Picture perfect memories scattered all around the floor. Reaching for the phone 'cause, I can't fight it anymore. And I wonder if I ever cross your mind. For me it happens all the time. It's a quarter after one, I'm all alone and I need you now. Said I wouldn't call but I lost all control and I need you now and I don't know how I can do without, I just need you now.
Est-ce qu’il était possible que sa vie soit encore plus merdique ? Très sincèrement elle en doutait. Rosie avait clairement l’impression que le sort s’acharnait sur elle. Du coup, elle se demandait ce qu’elle avait bien pu faire dans une vie antérieure pour qu’on la punisse de la sorte. Artiste ratée sans avenir. Pauvre sans avenir non plus d’ailleurs. Il n’y avait pas grand chose qui semblait fonctionner dans sa vie. Pourtant, elle n’était pas du genre à perdre espoir, mais maintenant qu’elle était assise parterre, dans son appartement sens dessus dessous, elle avait du mal à voir où pouvait bien demeurer l’espoir. C’était plutôt le désespoir qui ne cessait de l’envahir et qui allait finir par l’engloutir toute entière. Elle avait aimé cette femme, elle lui avait fait confiance. Elle lui avait ouvert sa porte et elle l’avait trahi. C’était ça qui lui faisait mal, bien plus que d’avoir perdu absolument tout ce qui était en sa possession. Elle n’avait rien laissé. Ni la télévision, ni les nombreux disques qu’elle collectionnait. Ni le bracelet que sa mère lui avait offert avant qu’elle ne quitte la France pour Washington. Surtout pas l’argent qu’elle gardait au fond d’un paquet de céréales pour les coups durs. Qu’est-ce qu’on était supposé faire en cas de coup dur quand il n’y avait même plus d’argent pour les coups durs ? Cette question tournoyait dans sa tête, sans lui laisser le moindre répit. Comme s’il était capable de lire dans ses pensées, Frimousse le chien s’approcha d’elle et posa sa truffe humide contre sa joue. Ou bien peut-être que c’était sa joue qui était humide, puisqu’elle n’avait cessé de pleurer. Au moins, cette garce n’était pas partie en emmenant ses animaux. Quand elle était rentrée, la cage de Panpan était retournée et Frimousse était caché derrière le canapé, apeuré, mais ils étaient toujours là. C’était probablement la seule source de réconfort qu’elle trouvait dans cette situation. Distraitement, elle glissa ses doigts dans les poils tous doux de la fourrure du border collie. Elle avait souvent l’impression que les animaux étaient capable de bien plus d’empathie que les humains. Elle en avait la preuve aujourd’hui. Mais malgré toute la compassion de ses animaux, ce n’était pas ce qui allait la sortir de cette galère aujourd’hui. Et d’ailleurs, elle ne voyait pas comment elle allait s’en sortir, tout court.
Elle était restée assise parterre pendant trois ou quatre heures, après le départ de la police de son appartement. Ils avaient dit qu’ils feraient tout pour retrouver la voleuse, mais elle se doutait bien qu’en réalité, ils avaient bien plus important à faire. Elle pouvait faire jouer l’assurance, avaient-ils expliqués, mais elle n’avait même pas de quoi payer son loyer et elle n’avait pas le temps d’attendre que l’assurance entre en jeu. Finalement, elle se décida à se lever, poussant un soupire à fendre l’âme. Elle se sécha les joues et ignora le mascara qui les noircissaient. De toute façon, elle n’espérait pas ressembler à une personne présentable pour l’instant. Si elle avait mis du temps à trouver ce qu’elle était supposée faire, elle ne voyait au final qu’une seule solution. Cette solution, comme bien souvent, portait le prénom de Lowen. Ça faisait sept ans qu’ils étaient mariés tous les deux, mais leur relation était inexistante. Enfin, leur relation amoureuse. Elle était toujours très attachée à lui. Mais en sept ans, elle ne lui avait jamais rien demandé. Chacun faisait sa vie de son côté. Elle savait qu’il réussissait bien pendant qu’elle, elle galérait, mais elle n’avait jamais dans l’idée de lui demander de l’aide pour quoi que ce soit. Il en avait bien assez fait en lui offrant la possibilité d’obtenir sa carte verte. Mais cette fois c’était différent. Cette fois, elle était désespérée. Et dans ce pays, elle n’avait personne d’autre vers qui se tourner. Elle ne réfléchit pas bien longtemps avant de s’emparer de sa valise pour y mettre tous les vêtements, éparpillés sur le sol, qui lui tombaient sous la main. Elle ne voulait pas rester dans cet appartement. Elle se sentait sale. Elle balança encore quelques affaires dans son sac à dos, prête à quitter cet endroit où elle se sentait oppressée, asphyxiée. Son petit havre de paix hors de prix était en train de devenir un lieu où elle avait l’impression que rien de bien ne pourrait plus jamais se produire. Sac sur le dos, elle mit la laisse à Frimousse et casa la cage de Panpan sur sa valise, elle traîna dehors. Elle marcha jusqu’à l’arrêt de bus, seule chose qu’elle pouvait encore s’offrir, vu les circonstances. Le trajet lui parut durer une éternité. Elle aurait pu envoyer un message à Lowen pour le prévenir, mais elle était même trop épuisée pour composer son numéro. Et puis, elle n’avait pas envie de lui expliquer ça par téléphone. Les gens la regardaient comme si elle avait perdu la tête. Entre ses traces de maquillage sur le visage et les animaux qu’elle trimbalait avec elle, elle pouvait les comprendre. Mais elle aurait juste aimé qu’ils regardent ailleurs. Finalement, elle arriva à l’arrêt situé près de l’appartement de son mari et termina le chemin à pieds. Son cœur battait à tout rompre. Elle espérait qu’il serait là, mais surtout, elle espérait qu’il serait seul. La jeune femme s’engouffra par une porte ouverte, grimpa les marches et s’efforça d’afficher un sourire faux sur son visage tandis qu’elle sonnait à la porte du loft. Alors qu’il venait lui ouvrir, elle se dit qu’elle devait sans doute faire peine à voir dans son accoutrement. « Coucou chéri, devine qui revient vivre à la maison », lança-t-elle avec un enthousiasme feint, tout en essayant de retenir Frimousse, qui n’avait qu’une envie : sauter sur le nouvel arrivant. Elle avait bien conscience de perturber sa vie. Elle avait conscience aussi qu’il la connaissait bien et qu’au-delà de son apparence, il comprendrait très vie que quelque chose n’allait pas. Inutile de lui mentir, donc. « J’savais pas où aller », ajouta-t-elle, son sourire s’effaçant petit à petit. Ne pas pleurer. Ne surtout pas pleurer.