[Rostin#2] On commet tous des erreurs

TENUE ▬ Une journée qui ne débute pas comme une autre. Au lieu de me précipiter à l’école ce matin, je prends mon temps. C’est rare ce genre de moment en semaine alors j’apprécie. Je laisse Luna regarder l’un de ses feuilletons pendant plusieurs minutes avant de l’habiller. J’ai l’impression d’habiller une poupée. Elle ne bouge pas, se laisse faire comme de la pâte à modeler tellement elle est absorbée par ses étranges petits bonhommes qui s’agitent dans la télé. Elle entame une chanson en avalant presque chaque ce qui me fait sourire. Je laisse un baiser sur le front et l’emmène jusqu’à la porte. Petite protestation. Je garde le rythme et ne me laisse pas attendrir par sa petite bouille. Nous entamons le trajet en direction du pédiatre. Aucun problème particulier à l’horizon, seulement une petite visite de courtoisie, pour vérifier que tout va bien. La première année à l’école est toujours la plus difficile pour un enfant, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Il était temps pour moi d’être rassuré, que je me débrouillais bien dans cette toute nouvelle aventure. La première journée à l’école a été une véritable torture que ce soit pour elle ou pour moi. Elle a pleuré, elle s’est collée contre moi jusque dans la classe. Quand elle s’est intéressée à son nouvel environnement, je suis partie et c’est moi qui ai pleuré. Dieu sait que j’ai eu l’impression de l’abandonner et pourtant, je l’ai récupéré quelques heures plus tard. Ceci étant dit, le rendez-vous de la matinée s’est bien déroulée. La croissance de Luna est parfaitement normal et il n’y aucun retard. Bien que je me doutais bien du résultat, je ne peux m’empêcher de reprendre une respiration normal. Finalement, je me débrouille plutôt pas mal en tant que mère et ce, malgré les différents évènements que l’année m’a réservé. La matinée est passée à une rapidité éclair et l’heure du déjeuner a déjà sonner. Nous avons pris notre déjeuner dans le parc, juste en face de l’école de Luna. C’est une bien idée. Il ne fait ni trop chaud, ni trop froid. Les rayons du soleil nous donnent encore l’espoir d’une belle arrière saison. Je laisse Luna jouer un peu puis, l’emmène à l’école. Une fois devant le portail, je l’a prend dans mes bras tendrement et dépose un baisers sur sa joue « Puisque tu as été vraiment gentille ce matin, t’auras le droit à un super goûter toute à l’heure ! Ca te va ? » En guise de réponse, j’ai le droit à un grand sourire fendant son visage. C’est à contre cœur que je la laisse partir à nouveau. Je suppose que plus elle avancera dans l’âge, plus je vais devoir faire preuve de retenue. Evitons de penser au jour où elle quittera le nids, aura son premier travail et se mariera. Je ne veux surtout pas y penser. Pour me détendre, je décide de passer par le parc et de profiter de la journée. Je rencontre plusieurs mamans et nous discutons de tout et de rien, d’anecdotes plutôt drôles et des problèmes de couples. Surtout de problèmes de couples. C’est fou comme on pourrait en parler des heures. Tandis que nous pinaillons sur une marque à langer, je reconnais une silhouette familière un peu plus loin. C’est bien ce que je pensais. Je réfléchis quelques instants. Pendant une minute, je me décide à faire comme si de rien n’était, comme si je n’avais rien vu. La seconde suivante, je quitte mes compagnons de fortune et me dirige directement vers ma cible. Dis-toi que tu fais une bonne action et vue que tu as déjà fais un premier pas (en frappant et hurlant), ce serait bien d’en faire un deuxième un peu plus raisonnable. Quand j’arrive en face de Kentin, je m’arrête à quelques mètres et lui fait un signe de la main. Immédiatement, je regrette mon geste. Ce chien ne m’inspire rien qui vaille. A vrai dire, aucun chien ne m’inspire. Ils me font peur, peu importe à quel point ils peuvent être gentil. Quand je les vois tous les deux arrivés vers moi, j’ai instinctivement un mouvement de recul « Salut … Tu pourrais faire en sorte que ça s’approche pas trop de moi ? Tu sais que j’aime pas les chiens et je veux pas regretter d’être venue te saluer » J’étouffe un cris quand la bête commence à s’agiter dans tous sens. C’est étrange comme la vie est faite. Depuis notre rupture, nous avons au moins une chose que l’autre n’aime pas. Je n’aime pas les chiens et il en prend un. Il n’aime pas le café, et je détiens un café. Quelle ironie !

TENUE ▬Nous possédions un chien à l’époque, nous n’avons pas particulièrement chercher compliqué pour le prénom : Moustache. La faute à mon père. Nous avions déjà décidé du prénom quand on lui a demandé d’aller à l’animalerie acheté un chat. Mais c’est avec un petit labrador qu’il est revenu. On a accusé papa. Il a accusé le chien. Le chien nous a fait craquer. C’était le coup de foudre, on ne pouvait pas se résigner à le rendre. J’adorais ce chien. Mais un jour alors que nous nous promenions, je me suis laissée emportée par Moustache qui semblait chasser quelque chose. Mes parents n’ont pas tout de suite compris que nous étions parti. Nous avons croisé un chien errant et quelques heures plus tard, on a du faire piqué Moustache. Leur combat était d’une telle violence, c’était la première fois que je voyais du sang et que je pouvais rien faire. J’avais huit ans ce jour-là mais depuis, j’ai beaucoup de mal avec les chiens. Tant qu’ils ne m’approchent pas trop, je les aime bien. S’ils commencent à trop se rapprocher deux solutions : pleurer ou courir. La dernière fois, j’ai fais les deux en mëme temps. Luna ne comprend pas mon comportement, elle qui adore les chiens. Son camarade a ramené le sien en cours, j’étais désolée envers Luna de rester en dehors de la salle de classe, mais rien que le fait de mettre un pied à l’intérieur me rendait malade. Je me rendais malade rien qu’à voir Luna s’approchait de lui et lui faire des caresses. Une maman l’a surveillé à ma place pendant que j’étais en train de passer l’arme à gauche dans le couloir. C’était plutôt humiliant. Alors autant dire que j’ai regretté mon choix quelques secondes lorsque j’ai vu ce chien aux côtés de Kentin. Je ne pouvais m’empêcher de me dire : t’es content d’ëtre parti hein ? T’as eu le chien que je t’ai toujours refusé quand on était ensemble « Content de te voir. Ne t'en fais pas elle ne te fera rien, elle est adorable, vraiment je t'assure. Et elle ne s'approchera pas non plus de toi, elle ressent que tu as peur d'elle. » Je sens tous mes muscles se crispaient un par un. Peu importe ce qu’il me dira, je ne pourrais pas être totalement à l’aise. J’en oublie même cette étrange situation dans laquelle nous sommes. Il n’y a pas encore si longtemps, nous étions deux exs ne s’adressant plus la parole. Aujourd’hui, non seulement il connait Luna mais en plus je viens le saluer. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, je ne suis pas non plus à l’aise avec cette situation. Si je le pouvais, je reviendrais en arrière. Je me suis forcée à venir à sa rencontre pour ne pas avoir de soucis de conscience. Je ne l’ai jamais rappelé ou envoyé de sms après notre discussion dans sa boutique. J’avais besoin de digéré. J’ai taper plusieurs fois dans mes coussins, j’ai raconté ma vie à mon miroir et je suis sortie faire la fête (avant de rentrer à minuit en culpabilisant de laisser ma fille à ma tante – storytime). « Comment vas-tu ? » Je ne sais pas comment répondre à cette question. Dois-je être totalement honnête ? Sarcastique ? Dire le banal oui pour qu’on me laisse tranquille ? « Ca va beaucoup mieux depuis que je t’ai frappé, pour être tout à fait honnête » Dis-je dans un sourire ironique. Je me sentais libérée de ce geste et en même temps, j’aurais tellement voulu avoir plus de classe en balançant un discours bien mesuré et avec de l’impact. Sauf que, ça n’arrive que dans les films. En réalité, tes émotions prennent le dessus et ce n’est que le soir une fois dans ton lit, que tu ressasses tout ce que t’aurais pu dire à la place. La chose inutile de la journée. Mais tu te sens toujours mieux, t’as l’impression de l’avoir effectivement dit en face de la personne. Une main accrochée fermement à mon sac, je cache l’autre dans la poche de ma veste. Une technique totalement foireuse pour faire croire que je suis détendue face à ce chien. En réalité, j’ai envie de pleurer. « C’est étrange on ne se croise pas pendant trois ans et maintenant, on se croise deux fois en peu de temps. Rassure-moi, t’habites pas dans le coin ? » C’est impossible qu’il habite dans le quartier, je l’aurais déjà croisé plusieurs fois vu que j’y travaille et j’y vis.

TENUE ▬ Je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’on a vécu quand je vois Kentin. Pendant plus de trois ans, il a été plutôt facile de penser à autre chose. J’étais toujours occupée dans un rythme de vie dont je devais comprendre les codes et tenter de me retrouver en tant que femme. Pour cette dernière, c’est toujours en chantier. Il est difficile de penser à soi quand nos pensées sont toujours tournées vers quelqu’un d’autre, surtout quand il s’agit de son enfant. C’était comme si j’étais en pause. Je ne suis plus une femme mais une mère, tout simplement. Parfois, je m’échappe de ce rythme de vie en confiant Luna à ma tante. Pendant quelques heures, c’est comme si je n’avais pas d’enfant jusqu’au moment où je me demande si elle va bien, que je finis par téléphoner et finalement rentrer. J’ai eu quelques relations en trois ans mais jamais assez longtemps pour que mon compagnon apprenne à connaître Luna. Il faut savoir se montrer protectrice. Pourquoi laisser Luna s’attacher à quelqu’un qu’elle verra comme un père si je ne suis pas sûr que ça marche entre nous ? Le seul homme qu’elle connaisse parfaitement est Lysandre mais lui, c’est tout une histoire. C’est un grand-frère qui m’apporte son aide en des temps critiques. Quand on est tous les trois, ce sont deux enfants auxquels je dois prêter attention. Je suppose que c’est à cause de son regard vide que mon instinct maternel s’est immédiatement réveillé. Il fallait que je lui montre qu’il peut avoir de l’affection de quelqu’un d’autre et que je le remette sur pied. Parfois, mon café devient le centre névralgique d’une assistance sociale. Mais je trouve ça intéressant d’apprendre à connaitre les histoires de chacun au détour d’un café et d’en suivre son évolution. On n’imagine pas tout ce qu’un client peut nous dire en l’espace de quelques minutes. J’aime ce métier aussi pour cela. Ce n’est pas seulement de la vente, c’est une véritable relation avec des personnes étant venus chercher un peu de bon temps « Je l’avais mérité de toute manière, je m’y attendais pas quand tu l’as fait mais je l’ai mérité, c’est certain » Je ne m’attendais pas non plus à cette réaction. Personnellement, je me suis toujours imaginée quelle serait ma réaction si je le revoyais. J’ai toujours pensé que j’aurais une réaction plutôt cool, le genre où des paroles auraient l’effet d’une claque. Sauf que j’ai perdu toute crédibilité pour ma personne avec ce simple geste de violence immédiate. Sur le coup, ça m’a fait du bien et puis après, beaucoup de moins. Mais je tente d’être fière, pour ne pas avoir à m’excuser pour un geste qui finalement, était mérité comme il le dit. Je ne mentionnerais pas sa voiture que j’ai explosé avec ma tante à l’époque. Je doute que je mentionnerais ceci un jour devant lui d’ailleurs « Non, je ne suis pas de ce quartier mais aujourd’hui vu que je suis de repos je m’étais dit que j’allais promener Evoli un peu dans ce par cet du coup ben … On est tombé sur toi » Je viens de me rendre compte que peut-être mes paroles étaient un peu dur. J’espère qu’il n’habite pas dans le quartier certes. C’est seulement que je ne souhaite pas qu’il rencontre Luna malencontreusement alors que je ne l’ai pas décidé moi-même. Et puis entre nous, il aurait été impossible qu’il vive dans le quartier depuis aussi longtemps sans que nous nous ayons croisé « Et j’en suis ravi, Rosie … » Pourquoi mon cœur s’est-il mis à battre soudainement ? Je croise les bras sous ma poitrine. Mes muscles se détendent progressivement mais je reste encore figée sur place. Je balance mon poids d’une jambe sur l’autre pour me détendre. Des tocs gestuels que j’ai depuis l’enfance. Sois un peu plus gentille, Rosie. Qui sait ce que l’avenir peut te réserver à ce stade « Je n’irais pas jusqu’à dire que je saute de joie mais c’est agréable de se rencontrer en dehors du boulot. J’ai d’ailleurs été étonnée de voir ta patronne à mon café le lendemain matin comme si de rien n’était » D’ordinaire une dispute chez un client ça signe un arrêt de mort, seulement ça n’a pas été le cas. Elle récupère encore son café matinal chez nous et nous octroi même l’esquisse d’un sourire. Je décidais de faire comme si de rien n’était, tout comme elle. Je me racle la gorge doucement et me pose une question fâcheuse. Dois-je simplement partir à présent ou continuer d’entretenir une conversation ? La première option serait plus convenable puisque j’ai déjà fait des efforts encourageants. Je tempère actuellement ma rancune et tente de la remplacer par quelque chose de positif. Enfin, c’est ce que me dit ma prof de yoga. Parfois je comprends pas forcément ce qu’elle essaye de me dire « J’allais justement faire un tour, est-ce que je peux vous accompagner dans votre promenade ? » La deuxième option a été engagée. Pense à Luna. Si tu dois réellement passer par la case présentation dans quelques temps, il vaut mieux que tes affaires avec Kentin soient réglées « J’ai un rendez-vous un peu plus tard mais je voulais profiter encore du beau temps » Allez, dis-le Rosie. Ta prof de yoga sera contente et te dira que ton karma s’améliora. Par contre, tante Maggie défoncera une autre voiture « Et puis, je dois supposer qu’après tout ce temps, tu dois avoir des questions à poser, non ? » Je sais pas, sur moi ou Luna. Profites-en, je ne sais pas quand cet excès de bonté (ou de pitié) se terminera.

TENUE ▬ Honnêtement, je suis étonnée de ma réaction. Après mon excès de violence, j’ai pensé que je ne pourrais plus retenir après toutes ses années. Que toute ma colère s’évacuerait par vague d’insulte, de frappes. Au lieu de ça, je me surprends à avoir une discussion plus ou moins paisible avec lui dans le parc face à l’école de Luna. Bien que ce détail, il ne le connait pas, j’y pense depuis toute à l’heure. Est-ce une coïncidence comme il le prétend ? Est-ce qu’il s’est renseigné sur nos vies depuis tout ce temps et prétend ne rien savoir ? Ou est-ce tout simplement un coup du destin qui me rappelle à l’ordre : rosie, t’as pas cet enfant toute seule alors prend en compte la variable nommée kentin. Je pense souvent au karma. Le destin, je n’y crois pas. Comment la vie d’une personne pourrait être établie d’avance alors que nous disposons du libre-arbitre ? Toutefois, le karma : j’y crois. Pour me calmer durant ces trois dernières années, je me disais que le karma avait dû lui tombé dessus. Que sa famille avait fait faillite. Qu’il n’avait jamais fait carrière et que je le retrouverais un jour en train de laver les sols des toilettes publiques. Oui, j’ai eu des pensées particulièrement positives à son égards. Au lieu de ça, il avait l’air parfaitement bien dans son environnement. Dire que je n’ai pas été un minimum outragé par cette situation serait mensonge. Financièrement, j’ai galéré pendant pas mal de temps avant de trouver un juste milieu et pouvoir m’offrir mon rêve : ouvrir mon propre café. Ce fut une expérience inédite et excitante. « Elle aime bien ton café, elle en fait toujours d'excellents commentaires quand elle en parle mais je ne savais pas qu'il était tenu par toi, elle ne me l'avait jamais dit, sans doute par peur de ma réaction. » Du coin de l’œil, je le dévisage. J’en déduit ainsi que sa patronne était au courant de notre histoire et qu’elle connaissait mon identité depuis longtemps. Je suis sceptique. Pourquoi parler de notre relation avec sa patronne ? Aucun de mes employés n’est au courant de mes anciennes relations. Bien que tous spéculent sur la naissance de Luna, aucun n’a assez d’audace pour me poser la question directement. La dernière fois qu’ils ont osé aborder le sujet, tante Maggie les a littéralement fusillés du regard. Je l’aime cette femme. « Oui bien sûr, tu peux faire la promenade avec nous.  » Kentin semble ravie quant à l’idée de faire une promenade ensemble. Je modère ma réaction et ne montre aucune expression. Depuis notre dernière rencontre, j’avais réfléchis sur la place de Kentin par rapport à Luna et moi. J’en suis venue à une conclusion alors que je regardais un téléfilm. Je ne souhaite pas être la femme que l’on déteste la moitié du film parce qu’elle refuse que son ex, bien intentionné, rencontre sa progéniture. Mine de rien, tout change selon l’attitude de celui qui est parti. Qui suis-je pour refuser catégoriquement à cette personne de connaitre son enfant ? Si je ne fais pas d’effort, un jour Luna me le reprochera. Si je ne fais d’effort, je risque de le regretter toute ma vie « Et bien oui quelques unes c'est vrai... Mais bon, te bombarder littéralement de questions à propos de la petite ça ne te dérange pas j'espère ?  » Je soupire doucement. Je me suis préparée psychologiquement depuis notre dernière rencontre à devoir partager une partie de notre vie, à Luna et moi. « Tu sembles décidé à vouloir trouver ta place auprès d’elle alors, il faut que j’apprenne à prendre sur moi. Répondre à quelques questions est déjà une première étape j’imagine » Nous commençons à avancer doucement sur le chemin. Je prends une profonde inspiration. C’est peut-être idiot de ma part, mais j’ai l’impression qu’en lui parlant de Luna, c’est comme si je lâchais sa main. Qu’une partie d’elle ne m’appartenait plus. C’est idiot mais ça me fend le cœur de savoir qu’un jour peut-ëtre, elle ne sera plus ma Luna « Je t’écoute »

TENUE ▬ Le lien qui unit une mère à son enfant est presque indescriptible, quelque chose de magique et envoûtant. Quelque chose qui ne vous permet plus de parler en employant le mot « je » mais en employant le mot « elle ». Parce qu’après tout, c’est cette enfant qui était devenue le centre de ma vie. Le soutien de mes proches pendant la grossesse fut important. Ils m’ont consolé et m’ont effrayé. Comment pouvais-je donner autant d’amour à ce petit être ? Je n’avais pas eu d’exemple parental. Ma tante s’était occupée de moi comme une fille mais elle ne souhaitait pas les remplacer. Elle me laissait plus de liberté et n’invoquait jamais mes parents pour m’imposer une décision. Elle ne souhaitait pas remplir ce rôle de parent. Le décès de sa sœur l’avait anéantie et elle souhaitait entretenir son souvenir à travers moi. N’ayant pas eu de modèle, comment pourrais-je savoir quoi faire ? Les plus petites choses me rendaient anxieuses. Elle me répétait sans cesse que ça allait venir naturellement, l’instinct maternel. En réalité, elle n’était pas plus au courant que moi. Elle allait vivre sa première grossesse à travers moi et tout ce qu’elle me disait soit elle le trouvait dans un livre soit elle répétait les dires de ma défunte mère. J’ai souvent rêvé de mes parents durant cette période, comme s’ils étaient encore avec moi pour traverser cette épreuve et qu’ils m’encourageaient. La première échographie fut une libération. Maggie et Maelys étaient venus m’assister. Elles n’étaient pas plus rassurées que moi mais elles me souriaient comme si elles étaient au courant de tout. Premier battement de cœur et tous mes soucis s’envolèrent en éclat. On va y arriver, petit lui dis-je. A cette petite chose qui allait grandir dans mon ventre durant les prochains mois. Peu importe qui te soutien ou lâche ta main, il n’y aura jamais que toi et moi contre le monde. Ces paroles retentissent encore dans ma tête aujourd’hui tandis que Kentin marche doucement à mon rythme. Il est étrange de me dire que peut-être un jour, cette équation ne sera plus valable et qu’il faudra inclure une nouvelle variable. Je savais que je ne pouvais posséder le rôle de la mère et du père mais était-il réellement prêt ? « C'est un début en effet... Et oui j'ai vraiment envie de trouver ma place, de lui prouver qu'elle a un père bien qu'elle est sans doute un peu petite pour comprendre les choses j'ai envie qu'elle comprenne que je suis là. Puis j'aimerais que tu le comprennes également parce que je compte pas repartir et c'est important que je te le dise Rosie. » Je souhaite être convaincu par ses paroles. Son regard en dit long mais je ne souhaite pas être berné une nouvelle fois. Ne m’avait-il pas assuré qu’il ne me quitterait jamais autrefois ? Pourtant, c’est bien ce qui s’est passé « Elle est bien plus vivre d’esprit que je ne le souhaiterais, c’est déjà un adulte en pleine formation » dis-je doucement. Le cheminement jusqu’à l’âge adulte est étrange et merveilleux quand on le constate chez son enfant. On le protège de tout, pense qu’il n’est jamais assez grand pour certaines choses et pourtant. Bientôt trois années sur terre et elle s’exprime déjà haut et fort de ses convictions. Elle peut comprendre beaucoup de choses qu’on ne pense pas et c’est ce qui me fait peur. Elle ne devrait pas avoir à tout comprendre « Et bien déjà quelle est sa date de naissance ? Puis quels sont ses goûts en matière de nourriture ou encore de jouets ? » Je prends le temps de réfléchir quelques secondes à la dernière question. Il y a tellement de choses que ça devient difficile de choisir bien qu’elle commence à entrer dans cette fâcheuse phase où le « non » semble être la réponse à chaque intervention « Elle est née le 27 janvier 2015, vers 3h30 du matin » Quand je repense à cette journée éprouvante. Je suis entrée tôt à l’hôpital et j’ai souffert atrocement jusqu’à ce que le travail soit terminé. C’était aussi éprouvant pour ma famille que ma meilleure amie. Les deux femmes faisaient des allers-retours entre ma chambre, la machine à café et les infirmiers tandis que mon oncle peinait à ne pas s’évanouir dans la salle d’attente. Il a effectivement feinté quand il a vu pour la première fois Luna. Le premier rire que nous partagé en famille. Toutefois, je reste fidèle à ma conviction : plus jamais ça « Question nourriture, elle mange de tout. Vraiment tout, faut faire attention. Elle se méfie de ce qui est vert mais elle adore les carottes » Quand j’en ai parlé avec mon médecin, il m’a demandé de pensé aux aliments que je mangeais sans arrêt pendant la grossesse. La carotte en faisait parti. Ne chercher pas plus longtemps mademoiselle m’avait-il dit. C’est pour ça qu’elle aime autant ça « Question jouet, elle n’aime pas beaucoup les poupées mais elle est très peluche. Pour l’instant ce qu’elle préfère, c’est son service à thé et sa cuisine » J’aime à penser qu’elle se passionnera pour la cuisine plus tard mais lorsqu’elle regarde si intensément les étoiles, je me dis qu’elle pourrait aussi bien devenir astronaute. A cet âge, on peut être ce qu’on veut. Nous avançons doucement dans le parc quand une brise vient me chatouiller la joue. Je replace soigneusement mon manteau et vérifie mon portable quelques secondes. Pas de message, pas de problème « Si tu réponds à ma question, je serais disposée à répondre à une autre de tes questions » dis-je en oscillant un sourcil. Avant de prendre une autre décision importante, il me fallait comprendre ce qu’il était devenu et pourquoi. Peut-être cela allait-il me donner des indices pour savoir s’il est prêt cette fois. « Est-ce que tu as cherché à avoir de nouvelles ou à nous contacter durant ses trois dernières années ? »