Le rendez-vous chez le dentiste (Kawaii)

D’un naturel spontané, j’engage très facilement la conversation avec les gens. Déjà, petite fille, j’allais facilement vers les autres, j’embrassais tout le monde, sans qu’on me le demande. Je n’étais pas du tout sauvage. Pas comme mon frère ainé. Je souriais tout le temps aussi, sauf quand je me faisais mal, là, je pleurais, évidement. Et puis, je n’aime pas restée silencieuse inutilement, c’est plus fort que moi, quand le silence s’installe, il faut que je parle. Parfois, on ne me répond pas, la personne me regarde d’un air bizarre, se lève et vas ailleurs. D’autres se contentent de quelques mots, histoire d’être poli. Et d’autres, en profitent pour papoter à leur tour. N’est-ce pas de cette façon-là qu’une amitié se créer ? Quand on est gosse, on se fait très facilement des amis, parce que l’on ne craint pas le regard des autres, on ne craint pas les pensées du genre « mais pourquoi elle me parle celle-là ? on se connait pas ! » Pourtant, il est rare de garder ses amis d’enfance, moi par exemple, la majeure partie des amies que j’ai en ce moment ne sont pas les filles que je fréquentais étant enfant ou à l’adolescence. Je ne suis pas vieille pourtant, mais nos chemins se sont séparés, car elles ont poursuivi leurs études et pas moi. Alors je me fais régulièrement de nouveaux amis, parce que je suis comme ça, je suis bavarde, un peu capricieuse, chiante, pour ne pas dire emmerdeuse. Mais je pense que justement, c’est parce que je suis comme ça qu’au fond, lorsque l’on me connait vraiment, on m’aime bien. J’ai aussi tendance à facilement, très facilement changée de conversation. En fait, quand on me parle de quelque chose qui ne me plait pas, je trouve toujours le meilleur moyen de dévier du sujet. Généralement, je me mets à parler chaussures. C’est le signal. Jade, ma cousine, n’y fait même plus attention à force, l’habitude. Kawaïï m’avoue être originaire d’Hawaï, et j’enchaine en disant qu’elle a de la chance, que je tuerais pour y aller. Bon, je n’irais pas jusque-là, je suis une peste, mais pas forcément méchante. « Oui, je veux bien te croire ! » dis-je, quand elle me dit ce qui lui manque de plus. Là encore, je tuerais pour pouvoir marcher dans le sable. A la place, j’ai droit au verglas et à la neige. J’aime ma ville malgré tout, mais pas en hiver. Je finis par lui donner mon prénom moi aussi, un prénom qu’elle juge adorable, bien que ça ne me ressemble pas. « Mon frère ne le voit pas comme ça ! » je plaisante, puis elle enchaine en m’indiquant que je suis la première Elena qu’elle rencontre. C’est vrai que maintenant qu’elle le dit, je n’en connais pas non plus. Finalement, j’admets de pas avoir fait d’études, parce que je n’aimais pas l’école, tout simplement. A dire vrai, je me cherche encore, peut-être que dans un an, j’aurais changé d’avis. Elle m’explique alors qu’elle non plus n’a pas suivie d’études et qu’elle est danseuse dans l’émission danse avec les stars. Vu que je ne regarde pas la télévision, du moins pas souvent, je dois admettre que je n’ai jamais vu cette émission. Je connais le principe, mais ça s’arrête là. « Ha oui ? Je suis désolée, je n’ai jamais regardé cette émission. Pour être franche, je ne regarde pratiquement pas la télévision ! » Il faut dire que chez moi, le roi de la zapette, c’est mon père. Elle est carrément sacrée pour lui, la télécommande. Ça me fait rire d’ailleurs, de le voir s’énervé par ce que la dame du ménage ne l’as pas ranger à la bonne place. « Pareil ! » dis-je, quand elle me demande quand j’avais rendez-vous. « C’est une véritable usine là-dedans ! » Je ne parle pas de mes dents bien sûr, mais du cabinet. Ils sont plusieurs dentistes, je crois. Il me semble que j’ai rendez-vous avec la femme, mais je ne suis pas certaine.

A sa remarque, je devine qu’elle doit aussi avoir un frère ou un demi-frère, comme moi. Sans doute qu’il a lui aussi son petit caractère. Le mien est toujours en train de dire de moi que je suis une petite peste, que le monde ne tourne pas autour de moi et que je devrais grandir au lieu de me regarder continuellement le nombril, mais au fond de moi, je sais qu’il tient à moi. Tout comme moi, je tiens à lui. Il peut parfois m’énervé, c’est vrai. Comme les fois où il refuse de se joindre à nous pour les fêtes de famille, parce qu’il en veut à notre père d’avoir refait sa vie après son divorce d’avec sa mère. Oui, dans ces cas-là, je lui en veux. Mais une partie de moi sait qu’à sa place, j’en voudrais aussi à mon père. « Tous pareil ! » dis-je simplement. J’admets finalement ne pas être faite pour les études, ce qui semble être aussi son cas d’après ce qu’elle me dit. Personnellement, j’en suis encore à chercher ma vocation idéale et je n’en ai pas la moindre idée. Je me dis que ça ne sert à rien parce que mon père a beaucoup d’argent et que cet argent sera en partie à moi, plus tard, quand il ne sera plus là. Du coup, je me dis que je n’ai pas besoin de faire d’études, encore moins de travailler et bien sûr, ça ne plait pas à Monsieur mon frère. Mais je ne cherche à lui plaire, qu’est-ce qu’il croit ! Enfin, elle me dit qu’elle fait partie des danseurs de l’émission danse avec les stars, et je suis bien obligée d’admettre que je ne regarde pratiquement pas la télévision. Etonnamment, elle n’en est pas vexée, c’est même tout le contraire. Elle m’explique alors qu’elle en a assez que les gens l’arrêtent dans la rue, simplement parce qu’elle passe à la télévision. C’est vrai que ça doit être chiant. Je sais que moi, je n’aimerais pas ça. J’apprécie qu’on me regarde, je ne le nie pas, mais je ne voudrais pas qu’on me regarde parce que l’on me reconnait. Je comprends parfaitement ce qu’elle en pense. « Oui, ça ne doit pas être évident ! » De nouvelles personnes sont appelés par l’assistante, mais ce n’est toujours pas nous et je soupire de lassitude, tandis qu’elle m’indique ne pas aimer aller chez le dentiste, encore moins attendre. « Je déteste attendre ! Je ne me serais pas cassée une dent, je ne serais jamais venu ! » Je souffle. C’est un tort, je le sais bien, mais je déteste aller chez le médecin et attendre chez le médecin, bien plus encore. Oui, quand on me connait on se rend vite compte que je déteste plus de choses que je n’en aime, mais je suis comme ça, que voulez-vous !

Je me souviens à peine de ma mère, pour ne pas dire presque pas. J’avais six ans depuis quelques jours lorsque sa maladie l’avait emportée. J’avais mis un certain temps avant de comprendre que je ne la rêverais plus jamais. A l’âge que j’avais, j’avais besoin d’elle, plus que jamais. Mon père était dépassé par les évènements, il ne savait pas quoi faire ni comment s’y prendre pour me rendre le sourire, alors il m’offrait tout ce que je voulais, même quand je ne demandais rien. A la longue, je m’y suis tellement habituée que s’est ancré en moi. Je n’ai pas l’habitude qu’on me dise non, que l’on ne cède pas à mes caprices. Je suis encore très jeune, c’est vrai, mais je ne pense pas que je puisse changer un jour. Etre capricieuse, c’est dans ma nature, c’est mon tempérament. Comme emmerder le monde, surtout ceux qui ne suivent pas mon point de vu. Gamine, je n’hésitais pas à écarter tout ceux qui se mettaient sur mon chemin, en travers de ma route. A l’adolescence, je pouvais parfois me montrer méchante avec ceux qui me gênais. Comme avec Garett. Je suis comme ça et je n’éprouve aucuns scrupules à agir de la sorte. Mon frère dit que mon comportement affecte les gens qui tiennent à moi, mais je m’en moque. Je ne dis pas que je ne ressens rien, sinon quand on me fait une saloperie, je ne chercherais pas à me venger, mais disons que je me fou de faire de la peine aux autres. J’ai toujours choisi mes amis, je ne vois pas pourquoi, ça devrait changer sous prétexte que je suis une adulte, désormais. Nous en venons à parler de ce nous faisons dans la vie, je lui avoue ne pas faire d’études, car je ne sais pas encore quoi faire de mon avenir. Je ne cherche pas pour tout dire. La mode peut-être ? Et encore, c’est plus le domaine de ma cousine, moi, qu’est-ce que j’aime vraiment ? Acheter, consommer. C’est quelque chose qui me plait, mais je n’ai pas envie d’être le larbin d’une princesse ou d’une actrice. J’aime acheté et consommer pour mon plaisir, pas pour celui des autres. « Ça doit être un enfer quand même. On te suit jusque dans les toilettes, on se cache dans ta poubelle ! Franchement, faut en avoir envie … » dis-je, quand la brunette à côté de moi évoqua Angelina Jolie, pour ne citer qu’elle, bien sûr. Pendant ce temps-là, le temps défilait et nous attendions toujours. Comme moi, elle n’aimait pas se rendre chez le dentiste, en même temps, je ne crois pas que les gens qui aiment ça soient nombreux. Se faire tripoter l’intérieur de la bouche, ce n’est pas génial quand même. « On ne mange jamais trop de bonbons ! » pouffais-je, tout en sachant parfaitement que c’était à cause de l’un d’eux que j’étais ici. Il n’empêche, le dentiste pouvait m’engueuler autant qu’il voulait, je continuerais à en manger. Je n’allais pas me priver d’une des rares choses que j’aimais dans la vie. Finalement, mon nom fut appelé, ainsi que celui de ma nouvelle amie. En entendant le mien, elle fut surprise et m’interrogea à ce sujet. « Oui, c’est ma cousine. Tu la connait ? » demandais-je, surprise à mon tour.

Si j’aime parler de moi, ce n’est pas de mon passé, de ma vie personnelle, car elle n’intéresse personne et qu’en plus, lorsqu’on commence à parler de soi, les gens avec qui on cause, on tendance à faire pareil, et moi, sincèrement, ça ne m’intéresse pas vraiment de savoir comment ils aiment prendre leur petit déjeuner et s’ils préfèrent le bain à la douche. C’est ce qui fait dire à mon frère que je suis superficielle et il n’a peut-être pas tort. Je sais que je pense à moi, avant de penser aux autres et ce n’est pas très brillant de ma part. ceci dit, je m’en contrefiche, je me fiche de savoir ce que les gens peuvent penser de moi, j’ai pour habitude de vite dégagé tous ceux et celles qui peuvent m’insupporté, alors ceux qui n’apprécient pas ma façon d’être, je ne les retiens pas. Je ne suis pas la Reine des abeilles entourée de toute ma cour, j’ai peu d’amis et le peut que j’aie, me conviennent très bien. Et je pense, sans me trompé, que je viens de me faire une nouvelle amie, une amie qui est comme moi ou presque et ça fait très longtemps que ça ne m’était pas arrivée, je suis contente. Après avoir évoqué rapidement nos frères respectifs, nous en venons a parlé des stars et de leur vie privée. Si je me comporte comme telle, je suis loin d’en être une et je sais parfaitement que je ne supporterais pas de trouver une photographie de moi en train de déguster un gâteau ou que sais-je encore, à la une de la presse people, comme on l’appel. Je pouffe de rire à la remarque de Kawaii. C’est comme ça que naissent les scandales, ça fait peur tout de même. Je n’aimerais vraiment pas ça. Pas du tout même. « Ils sont vraiment près à tout pour leur soi-disant scoop et au final, ça ne vaut rien du tout ! » des tas de couples de stars ont brisés de cette façon-là, non pas que ça me chagrine, mais voilà, si j’étais à leur place, je sais que ça ne me plairait pas du tout. Vraiment pas. Nous continuons que parloter quelques minutes, ignorant superbement la secrétaire qui nous a appelés. Etant donné le retard qu’ils ont pris, ils s’attendent à ce qu’on rampe à leur pied ou quoi ? « Oui, en effet. Ma cousine adore aller aux défilés. En même temps, avec ce qu’elle veut faire, c’est normal qu’elle s’y intéresse ! » dis-je, tandis que l’assistante tape presque du pied quand on se décide enfin à venir vers elle. Les autres clients n’en perdent pas une miette, les vautours. J’ai beau me dire que je ne suis pas patiente, qu’on me fasse remarqué, même de façon déguisée, que je ferais mieux de me dépêchée, ça m’insupporte.

Serais-je la même que celle que je suis aujourd’hui si ma mère était encore en vie ? Je suppose que oui. Mon tempérament de petite princesse capricieuse et qui sait ce que qu’elle veut s’était accentué après sa mort, mais j’avais toujours été une petite fille pénible, comme le dit mon frère. Aussi, je ne pense pas que sa disparition n’ait provoqué mon comportement. Bien sûr, je ne me souviens pas comment j’étais à quatre ans, ses souvenirs n’ont pas disparu de ma mémoire, mais je n’y ai plus accès, tout simplement parce que savoir avec quel jouet je préférais jouer ne me sert pas à grand-chose. Néanmoins, j’ai gardé en mémoire tout ce dont je me souviens de ma mère, des bons moments partagés avec mon frère. Je n’en parle que très rarement, mais il me manque. Juste que je suis bien trop fière pour le lui dire. En fait, quand on se voit, on se chicane pour des bêtises, alors que dans le fond, on s’adore. En tout cas, moi, je l’adore, même si je ne lui ai jamais dit. Je n’ai jamais dit je t’aime, je ne sais pas dire ces mots-là. Est-ce que je manque à mon frère ? Là encore, je ne le dis pas, mais j’aimerais que ça soit le cas. Mais encore une fois, je suis bien trop fière pour le lui avouer. Et c’est aussi son cas, puisque la dernière fois qu’il m’a vu, il m’a chassé de chez lui en me lançant un livre à la figure ! Notre entente fraternelle est vraiment beau fixe, n’est-il pas ? « Les paparazzis, ils ont l’art de faire raconter une histoire à une simple photo, alors qu’en réalité, il n’y a rien à raconter. Je trouve ça pathétique, et le pire, c’est qu’après, on achète ces bouquins ! » dis-je, en soufflant. Je n’étais pas une célébrité et je ne voudrais pas en être une. Jamais. De toute façon, je sais très bien comment on parlerait de moi : Elena Braxton, la briseuse de couples ! Ai-je déjà brisé un couple ? Non, je ne suis pas le genre de fille à sauter sur les mecs déjà casés. Pas mon genre. En revanche, j’ai brisé des cœurs, parce que je suis sortie avec pas mal de garçons pendant mes années lycée. Mais merde à la fin, je suis jeune quoi ! Si je n’en profite pas maintenant, je n’en profiterais jamais ! Finalement, nous sommes appelés pour notre rendez-vous et nous nous y rendons sans nous pressés, toutes surprises d’avoir un prénom en commun, Jade, ma cousine. « Oui, elle très douée. Elle m’a montrée les créations qu’elle doit présenter cette année, c’est superbe, vraiment ! » J’ai adoré la robe de mariée. On nous fait installer sur des sièges, côté à côté, c’est une véritable usine ce cabinet dentaire. « Possible. Je ne pensais pas que les dentistes avaient le sens de l’humour ! » répondis-je. C’est déjà pas un moment agréable, je ne serais pas venue ici si je n’avais pas manger cette cacahuète, alors en plus devoir encore attendre, non merci. Enfin, au moins, je peux discuter.