L’accident de Chip m’avait affectée plus que je ne l’aurais cru dans un premier temps. Non pas que je pensais vraiment rester complètement indifférente après avoir appris la nouvelle. Au contraire, celle-ci m’avait fait un choc terrible, et pire encore, elle m’avait faite sentir coupable, me rappelant très bien de la soirée où c’était arrivé. Le souci, c’était surtout que Chip, lui, ne s’en souvenait pas. Et ce n’était pas la seule chose qu’il avait oublié. En fait, il avait pas mal oublié tout ce qui avait à trait à ma personne. On m’avait expliqué que c’était normal, que ça pouvait arriver après un tel accident, et que le mieux était que je tente de lui parler, pour lui remémorer des trucs. Jusqu’à aujourd’hui, tous mes efforts avaient été vains, si bien que je commençais à me demander si ça valait vraiment le coup, si j’avais suffisamment marqué sa vie pour qu’il se souvienne de moi, ou si je n’étais que de passage ou quelque chose dans le genre. Penser de la sorte me faisait mal, je ne pouvais le nier, parce qu’en l’espace de peu de temps, il avait pris une place considérable dans ma vie, plus que peut-être je ne pouvais l’admettre en ce moment. Et alors que je pensais que prendre un recul était peut-être le plus sain me concernant, je réalisais que ce n’était pas le cas. Je réalisais que ce n’était pas facile et que ça venait me ronger de l’intérieur. Puis je me demandais ce que je pouvais faire, je rejetais mes idées, que je trouvais inefficaces, qui feraient certainement en sorte que je me ferais plus de mal encore. Et à un moment, j’en eus assez. Assez de chercher, assez de me torturer, assez d’attendre; j’avais pris mon courage à deux mains, puis j’avais essayé de préparer quelque chose. J’avais mis du temps, j’avais persévéré et surtout, j’avais préparé maintes détails pour m’assurer que ce soit convenable. Je n’osais pas dire parfait, parce que je ne savais écarter l’idée que ça pourrait foirer, que ça ne pourrait rien changer. Je ne voulais pas me faire trop d’espoirs, autrement il était certain que je serais blessée. Je le savais parce que je parlais désormais d’expérience, expérience triste qui m’avait torturée au point que je me cherchais plus souvent qu’autrement quand il était question d’un des premiers amis que j’avais su me faire en arrivant aux États-Unis. Le jour où je me sentis prête, une journée ensoleillée, avec une température agréable, probablement un des derniers jours où il serait possible de profiter d’une chaleur pareille avant l’arrivée de l’automne, avant que la jolie des cours reprenne le dessus sur une vie sociale normale, je préparai tout ce que j’avais pu amasser ces derniers temps pour arriver à mon plan. Juste avant de quitter mon logement, j’envoyai un message à Chip, qui disait:
« Coucou ! J’espère que tu es disponible… J’aimerais bien qu’on se rejoigne au parc, à treize heures. Je t’y attendrai. » Je ne niais pas que mon message faisait preuve de maladresse, mais ce n’était tellement pas mon genre de m’imposer de la sorte que pour tout dire, je ne savais pas tellement comment réagir. Espérant quand même que ce soit efficace, je pris le panier dans lequel j’avais tout mis pour me faciliter le transport, puis je me rendis à ce parc, celui non loin de l’académie de police, où nous avions pris pour habitude d’aller manger quand nos heures de pause nous le permettait. Et à cette table que nous aimions bien occuper, je m’installai, le coeur battant la chamade bien malgré moi, guettant les environs en espérant le voir arriver à un moment ou un autre.
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