Haley & Levi ▬ What doesn't kill you makes you stronger

Je n’avais pas de doutes sur le fait qu’elle était sérieuse de ses démarches. Autrement, jamais elle n’aurait fait toutes ces démarches, rempli ces paperasses qui exigeaient une certaine rigueur, un certain sérieux. Connaissant ma fille et la maturité dont elle était capable de faire preuve, je savais qu’elle n’avait pas fait ça pour le plaisir, et aussi parce qu’elle y avait réfléchi, que ce n’était pas quelque chose de fait sur un coup de tête. Mais dans ma tête, là, tout de suite, c’était comme si ce n’était pas réel. C’était comme si j’étais limite dans un rêve. Non pas que je ne pouvais y croire, mais parce que maintes fois, j’avais chéri cette idée, caressé ce qui me semblait être une utopie. Ça semblait idiot, ça semblait être normal, vouloir que ma fille porte mon nom, mais au vu de ce que j’avais traversé, au vu du père peu digne que j’avais pu être pendant les premières années de sa vie, j’avais toujours pris pour acquis que je ne le méritais pas, que jamais je ne saurais le mériter. Mais ça venait d’elle, elle à qui je n’en avais jamais parlé, comme en fait, je n’en avais jamais parlé à qui que ce soit. Que pourrais-je demander de mieux ? Rien, puisqu’il n’y avait rien de mieux que je pouvais demander. Alors pour ça, je me devais de lui demander confirmation, ce que j’eus, l’entendant pour la première fois prononcer son nom, complet, avec le mien. À la prononciation, j’eus un pincement au coeur - ce qui n’était pas une mauvaise chose dans le cas présent - je pinçai les lèvres, comme si j’espérais que cela serait suffisant pour me calmer, calmer mes mains qui s’étaient mises à trembler. Mais malgré ça, il n’y avait pas moyen que je sois en mesure de signer les papiers ici et maintenant. Non pas que je ne voulais pas, bien au contraire, mais bien parce que je ne parviendrais pas à faire une signature claire, trop touché. Mais il fallait quand même que je fasse quelque chose, que je dise quelque chose. Les mots me manquant, je décidai d’agir, puisque c’était là une meilleure option. Me levant, j’oubliai le fait que j’étais sur mon lieu de travail, j’oubliai qu’il y avait des gens autour de nous, bien qu’à distance à raisonnable, et je m’approchai pour prendre ma fille dans mes bras, la serrer fort contre moi, comme je ne l’avais pas fait depuis un moment. Non pas que je ne l’étreignais pas au quotidien, je le faisais certainement plus souvent que la normale des pères, mais fort comme ça, dans une étreinte tant remplie d’émotions, c’était plus exceptionnel, mais l’occasion s’y prêtait. Tentant de puiser du courage de cet instant, ce fut vain; une larme coula malgré tout sur ma joue lorsque je me crus finalement en mesure de lui dire:  « C’est le plus beau cadeau que tu pouvais me faire… » En mon sens, c’était suffisant pour lui signifier que je ne pouvais pas le lui refuser une telle chose. Peut-être c’était égoïste, mais je n’avais pas envie d’y penser. J’avais envie de penser à moi, penser au fait que je l’avais voulu pendant si longtemps, et le bonheur que cela m’apportait. Embrassant Haley sur la joue, j’ajoutai ensuite:  « Je t’aime ma puce, je t’aime tellement… » N’ayant pas le courage de la lâcher tout de suite, je la gardai encore un peu contre moi, essayant quand même de me calmer un minimum, même si c’était bien difficile, peut-être même un peu trop en cet instant précis.

Étreindre ma fille ainsi était toujours source de bonheur et bien-être pour moi, mais ce fut aussi, dans le cas présent, une source de soulagement. Parce que dans cette position, elle ne put voir le fait que mon visage avait quelque peu blanchi, et que j’étais venu à déglutir quand elle m’avoua que malgré tout ce que nous avions vécu, jamais elle n’avait cessé de m’aimer. C’était la même pour moi. C’était l’amour que je portais à ma fille qui m’avait permis de passer au travers des moments les plus difficiles. Ce qui me troublait, c’était que là, dans cette circonstance où tout allait pour le mieux, je me rendais compte que bien des fois, elle aurait pu me rejeter, elle aurait pu me dire qu’elle ne voulait pas m’accepter comme étant son père, puisque trop souvent, sans qu’elle le sache, je l’avais laissée tomber. Mais non, elle ne l’avait pas fait et maintenant, elle était prête à prendre mon nom. Il y avait de quoi être ému, il y avait de quoi m’en vouloir de tout ce que j’avais fait par le passé. Mais ce n’était pas le temps de me rabattre. On me l’avait dit, lorsque j’étais encore en cure; il fallait que je trouve le bon, il fallait que je sache comment être heureux. Et le bon dans ma vie, ce qui me rendait heureux, c’était elle. Me reprenant à cette pensée, je me décalai quelque peu, trouvant une contenance de sorte à ne pas gâcher le moment qui se voulait en rien malheureux. Ce ne fut toutefois pas suffisant pour que je me sente prêt à fournir une réponse complète au commentaire d’Haley, me contentant de rire un peu nerveusement, confirmant le fait que oui, il y avait bien des surprises aujourd’hui, par un hochement de tête, ne voyant pas ce que je pourrais ajouter. Après tout, c’était vrai; je voulais lui faire une surprise, elle voulait faire de même, et voilà que le début de soirée était riche en émotions. Heureusement, ce ne fut pas suffisant - surtout maintenant que la surprise était passée - pour complètement me déstabiliser. Du coup, je pus reprendre pleinement contrôle de moi-même, et à la nouvelle question de ma fille, lui répondre:  « Pour le moment, oui. Mais de ce que j’ai compris, on pourrait me laisser chanter à temps plein, et aider les portiers si seulement c’est nécessaire… Enfin, il faut que ça me soit confirmé, et que j’accepte… » Volontairement, je laissai mon dernier propos en suspens pour faire comprendre à Haley que j’étais encore en réflexion. Chanter ne me déplaisait pas, et c’était bien ce qui me faisait hésiter. En vérité, je ne pensais pas que ce retour sur scène allait me plaire à ce point. Pas de quoi en faire ma carrière, mais pour un « en attendant », ce n’était pas plus mal, bien loin de là. Mais il fallait aussi que j’aie l’avis de ma fille sur la question. Puisque mon emploi du temps serait différent, puisque ça viendrait aussi l’affecter d’une certaine façon. C’était aussi pourquoi je n’avais rien dit sur mon opinion, attendant de voir si elle, elle avait quelque chose à dire sur le sujet.

 « Je vais le faire, dès qu'on sera à la maison. » Voici ce que je répondis à ma fille, d’un ton totalement posé, ou du moins, aussi posé que je pouvais l’être à cet instant précis. Je m’étais remis de mes émotions, suffisamment pour me donner un semblant de contenance, mais il n’en demeurait pas moins que je n’étais pas tout à fait prêt à prendre un stylo et signer là où je devais le faire, puisque ma main était encore un peu tremblante et surtout, je n’avais pas de stylo sur moi, ce qui ne venait certainement pas aider. On pourrait croire que je serais capable de l’oublier, mais je savais que ce n’était juste pas possible. C’était trop gros, c’était trop important, et ça comptait beaucoup trop à mes yeux pour faire une chose pareille. Finalement, le lieu ne s’y prêtait pas, pas à mon avis en tout cas. Le lieu se prêtait à discuter un peu plus, discuter de ce qu’elle venait de voir, des possibilités que ça pouvait permettre pour la suite des choses, suite de laquelle j’étais encore incertain, comme je le dis à Haley, ne voulant pas le lui cacher plus longtemps. Plus tôt, je ne lui avais pas dit parce que je ne voulais pas lui donner de fausses idées, mais maintenant que c’était plus stable, je ne voulais pas rester dans l’ombre plus longtemps. Je voulais lui expliquer ce qui en était, je voulais être honnête avec elle, et je voulais aussi qu’elle prenne part à la décision, d’une certaine façon, puisque ça la concernait aussi. Maintenant, je ne partageais pas son quotidien que quelques jours de temps à autre, mais bien tous les jours, et même si je ne saurais m’en plaindre, c’était une question d’adaptation également. Heureusement, j’avais la chance d’avoir une fille exceptionnelle, qui joua de sa magie une nouvelle fois, pour, en quelques sortes, me donner sa bénédiction, d’une façon tout à fait adorable, faisant en sorte que je me demandais encore et toujours ce que j’avais pu faire pour avoir, mériter une fille si exceptionnelle. Touché de ses propos, les mots vinrent quelque peu à me manquer, mais ce ne fut pas pour autant que je n’accusai pas réception de ses propos, hochant doucement la tête, avant de lui dire un petit:  « Merci… » qui signifiait bien plus qu’un simple mot. Il voulait dire que j’étais content qu’elle me donne son avis, content qu’elle me soutienne comme ça, heureux qu’elle soit là, tout simplement. Et là, elle venait de rendre mon choix pas mal plus simple. Évidemment, j’allais encore y songer, et je n’allais pas prendre la décision ici et maintenant, mais je me sentais beaucoup mieux par rapport à celle-ci, si bien que je ne mis pas beaucoup de temps à me ressaisir, écouter ma fille poursuivre, riant même doucement à sa proposition. Non pas que je voulais me moquer de celle-ci, mais parce que je la trouvais tout simplement adorable. Je ne fis pas tout un cas non plus, me calmant rapidement, retrouvant mon sérieux quand elle eut fini son propos, juste à temps pour lui dire:  « Je trouve que c’est une excellente idée. » La vérité était que maintes fois, par le passé, j’y avais songé. Même si je manquais de moyens, même si je n’avais même pas de quoi m’offrir un mode de vie convenable par le passé, j’avais toujours rêvé de planifier un voyage avec elle, même si ce n’était qu’un week-end. Mais sa mère ne m’avait jamais laissé faire, et je ne pouvais pas lui en vouloir, sachant que je ne le méritais pas. Maintenant, c’était le temps idéal pour nous rattraper, et aussi, ça nous changerait les idées, tous les deux, suite aux évènements précédents. Totalement partant, il me manquait toutefois une chose essentiel à savoir, soit:  « Tu sais où tu voudrais aller ? » Personnellement, j’avais déjà voyagé, visité maintes villes avec le groupe, mais je voulais que ça lui fasse plaisir à elle surtout, et non pas à moi, puisque là, c’était son bonheur qui comptait avant tout, et moi, tant et aussi longtemps qu’elle était heureuse, le lieu et les activités m’importaient peu, ou étaient secondaires du moins.

 « Quand tu veux. » fut ce que je répondis à ma fille avec un petit sourire, tout simplement parce que je ne voulais pas, je ne me voyais pas répondre autre chose. Maintenant qu’elle était au courant, maintenant que je savais qu’elle l’acceptait, je ne saurais dire non à sa présence, qui ne m’intimidait plus comme avant, mais qui me rendait heureux, me rendait fier. Évidemment, cela impliquait qu’elle continue de faire ses devoirs de façon assidue, mais ça, je ne le lui dis pas, supposant qu’elle l’avait déjà compris, parce que la connaissant, je savais qu’elle était studieuse et à son affaire. Enfin, il y avait eu cette passe au cours de ma cure, mais c’était chose du passé, à mon avis, tant pour moi que pour elle. Tout allait mieux de ce côté, malgré les soubresauts, malgré les difficultés. Et puis, en ce moment, je ne me voyais pas parler de travaux scolaires alors que nous pouvions parler de choses plus légères, comme de vacances, vacances que je voulais lui offrir, que je voulais prendre avec elle, afin que nous puissions en profiter ensemble. Évidemment, je ne saurais lui promettre de l’emmener à l’autre bout du monde, mais si c’était possible, j’allais l’emmener où elle le voulait. J’allais tenter de la rendre  qu'heureuse, parce que pour elle, j’étais prêt à tout, et je ne me le cachais pas. Donc évidemment, je hochai la tête, pour lui dire que oui, nous pourrions prendre du temps pendant ce fameux week-end, ravi de voir son sourire, si contagieux que mes lèvres s’étirèrent aussi. Mais elles ne restèrent pas bien longtemps ainsi, non pas que je me retrouvai embêté par quoi que ce soit, mais plutôt ému, ému par les propos de ma fille, touché par ce qu’elle disait, qu’elle pensait. Si elle avait eu le malheur de continuer plus longtemps, très certainement que j’aurais eu les larmes aux yeux, quelque chose du genre, mais elle rattrapa le coup bien rapidement, me faisant sourire doucement, haussant les épaules pour montrer que les obstacles de la vie, désormais, je m’en moquais, parce que:  « Ce n’est pas grave, parce que j’ai la meilleure fille du monde. » Je ne pensais pas faire en sorte que mes propos soient aussi lourds en émotion, mais j’avais cédé. Après tout, pourquoi lui mentir, considérant le fait que mes dires étaient on ne peut plus sincères ? Ça ne servait à rien de le cacher. Cependant, je sus me ressaisir rapidement, hocher la tête pour confirmer à Haley que j’avais terminé mon travail pour la soirée, restant donc silencieux pour écouter sa proposition qui était tout à fait adorable. Elle n’avait pas besoin de me payer quoi que ce soit pour faire mon bonheur, et je voulus lui dire, mais elle insistait tant qu’au final, je n’y parvins pas. À la place, je me contentai de lui dire:  « Je pense que c’est une excellente idée. » Et sur ces mots, pour prouver mon enthousiasme à cette idée - même si je gardais en tête qu’au besoin, j’allais payer au moins sa part - je me levai, puis je lui tendis la main en toute galanterie, nullement insulté si elle choisissait de ne pas la prendre - elle était adolescente, l’époque où elle voulait être indépendant après tout - attendant qu’elle se lève à son tour pour quitter l’hôtel et aller là où elle voudrait se rendre, sachant que personnellement, je n’avais aucune préférence, et que je jugeais plus approprié qu’elle voie selon son budget.