[Rostin#2] On commet tous des erreurs

TENUE ▬ Il fallait que je comprenne ce qui avait pu se passer. J’ai passé tant d’années à imaginer qu’il allait un jour revenir comme si de rien n’était. J’ai pensé que ça allait se faire plutôt. Et pourtant, c’est arrivé au moment où je m’y attendais le moins. Alors je me suis risquée à poser la question qui me chiffonne depuis que nous nous sommes à nouveau rencontrer. Qu’avait-il pu penser durant ces trois dernières années ? Qu’avait-il pu faire en sachant que son propre enfant était quelque part, grandissant dans cette ville. Kentin ne semble pas à l’aise alors que je prononce mon interrogation. Pourtant, cela me semblait légitime. « Pour tout dire oui et non » D’une certaine manière, aucune des deux réponses ne me convient. La négative ne me plairait pas. Cela voudrait dire qu’il n’a jamais eu aucun intérêt notre enfant ou moi et surtout, qu’il n’avait aucun regret. La positive ne me plairait pas non plus. Cela voudrait dire qu’il nous a espionné, qu’il était trop lâche pour assumer pleinement son choix. Alors oui, peut-être que répondre par les deux, était la meilleure solution. « En fait les premiers mois non je me sentais mal et mes parents estimaient que tu avais tout fais pour être enceinte et même si je doutais que ce soit vrai j'attendais d'accuser le choc sauf que voilà le temps que j'accuse le choc a été très long en fait. J'y croyais pas, j'en dormais mal ou carrément plus, c'était une catastrophe parce que je me rendais compte que j'avais tout perdu et j'ai emplis de troubles au fond de moi » Il faut dire, que j’ai toujours tenu responsable autant ses parents que lui. Il n’avait jamais su réellement s’imposer face à ses parents, il prenait beaucoup en compte l’avis de ses parents. Je me disais toujours à l’époque que je ne pouvais pas comprendre, ayant perdu mes parents. Que peut-être j’aurais été pareil si les choses avaient été différentes. En l’espèce, ces parents n’étaient pas mauvais envers moi. Seulement, méfiants et bien conscient que je n’étais peut-être pas le meilleur choix. A savoir, si ce ressenti était vrai ou non. Je l’ai toujours senti ainsi. « Puis par la suite j'ai commencé à me calmer et la honte a prit le dessus sur ma personne, je voulais venir vers toi mais la honte m'en empêchait, je me doutais que si je venais ça serait plus que mal vu donc je n'ai rien fais. Cependant je consultais ton Facebook régulièrement bien que tu n'étais pas dans ma liste d'amis sur Facebook je regardais un peu tes photos même si je n'avais pas accès à tout. Je n'avais jamais vu de photos de Luna auparavant, la première fois que j'ai une photo d'elle c'est quand tu m'en as montré une quand on s'est vu la dernière fois. Sur ton compte j'ignore si tu en as posté mais moi en tout cas je n'étais pas en mesure de voir grand chose, donc en gros mis à part ta photo de profil, ta photo de couverture, quelques publications écrites ici et là je ne voyais rien de plus. Mais je consultais régulièrement et la dernière fois que j'ai regardé ton compte Facebook c'était il y a un mois donc ça te donne une idée. » Je le laissais terminer son explication. Je ne souhaitais pas intervenir, faire un commentaire bien que parfois, ça me démanger. Je me suis toujours doutée qu’il était possible qu’il fasse un tour sur les réseaux sociaux. Je mentirais si je disais que je n’avais pas fait exprès de mettre aucune photo ou aucun statut incluant directement Luna. Je souhaitais donner aucune information pour qu’il puisse en profiter. Un moyen de lui faire comprendre que s’il voulait savoir quelque chose, il allait devoir venir directement me voir. « J'étais pas là physiquement pour toi et elle mais j'essayais au moins de me tenir au courant quant à toi et la petite même si je ne savais rien d'elle pas même son sexe ou encore si tu l'avais gardé mais j'avais besoin de savoir. Donc je n'ai pas fais le pas de te contacter mais je passais mon temps sur ton Facebook ça c'est certain. » Il ne me regardait plus en face. Il semblait que le sol était devenu une nouvelle source d’attraction. Il méritait de se sentir ainsi mais je n’avais pas posé la question pour qu’un élan de culpabilité s’empare de lui.  Il le mérite et en même temps, j’avais fait des efforts pour qu’il apprenne à connaître sa fille. Si j’ai avancé sans pour autant entièrement lui pardonner, il allait devoir aller de l’avant aussi. « C’est dommage qu’il ait fallu que tu attendes autant de temps pour comprendre les conséquences de ton acte. Sincèrement, je ne sais pas à qui ça a fait le plus de tord. Luna ne t’a jamais connu, c’est seulement depuis quelques semaines qu’elle commence à se poser des questions. Moi, j’ai eu beaucoup de ressentiments mais j’étais trop occupé pour y penser. Et toi, t’étais seul avec toi-même. » Au fond, j’ai été victime de son abandon, mais je m’en suis bien sorti. Tous ces moments que je passais avec Luna me faisait totalement oublié tout ce que j’avais pu traverser. J’avais aussi ma famille et mes amis sur qui compter. J’ai pu aller de l’avant, sans oublier. Je pense que celui qui a subi le plus par la suite, c’est bien lui. Regarde-toi Rosie, tu as pitié « Je m’en suis très bien sorti, Kentin. Le fait est, qu’en couple ou célibataire, on peut s’occuper d’un enfant. Pendant trois ans, j’ai presque oublié ce qui c’était passé. Ce n’est que tard dans la nuit, que ça revenait parfois. Et ce n’est que quand je t’ai revu, que ça a explosé. Je ne suis pas désolé pour toi, c’était ta décision. Mais finalement, le seul qui a ressassé cette histoire durant trois longues années, c’était toi. Si tu veux un jour pouvoir rencontre ta fille, il va falloir que t’apprenne à te pardonner avant même que je le fasse. Sinon, je vois pas comment tu pourras être prêt »

TENUE ▬ Peut-être étais-je trop bonne, certains diront. Je ne le pense pas. Seulement, il semble que ce soit encore à moi de prendre les devants. De me conduire comme une personne responsable. Je ne pourrais pas oublier ce qu’il a fait. C’est quelque chose qui me hantera. Il est évident que je ferais ce qui est de mieux pour elle. Il est évident que j’accepterai qu’un jour, il se présente comme son père et qu’il fasse parti de sa vie. Malheureusement, il ne se passera pas un jour où j’aurai peur qu’il reparte comme un voleur dans la nuit. Son esprit pourra s’apaiser au contact de sa fille Quant à moi, mon subconscient ne pourra s’empêcher de me mettre en garde. Ces trois dernières années de tranquillité s’envoleront en éclat et je devrais y faire face. Je ne suis plus inexpérimenté. A présent, je vais devoir prouver que j’ai réellement grandit. Que je suis Rosie et qu’en même temps, je ne suis plus que l’ombre de moi-même. « En même temps je méritais d'être seul avec moi-même. Je ne méritais aucunement la compassion de qui que ce soit, j'ai mes amis autour de moi qui essayent du mieux qu'ils le peuvent de me changer les idées mais honnêtement je n'ai jamais accepté d'être heureux. » J’étais d’accord sur ce point. Auparavant, il n’avait pas le droit à la compassion pour ce qu’il était devenu pour moi. Un lâche. J’ai eu le temps de réfléchir. Aujourd’hui, il n’a pas le droit à la compassion tout simplement car il a pris une certaine décision et qu’il doit en assumer toutes les conséquences. Devenir un adulte, c’est ça. Devenir responsable peu importe ce qu’on peut faire. « Effectivement j'ai de l'argent mais c'est bien connu l'argent ne fait définitivement pas le bonheur et ça tu l'auras bien compris. Apparemment le bonheur est quelque chose qui se mérite et moi je considère que pour l'heure je ne le mérite pas. » Je n’ai encore rien à dire. Quand on est plus jeune, on se dit définitivement que le bonheur dépend dans notre classe sociale. Plus on possède, plus on peut faire. Et finalement, on prend de l’âge et on se rend compte que le seul bonheur s’obtient selon nos actions. Parfois, il peut faire mal mais on encaisse. Quand j’ai connu Kentin, il venait déjà d’une classe aisée. C’était parfois étrange, nous n’avions pas eu la même enfance alors nous ne pouvions pas réellement nous comprendre. Mais au fur et à mesure, cet écart s’est amoindri. « J'ai fauté Rosie, j'ai fauté terriblement avec toi et qu'importe ce qu'on pourra dire ou faire j'ignore si un jour je serais prêt à me dire que je mérite le pardon. Je t'ai abandonné, je n'ai été qu'un con je m'en veux pour ça. » Il fixe son regard droit devant lui. Il ne me regarde pas une seule fois pendant qu’il parle. Et je ne lui coupe pas la parole. Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Après tout, je suis d’accord. Je ne pense pas non plus pouvoir un jour lui pardonner. C’est quelque chose que fondamentalement, je ne pourrais pas faire. Je souhaite avancer, ne plus devoir m’en faire pour le passé.  Faire quelque chose avec lui, plutôt. « Prêt à la rencontrer je le suis si tu me l'accordes, bien que tu n'aies aucune raison de le faire. Prêt à me pardonner ça par contre ce sera sans doute plus compliqué Rosie, j'estime que je ne mérite pas le pardon. » Je tic. Je ne pense pas qu’il soit prêt à rencontrer sa fille car effectivement, il n’arrive pas à se pardonner. A aller de l’avant. Il ressasse sans cesse ses fautes ce qui pourra définitivement nuire Luna. Après tout, comment élever un enfant si on n’arrive pas à s’assumer ? « Alors me pardonner moi-même non ça c'est dur, j'ai fauté et je me dis que cette grosse erreur que j'ai commise il y a trois ans elle me sert de leçon dans la vie de tous les jours. » C’est une leçon de vie, certes. Mais le principe d’une telle chose, c’est qu’on regrette mais qu’on s’en serve pour aller de l’avant. Tout ce que je peux voir en lui, c’est jeune homme encore effrayé parce qu’il a fait. « Parce que oui depuis trois ans c'est moi qui ressasse sans arrêt tandis que toi tu vis normalement comme toute femme de vingt-cinq ans. » Je ne dirais pas que je vis normalement. D’ordinaire, une femme de cet âge n’a pas un enfant aussi grand. Je fais seulement tout pour avoir une vie aussi ordinaire que possible. Ne pas me sentir comme un outsider. Rencontrer le plus du monde possible. « Moi par contre j'essaie de vivre malgré mes erreurs d'avoir perdu ma femme et mon enfant et ça et bien oui en l'occurrence ça me tue. » Je sens un étrange battement dans mon cœur. L’entendre dire à nouveau ce mot me semble trop familier et me ramène quelques années en arrière. Nous continuons notre promenade dans le parc. Parler de choses si sérieuses par une aussi belle journée est dommage mais nécessaire je suppose. « Mais te revoir est un plaisir certain pour moi, te revoir m'inonde de bonheur chose que je ne ressens plus depuis tout ce temps. » Je ne dis rien. Je ne souhaite tout simplement pas répondre. Je ne saurais de toute façon pas quoi dire. Il garde son regard fixé vers l’horizon. J’en viens presque à oublier son chien qui se rapproche dangereusement de moi. Je m’écarte d’un pas et soupire. « Sincèrement, je ne pense pas que tu sois encore prêt à être père Kentin » finis-je par dire. « Je veux dire c’est quelque chose qui s’apprends mais avoir envie d’être parent ne signifie pas qu’on peut en devenir un. Si je te dis d’apprendre à te pardonner, c’est avant tout pour Luna. Qu’est-ce que tu crois que ça va être quand elle va se rendre compte que son père est de retour ? Elle va être heureuse, elle va poser des questions mais elle va vite passer à autre chose. Elle est encore trop petite pour s’en faire outre-mesure. Toi, si. Tu ne pourras pas te comporter comme tu le souhaites avec elle parce qu’à chaque fois, tu te diras que tu ne mériteras pas d’être son père ou la rendre heureuse. La seule personne qui en pâtira de ton humeur c’est elle. Et le cercle vicieux s’arrêtera pas là. » dis-je tout en m’arrêtant nette sur mon chemin. Il fallait qu’il comprenne. . « Je ne te dis pas que je suis revenue sur ma décision. J’honorerais ma décision, tu pourras rencontrer et prendre part, doucement, à la vie de ta fille mais il faut que vous ayez tous les deux le bon état d’esprit sinon ça risque de faire plus de mal que de bien. Si te pardonner est trop difficile pour toi, alors veille à trouver quelque chose qui va amoindrir ta culpabilité. Accepte le choix que tu as fait et va de l’avant, sans te retourner. C'est ce que j'ai fais, j'ai assumé. A toi d'en faire autant ! » dis-je sévèrement tout en croisant mes bras sous ma poitrine. Je ne voulais pas l'accuser. Ça part d'une bonne intention bien que mes propos puissent paraître sévère. Il faut que je pense avant tout à l'avenir de Luna.

TENUE ▬ Il y a encore quelques semaines, je pensais que je pouvais à nouveau contrôler ma vie. Comme je l’avais fait auparavant. Et pourtant, encore une fois, la vie me surprend. Après la naissance d’un enfant, il fait une entrée fracassante dans ma vie. Au début, je souhaitais écarter la possibilité d’un quelconque retour. J’étais paralysée à l’idée de ne plus être maître des choses. Alors à présent, je m’accroche à ce que je peux encore contrôler. Parfois, je me dis que Dieu existe et qu’il a un grand sens de l’humour. Peut-être s’est-il dit que ce n’était pas assez drôle. Que je m’étais relevé trop vite de ce défi qu’il m’avait donné. Que cet enfant en réalité n’était qu’une bénédiction. Alors il a décidé de plaisanter encore un peu, et de ramener Kentin dans ma vie. Qu’il puisse voir comment je m’en sors cette fois. Si bien qu’au début, j’ai réagi violemment à la situation, c’était surement ce qu’il souhaité. Il ne pensait pas qu’encore une fois, j’allais le décevoir. Qu’encore une fois, j’allais remonter les escaliers, une marche après l’autre pour retrouver ma vie. Celle qu’il m’a volé. « Je sais que tu ne comptes pas revenir sur ta parole et que tu me laisseras la rencontrer mais tu as raison il faut que j'aille de l'avant. Lorsqu'on fait des erreurs il faut savoir vivre avec, apprendre de nos erreurs et se dire qu'on a fauté et que maintenant on ne reproduira pas la même erreur. Je suppose que c'est ce que je dois me dire moi aussi. » Il avait compris. Je n’étais pas la seule à devoir aller de l’avant à présent. Il devait apprendre à le faire aussi. Pour le bien de tout le monde. Nous devions tous apprendre de nos erreurs. Je pense en avoir faite aussi. « Sauf que la différence c'est que je suis plus conscient de mon erreur et que pour sûr si j'ai cette possibilité de rencontrer la petite quand tu l'auras décidé moi je ne compte pas repartir. J'ai bien vu depuis ces trois années combien ça me rongeait alors en ayant ressentis un tel mal il est évident que je ne repartirais pas. Et ce même si ce ne sera pas facile tous les jours, avoir un enfant c'est avoir beaucoup de responsabilités » Il savait qu’il avait fait une erreur parce que pendant trois années, il n’a pas pu vivre aussi tranquillement qu’il le pensait. Je ne peux pas dire que j’ai dormi sur mes deux oreilles pendant ce temps-là, mais j’avais une très belle vie malgré cet obstacle. J’avais appris à vivre avec et surtout à apprécier cette nouvelle vie. Parfois, il m’arrivait de regretter certaines choses. De regretter mon ancien mode de vie mais un seul sourire de cet étrange petit être me suffisait pour faire taire ce sentiment. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour être le meilleur père qui soit. Je sais que pour toi entendre ses mots te fera sans doute tilter et je comprends parfaitement, après le geste que j'ai pu avoir il est normal que ça résonne dans ta tête. Mais je ferais tout, absolument tout pour que tu comprennes que tu peux me refaire confiance, je ne m'attends pas à ce que ça se fasse en deux minutes, je serais patient et te prouverais que tu peux t'appuyer sur moi si tu en as besoin » On dit toujours que le temps guérit les blessures. Il en faudra beaucoup cette fois. Je ne pourrais pas attendre indéfiniment pour Luna, alors je vais devoir prendre sur moi. Laisser le destin faire son œuvre. Voir si j’ai raison de faire confiance au hasard. « Je le dis sans doute trop souvent mais je suis vraiment content de te voir... » Je ne relève une nouvelle fois pas. Je me contente de regarder à côté. L’heure commence à avancer. « Je ne doute pas de ta bonne volonté, seulement je dois apprendre à gérer mes priorités autrement que ce que je pouvais faire auparavant. Je pense que tu l’as aussi compris. Je suis désolé mais j’ai un rendez-vous un peu plus tard alors il faut que je me sauve » dis-je finalement. « A une prochaine fois, Kentin » terminais-je en tournant les talons.