Samedi entre potes ▬ Nikita

Une prise de tête, encore. Ça serait mentir que de dire que Val passe son temps à se prendre la tête avec sa mère, mais proportionnellement avec me temps qu’il passe avec elle, le temps à le faire est assez élevé. Ce n’est pas bien de sa faute aussi, sa mère se tue à la tâche pour avoir de l’argent pour l’élever elle et sa sœur et Val le voit bien ça mais ce n’est pas pour autant qu’il reste le mec le plus poli. Il s’en veut souvent lorsque c’est le cas, c’est même toujours comme ça que ça se passe mais monsieur a une fierté à préserver alors forcément, il ne le dit pas, s’excuse rarement et ne lui dit jamais à quel point il l’aime et à quel point il est reconnaissant de tous les sacrifices qu’elle a dû faire depuis que le père de Val est en prison, depuis quelques années en somme. Sortant de chez lui en colère, il a juste eu le temps d’attraper un sac avec quelques affaires dedans et c’est tout. De toute façon il comptait sortir. Il doit voir un autre mec qu’il a rencontré il y a quelques temps. Val n’écoute pas les rumeurs, il la fait pourtant en ayant des aprioris sur lui mais finalement très rapidement il a constaté que ces rumeurs à la con n’étaient pas fondées. Val aurait dû faire dès le départ ce qu’il fait tout le temps : n’écouter personne et laisser une chance à tout le monde. Heureusement il l’a fait avec Nikita parce que c’est un chouette mec et que Val compte bien sur le fait de s’en faire un ami. Faut dire qu’ils ont certains points communs. Ils ne se sont pas racontés leurs vies, viennent à peine de se rencontrer et c’est pour ça qu’ils se voient ce soir, pour qu’ils puissent tous les deux parler en dehors de l’art même si l’art est une part importante de chacun d’eux. En tout cas en sortant de chez lui il souffle mais très vite oublie même la raison de cette prise de tête ; Sans doute c’est notes, c’est surtout ça la source du problème. Mais qu’importe, ça lui a suffisamment pris la tête ce soir, il ne veut pas forcément y repenser, pas dans l’immédiat en tout cas. Il aurait d’autre chat à fouetter et c’est tant mieux. Marchant dans la rue, il se grille une cigarette. Il ne s’est pas mis à fumer il y a longtemps mais comme beaucoup il est vite devenu accroc même s’il ne fume pas comme un pompier. Ecrasant donc le mégot en arrivant devant le bar ou Nikita et lui doivent se voir, il entra dans le bar mais Nikita ne semble pas encore être là. Ce n’est pas grave, il ne s’ennuie jamais. Faut dire en même temps qu’il ne sort jamais de chez lui les mains vide. Il y a toujours sur lui de quoi dessiner et si ce n’est pas le cas alors il a probablement un crayon pour le faire sur une serviette en papier. Sortant un petit carnet de croquis, Val se mit à dessiner au gré de ses envies, rien de bien formel pour l’instant. Finalement, il vit quelqu’un s’approcher de lui, levant les yeux il aperçut son pote. « Hey mec ça va ? » Demande-t-il en levant la main pour lui faire un check avant que ce dernier prenne la chaise devant lui. « Comment ça va depuis la dernière fois ? » La dernière fois remonte à peu, ils se croisent souvent dehors mais ne prennent jamais vraiment le temps de discuter avec insistance. Ça sera peut-être l’occasion ce soir du coup. .

Fatigue d’un soir, fatigue d’un jour, fatigue qui s’accumule au fil des années au fil des mois, au fil des jours et des heures. La fatigue dans tout ton corps, qui se reflète inlassablement dans tes yeux. T’es un gosse un peu trop fatigué, plombé par une vie qu’il veut parfaite, qu’il veut idéal. Mais ce n'est pas possible ça et tu t’en rend compte, parce que c’est comme ça, que tu te perds dans les effluves de nourriture asiatique, tu te perds dans les photos que tu prends et le livre où tu écris, t’es perdu dans cette vie dont tu ne veux pas, te tuant à la tâche, sortant quelques fois pour voir des amis ou exercer ton art, amis, pas nombreux, ceux qui se comptent sur les doigts de la main, parce que t’as peur, peur d’être abandonné, peur d’être une petite chose trop fragile, une chose qu’on regarde de travers, ou bien t’a peur d’être ce gars qu’on décrit à demi-mots, la violence incarnée, la douleur d’un décès, l’angoisse pour un père que tu aimes. T’es peut-être ce gars, un peu trop torturé par le fossé qu’il a creusé avec ses proches, ce gars fatigué d’exister et pourtant qui est toujours sur ses deux pieds, ce gars qui pense réellement à déménager, s’acheter une maison, vivre avec la tune qu’il a accumulée jusqu’à la fin de sa vie, t’y penses, sincèrement, encore et encore, t’y penses, t’es le gosse qui se perd dans ses photographies, qui sert des gens impatients tous les jours de l’année, jour de repos forcé du dimanche où tu te perds dans des fumées étrangères, des livres que tu lis, des films que tu regardes, t’endormant comme un pantin devant une télévision qui ne s’éteindra jamais seul.
Seul, c’est ce que t’es, gars qui traîne avec des gamins ayant des passions étranges et étrangères, le rouquin qui dessine et la blonde qui patine, comme une symphonie amusante de personnes qui se rencontrent et s’entrechoquent d’un seul mouvement. T’es en retard, encore, toujours, tu peux pas dire que tu l’as fait exprès, c’est faux, t’as quitté le travail trop tard c’est tout, parce qu’un client sur deux réclamait des biscuites, que t’étais le seul serveur ce soir-là, et que ta tête a presque tournée, trop de dépenses pour toi, gosse frêle et fragile. Les pas qui se dirigent presque seul, endroit du rendez-vous, pub que toi tu peux fréquenter, mais l’alcool ce n’est pas ce que tu préfères, tu veux de la vie, des gens, des jeux, c’est tout. Le rouquin n’est pas difficile à repérer, de toute façon tu commences à connaître ses expressions, son visage, les traits qui le dessinent, artiste jusque dans les nuances de son teint. « Salut Val. » Sourire fatigué, t’en peut plus, les cernes sous tes yeux et ton dos voûté, tu n’es qu’une arche en train de s’effondrer. Tu t’assois, devant lui, commandant un chocolat chaud qui risque surement de t’endormir plus qu’autre chose, mais tu t’en fous. « Rien n’a évolué, j'suis crevé, c’est tout, et toi ? » Sourcils qui se haussent, ça t’intéresse vraiment, peut-être que tu devrais faire psy’ tu gagnerais plus d’argent.

Il n’est pas arrivé en ville depuis des lustres et même si ça lui arrive de faire la fête, il n’a pas cherché à se faire trop de connaissances. Les amis de soirée c’est bien c’est cool mais peu de monde ne comprend sa passion, cette passion qui lui permet parfois de passer des journées entières seul à ne répondre de rien mis à part ses inspirations. Il peut passer pour le gars bizarre qui dessine alors que ce n’est pas le contexte. Il peut aussi passer pour le mec associable, ce qu’il n’est pas. Les on dit, ce n’est pas ce qui le dérange, les gens disent ce qu’ils veulent, ça ne le regarde pas. Ce soir il ne sera pas seul, une connaissance, un futur bon ami peut-être doit le rejoindre au bar. Ce qu’il partage avec lui c’est cette passion, pas la même, mais l’art. Lui prend des gens, des choses en photos tandis que lui essaye de les retranscrire à l’aide d’un crayon. Ça a été ça le premier sujet de discussion entre les deux jeunes. Si l’un ne peut sortir sans son objectif, l’autre c’est sans la mine de son crayon qu’il ne peut pas vivre. Ce sont des activités solitaires en générale, pourtant ce soir ils doivent se rejoindre, parler sans le moindre doute mais aussi prendre des photos ou dessiner. Parfois quand on reste trop seuls, on a besoin de cette présence. Ils ne parleront surement pas une fois lancés dans leurs fantaisies mais la présence d’une personne parfois aide à la créativité. Dessiner seul ne le dérange pas au contraire mais le faire à deux parfois, c’est agréable. Puis peut-être qu’ils pourront faire connaissance ce soir car finalement, ils ne connaissent pas grand-chose l’un de l’autre. « Ouais mec ça se voit, tu viens de finir de travailler ? » Ce n’est pas une insulte, juste une constatation et peut-être même de l’inquiétude de le voir avec une mine aussi fatiguée. « Moi ça va… » si on oublie les prises de tête précédentes avec sa mère mais il n’est pas là pour y penser « je mesuis pris la tête avec ma mère mais tu sais tant que j’ai un crayon dans la main, tout va ! » Plaisante-t-il avant de rentrer son croquis, une jeune femme de son école qu’il ne pense même pas que Nikita connait, dans son sac en compagnie de son crayon. « Tu veux boire quelque chose ? » Demande-t-il tout en faisant signe à une serveuse de venir prendre leurs commandes. Val ne peut pas boire au vu de son âge mais ce n’est pas pour autant qu’il souhaite se déshydrater. Il n’y a pas que l’alcool dans la vie même si en soirée Val ne se gêne pas pour boire n’importe quoi. « J’ai dessiné ça en t’attendant, t’en penses quoi ? » Il montre Prunille, pensant qu’il ne s’agisse que d’une inconnue. C’est rare qu’il demande un avis, même s’il sait qu’il a un certain talent, ce n’est pas pour autant qu’il attend des compliments ou quoi, il sait qu’avec Nikita il aura un avis constructif.