under water time is standing still ))

C’était idiot finalement. De s’être infligé tant de misère pour en arriver là, à ce même point fixe qu’ils avaient été naïfs de penser pouvoir éviter. Trent savait pertinemment qu’il aggravait une situation déjà compliquée, mais il se lassait de chercher des solutions introuvables. Il réalisait qu’il n’en avait jamais vraiment eu envie. Avec sa seule morale pour compagnie, il s’était trouvé bien seul et n’avait cessé de titiller les failles de sa propre logique. Était-ce ça son futur d’homme de principe? Une vie à attendre sur la touche qu’on l’autorise à reprendre la partie, puni de toute initiative personnelle aussi égoïste soit-elle?  Un discours de martyr, mais qui n’avait cessé de l’obséder pendant ces longs jours où Maxence l’avait ignoré. Et puisqu’il était là maintenant – pudique et solennel et irrésistible - et qu’ils semblaient aussi misérables l’un que l’autre, Trent avait fait preuve d’encore plus de faiblesse. Pas une solution et pas un répit non plus, mais une indulgence toute simple qui avait le goût du plus chaleureux des accueils. Max et lui n’avaient pourtant pas abusé de telles choses, mais le contour de ses lèvres était des plus familiers sous les siennes. La même pression avide et la même absence totale d’hésitation de la part de son colocataire; celles qui avaient jadis étaient animés par l’alcool sous les stroboscopes d’une boîte bondée. Le contexte n’aurait pu être plus différent dans l’intimité silencieuse de l’appartement qu’ils partageaient, mais les torts étaient tout aussi intransigeants et délicieux. « Je sais » concéda-t-il contre ses lèvres, presque surpris par l’absence totale de regret dans ses mots. « Désolé » dit-il d’une voix qui ne l’indiquait en rien, ponctuant son pardon d’un baiser rapide. Et Maxence ne semblait pas l’être tant que ça non plus. Le tout sonnait comme une trêve, chacun agitant un drapeau blanc pour mieux se retrouver au milieu du champ de bataille. Maxence avait laissé tomber les armes, et retrouvait ce petit air taquin et satisfait que Trent appréciait tant. Le temps viendrait bien assez tôt de reparler de la situation, mais pas maintenant. Pas ce soir. Trent s’apprêtait à verbaliser la chose lorsque la vibration du portable de Maxence le tira de ses pensées. Ah oui, il oubliait. Trent était assez orgueilleux pour être plus ou moins convaincu que Max n’allait pas le planter là pour retrouver sa copine, mais en avoir la preuve était toujours préférable. C'était ridicule d’éprouver autant de satisfaction en entendant le jeune homme lui dire qui n’aimait pas sa petite amie. Trent n’avait pourtant jamais à un seul instant éprouvé de la jalousie pour cette innocente inconnue. Même dernièrement, alors qu’elle avait récolté le bénéfice de ses erreurs et accaparait tout le temps libre de Maxence. Mais Max, dans toute sa tendresse et générosité - avait ressenti le besoin de mettre les choses à plat, comme s’il avait le moindre compte à rendre à Trent. Comme si Trent n’aurait pas été le pire hypocrite sur Terre s’il avait remis en question la relation entre les deux jeunes gens. Trent avait laissé ses mains glisser le long du cou de Maxence jusqu’à les caler dans le creux de son dos pour l’attirer un peu plus contre lui. Elle pensait pouvoir le changer? Quelle idée. « Tu es parfait comme tu es » dit-il, tandis que son esprit s’accrochait sur ce petit détail. Ses parents. Que penseraient-ils s’ils savaient que leur fils chéri fréquentait un homme de presque dix ans son aîné? « Tu peux la rejoindre si tu veux » continua-t-il tout de même en fixant son regard au sien, son ton aussi doux que faux. Pour maintenir les apparences, pour respecter ses promesses. « Tu ne me dois rien », il était tout de même important de le dire, mais il ne relâcha pas son emprise sur le jeune homme pour autant.  

Trent avait eu son lot de pardons à délivrer. La plupart ne méritaient pas d'être retenus, leur sincérité n'ayant d'égal que leur offense, mais Trent avait été un jeune homme fier et distrait, et son bon fond avait compensé sa négligence à maintes reprises. D'autres avaient été nécessaires, extirpés de derrière une rangée de dents serrées ou motivés par les tiraillements de son cœur. Et puis il y avaient ceux que Trent gardait encore au chaud. Il les polissait telles des pierres précieuses, conscient de leur nécessité d'être parfaites le moment venu, lorsque ses plus terribles secrets seraient révélés au grand jour. Il était presque ironique de s’inquiéter des conséquences que son attirance pour Maxence aurait sur son mariage, en sachant qu'il gardait précieusement une bombe à retardement capable de faire bien plus de dégâts. Sa pauvre femme ne méritait sans doute pas le flot d'emmerdes que Trent apportait avec lui. Et Max non plus. Il n'était pas encore sûr du genre de pardon qu'il allait réserver à son doux colocataire dans le futur, mais ça n'était certainement pas aujourd'hui qu'il allait s'excuser de céder à ses sentiments. « Non » avoua-t-il. « Pas pour ça » ajouta-t-il à demi mots. Il n'avait que l'embarras du choix, de ses mensonges à sa faiblesse, et déclarer une trêve ne semblait pas aussi terrible que le reste de ses actions. C'était un sursis, aussi égoïste que réconfortant. Mais cette relation n'avait jamais été qu'à eux; condamnées à être influencée et malmenée par des personnes extérieures. Le téléphone de Maxence était là pour leur rappeler ce fait. Et Trent, qui n'avait jamais forcément apprécié cette jeune femme par principe, lui en voulait soudainement. Pas de s'accaparer Maxence - il ne l'avait jamais vraiment compté comme une menace, une adversaire à prendre en compte - mais de penser qu'il avait besoin de changer, d'être adapté à un moule qui ne pouvait espérer contenir toutes les nuances de sa personnalité dans toute leur perfection. Trent en avait connu des personnes séduisantes et brillantes au cours de sa vie, et aucune d'entre elles ne l'avait fait flancher. Jusqu'à Maxence. Malgré son âge, malgré sa réserve, il avait franchit tous les remparts jusqu'à se creuser une place rien qu'à lui. Il y avait quelque chose d'exceptionnel dans cet accomplissement que Trent ne pouvait s'empêcher d'admirer, aussi égocentrique cela soit-il. Si les autres ne se contentaient pas de cela, alors tant pis pour eux. « Heureusement qu'on ne demande pas leur avis, alors » dit-il en passant un pouce sur la pommette rosée du jeune homme.  « Il va falloir que tu te contentes du mien » ajouta-t-il, un sourire au coin des lèvres qu'il s'empressa d'imprimer sur celles de Maxence. Il en profitait tant qu'il était là, avant qu'il ne lui glisse entre les mains pour aller respecter ses promesses. Mais Max lui posait la plus dangereuse des questions tandis que ses mains se frayaient un chemin jusqu'à son torse. Il expira d'un léger rire.  « J'essayais juste d'être réglo » dit-il en haussant une épaule. Envers cette jeune inconnue. Envers Maxence. « Mais si tu as besoin de me l'entendre dire » continua-t-il en plantant son regard dans le sien, conscient que son colocataire savait très bien d'avance ce qu'il souhaitait et se plaisait juste à le taquiner.  « Je te veux ici, avec moi ». Encore et encore et encore.