Have I seen you before ? | Kayijah

Il avait un point. Je ne pouvais pas lui reprocher de ne pas se souvenir de moi alors que moi, j’étais dans la même situation. Et puis, il m’était bien difficile de lui en vouloir, au vu de ses propos précédents, du fait qu’il disait que je commençais à lui plaire. Commencer, voilà un mot pour adoucir le fait, mais quand même, c’était agréable à entendre, si bien que je ne sus perdre le petit sourire qui était apparu sur mon visage à ses mots, me contentant d’hausser les épaules, lui concédant le fait, ne cherchant pas à argumenter sur le fait, sachant que j’avais de quoi perdre bien facilement. À la place, je préférai concentrer mon énergie sur trouver le pourquoi du comment nous aurions pu nous rencontrer, ce qui pouvait bien provoquer ce sentiment de déjà-vu. Ma supposition se fit bien vague, mais elle parut suffisante, pendant un instant, pour que le jeune homme vienne à proposer que ce soit au lycée. Oui, c’était possible, mais était-ce suffisant pour reconnecter le tout ? Pendant un instant, je supposai que peut-être que non, jusqu’à ce qu’il prononce le nom de ce fameux directeur, dont on se moquait au vu de son accent un peu étrange. Écarquillant les yeux, je dis:  « Ah oui, lui ! », riant doucement par la suite, supposant que ce n’était pas suffisant. Mais mon interlocuteur vint à ajouter quelque chose qui, dans un premier temps, me fit éclater de rire, me fit dire, sans réfléchir:  « Ouais, comme celle du mec qui reste assis dans le canapé pendant que la fille lui apporte de la bouffe ! » Le dernier mot survint comme un éclair dans ma tête, me faisant comprendre que ce n’était pas qu’une ironie, mais que j’avais entendu ces mots, auparavant, d’une voix similaire à celle du jeune homme, peut-être un peu plus aiguë et incertaine - parce que les adolescents, ça mue. Mais pensant que ce serait trop étrange, que ce n’était pas possible, juste pas possible, je me ressaisis, secouai la tête, et plus sérieusement, je dis:  « C’est… J’ai eu un copain au lycée, et… » Et quoi ? C’était son genre ? C’était ce que nous avions fait ? C’était juste trop d’informations à partager. Et aussi, ça me faisait trop penser à cette réalité possible selon laquelle il était là, juste devant moi. À moins que ce soit ça ? Combien de personnes pourraient choisir cet exemple bien précis de bêtises de jeunes adultes pubères à faire ? Prenant une longue gorgée de mon cocktail, je me donnai ainsi le courage de le regarder, et peut-être que l’alcool m’avait un peu embrouillé le cerveau, mais je me surpris à dire:  « Et c’est fou, il te ressemblait… » Rire nerveux, incapable d’ajouter quoi que ce soit. Voilà comment je me comportai par la suite, tiraillée entre le fait que ce soit possible ou pas possible. Quelles étaient les chances, vraiment ? À quel point pouvaient-elles être élevées, que là, ce soir, ça arrive ? Non, c’était juste une ironie… Ou peut-être une utopie ? Difficile à dire.

Avais-je installé un malaise dans la discussion par mon propos ? Je craignis que oui, ce qui fut d’autant plus perturbant, puisque ce n’était pas mon intention, loin de là. Mon intention n’était même pas de prendre un risque de provoquer un malaise avec mes propos, ceux-ci n’étant pas, en mon sens, bien risqués, mais plutôt humoristiques, une blague issue de souvenirs du passé et ce même si, dans un premier temps, je ne me souvenais pas avoir ri, mais bien avoir rétorqué avec une remarque tout aussi crue, rehaussant le souvenir. Et pourtant, le jeune homme ne rigola pas, comme si je venais de le choquer, comme si en fait, le propos que je venais de tenir - citer plutôt - avait un caractère sexiste, discriminatoire ou quelque chose du genre. Un peu prise au dépourvu, j’avais cru que peut-être me justifier viendrait aider un peu, mais mon explication se fit un peu maladroite, peu précise. Après, peut-être j’en exigeais trop de ma personne. L’idée ne m’était pas venue avant, mais quand j’entendis le commentaire de mon interlocuteur, je tentai de me conforter en me disant que peut-être ç’avait été effectivement assez pour détendre l’atmosphère. Pensant naïvement que c’était une blague, je souris doucement, sans ajouter quoi que ce soit, peu certaine si je ne me devais de garder le même sujet pour passer à autre chose, au final. Et avant que je ne vienne à bout de ce dilemme, il reprit la parole, avec des mots que je ne compris pas tout de suite, me faisant froncer les sourcils, un peu confuse. Mais rapidement, mon air renfrogné disparut pour laisser place à un air complètement étonné, étonné qu’il sache mon nom alors que je ne me rappelais pas lui avoir dit. Mais bien rapidement, les fils se touchèrent dans ma tête, les liens vinrent à se former, et ce fut à mon tour d’avoir un électrochoc, que je ne trahis pas par un silence, mais par un seul mot, un nom, un prénom, que je dis dans un souffle:  « Elijah… » Mettre un nom sur le visage vint me confirmer ce que je pensais, que je n’avais pas n’importe qui en face de moi, mais bien mon premier petit-ami, celui avec qui j’avais bel et bien profité d’un week-end où mes parents n’étaient pas là pour l’inviter, pour passer du bon temps, pour franchir une étape importante dans ma vie, pour plaisanter sur des expériences quelconques. Voilà pourquoi son comportement enfantin me le rappelait, puisque c’était lui, puisque sur ça, il n’avait pas changé. Et même si maintenant, tout était logique, ça me paraissait encore limite irréel. Et pourtant, il me fallait me ressaisir, autrement, ce serait un peu étrange, de rester là, en silence. Riant un peu à son commentaire, entendre, sentir le son sortir de ma gorge me rappela quelque peu à la réalité, même si ce n’était pas franc, même si j’étais encore quelque peu nerveuse, et ça paraissait. Heureusement, je parvins quand même à ajouter:  « Oui, faut croire… » Je n’allais pas tenter de le cacher non plus, depuis le début de notre discussion, quelque chose m’attirait, quelque chose qui se voulait réconfortant, qui me faisait sentir mieux. Maintenant, je comprenais pourquoi, même si, tout de suite, après cette révélation, il fallait que je me ressaisisse, même si en fait, je ne savais pas tant comment le faire. Comment devais-je lui adresser la parole désormais ? Prenant un risque, je tentai de lui demander:  « Après, certaines choses n’ont pas vraiment changé… » Évidemment, je parlais de son caractère, mais ce n’était pas un reproche, bien loin de là. Après, ce n’était pas génial non plus, donc me remémorant ce qu’il m’avait raconté sur sa vie, je me radoucis, et je dis:  « Je suis contente de voir que les choses semblent avoir bien tourné pour toi. » avec un sourire qui se voulait sincère. Je ne m’osai toutefois pas aller plus loin, au cas où j’étais à côté de la plaque, au cas où en fait, il ne l’avait pas si simple que ça, même si pour le moment, rien ne me laissait croire à une telle chose. Après, il fallait dire que la conversation n’était pas pareille plus tôt, et par conséquent, les choses pouvaient s’avérer fortement différentes en réalité.

Comment aurais-je pu oublier une personne qui avait été si importante dans ma vie ? Peut-être que pour certains, leur premier amour, ce qui semblait être une simple amourette le temps de quelques mois, ça n’avait pas d’importance, revoir cette personne était une simple coïncidence mignonne, mais pour moi, c’était différent. Elijah avait marqué ma vie, à sa façon, d’une façon que peu de gens pouvaient comprendre, puisque peu de gens comprenaient comment je me sentais à cette époque. Et malgré tout ce qui avait pu se passer, oui, je me rappelais de lui. Je me souvenais aussi que de le perdre de vue m’avait quelque peu attristée, même si je devais le blâmer sur le fait que nous avions pris des chemins différents dans la vie, mais le revoir ici et maintenant ne me traumatisait pas, ne me chagrinait pas, bien au contraire. Bon d’accord, le choc était là, et il me fallut un petit temps pour passer outre celui-ci. Le rire que je vins à échapper quand il parla du fait qu’il était toujours aussi séduisant m’aida un peu, me donna au minimum la contenance pour lui répondre, à la blague - même s’il y avait de la sincérité dans mes dires quand même :  « Tu t’es bien conservé, en tout cas ! » Et le fait que je vienne l’embêter un peu, c’était signe que je commençais aussi à me détendre, et du coup, je pus pouvoir me montrer franchement contente pour lui qu’il soit parvenu à suivre ses rêves, vivre de sa passion. Non, pas de jalousie, pas ce soir. Je n’en avais pas envie, je n’avais pas envie de tout gâcher, et même si je voulais le faire, l’enthousiasme d’Elijah était beaucoup trop contagieux pour que j’y parvienne. Comment aurais-je pu venir à être agressive et méchante alors qu’il me souleva pour un câlin ? Déjà, avec la surprise que j’éprouvai, trahie par un cri, ce n’était pas possible, mais aussi, c’était juste mignon, c’était tout à fait lui, donc il n’y avait pas moyen. Je cédai même à l’envie de passer mes bras autour de ses épaules, certainement aussi parce que j’avais besoin d’un brin de soutien pour ne pas me sentir complètement déséquilibrée, mais après-coup, je ne lui en voulus pas, et même que ce fut encore plus détendue, plus souriante, oubliant complètement la déprime du boulot, que je lui dis:  « Ça me fait plaisir aussi. » Et mes propos, ils n’avaient rien de faux, bien au contraire. Et comme pour le prouver encore plus, quand il continua, avec des suggestions tantôt amusantes, tantôt un peu indécentes, je ne le retins pas, je ris encore plus, venant à croire qu’il était vraiment sérieux. Mais ne voulant pas tomber dans un piège non plus, je continuai sur la plaisanterie un peu, lui demandant, un air rieur au visage:  « Pas de femme dans ta vie qui pourrait être jalouse donc ? » Je savais très bien que mon propos était totalement impertinent et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement parce que je n’étais pas jalouse, ensuite parce que je n’avais pas à me prononcer de quelconque façon sur les choix de vie de mon premier petit-ami. Ce que je voulais surtout, c’était l’embêter un peu, et aussi trahir le fait que peut-être, j’étais intéressée, d’une certaine façon. Après, encore fallait-il qu’il vienne à interpréter mon sous-entendu ainsi et que bien sûr, il soit sérieux dans ce qu’il disait. J’espérais qu’il le soit, parce que je ne pouvais pas nier que l’idée de se remémorer des souvenirs d’adolescents dans nos corps d’adultes ne me déplaisait pas, bien loin de là.

Si j’avais bien compris, Elijah n’avait pas de petite-amie, conjointe pour le moment, ou quiconque qui l’importait suffisamment dans sa vie pour céder à l’adultère - quoi que cette option me surprendrait grandement venant de sa personne, à moins qu’il n’aie plus changé que je ne l’aurais cru dans un premier temps. Voilà surtout ce que je cherchais à savoir, même si je n’avais pas posé clairement la question. Pourquoi je ne lui avais pas demandé direct ? Je ne savais pas trop. Pourquoi je lui avais demandé, tout court ? Parce que je ne voulais pas me mettre dans l’embarras de quelconque façon. J’avais suffisamment d’étiquettes à porter à chaque jour, je ne voulais pas vraiment ajouter « briseuse de ménage » au lot. Et au bout du compte, ma question, apparemment, n’était pas si étrange, puisque le jeune homme vint à me demander la même chose, s’y prenant de façon bien moins maladroite que moi. Dans un hochement de tête, je lui confirmai que j’étais libre, ne faisant usage de quelconque mot, refusant de m’étaler sur la question, parler de mon mariage, de mon divorce, tout ce qui venait avec. Après tout, l’essentiel était que je sois sans attache pour le moment, et que j’étais prête à passer une bonne soirée, non ? Tristement, je tentais de m’en convaincre, puisque j’étais en train de me rendre compte, petit à petit, que même si ce n’était pas la première fois que je cherchais du réconfort pour le temps d’une nuit dans les bras d’une autrui, cette fois-ci, j’étais nerveuse, d’une façon que je ne parvenais pas à m’expliquer. Était-ce parce que ce n’était pas la première fois avec lui ? Peut-être, mais pourtant, ça devrait avoir l’effet contraire, puisque justement, je m’étais toujours sentie à l’aise en sa compagnie… Frustrée intérieurement, parce que je voulais, mais en même temps, j’étais anxieuse, je ne le laissai pas paraître, acceptant de quitter les lieux d’un  « Allons-y. » que je voulus convaincant, quand même. Je ne sus garder ma composition aussi longtemps que je l’aurais voulu par contre, le rire que je lui offris quand il reparla du kamasutra se voulant plus nerveux que je l’avais prévu dans un premier temps. Cherchant à l’excuser, j’essayai de dire, dans la plaisanterie:  « Fais gaffe, je ne suis pas aussi flexible qu’avant ! » Parce que mes activités du quotidien avaient changé après le lycée, et la souplesse que m’avait offerte le sport, le fait d’être cheerleader en particulier, était très certainement disparue. Enfin, je n’avais jamais vraiment tenté de me mettre à l’épreuve non plus. Dans l’espoir que ce ne soit pas un obstacle - même si ce genre de réflexion, en ce moment, était un peu idiote - je refusai de tourner en rond plus longtemps, refusant d’attendre un peu trop et finalement, changer d’idée. Prenant l’initiative, je sortis mon porte-feuille de mon sac à main, et je posai un billet sur le comptoir, histoire de payer ma consommation et laisser un pourboire au serveur. Ce n’était pas parce que nous allions passer la soirée ensemble que je ne pouvais pas être indépendante. Fixant ensuite Elijah, je lui demandai:  « On y va. » dans un air que je supposais être de défi, même si je ne l’avais pas trop forcé, ce qui devait donner un mélange intéressant, même si, je le supposais, il faisait quand même preuve de volonté.

Voilà qu’encore une fois, je restais un peu trop rationnelle, je ne me permettais pas de m’imaginer quelconque folie. Quand je disais que je n’étais pas aussi flexible qu’avant, je ne le disais pas pour plaisanter, mais bien parce que j’étais persuadée au fond de moi que c’était la pure et simple vérité. Depuis que le lycée était terminé, je n’avais pas cherché à garder ma souplesse d’antan, comme si elle me rappelait des souvenirs auxquels je ne pouvais plus tant me rattacher désormais. Je gardais la forme, je n’étais pas devenue une baleine non plus, mais ma forme physique n’avait rien à voir à celle que j’avais précédemment, c’était certain. Donc même si Elijah était convaincu du contraire, moi, je ne voulais pas m’en persuader, parce que je savais que ce serait me faire de faux espoirs. Pour ne pas tout gâcher, je n’en fis rien pour le moment, payant ma commande, prête à partir, décidée à partir dès maintenant pour ne pas retarder le processus, pour ne pas me retrouver à regretter ma décision par la suite. Elijah me suivit sans trop de problème, m’entraînant même à l’extérieur du bar, comme si lui, il était pressé que nous soyons ensemble, dans des circonstances certainement un peu plus intimes. Je ne pouvais pas l’en blâmer, et honnêtement, cela me faisait plaisir, d’autant plus que je ne pensais pas être déçue à la fin. Me trouvant donc à être impatiente aussi, je me rendis compte, à mon étonnement, que je n’aurais pas à attendre très longtemps, puisque dès que nous arrivâmes à sa voiture - comme si nous nous étions mis d’un commun accord que ce serait la sienne que nous allions utiliser - je me retrouvée le dos contre la carrosserie, mes lèvres contre celles de celui qui avait le tout premier avec qui je m’étais retrouvée dans une telle situation. Appréciant le fait qu’il mélange douceur et insistance, je répondis à son baiser avec ferveur, mes doigts posés sur ses bras, sans toutefois qu’ils exercent quelconque pression, parce que justement, je ne voulais pas en exercer. Son toucher était trop agréable pour que je l’empêche de faire quoi que ce soit. Reprenant mon souffle lorsque nos lèvres se détachèrent, je voulus répondre à sa question, mais avant que j’aie l’occasion de dire quoi que ce soit, il renchérit, m’arrachant un petit rire mélangé à un soupir de plaisir, pour répondre à la fois à ses propos, à la fois à ses avances. Instinctivement, mes hanches allèrent à la rencontre des siennes, ne m’aidant pas à reprendre contenance, ce qui fit en sorte que j’avais encore l’esprit quelque peu brouillé quand je lui dis:  « Ça dépend… Tu es capable de tenir dix minutes… ? » Dix minutes parce que ma demeure n’était pas bien loin. Mais ça, il ne le savait pas. Après un baiser un peu plus furtif, limite chasse, j’ajoutai donc:  « On pourrait aller chez moi… » Pas de colocataire, rien du tout, seulement un cochon dinde propre et qui ne dérangeait pas. Il me semblait que ce soit bien convenable pour le coup, mais restait à voir si cela convenait au jeune homme, ou s’il serait capable de se rendre jusque là, en conduisant qui plus est, ce qui paraissait devenir petit à petit un plus grand défi que prévu.