Discussion dans la salle de repos (Yohann)

Je regardais par la fenêtre de la salle de repos. Le soleil se couchait sur Washington et j’en avais encore pour trois bonnes heures avant de pouvoir espérer rentrer chez moi. Enfin, si personne ne manquait à l’appelle pour le service de nuit, bien sûr. Les lumières de la ville n’étaient pas encore allumées, mais, au dehors, on entendait en continu, le bruit des klaxons. C’est un bruit de fond auquel je n’arrivait pas à m’habituer, et pourtant, j’étais née et j’avais grandis dans cette ville. Mais, j’avais passé tellement de week-end à la campagne quand j’étais petite que dans le fond, j’étais plus une fille de la campagne que de la ville. Sans doute avais-je été Amish dans une autre vie. Ce jour-là, je m’étais ennuyée. Ça faisait déjà plus d’une heure que je trainais dans la salle de repos. Nous étions trop nombreuses ; ce qui était très rare ; et il n’y avait plus de soin à effectuer avant une bonne heure encore. Comme mon estomac me rappela à l’ordre, je décidais de manger un morceau avant de reprendre mon service. J’étouffais un bâillement, alors que je me dirigeais vers le distributeur. J’optais pour une soupe de légume ; elle était franchement dégueulasse mais je n’avais jamais le temps de cuisiner alors c’était ça ou rien. Et une barre énergétique en guise de dessert. J’aurais pu aller à la cafétéria de l’hôpital, mais, comme techniquement, ce n’était pas l’heure de manger, je préférais rester dans la salle de repos. Au moins, si on avait besoin de moi, je serais sur place. Je posais mon repas de fortune sur la table, soupe était chaude ; à défaut d’être bonne. Et avec les températures plutôt froides en ce début du mois de mai, ça faisait du bien. C’était calme. Trop calme, même pour moi. Dans le fond, je n’étais jamais contente. Lorsque je travaillais trop, j’étais épuisée et j’avais besoin de calme, de repos. Et quand c’était calme, je m’ennuyais. J’en arrivais même à espérer que quelqu’un vienne me tenir compagnie dans la salle de repos, alors que je n’étais pas très bavarde de nature.

Quand je m’ennuie, que la journée s’éternise et que je peine à trouver quelque chose d’intéressant et d’utile à faire, vous savez ce qui m’arrive ? Je pique du nez. Et là, justement, c’est ce qui est en train de se produire. Ma soupe est trop chaude, alors, je suis obligé d’attendre et l’odeur fumante qui s’en dégage me fait somnoler. Je lute pour garder les yeux ouverts et ça doit être plutôt comique à regarder ! Je sens que ma tête devient lourde et par moment, je tombe en avant, et je me redresse brusquement. Oui, si quelqu’un entre dans la salle de repose à ce moment précis, il risque de trouver ça amusant. Même moi, je pense que je trouverais ça drôle, c’est vous dire. Pourtant, je ne suis pas spécialement drôle comme fille. Ce n’est pas que je n’ai pas le sens de l’humour, c’est surtout que j’ai rarement le temps de rire. Je me rends à peine compte que quelqu’un entre effectivement dans la pièce, d’ailleurs, qui qu’il soit, il ne se rends pas compte tout de suite de ma présence. J’entends vaguement le bruit du canapé qui couine, signe que quelqu’un vient de s’y assoir, mais je lute tellement pour ne pas m’endormir le nez dans ma soupe que je ne réagis pas tout de suite. C’est seulement lorsque cette personne me parle, que je percute que je n’avais pas rêver. Je sursaute, mais par chance, je ne renverse rien. Le simple fait qu’il est parlé a suffit à me réveiller.je suppose qu’à force de luter, j’ai dû finir par m’endormir pour de bon les yeux ouverts. Ça m’est déjà arrivé et c’est assez étrange ! « Yohann ! Salut ! » dis-je, mortifiée à l’idée qu’il m’est vu dormir les yeux ouverts. J’espère que je ne me suis pas mise à bavé, ça serait le pompon ! « Je suis surtout venue manger ! Je n’ai rien avaler depuis des heures ! » que je réponds en touillant machinalement ma soupe. Je n’ose pas y gouter de peur de me brûler la langue et le palais comme toute à l’heure. Pourtant, il va bien falloir que je me décide avant qu’elle n’achève de se refroidir. Je déteste lorsque c’est froid, c’est dégueulasse !