Le temps des soldes (Winnie)

J’avais toujours aimé faire les soldes en janvier. Plus jeune, je profitais de ce moment pour prendre mon argent de poche et aller m’acheter les cadeaux de Noël que je n’avais pas reçu le mois précédent. Puis, quand je me suis mariée, j’en profitais pour aller acheter des accessoires de maison en rabais, histoire de ne rien manquer à un moment ou un autre. Mais cette année, c’était différent, très différent même. En effet, si je ne serais pas fâchée à l’idée de trouver certaines choses pour moi, pour mon mari, pour notre demeure, il n’en demeurait pas moins que j’avais pour ferme intention de concentrer mes achats sur l’arrivée prochaine du bébé. Évidemment, je n’étais pas restée en attendant et en prenant pour acquis que j’allais tout acheter ici et maintenant, mais si je pouvais trouver des vêtements et autres articles nécessaires, pour sûr, je n’allais pas m’en plaindre. Aussi, je ne serais pas contre le fait de trouver quelques vêtements de maternité, puisque mon ventre prenant de l’ampleur à chaque jour, j’avais l’impression. Mais encore une fois, si je ne me rendais pas dans une boutique qui en vendait, je ne ferais pas tout un cas, d’autant plus que pour la séance shopping que j’avais prévue aujourd’hui, je ne serais pas seule. En effet, une de mes amies, Amaya, avait accepté de m’accompagner. Il était prévu que nous nous donnions rendez-vous dans les rues marchandes, ce que je préférais, puisque je m’attendais déjà à ce que le center commercial soit plein à craquer, et je ne me sentais pas encore totalement à l’aise avec l’idée de potentiellement me faire bousculer par quelqu’un, compte tenu de ma condition. Afin de ne pas être en retard, j’avais commencé à me préparer considérablement d’avance, sans toutefois en faire trop, puisque j’allais faire les boutiques, je ne me rendais pas à une soirée, tout de même. Après une douche, je m’attachai les cheveux en une queue-de-cheval basse, histoire de pouvoir mettre un bonnet sur ma tête, vu le temps froid qui régnait sur Washington depuis quelques semaines maintenant. Je me vêtis d’un legging ayant l’apparence d’un jean, d’un pull blanc et de bottes noires. Lorsque je me crus prête, je pris mon sac à main, puis je me rendis à ma voiture pour prendre la route jusqu’aux rues marchandes. Heureusement, je trouvai une place à proximité, me permettant de me garer et ne pas trop marcher. Une fois que je fus arrivée au coeur des différentes boutiques, je cherchai mon amie du regard, la repérant exactement là où nous nous étions données rendez-vous. Un sourire aux lèvres, je m’approchai donc, et je lui dis: « Salut ! » Puis, je lui fis la bise, et j’ajoutai: « J’espère que je ne t’ai pas trop faite attendre ! Tu vas bien ? »

Me concernant, ce fut un soulagement d’entendre Amaya me dire que cela ne faisait pas trop longtemps qu’elle était arrivée et que par conséquent, elle attendait que je fasse de même. Cela pouvait sembler idiot, mais je n’aimais pas nécessairement savoir que je faisais attendre les gens, même si, de façon parfaitement contradictoire, je n’étais pas la personne la plus ponctuelle du monde. Apparemment, travailler à mon compte, ne pas avoir d’horaire de travail précis, juste des délais qu’encore, je m’imposais moi-même et que je pouvais toujours reporter, même si j’essayais de le faire le moins possible - puisqu’encore une fois, je n’aimais pas faire attendre les gens - ne me réussissait pas sous tous les angles de ma vie, mais dans le cas présent, si je n’avais pas fait trop de dommages, c’était tant mieux et clairement, je n’allais pas m’attarder sur ce fait bien longtemps. Histoire de ne pas faire durer la chose et prendre le risque de provoquer un malaise, je ne me fis donc pas prier pour répondre à mon amie, dans mon enthousiasme naturel:  « Ça va, merci ! », ajoutant à mon propos un petit sourire, comme pour conclure ce simple dire. Puis, après avoir marqué une petite pause, je décidai de poursuivre en demandant:  « Prête à commencer ? Tu voudrais aller où en premier ? » sachant parfaitement que je pouvais paraître particulièrement directe pour le coup, mais je l’assumais, et j’estimais que je pouvais me le permettre dans le cas présent. Tout d’abord, nous étions là pour faire les soldes, alors il était tout à fait normal que nous commencions à entrer dans les boutiques. Mais plus encore, je jugeais que limite, c’était plus prudent, puisque là, au beau milieu de la rue passante, ce n’était pas l’idéal pour discuter, rattraper le temps perdu, rester plantées là en prenant le risque que certaines personnes viennent nous percuter sur leur chemin. De plus, j’étais davantage sensible à ce genre d’incident depuis que j’étais enceinte, alors si je pouvais éviter, je le faisais sans hésiter. Après, si jamais Amaya ne voulait pas commencer à faire les boutiques dans l’immédiat, puisque je savais que ce n’était pas nécessairement son truc, nous pourrions toujours aller dans un café, quelque chose du genre, cela ne me gênait pas. L’essentiel pour moi était que nous ne restions pas plantées là pendant une éternité et qu’on commence à faire en sorte que les gens nous entourant soient gênés par notre présence.

Amaya ne tarda pas à me dire qu’elle n’avait pas vraiment de préférence concernant notre première destination. Et ce fait pouvait être à la fois plutôt chouette, mais délicat à gérer d’un autre côté. En effet, j’étais d’avis que personne - moi la première - n’aimait avoir de contraintes, prendre le risque de devoir visiter une boutique qui ne leur faisait pas nécessairement envie, mais de l’autre sens, c’était à moi de m’assurer que je n’allais pas proposer quelque chose qui était susceptible de déplaire à mon amie et ainsi, lui aire passer une mauvaise journée alors que c’était loin d’être mon intention. De ce fait, j’hésitai quelque peu avant de choisir pour nous deux où aller dans un premier temps. Enfin, je n’hésitai pas des masses, parce que dans ma tête, mon choix était plus que clair; maintenant, quand je faisais les boutiques, je passais inévitablement dans les boutiques pour bébés, afin de prévoir la naissance de ma fille, prévue pour bientôt. Mais là, est-ce qu’Amaya avait vraiment envie de s’extasier devant des pyjamas, chaussons et draps roses ? En doutant quelque peu et ne voulant pas m’imposer dès le début, je m’obligeai à attendre un peu plus avant de répondre, histoire de trouver quoi dire exactement. Ma réflexion me poussa à regarder les environs, me disant que ce serait idiot de commencer à marcher sur plusieurs mètres pour aller dans une boutique en particulier alors que nous avions tout notre temps - ou du moins, une bonne partie de la journée - d’autant plus que je ne savais pas si mes pieds sauraient le supporter. Mais heureusement pour moi, une boutique vint, pour moi, se démarquer des autres, puisqu’en mon sens parfaite pour l’occasion. Sans attendre plus longtemps donc, je la désignai d’un signe de tête à mon amie, puis je dis:  « J’aimerais bien aller y faire un tour. » La boutique en question, c’était une boutique de vêtements pour femmes très variée, que j’aimais bien ces derniers temps parce que je pouvais également y trouver des vêtements de maternité. Sitôt que je me assurée que cela convenait à Amaya, nous commençâmes à marcher en cette direction, puis tandis que nous étions en route, je crus que ce n’était pas trop de demander à mon amie, à tout hasard:  « Alors, quoi de neuf de ton côté ? » 

Tandis que nous marchions en direction de la dite boutique qui, au final, convenait parfaitement à mon amie, me paraissait-il, je l’écoutais me parler de son travail, de son récent voyage, sans rien dire, me disant que les expressions que je lui servis pendant qu’elle me parlait étaient suffisantes pour lui faire savoir mon point de vue sans que je sois obligée de l’interrompre à tout coup, ce qui serait, sommes toutes, plutôt malpoli. Sommes toutes, j’essayais de ne pas être trop expressive non plus, parce que me connaissant, si jamais je venais à réagir un peu trop fort, pour sûr je serais du genre à m’exclamer par la suite, ce qui reviendrait à la même chose que l’interrompre pour le coup, sauf qu’à un certain point, je ne sus faire autrement. En effet, au moment où elle en vint à me dire que son patron n’avait pas daigné prendre en considération tout ce qu’elle avait pu faire pendant ce voyage, ma bouche s’entrouvrit - ou plutôt, s’ouvrit tout grand - et mes yeux s’écarquillèrent, montrant que j’étais choquée, voire outrée pour mon amie. Puis, je profitai du fait qu’elle était en train de marquer une pause pour dire:  « Ah non mais… Ça ne se fait pas ça ! Même pas un merci quoi ! » Bon, d’accord, peut-être que j’exagérais, mais ces temps-ci, j’exagérais souvent, à tout coup sans trop réfléchir, donc bon. Mais là, j’eus la bonne idée de ne pas trop m’éterniser sur le sujet, me contentant de penser pour moi-même que j’étais bien contente de ne pas avoir de patron au-dessus de moi, personne pour me dire quoi faire, me permettant de travailler à mon propre rythme, en faisant attention de ne pas décevoir qui que ce soit au passage, bien évidemment. Mais après, je ne m’éternisai pas, d’autant plus qu’Amaya reprit la parole et changea quelque peu le sujet, attirant aussitôt mon attention, si bien que d’instinct, je lui demandai:  « Mignon ? Bon allez, tu n’as pas le choix, dis-moi tout, je veux absolument tout, mais tout savoir ! » Était-ce ridicule de ma part de réagir de la sorte ? Peut-être un peu, je n’allais pas le nier, mais je m’en moquais quelque peu, pour être franche. J’étais un peu gamine, je l’assumais parfaitement, d’où le fait que je ne cherchai même pas à me rétracter dans le cas présent, attendant de voir ce que mon amie allait me dire au sujet de ce mystérieux garçon.

Je dus admettre que je fus quelque peu choquée du fait qu’Amaya me disait ne pas du tout savoir qui était son patron. Cependant, cette fois-ci, je ne passai aucun autre commentaire qu’un banal:  « Eh beh… », signe de ma stupéfaction par rapport à la situation. Après, je pouvais difficilement me prononcer sur celle-ci, puisque me concernant, je n’avais jamais vraiment eu de patron. Enfin, j’en avais eu un, quelque temps, quand je travaillais à la patinoire de mon quartier étant adolescente, quand être blogueuse ne rapportait pas encore de l’argent dans mon cas, voire même généralement, mais ce patron était un ami de mon paternel, et il me connaissait depuis que j’étais gamine, parce que c’était à cette même patinoire que je m’entrainais, de nombreuses fois par semaine. De ce fait, notre relation de travail n’était pas très professionnelle, surtout amicale. Bien sûr, je faisais mon possible pour satisfaire les exigences de l’établissement, mais autrement, jamais je ne m’étais sentie stressée ou quoi que ce soit du genre, comme j’avais l’impression que certaines gens pouvaient l’être aujourd’hui. Inutile de dire que pour le coup, je m’estimais particulièrement chanceuse d’être dans ma situation actuelle, même si au fond, j’espérais que pour mon amie, les choses allaient s’arranger. Mais parce que ce n’était probablement pas ici et maintenant que nous allions croiser son patron et changer les choses. Enfin, pour la première partie, il ne fallait jamais dire jamais, mais pour la seconde, je ne serais pas prête à en dire autant. Pour cette raison, je ne crus pas nécessaire de m’attarder plus longtemps sur le sujet, et plus encore, je n’eus aucune raison et envie de le faire quand Amaya en vint à me parler de ce type dit mignon qu’elle avait rencontré dans l’avion. Sitôt, j’avais voulu en savoir davantage, et mon amie ne tarda pas à me donner les détails que je souhaitais obtenir, sauf que ceux-ci, à mon désarroi, ne furent pas aussi croustillants que je l’aurais voulu dans un premier temps. Légèrement embêtée, je grimaçai quelque peu, puis roulai les yeux au ciel quand je compris qu’il était que beau, mais que le cerveau, lui, ne l’était pas tant. Jugeant que même si je n’avais jamais eu d’expérience semblable - et que je n’en voulais pas - je pouvais me permettre de le faire, je dis:  « Mais quel lourdeau ! C’est nul ! » Après, je ne m’étalai pas non plus, exactement comme je l’avais fait avec l’histoire de son patron. Non pas que celle-ci ne m’intéressait pas, mais parce que j’étais mal placée pour parler, puisque je n’étais pas là et de plus, ce fut au moment où je terminai mon propos que nous arrivâmes devant la boutique. Prenant les devants, j’en ouvris la porte, puis je m’écartai afin de courtoisement laisser passer mon amie devant moi.