WEST&MICAH ▬ Don't believe everything hapiness says

Peut-être que mon paternel pensait que son propos n’était là qu’une banalité, mais me concernant, il me fit le plus grand bien de l’entendre me dire que nous aurions le temps, que j’aurais le temps de lui présenter ces animaux qui, avec le temps, étaient devenu mes amis, voire même mes confidents dans mes moments plus difficiles. Ainsi, de mon point de vue, il venait de me rassurer qu’il avait passé outre, ne serait-ce qu’un instant, de l’idée de repartir quelque part où je ne pourrais plus le voir pendant un moment, où je passerais tout ce temps à m’inquiéter qu’il ne revienne pas, comme je l’avais fait pendant près de dix ans maintenant. De ce fait, je ne savais que m’en montrer heureux, et mon bonheur ne fit que se décupler au moment où nous arrivâmes à la voiture, et que je laissai mon paternel la considérer, recevant son commentaire qui était, en mon sens, plutôt positif. Souriant doucement, je ne fis que lui dire:  « Je ne voulais pas te décevoir, alors j’en ai pris soin aussi bien que possible… » À la base, je n’étais pas aussi passionné par la mécanique que mon paternel, mais j’en avais appris suffisamment, par son intermédiaire, en autodidacte, pour m’assurer que la voiture restait en condition, et visiblement, je n’avais pas failli à ma tâche, ce qui eut pour effet de sitôt me rassurer. Après, je savais que je ne l’avais pas encore mise en marche, mais pour ce faire, je préférai attendre de voir ce que mon père allait me dire, là où il voulait aller. Dans un premier temps, quand il en vint à me parler du parc où nous passions du temps ensemble lorsque j’étais plus jeune, surtout pendant ses permissions, je restai quelque peu surpris, ne m’attendant clairement pas à cette réponse. Pourquoi celle-ci ne m’était pas venue à l’esprit ? Je ne saurais le dire en toute franchise, mais tentant de ne pas trop broncher et provoquer un malaise, je hochai quand même la tête, pour lui confirmer que oui, il existait toujours. Ce parc était tout simple, avec son étendue d’herbe, et les modules de jeux, modules pour lesquels j’étais trop grand maintenant, mais c’était là un détail à mon avis. Puis, tout devint plus clair à mes yeux quand il vint à renchérir, m’avouant qu’il ne reconnaissait plus grand-chose de la ville. C’est là que je compris que probablement, il ne pouvait que se fier à ses anciens repères, et qu’au fond, ce n’était pas une mauvaise chose qu’il en vienne à me parler du parc. Et pour cela, pour le bien de mon paternel, j’étais prêt à redevenir, en quelques sortes, ce gamin qu’il avait laissé derrière pendant neuf ans, et avec un sourire renouvelé, je lui répondis:  « D’accord, allons au parc. » Sans attendre plus longtemps, je m’installai du côté conducteur, laissant mon père prendre le côté passager. Peut-être que la chose la plus normale à faire aurait été de le laisser conduire, mais compte tenu qu’il m’avait dit ne plus trop se souvenir des lieux de la ville, je préférai prendre le volant, cette fois-ci, non sans penser à l’éventualité de le lui laisser à un autre moment et ce, avec grand plaisir. Lorsque nous fûmes tous les deux prêts, je mis le moteur en route, heureux qu’il se mette à gronder d’un seul coup, preuve du fait que la voiture fonctionnait toujours aussi bien que précédemment. Ensuite, je pris la route, direction le fameux parc, laissant un bref silence s’installer pendant un moment, silence pendant lequel je me décidai, au final, de prendre mon courage à deux mains, histoire de demander à mon père:  « Dis… Tu sais combien de temps tu vas rester à l’hôtel ? » Je marquai une pause, sachant ma question particulièrement vague pour le coup, puis ensuite, je vins à ajouter:  « Parce que si tu veux… J’ai une chambre de plus, là où j’habite maintenant… » Par contre, je m’arrêtai là, n’allant pas plus loin, attendant de voir ce qu’il me dirait, quelque peu nerveux de connaître sa réaction et sa réponse.

J'étais sûr que mon fils prenait soin de ce qui lui appartenait, alors, dans un sens, j'étais heureux de voir cette Camaro que j'avais tant apprécié entre ses mains, je lui faisais toute confiance, puis, de toute manière, il l'avait depuis des années, alors je n'allais clairement pas m'inquiéter maintenant alors qu'elle était toujours en état. Je ne dis alors rien quand il me dit qu'il ne voulait pas me décevoir. En soit, je ne serais jamais déçu par lui, même s'il me reniait -si cela arrive-, même s'il avait eu parfois ses crises quand il était gosse, je n'avais jamais pensé à mal, parce que, à chaque fois, je me disais qu'il avait ses raisons, bien à lui, et que personne ni rien ne lui enleverait, alors, très souvent, je le laissais faire, car j'avais confiance. Cela ne faisait pas de moi un père qui ne mettait pas de limite à son gamin, non, je lui en donnais des limites, mais tant qu'il ne les franchissait pas, je ne disais rien. Alors non, il ne pourrait me décevoir, et surtout pas pour cette voiture. Entre elle et ma famille, j'avais mes priorités.
Et ces priorités revenaient lorsqu'il m'avait demandé s'il y avait un endroit où je voulais aller. Je m'étais résolu au parc, depuis le jour où je m'étais rendu à mon ancien domicile, que je ne reconnaissais pas les alentours ni rien. Les changements de propriétaires de certains endroits où j'avais l'habitude d'aller. J'avais simplement fait table ras de mes repères dans la ville, certaines rues avaient vu le jour, beaucoup de lotissement, et voila qu'avec ça, j'étais comme un touriste perdu dans une ville beaucoup trop grande. Mais j'avais habité ici, alors était-ce vraiment normal d'etre ainsi ? Avec toutes ces années, je devais bien le reconnaitre que j'avais certainement oublié bon nombres de choses, que ma mémoire me jouait des tours, mais j'avais vraiment l'impression d'être un amnésique qui ne reconnaissait rien autour de lui.
Je m'installa dans la voiture, j'avais presque l'impression d'avoir tout rater de sa vie, et que maintenant , il emmenait son père sénile faire une balade. C'était exagéré je sais mais je le voyais ainsi. Je me mis à sourire légèrement lorsque j'entendis la voiture, ca confirmait bien qu'il savait ce qu'il faisait. Alors, durant la route, j'étais un peu dans mes pensées, en regardant la ville défiler devant moi, essayant de trouver certains souvenir de tout ça. Il m'arracha à ma rêverie avec une question qui me rappela à quel point j'étais encore en nomade ici... L'hôtel, c'était vraiment pas l'idéal mais bon... J'allai répondre, mais il continua, alors je me tus pour le laisser finir. Une chambre ? Je.. Euh.. J'étais mal à l'aise, c'etait inévitable. Ca me faisait encore pensé à cette image que j'avais eu précédemment, du fils promenant son père. « Je.. Je sais pas... J'ai encore de quoi tenir une semaine.. Je crois. Mais Micah, je veux pas te gêner. Je veux dire, ton père est déjà une source de probleme permanent, tu vas pas me proposer ça ... J'ai vraiment pas... Je veux pas t'embeter dans ta vie privé. » Je n'allais pas dire que j'avais vraiment pas envie de ça, car c'était faux, au fond, tout ce qui comptait quand j'etais dans cet avion pour les Etats Unis, c'était mon fils, ma femme.. Et mes parents -meme si je ne savais meme pas s'ils étaient encore vivants-. Je ne savais pas comment lui répondre autrement, j'avais provoquer tellement de soucis, en étant absent, en revenant comme ça ... alors je pensais que je ne pouvais pas abuser de sa gentillesse.

Au vu de l’attitude de mon père depuis nos retrouvailles, du type de conversation que nous avions depuis quelques minutes maintenant, je ne m’attendais pas à ce qu’il en vienne à me répondre sans hésiter qu’il acceptait ma proposition. J’étais conscient que c’était là une offre délicate, mais il n’en demeurait pas moins que me concernant, c’était une offre réfléchie. C’était une offre réfléchie depuis longtemps maintenant, à savoir depuis que j’avais pris possession de ce duplex et que je m’étais rendu compte que j’avais cette chambre pour laquelle je n’avais aucune utilité pour ma personne. Plus encore, j’avais même pensé à en faire autre chose qu’une chambre d’amis, préparer une chambre spécialement pour mes parents, si jamais ils venaient à rentrer à la maison un jour. Et même si cela impliquait que je ne serais plus seul, que je me retrouverais dans une situation qui allait nécessiter maintes adaptations, ça ne me faisait pas peur, parce que ça signifiait que c’était une situation où je retrouverais mes deux parents, que je pourrais les aider à mon tour, comme je me devais de le faire à mon avis. Par conséquent, je me sentirais beaucoup mieux de savoir que mon paternel était non loin de moi plutôt que dans un hôtel, d’autant plus que selon ses dires, il ne pourrait pas tenir bien longtemps. Pourquoi chercher un logement, difficilement choisi peut-être, alors qu’il pouvait en avoir un ici et maintenant ? Après, si jamais il voulait avoir son propre espace, parce que vivre avec son fils de vingt-cinq ans, ce n’était pas l’idéal non plus, je n’allais pas lui dire non, mais le temps de la transition entre sa vie que je ne connaissais pas et ici et maintenant, je ne voyais pas pourquoi il devrait se presser ou quelque chose dans le genre. Enfin, c’était là que mon avis, que ma vision des choses et clairement, je ne pouvais rien lui imposer. Par contre, je crus quand même bon de le rassurer aussi bien que possible, c’est-à-dire en lui secouant la tête dans un premier temps, puis en lui disant:  « Crois-moi, tu ne m’embêteras pas, loin de là. Je me sentirais mieux de savoir que tu as un endroit où vivre plutôt que d’être à l’hôtel… Et puis, je serai là pour t’aider si tu as besoin de quoi que ce soit, grand-père et grand-mère aussi… » Je ne pensais pas lui parler d’eux ici et maintenant, mais je m’étais emporté dans mon propos, ce qui m’obligea maintenant à ajouter:  « On s’est pris un duplex, tous les trois. Ils ont pris l’étage et moi j’ai le rez-de-chaussée. » Une fois que cette précision fut apportée toutefois, je n’en dis pas plus, me disant que j’aurais le temps de lui expliquer à quel point ils avaient été aidants et à quel point je leur étais reconnaissant pour tout ce qu’ils avaient fait et continuaient de faire pendant tout ce temps. À la place, je jugeai préférable de lui dire:  « Quoiqu’il en soit, ça ne t’oblige en rien, mais je ne veux pas que tu sentes que tu me déranges. Au contraire, il me ferait plaisir que tu viennes habiter avec moi, même si ce n’est que pour quelque temps. » Après tout, qui sait ce que son retour nous réservait, qui sait comment ma mère réagirait, si ça l’aiderait à aller mieux. Je savais que j’étais peut-être utopique, mais j’avais envie d’espérer, parce que finalement, mes espoirs avaient fini par payer, puisque j’étais désormais dans cette voiture avec mon paternel, alors que tous avaient dit que jamais je ne pourrais le revoir un jour.

Je regardais la ville défiler longuement alors que nous étions toujours en voiture. J'avais encore du mal à réaliser ce qu'il se passait réellement. Le fait de revoir mon fils, voir l'homme qu'il était devenu, savoir que ma femme n'allait pas bien du tout... Tout ça... Ca me semblait encore impossible à croire. J'avais simplement réussi ce que je voulais faire depuis des années. Rejoindre l'Amérique, retrouver les personnes que j'aime plus que tout et voir si cela marche une nouvelle fois, si ces derniers me pardonnent et autre.
Alors en soit, je ne m'attendais pas à me retrouver dans cette Camaro, mon fils au volant, en train de discuter, ou plutot à négocier le fait que je vienne vivre chez lui durant un moment. De ses mots sortirent des aveux, enfin... Je savais simplement que mes parents avaient pris soin de lui. J'étais à la fois soulagé et anxieux. J'avais toujours demandé à mon père de ne pas considérer Micah comme un petit soldat, comme il l'avait fait dans mon enfance, avec une certaine rigueur, et, bien qu'il était déjà grand lorsque je ne fus plus présent, maintenant, j'avais cette appréhension, j'espérais qu'il avait continué dans cette voie là, et qu'il n'était pas le grand père stéréotypé dur et fort du modèle américain. « Je vois... Ils vont bien? » Au final, je m'inquiétais malgré tout pour eux, ce sont mes parents, c'est normal après tout.
Je soupirais un peu. Je ne savais que faire. Est-ce que je devais venir chez lui et perturbait ses habitudes ? J'étais décontenancé sur le coup et cela ne me mettait franchement pas à l'aise. « Je vais... Envisager la chose alors. Tu es sûr de toi ? » A vrai dire, il y avait aussi une part de fierté dans tout ça. Je n'avais pas envie que mon fils m'aide... Même si dans un même temps, cela me faisait aussi grand plaisir. Je baissais la tête légèrement, réfléchissant au pour et au contre. Dans ma tête il y avait plus de contre qu'autre chose, mais dans ma petite liste, il y avait surtout le point 'faire plaisir à son fils' . Alors, ce dernier point pesait plus que tout autre chose, et cela fit pencher la balance. J'avais du prendre un petit temps avant de répondre, un peu perdu :« D'accord... Mais dès que je peux prendre quelque chose d'habitable, je te laisserai de nouveau avoir ton intimité. » Parce que je me disais que c'était un point primordial. Et que je me devais de le laisser souffler. Je ne me rendais peut etre pas compte qu'il n'était plus un adolescent, et que j'avais disparu pendant une decennie... Je réagissais comme un père qui voulait vraiment que son enfant soit bien car ce dernier avait été materné bien trop, et que maintenant, il prenait son envol. Mais ce n'était aucunement le cas, et, peut etre qu'au contraire... Il cherchait à retrouver son père comme autrefois.

Je ne l’admis pas à haute voix, je n’eus même pas de réaction trahissant quoi que ce soit de ce côté, mais je fus quand même content que mon paternel réagisse quand j’en étais venu à parler de ses propres parents. Pas tant parce que je craignais qu’il en vienne à complètement les oublier ou ne veuille plus leur parler de quelconque façon, mais parce que je me rendais compte que petit à petit, il reprenait contact avec sa réalité d’antan, sans sembler totalement paniqué. Après, peut-être étais-je en train de me tromper, peut-être qu’il ne voulait pas me montrer ce qu’il ressentait vraiment pour ne pas me faire paniquer pendant que j’étais en train de conduire, mais préférant ne pas insister, je me contentai de simplement répondre à sa question en hochant positivement la tête. J’aurais très bien pu ajouter quelques détails, mais j’avais choisi de ne pas le faire. Premièrement, ces détails auraient été que banalités dans la situation présente, puisque des choses que mon père pourrait apprendre plus tard sans qu’on ait l’impression qu’on ne l’avait pas mis au courant de quelque chose. De plus, même si j’adorais mes grands-parents, que je leur étais éternellement reconnaissant de tout ce qu’ils avaient fait pour moi et que je ne pourrais jamais les mettre de côté de quelconque façon, il n’en demeurait pas moins que là, tout de suite, ce que je voulais qu’il retienne de la discussion, c’était que je voulais bien l’héberger et lui venir en aide afin qu’il puisse s’adapter à son retour à la vie normale, ou à peu près normale du moins. C’était ça surtout que j’attendais de sa part, si oui ou non, il voulait bien venir squatter cette chambre de libre, cette chambre que je voulais sienne, comme bien souvent je l’avais imaginé, espéré surtout. Au bout du compte, je n’eus pas une réponse précise, mais j’eus quand même un propos plus encourageant qu’un refus de sa part. Me disant que je pouvais faire avec, je souris doucement, puis à sa nouvelle question, je répondis, de vive voix cette fois-ci:  « Je suis plus que sûr, papa. Je ne me vois pas héberger qui d’autre que toi… » Toi ou maman, voilà ce que j’aurais peut-être dû ajouter, mais ça, ce n’était pas encore chose faite. Je ne savais pas si je me sentais parfaitement à l’aise de tenir un propos de la sorte, et puis, je ne voulais pas en mettre trop dans sa tête pour le moment, lui donnant le temps de réfléchir à ce qu’il allait faire. Combien de temps faudrait-il pour qu’il pense à tout cela ? Un jour, deux jours ? Une semaine ? Non, que quelques secondes, au bout du compte; rapidement, encore plus que je ne l’aurais cru. Bon d’accord, il ne me servit pas une réponse tout à fait convaincante, mais de mon côté, c’était bien suffisant pour me satisfaire. Alors sans me faire prier, je lui servis un large sourire, lui disant simplement:  « Prends tout le temps dont tu as besoin. » Je ne me vis pas à ce moment lui avouer que j’avais terriblement souffert de son absence, si bien que même si j’approchais ma vingt-sixième année de vie, je ne me voyais pas tant être totalement indépendant alors que je pouvais le revoir à tous les jours et partager mon quotidien avec lui. Je ne voulais pas me montrer envahissant non plus, ayant bien compris que cette situation était bien délicate. Déjà, qu’il accepte de venir s’installer à mon logement plutôt que de retourner à l’hôtel, c’était déjà beaucoup, et je me devais de faire avec. De toute façon, je n’aurais pas eu le temps d’argumenter tant plus longtemps, puisqu’alors que je ralentissais pour me garer dans un parking non loin du parc qui se trouvait à être notre destination, je jugeai préférable de lui annoncer:  « Nous sommes arrivés. » Sur ces mots, je coupai le contact du véhicule, mais je n’en sortis pas tout de suite, attendant de voir la réaction de mon paternel avant de faire quoi que ce soit.

Depuis le début de la journée, depuis que je m'étais décidé à aller voir mon fils, je me limitais dans mes paroles, dans mes gestes et autres. J'essayais de garder une certaine contenance, me disant que c'était pour mon bien et pour le sien d'autre part. De ce fait, lorsqu'il m'avait simplement proposer de venir habiter chez lui, j'affichais un petit moment d'hésitation. Après tout mon gamin n'en était plus un, et pour moi, je le generai plus qu'autre chose. Même si mes parents étaient aussi dans le batiment, il n'en demeurait pas moins que cela me gêné. Alors oui j'avais accepté, parce que je ne souhaitais aucunement qu'il croit que son offre ne m'interessait pas, ou bien même que je ne souhaitais pas plus le voir ou quelque chose du genre parce que c'était complétement faux, mais je ne me voyais pas le lui dire ainsi. Puis simplement l'entendre m'appeler Papa, malgré les nombreuses années d'absences, c'était une chose immense. Lorsque j'étais jeune, je voyais simplement la chance que j'avais eu de fonder une famille, avec la femme que j'aime par dessus tout. Je n'avais compris que bien plus tard qu'être père était aussi prenant, et que ne pas voir son enfant, ne pas savoir ce qu'il fait, ne pas le voir grandir, devenir autonome, était la pire des tortures que j'eus à subir et j'espérais ne plus devoir y faire face. Je l'écoutais me dire qu'il était sûr de vouloir m'héberger. Qu'avais-je donc à dire ? Pas grand chose pour le coup. « J'ai encore une nuit de payée donc ça me laissera le temps de rassembler mes affaires... » Je fis un petit sourire timide alors que nous arrivions. Je n'avais pas franchement beaucoup d'affaire. Juste des habits pour une semaine, le plus que je possedais, c'était des carnets, des carnets remplis de texte gribouillé, des semblants de lettre, sans en avoir l'air. Des écrits que j'avais fait pour me sentir plus leger sur l'autre continent. Je ne voulais pas les jeter, parce bien souvent, je m'adressais à ma femme, et a mon fils, souvent dans un desespoir de ne plus les revoir, et que je n'avais pas envie d'oublier ces passages, me dire que j'avais reussis, et que là, j'étais avec Micah, et que rien que ça, c'était une des plus belles choses pouvant m'arriver.
J'hocha la tête lorsqu'il annonça que nous étions arrivés. Je l'avais remarqué, mais je n'en dis rien. Je restais un peu là, comme ça, à regarder. Mais au final, je sentais un malaise. Envers moi-même, envers le fait que je me contenais, faisant comme ci peu de chose m'affectait « Micah. Je suis vraiment heureux de te revoir... Je... J'ai pas arreté de penser à toi et à ta mère. Tu as étais mon ancrage mon grand. Pour pas devenir dingue... » Peut-etre n'etait-ce pas la meilleure chose à dire, mais je ne voulais plus jouer l'ex militaire, toujours droit. J'avais mes faiblesses, et je sentais qu'il fallait que je me libère de tout ça. Mais rapidement, un peu trop même, je corrigeais le tir d'une certaine manière : « Oh.. Oublie ça... Les divagations d'un vieux mec. » Alors que j'ouvrais simplement la portière pour sortir.

Alors que dans un premier temps, mon père semblait tout sauf enclin à accepter ma proposition, il parut soudainement dire oui à l’idée de venir vivre chez moi et plus encore, son propos laissait sous-entendre qu’il pourrait venir dès le lendemain, le temps de prendre ses affaires et boucler son compte à l’hôtel. Je savais que toute cette transition était fort probablement temporaire, mais je m’en moquais. Là, j’étais juste ravi qu’il ait accepté, ravi de pouvoir l’aider à se réinstaller, retomber sur ses pieds à ma façon. Je savais que peut-être ça ne changerait pas tout, peut-être que ça ne viendrait pas régler certaines choses dont je n’étais peut-être même pas encore au courant, mais si je pouvais faire ma part, alors j’en serais plus qu’heureux. J’estimais que c’était mon devoir du coup, de l’aider autant que possible, comme moi il avait su m’aider par sa présence, même si parfois, il était loin. C’était le juste retour des choses, c’était ce qu’un fils devait faire pour son père à mon avis. Après, je ne pourrais jamais m’imposer, alors si jamais il avait refusé, je n’aurais pas su faire autrement que de me montrer compréhensif. Sauf que là, ce n’était pas le cas, et ça me soulageait à un point que je me demandais si tout cela était vraiment réel. Pour la première fois en presque dix ans, je me sentais incroyablement serein concernant mon paternel, même dans mes rêves, même dans mes pensées les plus optimistes. C’était à croire que c’était un rêve, un rêve dont je ne voulais certainement pas me réveiller. Et parce que je ne voulais pas me réveiller, je n’osai pas parlé, sauf pour lui annoncer que nous étions arrivés à ce fameux parc où souvent nous nous étions rendus par le passé, bien souvent le dernier jour de sa permission, là où il me demandait de prendre soin de maman, où nous passions du temps pour une dernière fois, avant qu’il parte pour plusieurs mois. Décidément, le parc me rappelait de bon souvenirs, même si là, c’était source de nostalgie, et pas que pour moi, mais aussi pour mon paternel qui, visiblement, ne trouvait même pas le courage de sortir de la voiture, se perdant dans des propos qui, sans que je ne puisse le contrôler, vinrent me rendre particulièrement ému. Pinçant les lèvres pour éviter d’avoir les larmes aux yeux, je l’écoutai jusqu’au bout sans pouvoir l’arrêter, sans pouvoir lui répondre non plus à la fin de ceux-ci, lui donnant l’occasion de sembler passer outre ses propos pour sortir de la voiture. Mais sachant très bien que je ne pouvais pas faire comme s’il n’avait rien dit, d’autant plus que ça m’était allé droit au coeur, je sortis de la voiture également, puis je me précipitai en sa direction, afin de le prendre dans mes bras à nouveau. Pas aussi fort que précédemment, simplement pour lui apporter du réconfort, et m’en apporter par la même occasion, je n’allais pas le nier. Puis, quand je sentis que j’avais le courage de le faire, je dis:  « Je suis content de te voir aussi… » Je laissai l’étreinte se prolonger encore quelque peu, sans ajouter quoi que ce soit, histoire de ne pas le mettre dans l’embarras non plus avec tout ça.

Je ne pouvais pas dire que cette journée se passait bien, ni même qu'elle se passait mal, car en soit, il y avait le lot de noir et le lot de blanc, et je n'avais absolument rien prévu, de ce fait c'était difficile de définir si je me sentais bien ou pas. J'etais surtout perdu, décontenancé. Retrouver son fils, son sang, sa chair après neuf années... Comment ne pas être dans mon état. Et encore... Je ne m'étais pas permis de pleurer, bien que j'en mourrais d'envie. Savoir que c'était réel, que je l'avais retrouvé, que j'étais vraiment rentré. Jusqu'a maintenant, j'étais dans une bulle, loin de tout, mais cette proximité avec Micah me montrait la véracité des faits actuels et que tout était vrai. Dans un sens, cela me rassurait grandement, et cela me confirmait que toutes ces années à travailler apres ma détention n'avaient pas été vaines et qu'au final, je devais énormément aux gens m'ayant aidé -consciemment ou non- . Je leur devais un retour à une vie plus stable, et avec ceux que j'aimais.
De ce fait, j'avais avouer sa grande importance durant mon absence à mon fils, ce que je regrettais déjà, puisque pour le moment, il n'avait pas besoin de ça... Enfin, je devais certainement etre la figure paternelle solide, et donc, je retirais mes propos, bien que je les pensais réellement, sortant de la voiture après tout ça, ne me sentant toujours pas vraiment à l'aise. J'avais eu besoin de l'affirmer, qu'il ne pense pas que j'arrive le voir parce que l'envie me prenait, comme ça, comme si rien ne s'était passé, parce que c'était completement faux. Je refermais la portière, soupirant un peu avant de voir de nouveau mon fils revenir contre moi. Je ne me plaignais absolument pas, le serrant encore une fois, me disant qu'en effet, je ne revais pas, comme j'avais pu le faire ces dernières semaines, bien que mes rêves ressemblaient plus à des cauchemars, car toutes les retrouvailles que j'imaginais finisse mal, soit débordant de rage, de haine, de tristesse. Mais là il n'en était rien. J'éprouvais une grande gratitude envers la secrétaire militaire m'ayant poussé à passer le cap, à essayer de retrouver mes proches.
Au bout d'un moment, je relachais notre étreinte, signifiant d'un geste de la tête qu'on était venu là pour y faire un tour, ou au moins, faire quelque chose à deux, de sorte à ce qu'il n'avait pas prit sa journée pour finalement pas grand chose. Je marchais donc, l'attendant, pour aller à son rythme -bien que je suppose qu'il se calait plutot au mien, puisqu'avant j'avais l'habitude de marcher vite, et ce n'était plus le cas à présent-. « Alors, mis à part ça... Qu'est-ce que tu deviens ? » Cela pouvait paraitre etre une question banale, mais je m'en souciais réellement, et je ne savais pas comment tourner la question, alors, je l'avais simplement posé de la plus simple des manières, peut-etre n'etait-ce pas la meilleure mais sur le moment, je ne me posais pas vraiment la question. Je voulais savoir ce qu'il faisait en ce moment, bien que j'avais déjà vu ce qu'il faisait avec les animaux, et que cela m'avait rendu très fier de lui...

Bien que cela me faisait le plus grand bien d’étreindre mon paternel de nouveau, en des circonstances moins survoltées, juste nous deux, sans que qui que ce soit vienne nous déranger, je ne fis pas exprès de la faire durer éternellement non plus, refusant qu’il vienne à trouver que j’abusais ou un truc du genre. L’accolade père-fils dura le temps nécessaire pour que je lui montre mon affection, que je lui montre que si je lui disais que j’étais content de le revoir, ce n’était pas tant parce que je voulais être poli ou bien paraître, mais parce que je le pensais vraiment, parce que j’étais heureux comme rarement je l’avais été de le revoir. Mais une fois que ce fut chose faite, je me décalai, nous donnant ainsi l’occasion de nous éloigner de la voiture - de laquelle j’avais verrouillé les portières, évidemment - et de marcher tranquillement en direction du parc. Pendant que nous progressions davantage en direction de celui-ci, mon père en vint à me poser une question qui, aux premiers abords, paraissait bien banale, mais qui, pour le coup, me laissa quelque peu perplexe, me rendant compte qu’il y avait beaucoup de temps qui s’était écoulé et que pourtant, comme ça, dans un temps limité, je ne savais pas quoi lui dire, comme s’il n’y avait rien d’intéressant à lui dire. Bon d’accord, j’aurais toujours l’option de lui relater tous les détails de ma vie depuis son départ, mais ce serait trop long, et je ne m’en souvenais pas, pas en entier en tout cas. Soupirant discrètement pour qu’il ne le voie pas, ce ne fut pas d’un ton bien convaincu que je finis par lui répondre:  « Oh et bien… J’ai terminé le lycée, puis j’ai suivi une formation pour devenir soigneur animalier. » J’avais pris la décision de ne pas lui parler de cette période où je n’avais pas fait d’études, histoire de subvenir à mes besoins, l’aide de mes grands-parents et tout ce qui venait avec, estimant que je pourrais tout lui expliquer à un autre moment, que nous avions du temps maintenant, surtout si on venait à habiter ensemble. Et justement, parce qu’il serait certainement plus au courant de mon quotidien s’il vivait sous mon toit, je crus quand même bon de lui mentionner:  « Ça fait deux ans que je travaille comme dresseur, donc c’est pas mal mon quotidien. Et pendant mes jours de congé, je vais visiter maman… » En mon sens, même si peut-être, c’était un peu rapide, il fallait qu’il le sache, considérant que je n’allais pas cesser d’aller la visiter pour autant, même si pour sûr, ce serait bien différent. Mais comment ? Sans que je le veuille vraiment, la question vint à me chicoter, à savoir si je devrais lui annoncer que papa était revenu, ou bien il allait lui rendre visite lui-même. Hésitant, je pensai pendant un instant à lui poser la question, puis je me ravisai, mais ce ne fut pas de la façon la plus naturelle qui soit que je le fis, puisque ce fut dans un rire nerveux que j’ajoutai:  « Oh et puis… J’ai un chiot à la maison, que j’entraîne pour devenir chien-guide pour les aveugles. » Je terminai mon propos par un petit sourire déjà un peu plus convaincu, mais je ne m’osai pas à ajouter quoi que ce soit, attendant de voir si j’en avais suffisamment, ou peut-être même trop dit dans certains cas.

Je marchais à ses côtés malgré ma jambe qui s'élancait à quelques reprises. Je ne disais rien, puisque je n'avais pas à m'en plaindre, et ceux depuis longtemps. Puisque j'étais avec mon fils, puisque cette journée me paraissait presque irréel, je restais simplement attentif, en espérant simplement que tout ça n'était pas le fruit de mon imagination. Enfin, je supposais que cela ne l'était pas, car sinon, Arielle ne serait certainement pas là où elle se trouve désormais, mais elle serait avec nous en ce moment. Voila comment, je pouvais définir que tout cela était vrai. Je regardais donc les environs, voyant bien que même le parc avait changé, mais ce n'était pas vraiment pour me déplaire. Il fallait que j'apprécie le changement, parce qu'au fond, tout avait changé. Les lieux où j'avais vécu, les gens, et moi aussi, j'avais fort changé, et c'était on ne peut plus normal en près de dix années. On pouvait me trouver plus froid, plus distant, plus méfiant, et avec tout ce que j'avais vécu, et ce que peu de personnes savaient à ce sujet faisait qu'ils ne comprenaient pas toujours comment je pouvais réagir à présent. Alors j'essayais de ne pas me montrer sous un autre angle avec Micah, de peur que cela le perturbe, que cela le blesse, mais parfois, je ne pouvais faire autrement, dix ans, ce n'était pas rien, j'aurais pu abandonner tout espoir comme la vieille femme m'ayant sauvé m'avait conseillé de faire, j'aurais pu rester en Afrique, refaire ma vie, mais non, je ne l'avais pas fais, et cela m'avait fait certainement bien plus mal, car l'attente de retrouver ma famille, ma femme, mon fils, était horrible et douloureuse. De ce fait, je n'avais pas pu m'empecher de savoir ce qu'il était devenu, car je ne pouvais pas fermer les yeux sur le fait que je n'avais pu etre là pour lui. Ce n'était pas une manière de me rattraper, loin de là, mais c'était plus une manière de voir qu'il avait été fort malgré tout, malgré le fait que sa mère n'avait plus était la même et qu'il avait du certainement se débrouiller. Je l'écoutais donc, sans faire de jugement ou quelconque commentaire. Je baissais les yeux, faisant genre de regarder où je marchais lorsqu'il parla de ses congés. Arielle devait sûrement être contente de le voir aussi souvent, je ne pense pas que tout le monde aurait fait cela, même pour sa mère. Je n'osais poser cette question qui me taraudait. Ma femme était ainsi depuis combien de temps ? Ca je ne le savait pas vraiment. Mais je n'allais pas poser la question pour autant, ne prenant pas le risque de lui faire du mal intentionnellement avec ça. Je passais surtout sur son dernier propos souriant longuement. « Un chiot ? Guide ? Et bien, tu es plein de ressources dis donc. » Ca m'épatait qu'il puisse s'occuper de l'éducation d'un chien avec son travail, ses visites et autre, ils devaient être bien occupé ceci dit. Ce n'était pas plus mal au fond j'imaginais. « Tant que tu te plais dans ce que tu entreprends, alors je suis content. » Mais je me retrouvais limité en terme de discussion. Comment parler à quelqu'un avec un si long temps de blanc entre nous ? Ca me bloquait un peu. Pire. Je me sentais presque coupable d'etre rester si longtemps loin d'ici. Alors que j'avais fais au mieux. Mais c'était impossible, pour moi, c'était aussi en partie de ma faute, et je n'arrivais pas à me retirer ça de la tête. « Je ne vais pas plus t'embeter avec mes questions. On va simplement profiter de cette journée mmh ?»