Sing for U |Soan

J’étais sorti depuis quelques temps de l’hôpital déjà. Heureusement d’ailleurs car ça m’avait déjà bien paru long le temps que j’y étais, alors si j’étais toujours là-bas, mon Dieu je serais probablement devenu dingue à cause de l’enfermement. J’étais de retour chez Julian qui était venu me chercher à l’hôpital en taxi. À peine nous nous étions retrouvés chez lui que nous avions parlé des lettres que nous nous étions échangés durant mon hospitalisation. Celles où en gros nous nous étions déclarés nos sentiments. Après une bonne petite discussion nous avions décidé de vivre notre amour. Pas au grand jour certes, mais c’était déjà une bonne chose et j’en étais plutôt content.

N’en pouvant plus d’être H24 à la maison, j’avais décidé que ce soir j’allais sortir. Et ce n’était pas ces fichues béquilles qui m’en empêcheraient. Je profitais du fait que Julian passe la soirée avec son frère pour de mon côté sortir en ville. Car nul doute que si j’avais dit à Ju que je voulais sortir, il se serait inquiété à cause de ma jambe encore plâtrée et aurait voulu m’accompagner. Mais puisqu’il ne voulait pas qu’on s’affiche ensemble en tant que couple, autant que je sorte seul non ? Ainsi ça serait moins compliqué pour moi qui serais trop tenté de me blottir dans ses bras ou de l’embrasser. Ce soir j’allais passer ma soirée au Coles Caffee. Pourquoi là-bas ? Tout simplement parce que je savais que mon ami Lysandre allait y faire un concert. Étant un « bon » ami j’avais envie d’aller le voir jouer là-bas et puis en plus j’avais été fan de sa musique avant d’apprendre à connaître l’homme. Donc c’était avec grand plaisir que je comptais passer ma soirée dans ce bar.

Tant bien que mal je m’étais débrouillé pour me changer. Pour mettre le haut ça va mais alors quelle galère pour enfiler un jean avec une jambe dans le plâtre. Je soupirais tout en mettant quinze ans à m’habiller. Après ça j’avais enfilé une basket sur mon pied valide puis j’étais parti enfiler une veste avant de quitter la maison. Quelques minutes plus tôt j’avais appelé un taxi puisque je ne me voyais pas marcher jusqu’au quartier d’Anacostia, bien trop loin vu mon état physique. Après quelques minutes de trajet j’arrivais directement au bar. Visiblement j’étais un peu en retard puisque Lysandre était déjà en train de chanter. *Merde*. Avais-je pensé. Tant pis j’allais tout de même profiter du reste du concert. Je me frayais tant bien que mal un chemin jusqu’à une table vide, non sans ronchonner vu que les gens ne prenaient même pas pitié de moi. Quelle bande de cons quand même ! Les clients du bar étaient bien calmes, comme absorbés par la musique de Lysandre. Ça me faisait plaisir pour lui. Il méritait bien que les autres respectent son art et apprécient ce qu’il fait. En tout cas moi j’aime beaucoup et je ne m’en cache pas. J’applaudis même lorsque c’est le bon moment. Je ne crois pas que mon ami me voie de là où il est mais ce n’est pas grave. Il chanta une dernière de ses compositions et tout le monde l’avait applaudi chaleureusement, moi y compris.

Il descendit ensuite de scène et traversa la foule pour se rendre jusqu’au bar. J’avais bien essayé de l’appeler pour qu’il me remarque mais c’était peine perdue vu le brouhaha qui régnait à présent dans le bar. Je soupirais et avec difficulté bougeais de là où j’étais. J’essayais de me frayer un chemin mais bien évidemment les groupies de Lysandre ne me facilitaient pas la tâche, loin de là. « Pardooooooon ! Pardoooooooon ! » Je m'époumonais mais bien évidemment on ne m’écoutait pas, ou alors on s’en fichait totalement. « Ça vous arracherait la gueule de laisser passer un pauvre handicapé qui veut se rendre au comptoir ? » Je soupirais bruyamment afin de montrer mon mécontentement aux personnes devant moi. Si elles continuaient comme ça, du côté de ma jambe valide j’allais leur foutre un coup de béquille, peut-être que là on me laisserait enfin accéder au comptoir. J’allais encore une fois essayer la méthode douce et si ça ne fonctionnait pas, alors là le petit diable en moi pointerait le bout de son nez. « Pardoooooooooooon ! Ayez pitié d’un pauvre handicapé nom de Dieu !!!! » Tout doucement j’arrivais à m’approcher mais la bataille n’était pas encore gagnée. Puis une nouvelle idée se pointa dans ma tête. J’attrapais mon téléphone qui était dans la poche de mon jean et écrivais un texto que j’envoyais à Lysandre, en espérant qu’il entendrait son téléphone ou le sentirait vibrer. « Tu peux dire à tes groupies qu’un pauvre mec en béquilles voudrait bien accéder au bar parce que ça fait X minutes que j’essaie de me frayer un chemin sans succès --‘ Pareil j’ai beau demander gentiment on m’ignore royalement… Donc si elles bougent pas leurs fesses, je te promets que je vais devenir violent. XD Et leur mettre des coups de béquille pour passer ^^ » Non il ne faut pas trop contrarier un Soan qui est en mode bougon. Pour mettre des chances de côté afin que Lys entende son tél sonner, après avoir envoyé le texto, je faisais sonner son téléphone en lançant un appel.

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En ce moment je n’étais clairement pas à prendre avec des pincettes à cause de ces fichues béquilles. Je n’en pouvais clairement plus et avais bien hâte de retrouver ma station debout normale. En attendant je n’avais guère d’autre choix que de faire avec. Si ça n’avait pas été pour mon ami Lysandre, je ne sais pas si j’aurais fait l’effort de sortir dans un bar bondé pour le retrouver. Clairement il fallait vraiment se les farcir les minettes qui n’en pouvaient plus et bavaient littéralement devant Mister Nightshade. En même temps je les comprenais il chantait vraiment très bien et était mignon mais quand même quoi un peu de tenue ! Elles s’attendaient à quoi au juste ? Qu’il tombe sous leur charme et se mette en couple avec l’une d’entre elles ? Vu leur comportement, je ne voyais pas du tout Lysandre agir ainsi avec l’une d’elles. Au mieux il en choisirait une dans le lot pour un coup d’un soir. En tout cas moi c’est comme ça que j’imaginais la chose. Encore plus car je savais que Lys n’était pas prêt à s’engager avec qui que ce soit. Enfin c’était ainsi depuis que je le connaissais.

Toujours est-il que j’avais tout essayé pour le rejoindre au bar, mais c’était un véritable échec cuisant. Ces midinettes n’étaient absolument pas prêtes à me laisser passer pour que j’aille m’asseoir au comptoir près de mon ami. Du coup je n’avais pas hésité à lui envoyer un texto afin qu’il vole à mon secours. J’avais peur qu’il ne le voie pas, du coup j’avais fait sonner à plusieurs reprises son téléphone et je m’étais félicité mentalement pour mon idée car ça avait fonctionné. Effectivement Lysandre avait vu mon message et avait agi pour faire partir ses groupies. J’avais rigolé en entendant la manière dont il les avait traitées, parlant à la manière de Moïse. Et en plus Monsieur était monté sur le bar. Quel phénomène celui-là. Seulement voilà à les avoir traitées de thons, elles n’avaient pas apprécié et étaient parties comme des furies vers la sortie, manquant de me faire tomber à plusieurs reprises. J’avais grommelé de mécontentement. Franchement quelle honte de traiter les handicapés sans aucune considération. Heureusement pour moi que ce n’était que temporaire sinon j’aurais probablement pété un plomb de voir les gens agir de la sorte.

Je secouais la tête en soupirant face à tant de sottises. Heureusement pour moi j’avais réussi à me tenir à une table pour ne pas tomber à cause de ces folles furieuses. Une fois la tempête passée, Lysandre était venu me rejoindre. « Mouais mais la prochaine fois je suis pas sûr de venir te voir avec des béquilles, de vraies folles tes… fans » Avais-je fini par dire en me retenant de les insulter. Maintenant le bar était un peu moins plein je pourrais sans doute me déplacer comme bon me semble. « Si on allait au comptoir maintenant qu’elles ne sont plus là ? » Lançais-je à mon ami en riant doucement. Je me repositionnais bien sur mes béquilles et avançais tout doucement jusqu’à un tabouret libre où je m’installais, posant mes béquilles non loin de moi contre le comptoir. « Et toi ça va ? Tu dois te sentir un peu moins oppressé là non ? » J’étais certain que le chanteur comprendrait à quoi je faisais allusion. En même temps il faudrait être bête pour ne pas le comprendre. Je regardais le barman devant moi qui venait de me saluer. « Bonsoir, un cocktail sans alcool s’il vous plait. Je vous laisse le choix de celui que vous voudrez me faire. » En effet je n’avais pas envie de me prendre la tête à lire la carte des consommations. Et puis je n’ai jamais été trop difficile en matière de boissons donc autant avoir la surprise. Si je ne prenais pas d’alcool ce soir c’est parce que j’avais bien compris que Julian s’inquiétait pour moi à cause de mon traitement pour la bipolarité. Et puis même sans ça, j’avais encore des antidouleurs pour ma jambe, donc l’alcool et les médicaments ça ne fait pas trop bon ménage. Et puis de toute façon depuis que je suis sous Lithium je ne peux plus boire grand-chose sans être bourré… Ce qui est bien dommage d’ailleurs quand je repense à tout ce que je pouvais boire étant ado. Je tournais le regard vers Lysandre. « Ton concert était extra, comme d’habitude. » Dis-je avec le sourire. Chaque fois que je venais voir ses représentations je n’étais jamais déçu ni lassé, il savait toujours se réinventer. Le serveur m’apporta mon cocktail. « Et voilà je vous ai fait un Coconut Lips, c’est à base d’ananas, de crème fraîche liquide, framboise et lait de coco. » Je ne savais pas ce que ce mélange pourrait donner mais en tout cas j’avais hâte de le goûter pour savoir si ça me plairait ou non. « Merci beaucoup, je vous dois combien ? » Le barman m’informa du prix du cocktail et je le payais aussitôt.

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