La soirée des internes (Amelia)

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C’est donc ce soir qu’à lieu la fameuse soirée organisée pour les anciens internes. Je me demande comment seront les nouveaux. Je porte une robe noire tout ce qu’il y a de plus simple, mes cheveux bouclés tombent sur mes épaules et à mes pieds, une paire d’escarpins au bout pointue et qui me font un mal de chien. Au fond, je suis tellement réfractaire à ce genre de chaussures que ce n’est pas étonnant qu’elles me fassent aussi mal. En venant du parking souterrain jusqu’à la salle de réception, j’ai dû me tordre les pieds une bonne vingtaine de fois et en sortant de chez moi, je me suis étalée de tout mon long aux pieds de la concierge, qui a eu bien du mal à se retenir de ricaner méchamment. Je vous le dis, j’ai tout intérêt à avoir la main légère sur le rosé et le champagne si je ne veux pas me casser une pâte. Lorsque je pénètre dans la salle de réception, c’est en tirant machinalement sur ma robe, que je juge trop courte, bien qu’elle m’arrive en dessous des genoux. Je n’ai pas l’habitude de porter ce genre vêtement et ça se voit comme le nez au milieu de la figure, je me sens idiote, pas du tout à ma place. Putain, je préfère cent fois, mille fois même, les soirées entre potes autour d’un verre, dans le bar du coin à ça. C’est une ambiance de cul séré qui ne me plait pas du tout. Je salue néanmoins mon chef de service, cherchant des yeux un visage amical. J’attrape une flute de champagne sur le plateau d’un serveur lorsque j’aperçois Amelia. Bien que son statut au sein de l’hôpital soit bien plus important que le mien, c’est une bonne amie, elle m’a même choisie comme marraine de son petit garçon, ce dont j’ai été très flattée. « Salut ! » lui dis-je, quand j’arrivais à sa hauteur.

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Amelia avait horreur des mondanités. Encore plus quand elle se retrouvait contrainte d'y participer, d'une quelque façon que ce soit. En tant que médecin et titulaire, elle avait à sa charge tous les ans de nouveaux internes à former au service des urgences. Apprendre et transmettre ne lui posaient aucun soucis, bien au contraire. Mais devoir se tenir là, parmi tous ces hommes, puisqu'il faut bien l'avouer, la médecine restait un terrain masculin par excellence, à sourire à des collègues imbus d'eux-mêmes ne la ravissait pas. Elle salue quelques personnes de son service, serrant la main d'internes qu'elle a croisé en leur souhaitant bonne chance pour la suite de leur carrière professionnel. Elle voudrait pouvoir s'échapper à la première occasion, mais ça n'est pas prêt d'arriver. Dans sa robe mauve au décolleté plongeant malgré elle, elle se sent cruche, préférant mille fois sa blouse d'hôpital informe. Lia a fait un effort pour être "présentable", disciplinant ses cheveux bruns en un chignon loose, et passant même un peu de rouge à lèvres, ce qui relevait du miracle. Heureusement, le malaise ne dure pas longtemps et son sourire s'étire largement quand elle voit apparaître un visage amical dans la foule. Lia attire la jeune femme dans ses bras pour une courte étreinte. "Salut, tu n'as pas idée à quel point je suis contente de te voir. J'étais sur le point de devenir folle et de balancer une coupe de champagne sur Johnson si il se remettait à parler de sa dernière opération "révolutionnaire".
Comment tu vas ? " Elle rit discrètement avant d'attraper deux coupes de champagne et d'en tendre une à Violet. La brune laisse échapper un petit sifflet d'approbation. "Tu as mis le paquet dis donc. Ca te va bien mieux que la blouse de l'hosto." Elle lui adresse un large sourire sincère avant de siroter sa coupe. "Alors, sur qui tu paries pour se transformer en Johnson-bis imbu de sa personne dans le lot ?" Elle désigne la troupe des internes. C'était malheureusement souvent le cas. Ils perdaient leur doute pour se croire supérieur à tous, y compris à ceux qui avaient donné de leur personne pour les former à ce dur métier.

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Ces satanés godasses me faisaient souffrir. Ça me rappelait le conte de la Petit Sirène. Je ne parle pas de version de Disney, mais bien du conte d’origine. Quand la sorcière des mers lui offre des jambes humaines, chaque pas pour être une torture. Comme danser sur des charbons ardents ou sur du verre, un truc comme. Ça lui fait mal, tout simplement. Eh bien, mes chaussures, c’est la même chose. Je sais que dès que je rentrerais de cette soirée, je les remiserais au fond de mon placard afin de les oublier à tout jamais. Je n’ai qu’une seule envie, là, tout de suite, c’est celle de les enlevé et de plonger mes pieds dans ma bassine à balnéo. Je ne sais pas si vous voyez de quoi je parle. C’est un pote qui m’a offert ce truc pour mon anniversaire, il y a deux ans je crois bien. Sur le moment, je l’ai regardé de travers en lui demandant s’il ne se foutait pas de moi, vu que là plus part des gens m’offraient des livres et lui, avec sa balnéo pour pieds … enfin, bref, sur le moment, je l’ai mal pris. Aussi mal prit que ma mère lorsque mon père lui avait offert un fer à repassé pour la fête des mères. Finalement, je l’ai testé et je peux vous dire qu’après une journée de travail de douze heures, c’est carrément le pied ! Enfin bref, c’est comme ça. Fichues godasses. Je peste silencieusement contre elles lorsque j’aperçois un visage amical et je me dirige aussitôt vers elle. « Encore ? » fais-je, en l’écoutant de ma parlé de Johnson. Celui-là, il faut toujours qu’il la ramène. Il m’énerve. Sincèrement. Elle me tend une coupe de champagne avant de me complimenter. Et de me demander comment je vais. « Merci, mais j’ai l’impression d’être déguisée ! C’est pas moi et ces chaussures, c’est un instrument de torture ! » pouffais-je, en sirotant ma coupe. « Et toi, ça va ? Ça te va bien cette couleur ! » lui dis-je, avec un sourire. Elle me demanda ensuite, sur le ton de la confidence, en avisant les internes, lequel, selon-moi, aller suivre les traces de Johnson. Je lorgnais aussitôt avec une grande rousse au visage austère. « Olivia ! » fis-je, entre mes dents. Cette fille était pire que les dix plaies d’Egypte. Je la détestais, pourtant elle ne m’avait rien fait, mais c’est physique, je n’y peux rien. Et je crois que c’est réciproque.

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