[Terminé] [Rostin#1] Tu n'as pas changé..

TENUE ▬ J’aurais tellement aimé avoir le dernier mot. Mais est-il possible de l’avoir dans une situation pareille ? « Son père s'est peut-être barré à l'époque mais il est toujours là et il est en face de toi en ce moment... Et je pense que cet enfant a le droit de connaître son père, tu ne crois pas ? » Je ne sais pas ce qui m’offusque le plus à présent. Le fait qu’il souhaite connaitre l’enfant qu’il a abandonné ou qu’il ne revienne pas pour moi. J’arrive presque à être jalouse de ma propre enfant et pourtant, je souhaite toujours sentir son cou entre mes doigts. J’ai l’impression d’avoir sous-estimé la relation qui nous relier, il semble que nous n’en finirons pas aussi facilement que ce que je pensais. « T’aurais fait quoi à ma place ? T’aurais accepté aussi facilement juste en entendant le mot remords ? Je vois pas pourquoi je te ferais confiance une nouvelle fois, ça s’est vu un millier de fois déjà les types qui disparaissent une seconde fois » Je ne pouvais me permettre de faire une erreur. Je ne pouvais être que l’ombre de moi-même en présence de Luna, il fallait que je sois la mère qu’elle mérite et non cette jeune femme qui ne demande qu’à hurler au monde son malaise. Je n’ai jamais autant entendu d’histoires d’hommes abandonnant leur femme derrière eux pour différentes raisons mais ayant sensiblement le même thème : leur responsabilité. Tromper sa femme, c’est ne pas respecter les responsabilités du mariage. Partir à cause d’un enfant, c’est ne pas respecter les responsabilités d’une histoire, qu’elle soit emprunte d’amour ou d’alcool. Je suppose que c’est comme ça qu’on grandit. On prend et on acquiesce toutes les responsabilités qui nous incombent jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus, qu’on tombe « Je n'ai aucune envie de me marier lors d'un mariage arrangé et tu le sais très bien, je vaux quand même plus que ça pour épouser une petite greluche que j'aime pas. Le jour où je me marierais ce sera avec une femme dont je serais fou amoureux. » Je m’en doute. Je le sais. Bien qu’il ait fait fausse route sur beaucoup de choses par rapport à ma personne, je le connais plus que ce qu’il le pense. Je sais qu’il regrette réellement son choix. Je sais qu’il respectera l’avis de ses parents seulement jusqu’à un certain point. Mais ça me suffit pas. Peut-on réellement pardonner juste à cause de regrets ? Il n’y a que moi qui doive lui pardonner. Je ne peux pas inclure Luna, ironiquement, elle est extérieure au problème. Si j’étais objective, j’accepterais le fait qu’il veuille en savoir plus et j’en dévoilerais davantage « Je sais que j'ai été un enculé avec toi Rosie, je te demande pas le pardon ou quoi mais je te demande juste d'accepter mon aide. » Son aide, j’en aurais voulu avant. Pendant que j’étais allongée et que je devais récupérer la télécommande sur la table en faisant attention à mes rondeurs. Quand je me pesais sans pouvoir voir mes pieds. « Je te demande pas non plus qu'on reforme un couple et qu'on emménage ensemble à nouveau mais je veux juste t'aider avec cet enfant. Je peux te donner de l'argent pour payer les courses et la nourriture pour l'enfant, ça peut toujours être utile et je veux le faire, j'en ai envie. » Je ne peux pas le nier, un peu d’aide financièrement serait le bienvenue. Le café tourne très bien mais évidemment, l’investissement a été aussi important. Ceci dit, nous vivons confortablement dans notre petite maison à Cathedral Hills. Nous avons ce dont nous avons besoin, c’est le principal. Alors pourquoi chercher à avoir plus ? « Ce n'est pas pour avoir bonne conscience ou quoi, je t'assure. Depuis tout ce temps j'ai eu l'occasion maintes et maintes fois de réfléchir à tout ceci et maintenant que je suis en face de toi et bien je peux te dire clairement les choses... Et sincèrement je regrette mon geste, vraiment... » Comment je peux tenir tête à présent ? Je souhaite continuer mon combat, le rejeter de toutes mes forces mais je mentirais à une partie de moi-même. En ce moment, un duel commence dans mon esprit. Le premier, celui qui, subjectif, souhaite garder cette enfant loin de lui, ayant peur que cette fois, il n’y ait pas que moi qui en souffre. Et un autre, celui, qui objectivement, sait qu’il est dans ses droits et qu’il regrette sincèrement son acte. Lequel devrais-je choisir de suivre ? « S'il te plaît accorde nous ça que ce soit pour toi, pour l'enfant et aussi pour moi. » Mon esprit se tord, se tourne puis se retourne. Pense, Rosie. Choisis intelligemment. Dieu sait que la décision que tu vas prendre aujourd’hui aura des conséquences irrémédiables. Je soupire longuement et tente de reprendre mes esprits. Je me lève douloureusement, tandis que mes jambes s’étaient endoloris. J’attrape mon portable dans ma poche arrière. Je peine à composer mon code, encore inquiète quant à la décision que je viens de prendre. Je cherche. Je fouille. Je m’approche doucement de Kentin, je n’entends plus que mes talons qui martèlent le sol. Je ne suis pas sûr de ce que je fais, mais si je souhaite avoir la conscience tranquille, il faut que je fasse un pas. Juste, un pas de plus. « Pour l’instant, je ne changerais pas d’avis. Je ne souhaite pas que tu approches notre enfant. Des regrets ne me suffisent pas. Si tu étais revenu plus tôt, peut-être que ça aurait été autrement. Mais aujourd’hui, ça ne suffit plus. » Ma conscience me titille, je connais le pas à faire à présent. Plus je m’imagine la suite des événements plus je me dis, que c’est la seule chose à faire dans l’immédiat. Rester sur mes campements mais offrir une porte. Pour l’instant, c’est tout ce dont je suis capable et ça me demande déjà un grand sacrifice. Cette petite fille qui n’était que mienne durant presque trois ans, j’avais l’impression de donner une partie d’elle-même. Et ça me tue . « Tout ce que je peux te donner pour l’instant, c’est ça » dis-je en lui tendant mon téléphone. Sur l’écran ? Une photo. Elle avait été prise l’année dernière, alors que Luna découvrait pour la première fois la neige. Elle était encore instable sur ses jambes mais elle se relevait avec une rapidité étonnante. A chaque fois que son visage touchait la neige fraîche, un sourire illuminé son visage. Un moment capturé en une seule image. Pour le moment, je reste debout sans rien dire. Puis finalement, je brise le silence « Elle s’appelle Luna, elle va avoir trois ans en janvier »

TENUE ▬ Ce matin en me levant, ma seule inquiétude était d’arriver à l’heure à l’école pour déposer Luna. Parfois, il m’arrive de courir et d’appeler le gardien dans la rue pour qu’il ne ferme pas les portes de l’établissement. A vrai dire, il commence à s’y habituer. Le matin, c’est très stressant. Je ne suis pas forcément du matin alors devoir lever une enfant de trois ans pour l’emmener dans un endroit où elle apprend à dessiner des cercles : ce n’est pas motivant. Mais il faut bien ça pour qu’elle grandisse bien. Quand elle dépasse les lignes en coloriant, je lui dis que c’est pas grave. Picasso aussi on lui a dit qu’il était sans talent à l’époque et pourtant, ces œuvres se vendent à prix d’or aujourd’hui. Ma fille, c’est une artiste. Alors oui en me levant ce matin, je pensais que la journée allait se dérouler comme d’habitude : accueillir les employés, prendre les commandes, aider en cuisine, faire les comptes et fermeture. Quelque part, ça a foiré. Je me suis emportée devant des clients importants et j’ai fini par avoir une conversation avec un type que je ne voulais plus voir. C’est étrange comme la vie peut nous réserver des surprises, des cauchemars et parfois les deux en même temps. J’observe à présent cet homme posait son regard sur ce qui m’est de plus chère. Il a le même regard que moi, ce petit truc où on se dit que c’est la plus belle chose au monde. Les enfants pour moi, ce n’était que des humains pas encore formés : ça crie, ça réclame et ça dort. Dans cet ordre. Mais dès la première fois, quand j’ai senti son corps frêle entre mes bras, tout s’est envolé. J’ai tout simplement acquiescer au fait que c’était la plus belle chose au monde et que j’allais souvent céder devant cette tête. Je m’en sors bien jusque là. « Elle est magnifique … » Je retiens mes larmes. Je renifle plusieurs fois. Je pose mes mains sur mes hanches comme pour me tenir occupé. J’essaye de me convaincre que j’ai pris la bonne décision. En rentrant, je vais le regretter en croisant le regard de Luna. Je vais sûrement m’arracher les cheveux et ne vais pas dormir. Mais finalement, j’aurais pris la bonne décision. Quelque chose de mature et de réfléchis. Je serais allée en contre-sens de mes instincts primaires : la garder à mes côtés, et seulement les miens. Quand j’estime qu’il faut que je brise le silence, c’est le cliquetis de la porte qui me surprend. La porte s’ouvre doucement et le monde reste presque figée. Mon collègue vient directement à ma rencontre et m’annonce qu’il a terminé le travail. Je le remercie dans un soupire. Il me jette un regard interrogateur, comme pour savoir qu’est-ce qu’il s’était passé et si j’avais encore tapé quelqu’un. Peu importe. Je me racle la gorge et demande à ce que Kentin me rende mon portable. Je ne fais pas d’état d’âme et je m’en vais immédiatement après. Je suis mon collègue et m’excuse pour le dérangement auprès du responsable de la boutique. Une fois dans la voiture, je m’assois lourdement sur le siège. J’ai l’impression d’avoir pris dix ans en quelques minutes. Je pose ma tête contre la vitre « La prochaine fois, c’est toi et Hayley qui faites les livraisons » Je reprends mon portable. Je souris. Mes doigts bougent naturellement pour composer son numéro de téléphone. Alors, je n’ai toujours pas oublié son numéro de téléphone ? Pauvre fille. Photo envoyé.