Cauchemar éveillé [Feat. Isaiah E. Navarro]

Arrivé en ville depuis très peu de temps, quelques semaines pour être exact, Johan avait rejoint le lycée dans lequel il allait devoir passer les prochaines années de sa vie. Pour n'importe quel enfant, c'est déjà compliqué le changement entre le collège et le lycée, mais pour l'allemand, ce fut encore pire.

Souvent mis de côté à cause de son caractère solitaire ainsi que sa différence concernant son âge et celui de ses camarades, le passage au lycée a été compliqué pour lui. Isolé, souvent dans sa bulle, il se contente de faire acte de présence sans vraiment prendre part aux cours auxquels il assiste. Pourtant au fond de lui, il sait qu'il en aura besoin s'il veut étudier le droit d'ici l'obtention de son diplôme, mais la vérité c'est que tout ce qui se passe en cours, il en connaît déjà la moitié, alors forcément, il s'ennuie pendant que ses camarades ne cessent de le prendre pour cible de leurs petits jeux stupides.

Le dernier en date, c'était la trouvaille d'un rat mort dans son casier où il mettait ses livres ainsi que ses affaires pour les différents cours. Johan avait appris à ne jamais montrer que ça l'atteignait, encore moins par ces adolescents immatures, mais au fond, il avait simplement envie de crier, et que quelqu'un lui vienne en aide. Cela faisait bien trop longtemps qu'il souffrait et qu'il cachait ses plaies au plus profond de lui, mais ça ne pouvait plus durer ainsi.

Après une énième sonnerie dans la journée, les élèves changeaient de salle pour rejoindre leur prochain cours, celui de Johan était le sport, discipline qu'il n'apprécie pas spécialement. Toujours en retrait, il fait en sorte de ne jamais se changer devant ses camarades, par pudeur d'une part, et parce qu'il était toujours la cible du vol de vêtements par les plus grands. Depuis il avait trouvé la méthode de se changer avant de se rendre en cours. Mais colle à chacun d'entre eux, il n'était pas décidé à y participer, pas pour être humilié une fois de plus devant la foule qui n'attendait que ça. Être surdoué pourrait être un avantage pour certains, mais pour lui, c'était plus un handicap qu'autre chose, s'il avait pu, il aurait préféré être avec des enfants de son âge, avoir ses deux parents auprès de lui et mener une vie paisible sans devoir gérer les problèmes qu'il rencontre.

Assis sur les gradins en attendant l'arrivée du professeur, au premier rang, Johan était victime des blagues de ses camarades.

" - Oh le petit bébé est tout seul, attention il va pleurer. Hey Rieder, elle est où ta maman ?" fit l'un d'entre eux alors que les autre éclatent de rire.

Que pouvait-il répondre à tout ça ? Rien. Hormis le silence qui était sans doute la meilleure arme contre ces imbéciles. Sans même relever la tête, Johan savait que le professeur était arrivé puisqu'un silence s'installa en quelques secondes. Son cauchemar ne faisait que debuter.

Johan n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un élève modèle. Il suit les cours plus par obligation que par réelle envie. Tout cela l'ennuie terriblement mais il n'a pas le choix alors il essaye de se faire aussi discret que possible parce qu'il n'avait jamais été quelqu'un de turbulent. En fait, l'allemand se contentait simplement de faire acte de présence.

Alors ce cours de sport ne l'enchantait guère, en temps normal il pouvait faire semblant de suivre, mais en sport, il se devait de participer, et c'était bien ça le plus compliqué. Lui qui avait toujours été solitaire, se retrouver mêlé aux autres par obligation, ce n'était vraiment pas ce qu'il appréciait le plus. En attendant que le professeur arrive, Johan dû essuyer les critiques et moqueries de ses camarades sans réagir, parce qu'il le savait mieux que quiconque, la seule réponse adaptée pour ces idiots était le silence. Le garçon se contente d'encaisser, de faire mine de rien, mais au fond, il aimerait sincèrement appeler à l'aide et que quelqu'un le sorte de ce tourbillon infernal.

Finalement il ne fallu que quelques minutes avant que le professeur tant attendu ne se montre et se tienne debout face à eux. Tous avaient le regard rivé sur lui, principalement les demoiselles qui devaient probablement le trouver séduisant. Johan lui, se contentait de regarder ses pieds, de jouer nerveusement avec ses doigts tout en bougeant ne se sentant pas confortable dans cette tenue de sport. Ce n'était pas vraiment ses habitudes vestimentaires les jogging.

Le garçon se disait que de toute manière, sa journée ne pouvait pas être pire que ce qu'elle était déjà, mais c'était sans compter le discours de son professeur qui venait d'annoncer que cetait les évaluations. Génial ! Évidemment, il comptait à ce que tout le monde participe y compris l'allemand. Il suffit d'évoquer le mot équipe pour le rendre malade. Les élèves autour de lui s'agitent afin de se mettent avec leurs copains tandis que lui reste assis sur le banc, attendant que les minutes s'écoulent. Qu'est-ce qu'il risquait même avec un zéro ? Ce n'est pas ses parents qui allaient lui passer un savon puisqu'il n'avait plus de famille.

Au bout du compte, le comportement que le jeune garçon adoptait c'était tout simplement un appel à l'aide. Certes ce n'était pas perçu de la sorte par le corps enseignant qui le voyait plutôt comme un mauvais élève étant donné qu'il ne participait jamais, qu'il avait des mauvaises notes malgré son côté discret. Ce serait trop facile de remplir ses devoirs correctement et ainsi remonter dans l'estime des professeurs, il préférait passer pour le mauvais garçon plutôt que d'avouer qu'il est surdoué.

Les deux équipes s'étaient formés autour de lui, prêtes à jouer tandis qu'il n'avait pas bougé d'un pouce. Il allait très certainement se faire remonter les bretelles par le professeur, mais il n'était pas prêt à jouer avec ces brutes. Ce qu'il voulait ? Quitter le terrain en courant. Il n'y avait que fuir qu'il faisait correctement depuis quelques mois.

Quelque chose indiquait à l'allemand que le pire était à venir. En temps normal, il se serait sans doute contenter d'observer les autres et de simplement se dire qu'il était bien mieux installé sur les gradins que parmi eux. Johan n'était pas quelqu'un de méchant, mais il avait vécu des choses qu'il ne souhaitait à personne, des obstacles qu'il avait dû franchir seul puisqu'en dehors de sa mère, il n'avait pas de famille. Il n'avait jamais connu ses grands-parents qui avaient rayé leur fille de leur vie au moment même où elle a décidé de faire un enfant toute seule. Quant à son père, inutile de préciser qu'il n'avait que tellement peu d'informations que ça pouvait être n'importe quel homme qu'il croisait dans la rue sans réellement le savoir.

Mais le cours qui avait bien débuté le fut beaucoup moins au moment où les équipes se formaient et que le jeune garçon se faisait bousculer de tous les côtés puisqu'il était resté assis. En quelques secondes, les élèves avaient formé deux camps désignant les deux équipes. Le professeur s'apprêtait à lancer le jeu quand il se rendit compte que l'allemand était toujours aussi en retrait par rapport aux autres. Comme dans tous les cours après tout. Et pourtant, cet homme se sentait obligé de lui parler comme si c'était un gamin de six ans.

Par correction, le jeune garçon ne dit rien, certaines personnes le pensaient muet tellement il prenait peu la parole. Il faut dire qu'en public il n'avait jamais été très à l'aise et puis, les cours ce n'était pas son truc, il venait par obligation parce qu'un enfant de son âge devait être scolarisé, rien de plus. Quand le professeur lança l'échauffement pour se rapprocher de lui, il n'avait qu'une envie, fuir.

Il haussa les épaules lorsqu'il lui demanda s'il pouvait s'asseoir à côté de lui. Dans l'hypothèse où il lui répondrait par la négative, il sait qu'il prendra tout de même place à ses côtés. Il le laissa faire sans lui prêter attention ni même déposer son regard sur sa personne.

" - Pas besoin de paperasse, simplifiez-vous la tâche et mettez un zéro directement ça reviendra à la même chose que si je joue avec ces gens."

D'une part, avec sa silhouette il n'avait jamais été très bon en sport en général, mais il ne voulait pas faire d'efforts pour ces personnes, ces imbéciles qui passent leur temps à lui mettre la misère, à chercher d'autres bêtises à faire pour lui rendre la vie impossible. La dernière en date fut le rat mort trouvé dans son casier. Le soucis avec Johan, c'est qu'il ne disait jamais ce qu'il avait sur le coeur, si bien qu'on ne savait jamais vraiment quand il allait mal d'autant plus qu'il ne demandait jamais d'aide.

" - Je sais pas pourquoi vous vous donnez autant de mal pour que j'aille attraper un ballon.."

Avait-il le choix ? Pas réellement, il n'était pas vraiment prêt à faire des efforts d'autant plus qu'il n'avait jamais participé à un cours de sport depuis son arrivée en ville. Les règles lui étaient quelque peu étrangères, bien qu'il est suivi les séances précédentes des yeux. Mais il n'avait rien ressenti d'exceptionnel, qui y'avait-il de glorifiant à foncer dans d'autres personnes pour récupérer un ballon ? Supposant que le professeur lui ficherai la paix s'il se levait, il décida de faire cet effort en espérant que ça suffise pour qu'il puisse à l'avenir, le laisser sur le banc.

Il rejoint l'équipe en question, sa présence fut accueillie par des moqueries ainsi que des paroles négatives. Qui voulait avoir le boulet dans son équipe ? Personne et pourtant c'était sur eux que c'était tombé.

Johan n'était pas un fan de l'école et ce depuis déjà pas mal d'années, s'il pouvait bénéficier d'un programme adapté pour son "handicap" d'enfant surdoué peut-être que ce serait différent mais pour le coup, suivre des cours qui n'avaient pas d'intérêt étant donné qu'il connaissait déjà quasiment tout, ça ne lui permettait pas de s'investir pleinement comme un enfant de son âge aurait pu le faire.

De plus, son passage au lycée alors qu'il n'a que treize ans a été particulièrement difficile. Personne sur qui se reposer, personne à qui se confier en cas de coups durs. Il avait été livré à lui-même face à cette épreuve. Bien évidemment, elle n'était pas insurmontable mais pour lui, ça devenait un véritable calvaire, un cauchemar au quotidien. En vérité il venait au lycée avec la boule au ventre.

Pour éviter de faire un scandale, l'allemand avait décidé de se lever à contre coeur pour aller rejoindre l'équipe que le professeur lui avait désigné. Ce n'était pas pour lui faire plaisir ni même espérer avoir une bonne note, il s'en fichait pas mal de ses résultats scolaires.

Une fois installé avec l'équipe en question, après avoir été accueilli à bras ouverts, de manière ironique bien évidemment, le jeune homme donna un coup de sifflet ainsi que les instructions à celui qui avait mené l'échauffement pendant que le professeur s'occupait du cas perdu qu'il était. Quand les consignes furent données, le jeu commença et à vrai dire, Johan n'avait aucune envie d'y mettre du sien, du coup jusqu'au moment où il se retrouva avec le ballon dans les mains, il fut immédiatement attaqué et plaqué au sol.

Le temps qu'il réagisse, le jeune garçon était toujours au sol, souffrant un peu au niveau des côtes. Évidemment, les moqueries se mirent à fuser tout comme les critiques à son égard comme quoi il était bon à rien.

" - Bah alors minus, on t'a jamais appris à lancer un ballon ? T'es vraiment bon qu'à rouler des pelles aux mecs."

Une fois plus, les propos n'étaient pas tendres envers l'allemand, sans même prévenir, lorsqu'il dit capable de se relever non sans grimacer de douleur, il se dirigea immédiatement vers les vestiaires pour s'y retrouver seul. Il comptait prendre son sac et quitter cet endroit, parfois il lui arrivait encore de se demander pourquoi il avait cette idée saugrenue de venir jusqu'ici. Oui il en voulait à ce professeur de lui avoir infligé non seulement cette humiliation mais également ces moqueries ainsi que ces rires lorsque le plus populaire du lycée c'était mis à le prendre pour cible au milieu d'une vingtaine de témoins. Johan est quelqu'un d'assez rancunier et oublie rarement quand on lui inflige quelque chose, et d'ailleurs le regard noir qu'il lance au professeur avant de disparaitre de son champ de vision en dit long sur ce qu'il pense de lui. Il est évident que d'ici le lendemain tout ça sera déjà sur les réseaux sociaux. Il devait quitter la ville au plus vite, fuir c'est ce qu'il savait faire de mieux.

Johan n'était pas un enfant très heureux, il l'avait été durant quelques années auprès de sa mère, depuis, il n'avait plus vraiment de but précis dans la vie. Il errait selon ses besoins sans se préoccuper du reste. Alors il est évident que dans un établissement comme ce lycée, il n'avait pas été vu d'un très bon oeil, d'autant plus qu'il arrivait au beau milieu de l'année, alors que les amitiés et groupes s'étaient déjà formé.

Il essayait de faire bonne figure, mais tout devenait tellement compliqué avec des personnes comme ces gars populaires qui pensaient que tout le monde devait s'incliner sur leur chemin, Johan lui pensait que c'était des personnes comme les autres et il espérait secrètement ce jour où la roue allait tourner et qu'ils ne seront plus les coupables mais où ils seront des victimes.

Mais il n'eut pas le temps de plus se perdre dans ses pensées étant donné qu'il venait de recevoir le ballon par il ne savait quel miracle. Que devait-il faire ? Une passe ? Il entendait son nom derrière, d'autres lui intimaient de lancer le ballon, mais aucune des deux options ne fut la bonne puisque très peu de temps après, il venait de se faire plaquer au sol de manière brutale avec, comme toujours, un petit mot agréable.

Quand il fut en état de marcher, il quitta le terrain pour se réfugier dans les vestiaires, de là il entendait que quelques bribes de conversation entre le professeur et ses élèves. Johan envisageait de quitter le gymnase et ainsi que le lycée pour aller se réfugier quelque part, il n'avait aucune idée de où il pourrait aller, mais il choisirait un endroit où personne ne pourra venir l'embêter. Pourtant, il grimacait de douleur en se tenant les côtes, il ne pouvait pas aller bien loin sans éveiller des soupçons, alors il était resté planté là et en avait profité pour pouvoir se changer sans que les autres se moquent de son corps ou même lui piquent ses vêtements.

Quelques minutes plus tard, ou même heure il n'en savait trop rien, le brouhaha des élèves se rapprochait des vestiaires où il se trouvait. Il vit débarquer tous les garçons de sa classe et il ne pouvait le cacher, il les craignait, mais il ne leur avait jamais montré cette peur qui l'animait. Des menaces se firent entendre, tout comme des petites tapes dans le dos qui n'était qu'un aperçu de ce qu'il risquait de subir s'il parlait de trop avec le professeur.

Soudain, un élève, un des plus grands en terme d'âge s'approcha de lui de manière gentille, c'était l'exact opposé des autres, mais il semblait avoir un poids par rapport aux autres élèves. Il lui annonça que le professeur voulait lui parler. La vérité c'est que l'allemand n'avait aucune envie de se retrouver face à cet homme qui avait cocontribué à son humiliation en public, il lui en voulait de l'avoir forcé à se mêler à eux alors que ce qui est arrivé était couru d'avance. Ils ne perdent jamais une occasion de montrer au chétif qu'il n'a aucune chance de survivre dans un tel milieu. Il décida tout de même de sortir, son sac sur les épaules, le regard des grands rivés sur lui. Il s'arrêta à plusieurs mètres de distance du professeur en attendant que celui-ci prenne la parole. Voyant qu'il cherchait ses mots, Johan ne put retenir les siens qui furent assez brusques.

" - Ça y est vous êtes content ? Vous avez ce que vous vouliez ? J'espère qu'au moins ça vous a plu de m'humilier comme ça. La prochaine fois compté pas sur moi pour venir à votre cours."

Au moins il était honnête, il ne comptait plus se présenter aux cours de sport, et peu importe s'il se faisait virer du lycée, ça lui retirerai un poids de sur les épaules. Il s'apprêtait à quitter le gymnase quand il entendit la voix de son professeur derrière lui, il se stoppa.