borrowed time ≡ kelvin

C'était gênant. Qui avait-il de plus à attendre d'une conversation entre deux étrangers, sur un sujet aussi sensible que la perte d'un être cher. Trent ne ressentait pas particulièrement d'empathie envers l'autre homme, peu enclin à plonger tête baissée dans la mentalité d'un veuf. Il en souhaitait pas imaginer sa souffrance, pas imaginer la force nécessaire pour se lever chaque matin, pas imaginer un futur alternatif qu'il aurait pu vivre si son monstre de père avait commis l'irréparable et tué sa femme. Elle était en sécurité. Quelque part. Et c'était au moins la seule chose positive dans toute cette histoire. Si seulement la police pouvait se bouger le cul et capturer son paternel, qu'ils puissent enfin tous reprendre une vie normale. Trent n'était pas sûr que ce soit possible, mais il allait essayer avec toute la bonne volonté du monde. La platitude n'affecta pas le flic, sans grande surprise, et  Trent haussa une épaule face à sa réponse. Non, il n'avait pas à l'être, mais que dire de plus? Rien, en effet. Tandis qu'ils se dirigeaient vers le café, Trent eu un aperçu encore plus intime de la vie qu'était celle d'un homme à qui l'on avait tout arraché. Trois ans à poursuivre une vengeance aveugle, et sans résultat? Trent en pouvait imaginer la frustration, la culpabilité, la fatigue. A quoi bon. Il se demandait un instant si Kelvin était tout simple incompétent, ou s'il n'avait effectivement aucun moyen réel et concret de retrouver ceux qui avaient causés la mort de sa femme.  « Trois ans...» répéta-t-il bêtement d'un ton mi-impressionné mi-compatissant. Il n'allait pas lui dire qu'il était tant de baisser les bras. Il n'allait pas lui dire que sa femme n'aurait sans doute pas souhaité qu'il gâche sa vie à courir après des fantômes. Mais son interlocuteur n'avait pas envie d'entendre ces mots, et Trent n'était de toute manière pas particulièrement motivé à les partager. Puisque Kelvin venait plus ou moins de se confier, Trent s'imaginait mal lui dire de se mêler de ses oignons lorsqu'il lui posa à son tour une question sur l'avancée de ses recherches.  « J'avance lentement », répondit-il, honnête mais vague. Il était arrivé jusqu'à Washington, non? Il avait fait le plus gros du travail. Il suffisait juste de retrouver sa femme et son fils dans le flot d'habitant de la capitale. Pas insurmontable, mais pas aisé non plus. « Je m'en souviendrai...merci ». Trent n'était pas encore sûr de faire confiance à 100% à Kelvin, mais peut être avait-il raison. Peut-être pouvait-il être un atout. Il avisera le moment venu. Trent copia la commande de son compagnon, le remerciant de se charger de payer. « Qui ne l'est pas de nos jours » ironisa-t-il d'un air nonchalant. Ils burent leur café en semi silence, échangeant quelques banalités, jusqu'à ce que Trent repose sa tasse vite sur la table. « Je dois y aller ». Un mensonge, mais il n'allait pas s'éterniser ici, à perdre un temps précieux. « Bonne chance dans vos recherches » lacha-t-il, un moment de politesse, avant de quitter le café. Il était temps de se remettre au boulot.