Naomi&Lennon ▬ Home is where the heart is

Évidemment, ça n’avait pas été l’idéal pour notre conversation, nos retrouvailles, que quelqu’un vienne s’interposer, même si au final, ce ne fut pour que quelques secondes, mais cela ne m’insulta pas et plus encore, cela me permit de prendre un bref instant pour faire de l’ordre dans ma tête par rapport à la réaction que je venais d’avoir, puis sa réaction à elle, mes propos comme les siens. Je jugeais que c’était la moindre des choses que je pouvais faire, parce que non seulement, j’étais bien conscient que je n’avais pas eu le meilleur comportement qui soit, mais aussi parce qu’au fond, je savais que je lui devais des explications. Je savais que cela ne serait pas aussi simple que lorsque nous nous envoyons des lettres, mais si nous en venions à nous voir plus souvent face à face, je me disais que Naomi devait être au moins au courant du pourquoi du comment je pouvais avoir de telles réactions, parce que je ne voulais certainement pas causer des disputes entre nous parce que je n’avais pas su lui dire. Je tenais à Naomi, je ne pouvais le nier. Je tenais à elle d’une façon que je ne comprenais peut-être pas exactement encore, mais il n’en demeurait pas moins que l’attachement était là. Lorsque je lui écrivais, je me sentais bien, chaque fois qu’une lettre arrivait, c’était un véritable bonheur. Je savais qu’il y avait moyen que cette complicité continue à se développer ainsi, il suffisait de mettre les efforts nécessaires et me concernant, ça commençait par le fait de la prévenir que j’étais fait ainsi. Mais comment ? Ça toutefois, je ne sus pas trop le faire, d’où le fait qu’au final, je ne sus faire mieux que de lui proposer d’aller marcher. À mon soulagement, elle accepta, et ce fut sans attendre plus longtemps que je pris sa main avec un sourire de gratitude pour me relever. J’aurais été capable de le faire moi-même sans trop de problème, mais je me dis que c’était peut-être plus poli d’accepter son aide, le contraire aurait été susceptible de provoquer un malaise dont je n’avais clairement pas besoin. Cependant, je ne me permis pas de garder sa main dans la mienne pour le moment, me contentant de placer les miennes dans mes poches. Cela ne sembla pas empêcher Naomi s’enrouler son bras autour du mien, et me rendant compte qu’en fait, sa présente était, sommes toutes, plutôt rassurante, à un tel point que lorsqu’elle décida de sitôt ramener le sujet duquel nous discutions plus tôt, je ne fus pas aussi tendu que j’aurais pu l’être. Ou bien était-ce dû au fait que j’en étais venu rapidement à l’évidence qu’il me faudrait en parler à un moment ou un autre, le plus tôt étant le mieux ? Choisissant de ne pas me torturer avec ces questions pour le coup, je pris une profonde inspiration, puis je dis:  « Je voudrais venir te voir chanter, vraiment… Mais… » Je marquai une pause, pour trouver ma tournure de mots qui, pendant un bref instant, m’avait échappée, puis j’ajoutai:  « Je ne suis… Je ne suis pas à l’aise dans les foules… Et le bruit, quand c’est trop fort… » Quelque peu honteusement, je baissai la tête, avant de me rendre compte que limite ça pouvait sembler idiot, irrationnel. Soupirant doucement, j’en vins à ajouter par la suite:  « Je suis Asperger, ça fait partie de ma condition, je n’y peux pas grand-chose… », mais au vu du bruit qui se trouvait autour de nous, et du fait que j’avais parlé d’une voix plus base que je ne l’aurais voulu, je ne sus pas trop si Naomi m’avait entendue ou pas, d’où le fait que je relevai le regard pour guetter sa réaction et peut-être sa réponse par la même occasion.

C’était une des premières fois que je me confiais sur ma condition de la sorte. Enfin, compte tenu que celle-ci était plutôt visible et soulevait toujours certains doutes, ce n’était pas la première fois que j’en parlais, puisque bien souvent, je me retrouvais confronté au fait que je me devais de faire comprendre à mon interlocuteur que ma nervosité et le fait que je ne parlais que peu n’était pas contre lui, mais bien souvent, je le faisais quand je me sentais complètement acculé au mur, soumis à des questions qui ne me permettaient pas de faire autrement, ou dans une situation où la conversation se prêtait à une telle révélation. Bref, jamais je ne m’étais permis de le lancer de la sorte, et pour tout dire, c’était plutôt troublant. Non pas tant le fait de l’avoir dit qui me bouleversait, mais plutôt guetter la réaction de la jeune femme, comme bien souvent j’avais guetté la réaction d’autrui. Mais bien souvent, leur réaction, je m’en moquais un peu, parce que j’avais appris que ma condition était hors de mon contrôle, hors du leur et que de ce fait, je ne pouvais pas y changer grand-chose et eux non plus, qu’importe si ça les mettait inconfortable ou pas. Bien sûr, au fond de moi, j’étais toujours un peu triste d’être rejeté pour un tel détail, mais là, j’avais l’impression que si jamais Naomi en venait à me repousser pour cette raison, pour quelque chose que je n’avais pas demandé d’avoir, je le prendrais très mal. Pourquoi ? Parce que même si avant cela, nous nous étions vus qu’une seule fois, que le reste de nos discussions s’étaient faites par écrit, il n’en demeurait pas moins que je m’étais attachée à elle, et même si c’était difficile à croire en ce moment, compte tenu de mon niveau de stress, je me sentais bien avec elle, comme rarement je me sentais auprès des autres. De ce fait, quand soudainement, elle en vint à me dire que qu’importe ce qu’était ma condition, cela ne changerait rien à ses yeux, et que jamais elle ne saurait me forcer à faire quoi que ce soit qui serait susceptible de me mettre trop mal à l’aise pour agir à peu près normalement. Rassuré, je ne me permis toutefois pas de sourire, puisqu’il me fallut un bref moment pour me calmer, mais au moment où Naomi en vint à me dire que de mon côté, il faudrait que j’accepte sa maladresse, un petit rire s’échappa de ma bouche sans que j’y réfléchisse, montrant que celui-ci était sincère. Non pas parce que je voulais me moquer d’elle, bien loin de là, mais pour lui montrer que franchement, ce n’était pas ça qui me serait le plus difficile. Plus encore, je lui démontrai ce fait en ajoutant:  « Soyons maladroits ensemble, dans ce cas. » avec un petit sourire. En effet, de mon côté, même si j’étais plutôt habile quand venait le temps de pratiquer mon métier, il n’en demeurait pas moins qu’au quotidien, je n’étais clairement pas des plus adroits, comme je venais certainement de le prouver au cours des dernières minutes de notre discussion.