Une rencontre très inattendue [Levi & Wendy]

Je peinais tout juste à garder la tête hors de l’eau par rapport à ma cure de désintoxication et les conséquences de celles-ci, entre autres ce séjour inattendu à l’hôpital qui avait fait en sorte que je m’étais remis fortement en question, sur ma capacité à faire cette cure, sur le courage qu’il me faudrait pour aller au bout du processus. Au bout du compte, parce que je savais un peu ce qui m’attendait au bout, autant si je me prenais en main que si je décidais de laisser tomber, j’avais décidé de tenir bon, faire mon possible toutefois pour ne pas me perdre dans le processus. Pour le moment, j’avais eu de la chance, cela se passait plutôt bien; j’avais eu un peu plus de visites des gens que j’appréciais que je l’aurais cru et clairement, cela n’avait pas été de refus. Maintenant de retour au centre de désintoxication, je m’attendais pour sûr à être un peu plus seul, mais puisque je n’avais pas à être enfermé dans ma chambre à longueur de journée, le temps que toute la drogue qui restait dans mon système soit évacuée, les murs de la clinique me semblaient moins similaires à ceux d’une prison, et je pouvais essayer de progresser lentement, mais sûrement. Il était très difficile de me dire que j’allais tout changer en l’espace de quelques jours, d’autant plus que cela faisait des années que j’avais pour habitude de me droguer, afin d’oublier mes problèmes, n’affronter personne. Maintenant, je ne pouvais pas me tourner ce qui était en vérité une solution facile, mais cela ne voulait pas dire que mes problèmes étaient disparus pour autant, bien loin de là. Et déjà, j’angoissais quelque peu à l’idée de les confronter, ce qui se passa ces derniers jours ne vint certainement pas m’aider à le faire. En effet, alors que je venais tout juste de retrouver ma chambre, dans un état plus propre que je l’avais laissée, heureusement, on me signala que j’avais reçu une lettre, d’un notaire que je ne connaissais pas. Tout de suite, je fus sur la défensive. Sachant que cela ne pouvait pas être en lien avec le décès de ma mère, survenu cinq ans auparavant, je ne comprenais juste pas. Limite, je m’étais mis à paniquer à l’idée qu’il y ait un souci avec le compte-épargne de Haley ou quelque chose du genre, parce que j’avais beau être bien loin des moyens que j’avais précédemment, il n’en demeurait pas moins que jamais je ne pourrais me permettre de toucher à ce compte que j’avais créé pour elle. En mon sens, cela ne pouvait pas être autre chose, et autant dire que si jamais il y avait quoi que ce soit, clairement, je ne pouvais pas m’en montrer rassuré.

Inutile de mentionner que depuis ma réception de la lettre donc, je n’avais pas cessé de tourner la question dans ma tête, relisant le document maintes fois sans y comprendre quoi que ce soit tant celui-ci était formel et fournissait peu d’informations. Puis, lors du jour du rendez-vous, ce ne fut clairement pas mieux, d’autant plus que quelqu’un avait cru bon mentionner qu’en ce moment, sortir de la clinique, ne serait-ce que pour un rendez-vous, ne serait pas une bonne idée. Cela faisait en sorte que je n’avais aucun trajet à faire, sauf celui menant à la salle de rencontre du rez-de-chaussée, et faisait aussi en sorte que je ne pouvais pas faire demi-tour, oublier tout ça et prendre la fuite, comme je savais si bien le faire, me semblait-il. Sur place, je saluai le notaire en question, puis m’installai, tentant tant bien que mal de me calmer, même si rien ne me permettait de le faire. L’ambiance était trop formelle pour moi, et le fait qu’il disait être obligé d’attendre quelqu’un d’autre ne m’aidait certainement pas. Heureusement, la personne dite attendue ne tarda pas à arriver, mais cela ne vint en rien éclaircir quoi que ce soit. Pourquoi ? Parce que non seulement, je ne la connaissais pas, je ne l’avais jamais vue de ma vie, mais de plus, elle semblait tout aussi confuse que moi. Que faisait-elle là alors ? Quel était le but de tout ça ? Ces deux questions se mirent à tourner en boucle dans ma tête, si présentes que j’entendis à peine ce qui se dit entre l’homme et la demoiselle. Tout ce que je sus, ce fut qu’à un certain point, elle s’installa à côté de moi, tandis que sans m’en rendre compte, je serrais l’appui-bras de la chaise pour essayer de me calmer. Mais au final, le stress l’emporta, et puisque je n’avais rien pour me détendre, que je n’avais pas commencé à apprendre à être en contrôle de mes spasmes comme en ce moment, je ne pus m’empêcher de lâcher un:  « C’est bon, on peut savoir ce qu’on fait ici ? » qui pourrait certainement passer pour malpoli, d’où le fait que rapidement, je le regrettai, même si je ne sus pas vraiment comment l’exprimer autrement que par une mine quelque peu décomposée et un regard dirigé vers le sol, le seul endroit où, en fait, je pouvais me permettre de regarder actuellement sans me sentir complètement désorienté.

J’estimais que je n’avais pas été des plus délicats en demandant au notaire de se presser à nous tenir son discours, mais il n’en fut rien comparativement à ce que la jeune femme fit par la suite, à savoir carrément prendre les papiers et les déposer sur le bureau, de façon brusque, qui, si j’avais été à la place du notaire, aurait tôt fait de me vexer, mais qui, en ce moment, me faisait sentir, aussi étrange cela puisse-t-il être, un peu plus à l’aise. Pas dans le sens où j’étais pleinement détendu à l’idée d’être en ces lieux, sans savoir pourquoi je m’y trouvais, mais dans le sens où au moins, mon impatience passerait peut-être un peu moins comme une grossièreté. De plus, cela faisait en sorte que, dans un sens, nous formions à présent un front commun contre ce notaire trop peu pressé, ce qui l’obligea à accélérer la cadence. L’homme en vint donc finalement à nous expliquer ce que nous faisions là, ne passant pas par quatre chemins pour faire tomber la bombe sur nous, ou du moins, sur moi, c’était sûr et certain. Pour la première fois en trente ans, quelqu’un associait une personne à moi-même, une personne qui se disait être mon père. Dans ma tête, pendant mon enfance, voire même pendant l’âge adulte, mon père, il n’avait jamais existé. Mon père, c’était quelqu’un qui avait couché avec ma mère en lui promettant monts et merveilles, puis qui avait fini par l’abandonner. La seule chose qu’il avait fait de bien dans son absence, c’était de me donner une leçon, la leçon que ce qu’il avait fait, ça ne se faisait pas. C’était cette leçon qui m’avait convaincu de ne pas laisser tomber Savannah quand elle était tombée enceinte, et de là, j’avais pris probablement la seule décision dans ma vie que je ne saurais jamais regretter: devenir père, pour vrai. Cet homme, qu’importe si j’avais les mêmes gênes que lui ou pas, n’était pas un père. Il ne pouvait même pas prétendre en être un. Mais visiblement, il s’octroyait le droit de le faire, ici et maintenant, dans ce fameux testament, et pas juste pour moi. En effet, de ce que je compris de la jeune femme, cette jeune femme qui avait choisi de prendre la parole tandis que de mon côté, j’étais encore en train de traiter cette information, alors j’étais incapable de dire quoi que ce soit. Perdu dans ma bulle, j’en sortis que lorsque la demoiselle reprit la parole, en venant à demander cette question qui planait depuis quelques secondes déjà, que le notaire vint confirmer, en venant à nous annoncer par la même occasion que nous avions le même géniteur, que nous étions demi-frère et demi-soeur, selon la biologie. Les yeux écarquillés, je considérai l’individu, puis je tournai la tête vers la demoiselle, tentant encore une fois de réfléchir à tout cela, lui apposer l’étiquette de « demi soeur que je n’avais jamais connue », mais ce ne fut juste pas possible, pas pour l’immédiat en tout cas, pas alors que le notaire choisit de profiter, me semblait-il, de ce moment de vulnérabilité pour poursuivre, prenant deux papiers, nous en tendant un chacun en disant:  « Tout ce que vous avez à faire, c’est signer ces formulaires, afin que le tout vous soit transféré dans les prochaines semaines. » Et c’était tout ? Il avait pris tout ce temps pour s’installer et il voulait nous faire seulement signer des papiers ? Limite insulté par son comportement, qu’importe s’il le faisait exprès ou pas, je fronçai les sourcils, puis d’un air dédaigneux qui ne me ressemblait pas vraiment, je pris la parole à mon tour et je dis:  « Et si je ne veux pas signer, qu’est-ce qui se passe ? » Peut-être que j’étais en train de faire là une grosse idiotie, parce que s’il y avait une personne qui ne dirait pas non à de l’argent, c’était moi, même si je venais à le donner à Haley par la suite, mais par principe, je ne savais pas si c’était possible. Prendre l’argent de quelqu’un pour qui je commençais soudainement à exister ? En mon sens, ça ne se faisait pas, et ça me faisait rager tellement que j’en venais complètement à oublier que c’était en sa mémoire ou un truc du genre. Il y avait trop de choses à digérer avant cela, beaucoup trop même.