Prisonniers dans un magasin. ◘ Andys

La famille, c'est bien quelque chose qu'on ne peut oublier. C'était en parti pourquoi j'étais à Washington. Généralement, je passais que pour souligner certaines fêtes familiales. Je ne restais que quelques jours avant de retourner chez moi à New York. En restant si peu, je savais que je n'étais pas pris de remord vis-à-vis de Baby. J'ignorais si elle avait décidé de rester dans la ville où on devait s'établir ensemble ou elle était partie ailleurs. Durant plus de dix ans, je n'avais pas la moindre idée de ce qu'il pouvait lui être arrivé jusqu'à il y a quelques mois. Ma vie avait basculé, mais j'avais encore prit la fuite. On avait tellement changé que c'était dur de se dire que j'avais toujours des sentiments pour cette fille alors que c'était moi le salaud. Mais puisque cette fois j'étais là pour Thanksgiving, j'avais volontiers accepté l'invitation de mon oncle à venir le passer avec sa famille. Bien entendu Kara était aussi invitée et il était hors de question que je la laisse seule à la maison alors que ma mère m'avait demandé de jouer le baby-sitter ! J'avais donc proposer mon aide pour organiser et j'avais été relayé aux achats. Je n'étais pas un grand adepte du shopping, mais je pouvais faire l'effort. Si on me faisait tenir les paquets, je n'allais pas en mourir. De plus je devais me changer les idées, oublier ce que j'avais trouvé le jour de mon arrivé. Dérouté par le fait que j'étais père, je ne savais pas comment prendre la chose. Mon fils avait tout de même onze ans, ce n'était pas rien et je connais rien de lui hormis son prénom. J'en voulais à Baby de ne pas me l'avoir dit en personne et encore plus à ma mère de ne m'avoir jamais transmis cette lettre. Ce n'était pourtant pas sorcier ! Je n'avais donc pas vu mon fils grandir et j'ignorais s'il savait qui j'étais... Bref, peut-être que cette journée de shopping me changerait assez les idées, en plus que je n'avais pas vu Alys depuis un moment. Comme Kara était sortie, j'en profitais pour me shooter. J'avais beau avoir eu une overdose il y'a quelques mois, ça ne m'avait pas arrêté. C'était même pire que jamais, utilisant diverse drogue pour me donner le courage de simplement me lever le matin. Je restais assis sur le sol de la chambre d'ami durant de longue heure, avant de me lever prendre une douche et partir au point de rencontre qu'on s'était indiqué. J'arrivais un peu d'avance, m'appuyant contre un mur et allumant une clope en attendant ma cousine, que je finis par voir arriver. Je lui adressais un sourire : « Salut Alys. » je déposais un baiser sur sa joue, avant de laisser mon mégot tomber sur le sol et l'écraser avec mon soulier. « Oui, tes parents t'ont donné la liste des choses à acheter ? » Je marchais près d'elle. « Tu sais par quelle boutique tu désirs commencer ? »

Mauvaise manie quand tu nous tiens ! Fumer en était une parmi tant d’autre, en fait je pouvais même dire que je possédais plus d’un vice. Entre fumer la cigarette, boire et me droguer, je ne pouvais pas me qualifier d’enfant sage. Pourtant, je l’avais toujours été quand j’étais jeune, tout cela était venu quand j’avais décidé de ne pas venir rejoindre Baby à la capitale. J’avais enchaîner les pêchers sans scrupule, mais je faisais toujours bien attention pour qu’on ne remarque pas mes addictions. Certes ma famille me savait fumeur, mais pour le reste je me le gardais bien sous réserve. Seul Stanley, ce gamin que je voyais comme une forme de neveu était au courant. Comment ? Je ne le savais plus, mais bon. C’est pourquoi en attendant Alys, je m’autorisais une clope. Ça permettait aussi de détendre mon corps qui commençait à ressentir ce besoin de sombrer, mes doigts tremblants légèrement. Je voyais la blondinette arriver, tentant du mieux que je le pouvais de cacher mes tremblements. Avec un peu de concentration, ce n’était pas si terrible je parvenais à maîtriser. Rendu près de ma cousine, je réalisais qu’elle ne semblait pas avoir beaucoup changé. Elle avait certes vieillie, mais elle semblait tout autant timide. C’était mignon. Je la regardais du coin de l’œil, alors qu’elle me disait ne pas avoir de liste. Zut. Je n’étais pas trop formalisé avec tout cela, magasiner pour Thanksgiving n’était pas une chose que je faisais couramment. Je ne savais même pas ce qu’on devait acheter ou ce dont on avait besoin… Ce dont j’étais certain, c’était que lors du jour même, il y aurait une immense dinde pouvant nourrir un régiment entier qui trônerait sur la table à manger. Glissant mes mains dans mon blouson, j’hochais la tête. Donc il nous faudrait des décorations pour la table ainsi que pour le sapin. Ça me semblait un peu tôt pour le sapin, mais après je ne me posais pas de question, je n’en faisais jamais à mon appartement allant plutôt voir celui du Rockefeller Center. « Tu ne sembles pas tellement convaincue. » disais-je avant de lui demander si elle avait une boutique de prédilection. Je suivais du regard la boutique qu’elle me montrait. Je n’y connaissais rien, je devais donc lui faire aveuglément confiance. Ce qui n’était pas bien dur à la base, appréciant Alys et la connaissant depuis son enfance, je pouvais lui accorder ma confiance. « Alors allons-y ! » Advienne que pourra, je la laisserait de toute manière faire les emplettes, on risquait moins un désastre que si c’était moi qui choisissait ! Tournant mon regard vers elle, je lui adressais un sourire. « Ça va. » mentais-je avec un sourire franc. Répondre ce genre de phrase sans démontrer le contraire, j’étais doué pour cela. C’était de toute façon plus simple à faire que raconter la vérité. Tout me semblait plus simple que la vérité. J’aurais aimé avoir le contrôle sur cela, pouvoir effacer ce que je vivais, mais rien ne fonctionnait ainsi, malheureusement. « Et toi ? Ton père m’a dit que tu avais commencé à travailler dans un zoo. » continuais-je dans une façon subtile de dévier le sujet de moi !

« Je ne suis pas certain d’être la personne la plus adéquate pour magasiner. Je suis peut-être plus débile qu’il n’y paraît. » Un sourire apparut sur mes lèvres. Je ne savais pas si j’étais aussi débile que cela, mais mon talent d’acheteur ou même d’organisateur était quelque chose d’abstrait. Je n’en avais pas vraiment, il suffisait de voir mon appartement pour comprendre que j’aimais soit le blanc ou alors je n’avais pas cherché à lui donner de la personnalité. La seconde option étant la bonne. Je pouvais néanmoins faire confiance à Alys, peut-être se sentait telle moins confiante, mais je savais qu’elle se débrouillerait mieux que moi, ses choix seraient meilleurs. Prenant la direction de la boutique, je tentais tant bien que mal d’éviter le sujet : Andy. Je ne désirais pas parler de moi et donc je déviais le sujet vers ma cousine. Même si habituellement peu bavarde, je tentais le coup. Qui ne tente rien n’a rien, comme on dit ! J’avais touché la bonne corde, ce qui me décrochait un sourire. La petite Alys timide s’était transformé en moulin à parole ! « L’important c’est d’accomplir nos rêves. » disais-je finalement, j’en savais quelque chose, même si finalement le mien s’était avéré être autre chose et qu’il m’avait glissé entre les doigts. Simplement y penser me faisait un pincement au cœur, après tout il y avait une décennie j’avais tout claquer pour devenir écrivain, ce que j’étais parvenu à faire. Sauf que ça ne me rendait pas plus heureux, bien au contraire. « Et dis-moi quel est l’animal qui t’impressionne le plus. » Elle semblait tellement passionnée que d’une certaine façon, je n’avais pas envie qu’elle s’arrête de parler. Sauf qu’elle finissait par revenir à la charge. Je pinçais mes lèvres, ce que je faisais de bon… « Je suis venu faire du babysitting, paraît que Kara est assez fêtarde. » Même si je parlais de moi, je n’entrais pas dans le vif du sujet, je tournais autour du pot. La suivant dans la boutique, je posais mon regard vers le sol. « Et oui, je travaille sur un nouveau roman depuis plusieurs mois. » Roman qui avait réussi à avancer lorsque j’avais revu Baby pour la première fois depuis l’été où on devait se rejoindre à Washington. Inspiration qui s’était éteinte lorsque j’avais fait mon overdose, retournant sur la grosse pomme. Encore une fois j’avais fuis, mais l’inspiration n’était jamais revenue depuis. Je plafonnais et mon éditeur commençait à perdre patience désirant cet ouvrage plus que tout. On arrivait dans une partie du magasin où se trouvait des articles parfaits pour Thanksgiving, les couleurs, les effigies… Tout ce qui illustrait cette fête. Je prenais un centre de table en forme de grosse dinde coloniale. « Tu crois que ça plairait ? » Franchement, c’était horrible, mais moi je la trouvais mignonne même si elle semblait faire pitié ou elle était ivre. Je ne pouvais pas vraiment le dire explicitement. Ou bien c’était le dindon de la farce ? Je regardais la sorte de bibelot, le reposant avant d’ajouter : « Tu sais quoi, je crois que je vais me contenter de te donner un avis affirmatif à tout ce que tu choisiras. Car si tu me laisses choisir, j’ai bien peur que la décoration finisse par ressembler à un musée de l’horreur et de la dinde ! » Ça valait mieux ainsi, j’en étais persuadé. Je la laissais donc prendre quelques articles. Les minutes avançant rapidement. « On ne devrait pas essayer de trouver une nappe ou des napperons ? » finissais-je par proposer.

« Modeste, je ne crois pas. Tu verras rapidement, que je n'ai aucun goût. » Par chance, je n'étais pas daltonien sinon, j'aurais pu craindre le pire. En fait, je ne voulais même pas imaginer ce que ça pouvait donner si j'avais eu cette maladie. Je crois que j'aurais dit à mon oncle que de trouver quelqu'un d'autre pour accompagner ma cousine. Je ne savais pas pourquoi il m'avait envoyé avec elle, mais je pouvais me dire qu'au moins j'allais passer un peu de temps avec elle. Une chose que je ne faisais que rarement, puisque je n'étais pratiquement jamais à Washington. Je voyais d'avantage son frère, qui passait squatter de temps à autre. Gardant le silence, je faisais le choix d'écouter Alys parler. Elle semblait moins timide tout à coup et c'était bien plus agréable que de laisser planer un silence entre nous. Généralement, j'étais quelqu'un de bavard, mais depuis que j'essayais de me contrôler sur mes addictions, je parlais beaucoup moins. J'avais peur que mes mots ou ma façon d'agir m'échappe. En gardant le silence, je savais que je gardais un certain contrôle sur moi. Certes, je ne pouvais pas toujours savoir ce que ça donnerait, comment je pouvais réagir, mais je tentais de garer une ligne droite. « En avant-première... » disais-je dans une sorte de murmure qui n'étais adressé qu'à moi. « ...Il faudrait que je trouve la force de le finir, mais pourquoi pas. Un avis extérieur et différent de mon éditeur, ne pourra pas me faire de mal. » Mais j'avais encore tant à faire, cette histoire me semblait dénuée de couleurs. Toutefois, il me suffisait d'un petit déclic pour que la machine à création se remette en marche. Machine qui ne semblait toujours pas fonctionnelle, si je regardais ce que je lui montrais pour la décoration. Certes c'était une forme d'art que je ne possédais pas, m'enlevant à peine au-dessus du talent d'un gamin de trois ans. Acquiesçant à chaque fois qu'elle me montrait quelque chose qui la faisait hésité, je ne savais pas quoi répondre. Devais-je dire oui ou bien non ! Mes réponses se trouvant surtout à être des haussements d'épaules ou bien des pincements de lèvres. Ma réaction la plus démonstrative fut lorsque la lumière se ferma et que le silence s'installa tout autour de nous. Posant mon regard sur Alys qui s'était approché de moi, je tournais la tête pour regarder autour de nous. Il ne semblait pas avoir âmes qui vivent autour de nous. « Peut-être une panne... » disais-je tout de même, malgré le doute que je ressentais en disant cela. Une panne aurait au contraire élever la voix des gens qui se trouvait dans la boutique. « Ou alors, c'est un signal pour prévenir qu'ils ferment. On devrait peut-être se diriger vers la caisse ? » C'était ce qui me semblait préférable, un employé pourrait plus aisément nous dire ce qui se passait. Prenant la direction des caisses, je cherchais une personne, mais ça semblait vide. Une fois devant les caisses, je regardais autour de nous : « Hé oooooooh ! » Aucun son. Aucune réponse.