#2145 || On a toujours besoin de sa grande soeur. ♠ Winnie

Je ne faisais que de relire les mêmes phrases depuis tout à l’heure, je n’en croyais pas mes yeux. Sérieusement quoi ? Comment cette garce de Mind Reader ou ce connard avait réussi à avoir cette information ? Je ne cessais pas de me dire que c’était une blague et que dans la seconde ça allait s’effacer. Comme si j’avais besoin de ça en ce moment. J’avais assez des lettres et mails venant de je ne sais qui, qui me menaçaient, je n’avais pas besoin que MR vienne foutre son nez dans ma vie personnelle. Surtout que depuis ce jour là, je n’arrêtais pas de penser à lui aussi et Simon… Simon qui allait sûrement mal le prendre, ce qui est normal, et qui allait m’en mettre plein la gueule. Je me pinçais les lèvres et soupirais avant d’attraper le dossier qui était sous mon nez. L’entreprise Carlson avait des soucis à se faire quand je lisais les premières lignes. Je me levais et allais dans le bureau de mon père afin de pouvoir voir avec lui si la méthode que j’envisageais allait porter ses fruits. Il hocha la tête et je retournais à mon bureau pour continuer à remplir ma défense pour le client dont je m’occupais. D’ailleurs, prenant le téléphone sur mon bureau, je téléphonais à l’entreprise adverse que je défendais pour caler un rendez-vous avec eux le lendemain histoire de les préparer et de voir avec eux les derniers points. Je finis par me prendre la tête entre les mains avant d’appeler ma secrétaire pour qu’elle m’apporte un café bien corsé. Je vais en avoir besoin si je veux être performante pour la fin de la semaine. Puis ça me permet de ne pas trop penser à Rhett, à ce qu’il s’est passé, à cette passion qui nous a dévorés et qui nous a unis. Je m’éloigne à nouveau et je sens le rouge me monter aux joues en repensant à cela. Je lâchais un râle de déception avant de remercier ma secrétaire de m’apporter mon café. Je le pris tranquillement tout en tournant mon siège vers la vue que j’avais sur l’ensemble de la ville. J’appréciais vraiment de me retrouver ici et d’avoir sous ma main le potentiel job de mon père quand il prendra sa retraite. J’étais bien préparée pour ça et j’étais prête à franchir le cap même si ça me demandait plus de travail, j’étais prête à tout. Après avoir fait une pause d’un quart d’heure, je retournais à mon bureau pour continuer mon travail en jonglant entre mon emploi du temps et mes rendez-vous ainsi que les procès. Puis, alors qu’une question me turlupinait, je décidais de rendre de nouveau visite à mon père. Sortant et ouvrant la porte, la tête dans mon dossier, je ne la relevais qu’en entendant le son d’une voix familière. Je regardais la silhouette qui se trouvait devant moi et arquais un sourcil, Winnie. Que faisait-elle là avec un de mes collègues ? « Winnie ! » L’appelais-je avant de poser mon dossier sur le bureau de ma secrétaire, lui annonçant que je revenais. Je m’avançais et puis je tiquais en voyant qui elle avait été voir. Un spécialiste dans les relations conjugales. Alors elle avait fait ce à quoi je pensais. J’avalais ma salive et posais ma main sur l’épaule. « Tu ne dis même plus bonjour à ta sœur alors qu’elle travaille ici ! Tu exagères ! » Lui dis-je en faisant la fille offusquée alors que je m’en fichais au fond. Cependant, je m’inquiétais à présent car si elle avait franchi le cap alors ça n’allait pas forcément. Et je ne voyais pas Tinsley. « Où se trouve ma filleule d’amour ? » J’adorais passer du temps avec elle pouvoir la tenir dans mes bras et être gaga. Cette petite avait un caractère bien trempé et je trouvais ça super à son âge, mais Winnie sûrement moins. A cinq mois, elle savait dire ce qu’elle voulait avec ses petits cris. Regardant l’heure, je décidais que mon travail au cabinet aujourd’hui était terminé. « Ashley, tu peux ramener le dossier dans mon bureau. Je passerai le chercher ce soir. Merci. » Puis je dirigeais mon regard vers ma sœur avant de lui attraper le bras pour la forcer à avancer, ne lui laissant pas le choix de se dérober. « On va chez moi. » Là non plus ce n’était pas une question. Et je comptais bien savoir comment elle allait et si elle tenait le coup. C’était aussi un moyen de nous rapprocher de nouveau.

Voilà maintenant bientôt cinq mois que Tinsley était née, et cinq mois que Mike et moi n’habitions plus sous le même toit, puisque nous avions dû prendre de la distance, parce que nous avions besoin de réfléchir chacun de notre côté sur ce que nous pourrions faire concernant notre couple. Quelques discussions, parfois arbitrées par un thérapeute, connaissance du père de ma fille, tentatives et autres avaient eu lieu, sauf que celles-ci nous avions toutes menées à une conclusion qui n’avait rien de plaisant, mais qui était devenue nécessaire; un divorce. Quelque chose s’était brisé entre nous, quelque chose que ni lui ni moi nous saurions réparer désormais. De mon côté en tout cas, je savais que jamais je ne saurais pardonner Mike de ne pas avoir daigné se présenter à la naissance de sa fille, sans avoir nulle autre excuse valable que parce qu’il avait décidé d’aller boire dans un bar, alors qu’il était parfaitement au courant que l’enfant allait arriver et qu’il devait rester à l’affût. J’avais tenté pourtant, j’avais tenté autant que possible, et même si je n’étais pas de nature rancunière, je n’y arrivais juste pas. Mike, de son côté, je semblait plus tant tenir à moi, interagissait à peine avec sa fille. Bref, en mon sens, c’était la meilleure solution, même si ce n’était pas la plus heureuse, loin de là. Mais si c’était ce qu’il fallait pour qu’on continue d’aller de l’avant, qu’il en soit ainsi. Enfin, ce fut ce que je tentai de me dire lorsque ce matin, j’étais allée déposer ma fille chez mes parents, pour ensuite me rendre au cabinet d’avocats où travaillait ma soeur non pas pour aller la voir elle, mais son collègue, spécialisé en relations maritales, donc en divorces, entre autres. J’étais entrée dans son bureau, les papiers signés en main, j’avais réglé les derniers détails. À la fin de cette rencontre qui avait été brève, mais qui m’avait paru durer une éternité, il m’avait annoncé que le divorce était officiel. Je savais que c’était ce qui allait se produire, mais j’eus quand même le coeur lourd quand je me dus de le remercier pour ses services, puis au moment de quitter son bureau. Ce fut à un tel point que je ne pensais même pas à aller voir ma soeur, même si je m’en sentais mal, parce que je voulais prendre un instant pour savoir comment lui annoncer, comment composer avec tout ça. Mais ce moment, je n’y eus pas droit au final, puisqu’alors que j’étais sur le point d’atteindre la sortie, Sheri apparut dans mon champ de vision, me laissant grillée, obligée de composer avec sa présence plutôt que mes tourments. Et bien sûr, Sheri ne tarda pas à me faire remarquer que je ne l’avais pas saluée, me faisant grimacer, parce que je me sentais mal, parce que je n’arrivais même pas à lui dire à la blague que je comptais le faire. Je ne voulais pas blaguer, je n’y parvenais même pas. Pire encore, je ne pus même pas lui répondre, prenant la parole que lorsqu’elle vint à me poser une question à proprement parler; quand elle me demanda où était Tinsley, que je ne m’étais pas vue emmener dans un tel endroit, je lui répondis:  « Elle… Elle est avec maman. Elle doit être en train de la gâter là. » Plutôt que de sourire, amusée à mes propos, j’eus un rire nerveux, venant remettre en question la crédibilité de mes propos. Heureusement, mon aînée avait bien compris que quelque chose clochait, sans que je dise quoi que ce soit. Après, il fallait avouer que je ne m’étais pas débarrassée des papiers que j’avais entre les mains, alors certainement qu’elle avait tout compris. Était-ce pour cela qu’elle m’invita à aller chez elle ? Quelque chose me dit que c’était cela, et si c’était le cas, c’était plus qu’apprécié, sa volonté de vouloir m’aider, mais ne m’attendant pas à me retrouver devant un tel plan, je demeurai un peu stoïque, lui disant plutôt:  « Sérieux ? Sheri, je ne veux vraiment pas déranger… » Après tout, il était évident que je ne serais pas de bonne compagnie, bien loin de là. Mais qui sait, peut-être le réconfort de ma soeur ne serait pas de refus ? Ou bien préférerait-elle parler d’autre chose ? L’un ou l’autre, je ne dirais non. J’avais le sentiment que j’avais besoin de bien des choses, tout et rien, n’importe quoi, pour me ressaisir et aller ne serait-ce qu’un peu mieux.

J’adorais mon métier et j’adorais les affaires que je pouvais avoir, mais savoir que j’étais traquée et qu’on ne me laissait pas tranquille, ça ne me faisait plus rire du tout. Je n’en parlais pas bien sûr car ce n’était pas vraiment alarmant mais ça commençait à me faire peur. Puis cacher cela devenait de plus en plus dur aussi, je ne me sentais qu’en sécurité au boulot et même plus chez moi. Donc je me renfermais sur le boulot, me baladant de bureau en bureau pour discuter avec mes associés jusqu’à ce que je vus Winnie sortir d’un bureau que je ne connaissais que trop bien. J’y avais été un temps avant de faire ma spécialisation dans les entreprises concernant la concurrence et tout le toutim. Mon sourire s’était transformé en grimace en comprenant ce qu’elle venait de faire et elle n’avait pas besoin de me l’expliquer. Cependant, je trouvais ça dommage qu’elle ne vienne même pas me voir par la suite. J’étais sa grande sœur et malgré le fait qu’on avait eu un froid entre nous à cause du mensonge, je voulais quand même conservé notre relation au beau fixe. Et je n’étais pas un monstre, j’avais quasiment pardonné à tout le monde ce qui s’était passé alors bon, venir me voir aurait été la moindre des choses. Mais je voyais bien qu’elle était tourmentée et que ça n’allait pas. En même temps, je ne pouvais que comprendre, ce n’était pas facile les divorces, surtout quand c’était le parti qui souffrait qui en subissait les conséquences. La rejoignant, j’essayais d’être souriante et rigolote pour essayer de la détendre mais c’était peine perdue. Sauf quand on parla de sa fille. « Ah oui, tu vas la retrouver ce soir avec pleins de nouveaux jouets et de nouvelles tenues, tu peux en être sûre. » Disais-je en rigolant avant redonner mon dossier à mon assistante. Je décidai de prendre mon après-midi pour remettre d’aplomb ma sœur qui semblait avoir tous les malheurs du monde sur les épaules. J’avais envie de lui dire qu’il y avait pire, mais je ne pouvais pas savoir ce que ça faisait, n’ayant jamais été mariée ni même eu de copain aussi longtemps que ma sœur. Et pourtant, j’étais certaine que leur mariage allait tenir, j’en étais persuadée. Mais c’était avant l’accident. Balayant sa remarque de la main, je lui pris le bras et saluais mes collègues en me dirigeant vers l’ascenseur. « Arrête de raconter n’importe quoi. » Et j’étais aussi un peu blessée qu’elle ne m’ait rien dit non plus. Je restais sa sœur et je pensais qu’elle se serait tournée vers moi pour en discuter, me charger des papiers. Bien que j’exerçai plus dans ce domaine, mes qualités étaient toujours performantes et au top. Mais bon, elle avait peut être aussi envie que ça ne fasse pas de bruit. Je n’en savais rien, mais ce que je savais, c’est que je pouvais lui remonter le moral et passer du temps avec elle. Entrant dans l’ascenseur, je m’écartais un peu d’elle pour lui faire face. « Tu ne m’as rien dit ? » Demandais-je en parlant doucement. Je ne voulais pas l’enfoncer encore plus dans son malheur mais bon, j’aurais aimé être au courant aussi. « Donc c’est officiel ? » La situation avait été compliquée depuis la naissance de Tinsley et je ne pouvais que comprendre ma sœur. C’était impardonnable qu’il n’ait pas assisté à sa naissance, si même être venu après pour venir voir sa fille. Je lui aurais fait bouffer le sol si je l’avais vu mais heureusement pour lui, je ne l’avais pas croisé depuis. Posant ma main dans son dos, je souriais légèrement et regardais les étages descendre au fur et à mesure. « Tu vas pouvoir avancer maintenant. » Il ne fallait surtout pas qu’elle ressasse le passé et qu’elle se morfonde dans cette douleur, pas comme moi avec Rhett. Moi qui ne cessais de revenir vers lui alors que ça se trouve, jamais on ne se remettra ensemble. Me mordant la lèvre en y repensant, je soupirais avant de sortir de l’ascenseur et marcher au côté de ma sœur. « Puis ça fait longtemps que tu n’es pas venue chez moi. » Disais-je en souriant de toutes mes dents avant que je me souvienne que j’avais oublié de ranger les lettres qui traînaient sur ma table. J’allais devoir faire vite pour ne pas que Winnie les voit. Sinon, j’étais bonne pour inventer un mensonge. Remarque, pour une fois que ça serait moi qui en prononce un.

Un infime sourire qui se voulait amusé apparut sur mes lèvres au moment où Sheri me rappela que notre mère n’allait pas laisser sa petite-fille en reste concernant les cadeaux et l’amour qu’elle avait à lui offrir. Ça, je le savais déjà. C’était clair que ma mère adorait Tinsley, au vu de comment elle se proposait de la garder, même quand je n’en avais pas besoin, simplement pour me donner un répit, sachant désormais que j’étais toute seule. Parfois, j’acceptais, parfois, je n’osais pas la déranger, même si je ne pouvais nier que cela m’enlevait un poids. Non pas parce que Tinsley était difficile à gérer, au contraire, c’était une enfant adorable, mais en sachant que j’avais le soutien d’autres gens, je me sentais soudainement moins seule, parce qu’autrement, je ne voulais pas déranger, je ne voulais pas qu’on croie que je n’assumais pas mon rôle de mère, même si parfois, je me devais de déléguer, afin de m’accorder un petit répit. Pour cette même raison, cette idée de ne pas déranger, je n’avais pas tant parlé de mon divorce avant aujourd’hui. J’étais consciente que je devrais lâcher la nouvelle à un moment ou un autre, mais j’avais voulu attendre que ce soit officiel, pour trouver les mots, pour composer avec cette réalité avant de la faire vivre aux autres, même les gens proches de moi, que ce soit mes parents ou ma soeur. Mais là, visiblement, mon idée n’avait pas fonctionné, puisque Sheri l’avait deviné, puisque maintenant, je passais de nouveau pour celle qui n’arrivait pas à échanger avec son aînée sur des propos plutôt lourds et sérieux. Me sentant coupable, je ne sus que grimacer quand Sheri me fit remarquer que je ne lui avais rien dit, et embarrassée, j’aurais voulu trouver les mots pour le lui expliquer, mais je n’y parvins pas, puisqu’elle reprit trop rapidement pour me demander confirmation de mon divorce. Était-ce parce qu’elle avait décidé de passer outre ? Ou bien parce qu’elle ne voulait pas provoquer une dispute sur son lieu de travail ? Ne sachant pas trop, je me concentrai sur sa nouvelle question, lui confirmant donc le fait en hochant la tête et en baissant le regard, laissant ma soeur se convaincre que c’était une bonne chose, que je pourrais avancer. Mais moi, tristement, je n’en étais pas tant convaincue. Je savais que je me devais de le faire, je savais que j’avais déjà pas mal attendu pour venir à ce bureau et faire approuver les papiers de divorce, mais je ne me sentais pas libérée. Au contraire, je ne cessais de me remettre en question, je me demandais si j’allais le regretter un jour, j’étais complètement perdue, faisant en sorte que je me sentais plus enfermée dans mes tourments que libérée de ceux-ci. Sauf que ça, je ne le dis pas. Passive, je ne répliquai pas davantage quand Sheri vint à insister pour que j’aille passer du temps chez elle, me contentant de simplement lui chuchoter un petit:  « Merci. » La conclusion de ce propos marqua une pause, un silence dans la discussion, tandis que nous étions en train de marcher vers la sortie. Au final, ce fut moi qui brisa ce silence, pour lui avouer:  « Je suis désolée de ne pas te l’avoir dit… Je t’avoue que… Je ne sais tellement pas comment gérer la situation que je ne me sentais pas prête à en parler pour le moment… » Et normalement, c’était bien loin d’être mon genre, de manquer de mots, de ne pas savoir comment parler de ce qui me concernait. Raconter ma vie, ça faisait partie de mon métier, donc si je n’y arrivais pas, c’était parce que c’était terriblement difficile et là, c’était le cas. Ce l’était tellement que continuer sur cette lancée ne me plaisait pas tant, au point que je finis par demander à ma soeur:  « Et toi, comment tu vas ? » Après tout, la conversation n’avait pas à tourner qu’autour de moi. Et plus encore, j’avais cet espoir que si Sheri me parlait de comment allait sa vie, moi, je pourrais me changer les idées, et éventuellement ne plus sentir cet état de détresse qui était en train de me consumer petit à petit.