je jouais la carte de l’humour et de la taquinerie, je passais pour le mec un peu taquin mais tout ceux qui me connaissait savait qu’il y avait toujours quelque chose derrière. J’avais levé les yeux au ciel lorsqu’il rétorquait à ma taquinerie sur l’odeur. « Dis que je pue, je te dirais rien ! » Je savais qu’il ne le pensait pas et qu’il disait ça pour m’embêter, je ne lui en voulais pas, au contraire, je souriais bêtement lorsqu’il ébouriffait mes cheveux. D’ordinaire, je n’aimais pas ça mais finalement, là ça me montrait qu’il était bien de retour, et ça me faisait du bien. Toutefois, lorsqu’il la retirait, je passais machinalement ma main dans mes cheveux qui étaient de toute façon toujours plein d’épis tandis niais que je lui manquais, avant de finalement l’avouer. « Je le savais, c’est l’effet Austin ! » J’aurais pu lui dire que lui aussi me manquait, ça me brulait même les lèvres mais encore une fois, je ne voulais pas le culpabiliser, alors je ne disais rien même s’il le savait. Finalement il me parlait de son sac qu’il posait à côté de moi. Il avait pensé à me ramener des provisions, c’était touchant et j’appréciais le geste, ça m’éviterait d’avoir à voler pendant quelques jours, un ou deux sans doute. « Il ne fallait pas… » Disais-je simplement avant de sourire quand il s’excusait pour ses vêtements qui me seraient sans doute trop grand. Prenant une mine boudeuse, je fronçais mes sourcils pour poser mes yeux verts sur lui. « T’es en train de dire que j’suis petit ? » Fallait qu’il se méfie, j’étais petit mais teigneux. Enfin, j’avais beau être bagarreur, je n’avais aucune envie de lever la main sur lui. Au fond, j’avais juste envie de le prendre dans mes bras et de me laisser aller, mais je restais fort. Je connaissais mon grand frère de cœur, il s’en voudrait surement s’il ne voyait qu’une simple once de peine sur mon visage alors je ne cèderais pas. J’ajoutais qu’il connaissait les lieux et que je n’avais sans doute pas à lui faire la visite. Il semblait être d’accord, ajoutant que je n’avais pas trouvé plus sécurisé et de ne plus être là pour moi. « Arrêtes tes conneries ! » rétorquais-je sans doute sur un ton un peu plus fort que voulu. Je n’étais pas énervé et je ne criais pas, mais ma voix semblait avoir prit une tonalité plus élevé. « T’as raison d’avancer ! Et je préfère cent fois savoir que t’es bien plutôt qu’ici avec moi. Je suis même content que tu sois plus là, content pour toi. » Je ne voulais pas qu’il s’en veuille, mes émotions devaient sans doute se traduire dans mes yeux c’est pourquoi je ne les posais pas sur lui. Mon arrogance avait ses limites. « Alors t’en veux pas, sois juste heureux ! » J’attrapais le col de mon pull que je relevais jusqu’au niveau de ma bouche et de mon nez, c’était un réflexe que je faisais. Je n’avais pas de doudou alors je serrais mon vêtement contre moi. Tout simplement.