KENTIN&BABY ▬ Can I be a glamorous mommy-to-be ?

Cette époque où je pouvais me permettre de préparer ma tenue pour l’école la veille, être persuadée que ça ferait l’affaire sans l’essayer, ne pas me poser de questions et partir au boulot sans perdre du temps pour choisir quoi porter était désormais révolue. Je savais qu’à un moment ou un autre, cela finirait par arriver, mais je pensais avoir encore un peu de temps, du moins pour prévenir le coup un minimum. Clairement, ce ne fut pas le cas, puisque ce matin, lorsque je voulus enfiler le pantalon et le haut que j’avais prévu porter pour l’école, je me rendis compte que je ne pouvais boutonner le bas et qu’avec ce haut, je n’avais pas l’impression d’avoir trois ou quatre kilos de plus, mais bien une dizaine. Décidément, il était temps que je commence à aller faire les boutiques du côté des vêtements de maternité. Certaines langues sales pourraient en venir à me proposer ceux que j’avais portés lorsque j’étais enceinte de Wesley, mais lorsque j’en étais à ce stade de ma grossesse, il y a douze ans, c’était l’automne, pas le printemps alors clairement, les tenues n’étaient pas appropriées. Et puis, le temps d’une décennie, la mode avait eu le temps de changer bien des fois. Enfin, peut-être que pour moi, l’argument était moins applicable, compte tenu que je n’étais pas celle qui était la plus à l’affut des dernières tendances, mais il y avait une limite entre renouveler sa garde-robe en entier à chaque mois et changer de vêtements aux vingt ans. Devant me résigner à acheter de nouvelles tenues, je profitai donc du fait que je n’avais pas cours dans l’après-midi pour me rendre au centre commercial, dans l’espoir de trouver ne serait-ce qu’un pantalon et deux ou trois hauts pour pouvoir tenir le coup au quotidien pendant quelques semaines, histoire que je puisse acheter le reste à tête reposée, et prête à accepter le fait que j’en étais à ce stade de ma grossesse. Sitôt que j’eus quitté le lycée, je m’y rendis donc, et une fois dans le centre commercial, ce fut quelque peu à mon désarroi que je me rendis compte que les boutiques que je connaissais n’existaient pas vraiment, ou bien s’étaient bien trop transformées pour que je m’y retrouve. Perdue, je commençai tout de même à arpenter le centre commercial, me retrouvant devant une boutique que je n’avais pas l’habitude de fréquenter, au vu du prix de ce qui était proposé, mais dans laquelle je rentrai malgré tout, puisque je savais qu’un de mes anciens élèves, de qui j’avais encore des nouvelles de temps à autre, y travaillait. J’étais juste curieuse de voir si je pourrais le saluer, lui demander s’il en savait plus sur les boutiques du centre commercial - sans l’obliger à me pointer le doigt vers ses compétiteurs bien sûr - et prendre des nouvelles, le temps que j’y étais.

Dans un premier temps, je ne sus dire si mon ancien élève m’avait reconnue ou bien s’il ne me regardait pas ou quelque chose du genre, puisqu’il se lança dans un discours bien classique dans une boutique, discours dont il pouvait très bien se passer avec moi, j’avais envie de lui dire, mais trop peu certaine de ce qui se passait dans sa tête, s’il était obligé de réagir de la sorte, quoi que ce soit du genre, je me tus, attendant de voir s’il allait se rendre compte de qui lui parlait, s’il allait me reconnaître, quelque chose du genre. Heureusement, je ne fus pas déçue; bien rapidement, Kentin sembla sortir de sa bulle, de son mode de vendeur assidu, pour finalement adopté un air à la fois surpris et ravi. Comprenant à ce moment qu’il m’avait reconnue, parce que sinon, il n’aurait certainement pas prononcé mon nom de cette façon, j’eus un large sourire, puis je me permis à ce moment seulement de m’exclamer:  « Bonjour, Kentin ! » Ce propos, à la base très banal, avait une intention tout aussi simple; saluer le jeune homme comme il se le devait. Peut-être aurais-je pu le faire bien avant cela, peut-être que de ce fait, cela pourrait sembler être un reproche par rapport au fait qu’il ne s’était pas rendu compte de ma présence avant ce moment, mais ce n’était pas ça du tout, et en mon sens, le sourire que je gardais sur mon visage venait le prouver. Mais comme si cela n’était pas suffisant, je me décidai à finalement lui demander:  « Comment tu vas ? » Encore une fois, c’était un propos bien simple à tenir, mais qui me permettrait de prendre un peu des nouvelles du jeune homme. Après tout, Kentin était un élève que j’avais grandement apprécié au cours de son passage au lycée. Lorsqu’il était dans ma classe, j’en étais encore à mes débuts en tant qu’enseignante, et malgré le fait que j’avais fait quelques erreurs à ce moment, comme la majorité des enseignants pouvaient faire dans les premières années, jamais il ne m’en avait tenu rancune, et même si pour lui, peut-être cela pouvait sembler tout banal, pour moi, c’était chose énorme, et je lui en avais été grandement reconnaissante. Et puis, j’étais heureuse de voir que son métier semblait grandement lui plaire, c’était probablement la plus belle fierté d’un enseignant à mon avis. Enfin, si ce n’était pas l’opinion des autres, c’était la mienne, en tout cas. Cependant, consciente qu’il n’était peut-être pas en droit de rester là, à discuter, je me dis que je pourrais l’aider un peu en lui disant:  « Je passais par là pour tenter d’acheter des vêtements, et quand je t’ai vu, je me suis dit que je viendrais te saluer. » Bon d’accord, peut-être que je n’avais pas été nécessairement précise, mais je ne me voyais pas lui dire tout de suite ce que je voulais, pour en pas donner l’impression que je l’utilisais ou quoi que ce soit du genre, parce que c’était la dernière chose que je voulais qu’il croie.

 « Ça va, je te remercie. », voici ce que je répondis à mon ancien élève, d’un ton enthousiaste, sans entrer dans les détails. Après tout, c’était ce qui était le plus simple, et en mon sens, même le plus sain pour cette conversation. En effet, je me doutais bien que celui-ci ne voulais pas entendre parler de tous ces soucis qui m’étaient tombés dessus dernièrement, d’autant plus que les lui imposer serait contre ma nature, compte tenu du fait que je parlais que trop peu de ce que je ressentais, et je n’avais pas l’intention de commencer cela ici et maintenant. De plus, je préférais de loin faire savoir à Kentin que j’étais volontairement venue le saluer, ce qui sembla lui faire plaisir, pas mal plus que m’entendre parler de mes déboires amoureux et de tout ce qui accompagnait cela. Plutôt que de lui servir un air sévère donc, je pus amplement me permettre de lui offrir un sourire ravi, de même qu’un petit:  « C’est normal, voyons… », histoire de lui faire savoir en toute sincérité que j’aimais beaucoup voir des anciens élèves, surtout quand je savais que nous gardions une bonne relation, comme c’était le cas avec le jeune homme. Et même si je ne pensais pas pouvoir trouver quoi que ce soit pour m’habiller dans une boutique aussi branchée, ce détour ne m’avait pas fait de mal, bien au contraire. Et ça, je voulus le prouver en répondant à sa question, mais ne sachant pas trop comment la formuler vraiment, puisque j’étais persuadée que cela impliquerait que je doive lui annoncer ma grossesse, je ne sus que dire:  « Eh bien… » Mais avant que je n’aille plus loin, Kentin, certainement sans le vouloir dans un premier temps, m’épargna une étape de mon discours, accueillant la déduction avec une certaine joie qui me fut contagieuse, si bien que ce fut avec un petit rire que je lui répondis:  « Oh, merci ! » Inévitablement, je baissai le regard pour considérer pendant un bref instant mon ventre arrondi, en venant clairement à la conclusion que je ne saurais le cacher plus longtemps, en fait. Je pensais encore m’épargner certains regards pendant quelques semaines, mais définitivement, pas aux yeux de ce jeune homme. Et puis, il fallait l’admettre, ce n’était pas comme si la forme de mon ventre, qui était bien évidente, malgré sa petite taille, pouvait laisser croire que j’avais mangé trop de beignets pour le coup. Plus maintenant, en tout cas. Mais pour tout dire, alors que cela me gênait dans un premier temps, au vu de tous les bouleversements que ma vie avait pu connaître ces derniers temps, maintenant que Wesley était au courant, que je n’avais rien qui m’empêchait de l’assumer pleinement, j’allais mieux. Ce n’était pas parfait, mais disons que là, tout de suite, je me rendais compte que je faisais un pas dans la bonne direction, si je pouvais me permettre de le dire ainsi. N’attendant donc pas plus longtemps pour formuler ma requête, je repris ma contenance, et je finis par dire:  « Alors je crois que tu l’as déjà compris, j’ai besoin de vêtements de maternité… Mais je ne sais pas si tu en vends ici… Peut-être pourrais-tu m’éclairer un peu ? » Et par éclairer, je signifiais le fait de confirmer ou infirmer mon hypothèse, et dans le second cas, m’indiquer où je pourrais aller en acheter, parce que:  « Mon fils aura bientôt douze ans, alors il y a bien longtemps que je n’ai pas acheté des vêtements de maternité. ». Mais ça, ce n’était pas obligatoire de sa part. Je n’allais certainement pas le forcer à me guider vers sa concurrence, après tout.

 « Bientôt dix-sept semaines. Ça commence tout juste à se voir en fait, mais c’est suffisant pour que je doive me trouver de nouveaux vêtements. » Voici ce que je répondis à Kentin au moment où il en vint à me demander où j’en étais dans ma grossesse. En tenant ces propos, je ne cherchais pas à m’étaler sur ma vie personnelle ou quoi que ce soit, mais plutôt tenter de plaisanter quelque peu, lui montrer que je prenais bien la chose. Mine de rien, c’était le cas, malgré les circonstances dans lesquelles cette grossesse m’avait été révélée. Au fond, il n’en demeurait pas moins que j’adorais être maman, et que j’avais envie d’être optimiste cette fois-ci, optimiste dans le sens que les choses allaient se passer mieux que la première fois. Au moins, cet enfant aurait droit d’avoir son véritable père dès le début, et j’espérais de tout coeur qu’avec Wesley et Andy, nous pourrions avoir une famille à peu près unie. Je ne disais pas parfaite, parce que je devais rester réaliste, mais quand même, j’avais de meilleurs espoirs que lors de ma première grossesse, c’était sûr et certain. Et puis, même si je n’étais pas pleine aux as, j’avais quand même un peu plus de moyens pour me procurer des vêtements qui allaient me faire un peu mieux que ce que j’avais pu porter lorsque j’étais enceinte de Wesley. À dix-neuf ans à l’époque, je sortais du lycée, je n’avais pas un emploi des plus profitables, alors je devais me contenter soit d’acheter trop grand, ou prendre de vieux vêtements qu’on me donnait. Je ne m’en plaignais pas, ça m’avait quand même permise de passer au travers de cette période, mais il n’en demeurait pas moins que là, avoir des vêtements à moi, je n’allais pas m’en plaindre. Mais avant, encore fallait-il que je les trouve, et pour cela, il fallait que je trouve une boutique qui en vendait, ce que je ne pensais pas trouver en ces lieux malheureusement. Par contre, Kentin eut tôt fait de me prouver le contraire en affirmant qu’ils avaient désormais une collection de maternité. J’aurais pu grandement m’en réjouir, sauf que mon ancien élève vint à ajouter un détail qui m’embêta un peu plus, soit le fait que ces vêtements n’étaient pas donnés. Je n’étais pas radine de nature, mais jamais je n’avais aimé payer une fortune pour mes vêtements, préférant toujours garder cet argent pour autre chose, comme dans le cas présent, acheter des vêtements à Wesley ou encore à son petit frère ou sa petite soeur à naître. Et puis, même si je ne voulais pas cracher sur ces tenues qui devaient être très jolies, il n’en demeurait pas moins que j’allais les porter que quelques mois et voilà tout. Pour le moment, je ne prévoyais pas être enceinte de nouveau, déjà que cette grossesse était tout sauf attendue. Mais malgré mes réticences, histoire de me montrer polie, et peut-être prendre une chance de trouver quelque chose de pas trop cher, histoire d’encourager mon ancien étudiant, je lui répondis, dans un haussement d’épaules, accompagné d’un sourire poli:  « Oui, pourquoi pas ? » Et avant que nous nous mettions en route vers les rayons, j’en vins à passer un nouveau commentaire sur ma situation, le fait que mon fils allait bientôt avoir douze ans, ce qui sembla surprendre Kentin, pour mon grand amusement, même si ce fut avec une pointe de nostalgie que je lui confirmai mon propos en hochant la tête, puis en en disant:  « Beaucoup trop, oui… Il avait quel âge lorsque tu étais mon élève ? Quatre ans ? Cinq ans peut-être ? » Je savais très bien que chacun de mes étudiants avait entendu parler de mon fils à un moment ou un autre, surtout quand il était plus jeune, parce que je le mentionnais occasionnellement, et aussi parce que lorsqu’il y avait des sorties scolaires auxquelles il pouvait assister, je ne me faisais pas prier pour l’y emmener. Après, ce n’était là qu’un détail, même si cela me rappelait aussi que cela voulait dire que Kentin avait quitté l’école depuis environ sept ans, ce qui était tout aussi bouleversant à mes yeux d’enseignante.

Je savais déjà que cela faisait un moment que Kentin avait été mon élève, mais en reparler, combiné avec la discussion tournant autour du fait que mon fils grandissait terriblement rapidement, me le rappelait encore plus. Et puis, cela me faisait comprendre que maintes choses s’étaient passées depuis ce temps. En effet, Kentin avait été élève dans mes premières classes, au cours de ma première année d’enseignement. À cette époque, j’étais trop peu sûre de moi, je ne pratiquais pas le métier que je voulais faire en réalité, ce pour quoi j’étais venue ici dans un premier temps, et à ce moment-là de ma vie, c’était encore bien ancré dans ma tête. Les choses n’avaient pas été très faciles pendant ce temps, mais heureusement, j’avais eu des élèves, Kentin le premier, qui avaient su me faire sentir la bienvenue, me conforter dans cette vie que je n’avais pas choisie et éventuellement, me faire comprendre que finalement, être enseignante, ce n’était pas si mal que ça. Inutile de mentionner qu’au vu de ces faits, j’étais plus qu’heureuse d’avoir gardé contact avec lui, même si les choses avaient changé, et changeaient toujours, me rendant parfois nostalgique, comme en ce moment, lorsque j’acquiesçai à ses propos en lui disant:  « Oui, ça fait longtemps même… » Par contre, déterminée à ne pas gâcher le moral de qui que ce soit, je ne m’y attardai pas des masses non plus, me concentrant sur les vêtements qui nous entouraient désormais, plus précisément sur la petite robe que Kentin vint à me présenter, ajoutant que celle-ci pourrait très bien me convenir. Décidément, il avait de l’oeil, puisque désormais habituée à m’acheter des vêtements, je savais ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas, ce qui me faisait bien ou pas, et là, je devais avouer que cette tenue faisait partie de celles que je pourrais potentiellement aimer. En effet, la robe était simple, paraissait confortable, et pouvait être portée autrement que pendant une soirée ou un truc du genre. En gros, parfait pour l’été à venir. Verdict ?  « C’est vrai qu’elle est très jolie. », voilà ce que je dis à Kentin. Pourquoi ne sautai-je donc pas dessus directement ? Parce que dans les mains de mon ancien élève, je vis l’étiquette de prix, pour me rendre compte que comme bien des choses dans cette boutique, elle n’était clairement pas donnée. Mais me refusant de gâcher l’enthousiasme du jeune homme pour autant, je pris sur moi, en venant à lui demander malgré tout:  « Tu… Je peux l’essayer ? » Enfin, peut-être pas tout de suite non plus, je me doutais que probablement, Kentin avait autre chose à me proposer, mais c’était là ma façon de lui montrer que celle-ci me plaisait. Qui sait, peut-être que d’une façon ou d’une autre, cela pourrait mener à des trouvailles à prix raisonnable ? Je l’espérais, en tout cas.