Cours (très) particulier | Noäm & Bran

bran ∞ noäm

Noäm avait toujours été un bon élève. La communication était un domaine qui lui plaisait et qui semblait presque fait pour lui. Il avait effectivement de grandes capacités sociales, était agréable et savait profiter de sa petite tête d’ange pour obtenir ce qu’il souhaitait. Il avait fait plusieurs stages et était capable de travailler rapidement mais aussi de se concentrer plus longuement sur une même tâche, lui qui perdait parfois le nord en cours. Ses professeurs étaient en général contents de lui mais l’avis qui l’importait le plus, c’était celui de Monsieur Carter. Ah, Monsieur Carter… Un professeur qu’il côtoyait depuis l’année dernière et dont il était raide dingue. Comment ne pas l’être ? Imaginez donc la tête de Noäm quand, à la découverte de son emploi du temps, il avait vu que cette année, il aurait le double d’heures avec Monsieur Carter. Il aurait pu sauter de joie ! Lui, c’était à peu près tout ce qui l’intéressait. Peu importait les horaires avantageux ou non, du moment qu’il pouvait le regarder… L’admirer, l’écouter, lui parler. Double bonus : grâce à son nouveau travail à la cafétéria, il avait parfois l’occasion de lui servir son repas ou autre chose. Ca n’avait pas de prix. Oui, il en fallait assez peu à Noäm pour être heureux.
Malgré tout ça, il commençait à mal vivre son amour secret. A vouloir le partager. Depuis peu le traumatisme de son accident revenait à la charge et souvent il se répétait que la vie était trop courte, qu’il fallait oser sans avoir peur au risque de passer à côté de quelque chose d’énorme. Alors cette année c’était certain : il avouerait son amour à Bran. Quand exactement, il ne savait pas trop… Chaque fois qu’il le voyait, le blondinet se disait « demain », ainsi de suite. Mais il ne désespérait pas, il lui restait encore plein de mois pour tenter sa chance.
Et pour ça, il avait un plan. Le voir dans l’enceinte de l’université le bloquait totalement, alors il fallait le rencontrer en terrain neutre. Sa petite stratégie avait d’ailleurs payé car ce soir : ils avaient rendez-vous au Starbucks ! Ne vous emballez pas, c’était pour un cours particulier. Mais c’était déjà un excellent début ! En effet, Noäm, habituellement si bon élève, avait magistralement – et intentionnellement – raté son interro. Alors Monsieur Carter lui avait demandé ce qu’il s’était passé, et le blond lui avait sorti tout un mensonge. Qu’il n’arrivait pas à suivre en ce début d’année, à cause de son boulot, du fait de ne plus vivre chez ses parents… Enfin bref, du mytho pur et simple – mais pour la bonne cause.

Il était un peu stressé par ce rendez-vous. Premièrement parce qu’il n’avait pas vraiment besoin d’un cours et que Bran pourrait s’en rendre compte à tout moment mais aussi parce que le professeur l’intimidait. Noäm n’était en rien timide avec les hommes, il n’hésitait pas à draguer quelqu’un, à lui faire des avances, mais pour ce qui était d’avouer des vrais sentiments, c’était autre chose. Et puis, il restait son professeur. Celui qu’il ne connaissait pas vraiment. Le blond avait un peu peur d’être tombé amoureux d’une belle gueule, si ça se trouve, Bran était un connard sans nom.

En retard. Comment pouvait-il être en retard à un rendez-vous pareil ?! Celui qu’il attendait depuis des mois ! C’était trop de pression. Beaucoup trop de pression. Il arriva au café après avoir couru comme un malade pour rattraper les précieuses minutes déjà évaporées dans l’air. Il s’arrêta juste devant l’enseigne pour reprendre son souffle puis poussa la porte pour y retrouver son professeur adoré. « Bonsoir m’sieur ! J’suis… j’suis désolé, je suis un peu en retard. Mon bus a jugé qu’il ne voudrait pas passer aujourd’hui alors j’ai dû faire le trajet à pieds. » Il s’assit près de lui, tout content. Mais stressé, aussi. Il sortit ses affaires. « Voilà, j’suis prêt à travailler ! C’est vraiment gentil d’avoir proposé un cours particulier, j’aurais jamais osé demander je crois. J’voulais pas déranger. »

bran ∞ noäm

Bon dieu qu’il était beau. Et gentil. Et beau. Merde. Ce rendez-vous était une très mauvaise idée, il allait rougir à la moindre phrase qu’il jugerait déplacée et son prof le grillerait en un rien de deux. Il n’avait jamais eu une aussi belle occasion, ne l’avait même jamais vu d’aussi près pendant autant de temps. A cet instant, Noäm souhaitait n’avoir jamais suivi ces études, n’être pas son élève pour pouvoir lui faire la déclaration du siècle. D’un autre côté… S’il avait suivi une autre voie, probablement n’aurait-il jamais rencontré Monsieur Carter et ç’aurait été le drame de sa vie. Enfin bref. Il s’installa enfin et passa une main dans ses cheveux pour les remettre rapidement en place. « Vingt minutes, ça va. J’aurais pu faire plus pour v… me remettre à niveau. » Première bourde. Elle serait sûrement suivie par beaucoup d’autres, il en était certain. D’un autre côté, est-ce que ça serait si mal que ça, de trahir ses sentiments ? Il se cacherait derrière cette bêtise, comme si sa langue avait fourché et serait enfin libéré d’un certain poids. A méditer.
Noäm avait préparé ce cours particulier. Il avait regardé dans son cours et en avait sorti quelques notions qu’il ferait exprès de ne pas comprendre. Ca n’était pas bien de mentir et il était le premier à le dire mais il y avait parfois des cas extrêmes ! Peut-être que Noäm privait de leur professeur ceux qui en avaient vraiment besoin et dans cette optique-là on pouvait penser que c’était très égoïste, mais l’amour, vous savez… Il allait donc tout naturellement répondre à la question de son prof mais ce dernier enchaîna sur autre chose, choisissant de jouer le psy. Omg, c’était l’occasion parfaite, il était obligé de sauter dessus – sur l’occasion hein, pas sur Monsieur Carter.

Mais avant cela, un serveur vint prendre sa commande. Ceux-là, toujours à l’affût de la moindre personne qui se place à une table sans avoir de verre dans les mains. Pour ne pas se taper la honte devant Bran, il commanda un café avec du lait. Oui, il n’aimait pas le café… Parce que Noäm c’était encore un gamin et qu’il buvait du chocolat chaud avec plaisir, mais on ne séduisait pas un homme avec du chocolat chaud ! Tant pis s’il laissait sa boisson refroidir sur un coin de la table, ce n’était de toute façon pas une grosse perte. « Vous avez vu juste Monsieur. J’ai peut-être plusieurs choses dans la tête en ce moment. » Vous. Vous. Rien que vous. « J’ai déménagé il y a peu et j’ai dû prendre un boulot pour le loyer. C’est bizarre de quitter ses parents après autant de temps chez eux. » Mais il faisait de son mieux pour que la cohabitation se passe au mieux avec Ryan. Noäm se mordit finalement la lèvre. « Mais ce qui me perturbe le plus, je pense… C’est un homme. J’devrais peut-être pas vous dire ça, mais j’en pince pour quelqu’un et sachant que c’est impossible, je crois que ça m'empêche d’être au top dans les cours. »

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Bran lui tendait une perche tellement énorme qu’il était difficile de ne pas la saisir. Sans savoir qu’il était l’heureux élu de son cœur, le professeur commença à lui expliquer qu’il n’y avait rien d’impossible en amour et qu’on ne pouvait jamais savoir avant d’essayer. Essayer… Sauf que dans son cas bien particulier, c’était risqué, d’essayer. Si Bran se sentait outré, ou gêné, ou quelque chose du genre et qu’il allait voir le doyen de la fac, alors Noäm pourrait avoir des ennuis. Pour autant l’homme n’avait pas l’air d’être méchant au point de faire un truc du genre… Mais ce n’était pas le seul risque, à vrai dire. Et si Bran se moquait simplement de lui ? S’il riait à gorge déployée ? Ce serait peut-être pire. Parce que Noäm n’était encore qu’un gamin, lui c’était un adulte. Et peut-être bien hétéro d’ailleurs. Comme c’était bien de son professeur qu’il s’agissait, le blond n’écouta pas ses excuses et continua sur leur lancée, sur ce même sujet. Il espérait qu’à la fin de cette conversation Bran serait au courant de ses sentiments même si ça lui nouait le ventre actuellement. « Ca me paraît difficile de tourner la page quand je vois la personne en question pratiquement tous les jours… » Un indice de plus. Tout petit indice car Bran allait probablement songer à quelqu’un de sa promotion, et non pas à lui-même.
Noäm se mordit la lèvre, ne se sentant vraiment pas bien soudainement. C’était la chance de sa vie, probablement la dernière fois qu’il serait en tête à tête avec Bran, sans avoir peur qu’on ne les dérange. Et puis, il se prendrait un râteau une bonne fois pour toutes et pourrait enfin passer à autre chose, comme venait de le dire son professeur. Ce serait forcément difficile mais ce serait également un mal pour un bien, ce n’était pas bon de se bercer d’illusions.

On apporta la commande à Noäm. Du café. Beurk. Il remercia toutefois le serveur et passa ses mains sur la tasse pour les réchauffer un peu. Le temps n’était plus aussi clément dehors, il s’était même mis à pleuvoir il y a quelques minutes. « En fait c’est vraiment compliqué. Parfois je me trouve déterminé à tout lui dire et une fois devant lui j’suis comme… totalement intimidé. Y’a rien qui sort. Ca vous est déjà arrivé ? » demanda le jeune homme sans aucune gêne. « Lui c’est un homme. Moi je suis encore un gamin, alors pas sûr que ça l’intéresse de toute façon… »

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Le visage de Bran en disait long sur ce qu’il pensait. S’il ne le disait pas clairement, il avait l’air de comprendre petit à petit les sous-entendus de Noäm. Avec un peu de chance, le blondinet n’aurait pas besoin de le dire de vive voix... Maintenant il était trop tard pour reculer parce que de toute façon, le professeur comprendrait tout autant s’il fuyait soudainement. Ah, tu parles d’un cours ! Ils étaient là depuis dix minutes et ils n’avaient même pas parlé une fois de droit et encore moins de médias. « Baaaah… » Lui qui s’était montré bien courageux et sûr de lui ces dernières minutes semblait se décomposer sur place. Tout cet aplomb s’en était allé pour laisser place à une trouille monstre. Le pauvre Noäm s’était coincé tout seul… Il regarda à droite, à gauche, cherchant le meilleur moyen de regagner la sortie en courant quand il aurait enfin avoué la vérité à son professeur. Il ne savait pas trop à quoi s’attendre. Le blond imaginait tous les scénarios possibles sauf celui où son amour était partagé. Parce que clairement c’était impossible. Et même si c’était le cas, Bran était un adulte, il connaissait les risques et les interdits, donc il y avait assez peu de chance qu’il cède à des pulsions de ce genre.

Le silence commençait à être long et clairement gênant. Ca aussi c’était une sorte d’aveu au final. Ca, et le rouge qui lui était monté aux joues. « Je sais pas comment dire ça. Au fond je pense que vous avez très bien compris ce que je voulais dire… » Il allait réellement faire une crise cardiaque. Ca devait être la première fois que Noäm avouait ses sentiments. On pouvait facilement comprendre pourquoi il n’avait jamais rien dit à Max quand il était tombé sous son charme, quand on voyait l’état dans lequel ça le mettait… « C’est de vous que je… que je parle. C’est vous que j’aime, Monsieur Carter. Depuis que j’vous ai vu. » Il s’était attendu à un immense soulagement après avoir dit un truc pareil mais pas du tout en réalité. Noäm se sentait oppressé, il avait l’impression de suffoquer. Le regard fuyant, il s’apprêtait déjà à ramasser ses affaires pour s’en aller. « Désolé… »