Parlons bien, parlons peu, parlons prostate ♠ Lennon

Le petit rire que j’eus au moment où Phoenix approuva le fait que notre comportement était plutôt spécial, que tout cela était spécial, trahit le fait que pour tout dire, j’étais rassuré qu’il voyait les choses environ de la même façon que moi. Enfin, il n’en demeurait pas moins que de mon côté, spécial était un euphémisme dans le cas présent, mais au moins, il ne se moquait pas de moi en raison de ma réaction ou quoi que ce soit du genre. Certains auraient pu dire que je faisais tout un drame, mais ce jeune homme, que je considérais un peu comme mon frère, n’était pas comme ça, ne serait pas capable - j’en avais l’impression en tout cas - de me faire une chose pareille, de me faire sentir complètement humilié ou quelque chose du genre, et franchement, c’était rassurant. Plus encore, dans le cas présent, cela me permit de mettre de côté l’évènement, tenter de momentanément l’oublier - même si je savais qu’au fond, je serais toujours marqué par ce que nous venions de faire - et finalement, me concentrer sur l’idée d’aller manger quelque chose ensemble, non pas juste pour nous sustenter, mais aussi pour rattraper le temps perdu en des circonstances plus agréables. Compte tenu que c’était moi qui lui avais proposé plus tôt, même si je pensais que nous pourrions nous y rendre une fois que nous aurions eu notre rendez-vous respectif avec le médecin dans un premier temps, ce fut sans trop hésiter que j’acquiesçai en affirmant:  « Oui, avec plaisir ! » Je gardai le silence pendant un petit moment par la suite, comme s’il me fallut ce délai pour comprendre que c’était bien joli de vouloir aller manger, mais qu’il fallait bien trouver l’endroit. Lorsque je m’en rendis compte, je secouai la tête sans me contrôler, puis légèrement gêné, comme j’avais l’habitude de l’être au quotidien, je me grattai la nuque, et je considérai les environs avant de finalement dire, puisque tristement, je ne voyais rien qui ressemblait à un café ou un restaurant:  « Si mes souvenirs sont bons, il y avait un petit restaurant pas très loin d’ici qui faisait des pancakes tellement… » Je manquai de mots puisqu’en me remémorant ce restaurant, ce repas pourtant tout banal, je réalisai que délicieux n’était pas à la hauteur de cela. Et même si ma connaissance de ce restaurant datait de l’époque où j’étais encore aux études, il me ferait plus que plaisir de retrouver cet endroit simple, mais chaleureux, y manger ces pancakes une nouvelle fois et surtout, partager le tout avec mon ami. Mais le souci était que mes études, elles dataient depuis longtemps, et par rapport à cette réalité, il me fallut supposer le pire, soit:  « Enfin, je ne sais pas s’il est encore ouvert… » Mais désireux d’espérer que ce soit le cas encore un bref instant, je regardai encore les environs, me donnant une dernière chance en me disant qu’au pire, ce ne serait pas grave. Mais soudainement, je réalisai que je cherchais plus pour moi-même que pour nous deux, et me sentant très égoïste, je tentai de me rattraper en me tournant vers Phoenix et en lui disant:  « Enfin, si tu veux, évidemment… Sinon on peut toujours aller ailleurs… », puis en laissant échapper un rire nerveux, montrant ma confusion et ma culpabilité dans cette situation.