Ici et maintenant

Depuis que j’étais à Washington, j’avais, petit à petit, pris le rythme. Je devais l‘avouer, au départ j’avais crains de ne pas y parvenir. C’était un grand changement autant pour moi que pour les enfants et le fait d’aller loin de mes parents n’était pas chose aisée. Et puis finalement, les choses s’étaient emboitées sans que je n’ai trop de mal à tout concilier. J’avais pris mes marques et je réussissais le tour de force de tout concilier.

Sauf aujourd’hui. Une course m’avait menée loin de l’hôtel. Je devais absolument trouver quelque chose pour une célébrité en visite, quelque chose de trouvable uniquement à l’autre bout de la ville. Conciliante, j’avais accepté d’y aller en prenant ma propre voiture. Malheureusement pour moi, après le voyage depuis l’Alaska, qui avait duré un très long moment, le SUV semblait être sur la fin. Et il avait décidé de me lâcher sur le chemin du retour. A maintes reprises, j’avais tenté de redémarrer avant de finalement m’avouer vaincu et de sortir mon téléphone portable pour demander de l’aide.

En cinq minutes, l’affaire était réglée. Je n’avais plus qu’à attendre que la dépanneuse arrive. Une heure plus tard, la remorqueuse rouge du garagiste recommandé par une amie se garait à quelques mètres de moi. Je quittai aussitôt l’antre plutôt confortable de la voiture afin d’aller me présenter à mon sauveur.

Ma surprise fut totale lorsque je me retrouvais face à un ancien amant.

- Ryan ?!

Non, ce n’était pas possible. La probabilité qu’il puisse se retrouver ici et maintenant étaient quasiment nulle ! Alors que faisait-il là ? Je n’arrivais pas à y croire, pas une seule seconde. Je restais donc debout à le regarder, le redécouvrir. Neuf ans c’était tout simplement énorme. Ryan avait beaucoup changé mais la vieillesse lui allait plutôt bien. Quelque chose avait aussi changé dans son regard. Je ne pouvais pas vraiment me l’expliquer. Ou peut-être qu’après tout, le fait de connaitre son histoire, m’influençais quelque peu.

- Euh… Salut… Comment tu vas ?

C’était surement la question la plus débile qui soit. Mais en même temps, je ne savais pas quoi dire d’autre. Le poids de mes secrets semblaient subitement trop lourds à porter pour que j’agisse normalement.

Il y avait des choses qu’on ne contrôlait pas dans la vie. Des choses qui chamboulent tout mais dont nous n’avons aucune emprise dessus. Comme le destin, le hasard, ce genre de chose. Toutes ces conneries qu’on ne peut pas contrôler. Je ne crois pas à tout ça comme certains s’imaginent qu’une force divine s’amuse avec nos vies, à nous mettre des obstacles sur la route ou ce genre de chose. Je suis bien plus terre à terre que ça. Même si je dois admettre que parfois le hasard a un drôle d’humour. Enfin, aujourd’hui, je faisais mon travail comme tous les jours. Une chance d’ailleurs que je puisse rebosser quelque part après neuf ans de taule. Heureusement que j’avais pu nouer des contacts en prison, ça m’avait pas mal aidé à ma sortie. Comme quoi, le piston et les relations, il n’y a que ça qui marche dans la vie.

Bref aujourd’hui, j’avais reçu un appel indiquant qu’une femme était en panne à la sortie de la ville. Techniquement ce n’était pas mon rôle de faire le dépanneur et d’aller chercher les bagnoles en rade, mais comme on n’avait pas beaucoup de clients pour le moment, mon boss avait insisté pour que je me bouge. Merveilleux. Le temps de réunir tout ce dont j’avais besoin et de faire la route, j’avais mis un certain temps avant d’y arriver. Pourquoi cette personne n’avait-elle pas appelé des dépanneurs plus proches ? Elle aurait attendu moins longtemps. Enfin, là n’était pas mon problème. J’étais arrivé sur le lieu de rendez-vous, j’avais garé le camion devant sa voiture pour pouvoir la remorquer et j’étais sorti de l’habitacle pour aller à sa rencontre. Les yeux sur mes papiers, je ne regardais pas en face de moi et je me figeais instantanément en entendant mon prénom. Cette voix… Je la connaissais. Je relevais la tête lentement, la bouche entrouverte sous la surprise de la voir là, elle. Comment c’était possible ? Elle n’était plus en Alaska elle non plus ? Je pensais vraiment ne plus la revoir et encore moins dans cette ville. Manuella. Comment l’oublier ? On était ensemble avant que je ne sois incarcéré et lorsque ce fut le cas, elle n’a plus jamais donné de nouvelles. En tout cas, elle n’avait pas tant changé que ça, elle était toujours aussi bien foutue. Je restais silencieux sous le choc de la voir là, alors qu’elle balbutia pour me saluer et me demander comment j’allais. Oh, je viens de sortir de neuf ans de prison, tout va bien. Mais il fallait que je me ressaisisse, je n’allais pas la regarder en restant muet pendant des heures. « Euh… Je dois dire que je ne m’attendais pas à tomber sur toi, et encore moins dans cette ville à l’autre bout du monde. » Ouais Washington c’était carrément l’autre bout du monde par rapport à l’Alaska. Ou du moins à l’autre bout des Etats-Unis. « Mais… ça va. » Je crois. « Et toi ? » Merde alors, ça me faisait tellement bizarre de la voir après toutes ces années. « T’es en panne ? » Question stupide, vu qu’elle avait appelé le garage…

Qu’est-ce qu’on était sensé dire à un homme qu’on avait tout simplement rayé de sa vie ? Pire, qu’est-ce qu’on était sensé dire au père de ses enfants après neuf ans ? Sincèrement, je n’en avais strictement aucune idée. J’étais juste gênée d’être face à Ryan ici et maintenant alors que notre histoire s’était terminée par la case prison. Et puis, je devais l’admettre, je n’étais pas fière de mes actes car j’avais juste disparu de sa vie, sans prévenir. Simple courant d’air.
Mon ex semblait surpris de me voir là. Moi aussi à vrai dire. Surprise et stressée. Du coup j’avais du mal à construire des phrases cohérentes.

- Euh…Moi non plus…. Ici. A Washington. 

Il devait surement me prendre pour une débile profonde mais encore une fois, il fallait souligner que j’avais face à moi Ryan Campbell slash « ex petit ami » slash « père de mes enfants » slash « homme à qui j’ai menti ». Il me fallait donc quelques minutes pour me faire à cette rencontre impromptue.

- Moi ? Oui, moi ça va.

A ceci près que je n’arrivais pas à le regarder dans les yeux. Le souvenir de notre dernière nuit à deux venait de me revenir en pleine face, comme si c’était le moment adéquate pour les souvenirs. Bon, je devais me rassurer au moins sur une chose, Ryan semblait tout aussi perdu que moi, preuve en était sa question.

- Euh ba, oui. Je t’ai appelé pour ça. Enfin je t’ai pas appelé toi, personnellement, j’ai appelé le garage. Comme je viens d’arriver à Washington, c’est le seul garage que je connais. Du coup j’ai appelé. Parce que ma voiture est en panne. Voilà.

En quelques secondes à peine et sans reprendre ma respiration, je venais de débiter un flot continue pour répondre à une question qui n’avait pas forcément besoin de véritable réponse. Pour cacher ma gêne, j’enchainais immédiatement.

- Et alors, qu’est-ce que tu deviens depuis tout ce temps ?

Pitié. Que quelqu’un m’assomme ! Est-ce que je venais vraiment de lui demander ce qu’il devenait depuis tout ce temps ?

- Désolée, c’était vraiment…

Totalement con, stupide, idiot… Heureusement je n’avais pas besoin d’en dire plus et pour cause, je venais d’être sauvé par le gong ou du moins mon téléphone. Je m’excusais donc auprès de Ryan avant de récupérer l’objet salvateur et d’y répondre.

- Allo ? … Chéri… Pourquoi tu m’appelles ?

J’écoutais mon fils, m’éloignant quelque peu pour éviter que Ryan ne puisse entendre la discussion.

- Ecoutes, je suis au boulot là. On peut voir ça ce soir, quand je rentrerai ? … Surement vers 18h ou 19h. … Oui, je sais… Moi aussi, bisous.

Je raccrochais et me tournais à nouveau vers mon ex-petit ami.

- Excuses-moi c’était…

Je m’arrêtais juste à temps, embrayant sur un sujet beaucoup plus neutre.

- Je pense que le voyage depuis l’Alaska n’a pas fait du bien à la voiture.

Ça me faisait bizarre de la voir là, après toutes ces années. Pas une fois elle n’était venue me voir en prison. Comme on n’avait pas été ensemble très longtemps avant que je sois incarcéré, j’avais pensé qu’elle avait simplement tourné la page, comme bon nombre de nanas auraient fait. Je ne pouvais pas lui en vouloir, j’aurais fait la même chose. A quoi bon attendre éternellement ? Autant passer à autre chose et prendre sa vie en main. Quoi de plus normal. Mais si j’étais surpris de la voir, elle semblait l’être encore plus. Elle n’arrivait pas à aligner deux mots pour faire une phrase cohérente. Est-ce que ma présence la perturbait à ce point ? Est-ce qu’elle s’en voulait de ne pas m’avoir rendu visite ? Ça ne servait à rien. Elle avait tourné la page, tant mieux pour elle. Elle assura qu’elle allait bien elle aussi. Et stupidement, sous le coup de la surprise certainement, je posais une question totalement débile. Evidemment qu’elle était en panne, sinon elle n’aurait pas appelé le garage. Sombre crétin. En plus de ça, je restais planté comme un con à côté du camion. La revoir là fit resurgir pas mal de souvenirs et, étant donné ma condition récente d’ex taulard, ce n’était pas des souvenirs très chastes. Mais contre toute attente, elle répondit à ma question stupide. Vite. Bien trop vite. Sans déconner pourquoi est-ce qu’elle était aussi mal à l’aise ? Ok, je retombe au hasard sur une ex, mais ça n’a rien d’exceptionnel. Qu’est-ce qui la met dans un état pareil. J’arquais un sourcil face à son monologue interminable et légèrement sans queue ni tête.

Cependant, je n’eus pas le temps de répondre parce qu’elle se rendit sans doute compte que nous étions stupides, l’un comme l’autre, alors elle changea de sujet. De façon très maladroite. Ce que je devenais depuis le temps ? Est-ce que j’avais vraiment besoin de répondre à ça ? Elle savait parfaitement où j’avais passé ces dernières années. Elle s’excusa d’ailleurs presque immédiatement, réalisant sa boulette. Je poussais un léger soupir en me raclant la gorge. « C’est rien. » Encore une fois, je ne pus rajouter quoique ce soit car elle reçut un appel, qu’elle prit. Je l’entendis décrocher et même si elle s’éloignait, étant donné qu’il n’y avait pas un bruit autour de nous, j’entendais malgré moi sa conversation. Le temps qu’elle termine, je commençais à remplir ma fiche, pour le dépannage de sa voiture. Après quelques minutes, ou secondes, elle revint vers moi, commençant à se justifier sur l’identité de la personne à l’autre bout du fil. Je ne pus m’empêcher de finir sa phrase. « Ton mec. » Lâchais-je en haussant les épaules. Une jolie femme comme elle ne pouvait qu’être casée. Avec un riche entrepreneur sans doute. Elle l’avait appelé Chéri, ils devaient se voir ce soir, bref tout le baratin des gens en couple. « C’est cool. »

Mais bon, il fallait bien qu’on aborde le sujet qui m’avait amené ici, à savoir sa voiture en panne. Elle assura qu’elle n’avait sans doute pas supporté le voyage depuis l’Alaska. J’ouvris de grands yeux, surpris. « T’as vraiment fait tout le trajet en voiture ? Oh bordel… Tu m’étonnes qu’elle n’ait pas apprécié. Tu avais fait une révision avant de partir ? » Il y avait des milliers de kilomètres, comment la voiture avait-elle fait pour survivre ? « Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que tu tombes en panne ? Tu as eu des voyants allumés ? De la fumée ? Un problème avec les pédales ? Quelque chose ? » Je passais à côté d’elle pour aller voir sa voiture de plus près. De l’extérieur, je ne voyais rien. « Elle démarre ? » Bon, ça je pouvais le vérifier alors je m’asseyais sur le siège pour mettre le contact. Mais, je sentais Manuella gênée ou pas dans son assiette, sans que je ne comprenne pourquoi. Alors, je relevais la tête vers elle tout en restant dans la voiture. « Ça va ? T’as pas l’air dans ton assiette. T’es quand même pas stressée pour la panne de ta bagnole rassure moi. » Ou alors c’était de ma faute.

En entendant les mots de Ryan, j'eus un peu de mal à ne pas répliquer. En soit, qu'il me pense en couple n'était pas un soucis, bien au contraire ! Après tout l'eau avait coulé sous les ponts, notre histoire était du passée et il ne m'intéressait plus. Ou du moins ce n'était pas vraiment une question que je me posais dans l'immédiat. Ryan était, bien entendu, un bel homme. Le genre à se bonifier avec le temps, qui devait surement donner envie à une multitude de femme de passer du bon temps en sa compagnie. Non, là n'était pas le problème. Et puis tout compte fait, il n'y avait pas de problème. Qu'il me pense en couple était une bonne chose. Une très bonne chose.

J'embrayais donc directement sur le voiture. Pour convaincre les jumeaux, j'avais du user de subterfuge. Et notre déménagement avait pris des allures de road trip en trio. De l'Alaska à Washington en passant par le Canada. Entre les enfants et la voiture, le choix avait été vite fait. Même si là tout de suite, je m'en mordais les doigts.

- Euh... Je devais faire la révision puis j'ai eu un soucis et j'ai juste...Oublié.

Oui, c'était totalement dingue comme façon de procéder mais je n'y connaissais rien en mécanique et en bécane du coup, c'était le genre de chose qui me passait totalement au dessus de la tête.
Bon, pas complètement idiote la jeune femme ! J'étais encore capable d'expliquer ce qui m'avait mené à me retrouver sur le bas côté !

- J'ai démarré et j'ai calé une première fois. J'ai redémarré et j'ai pu faire deux kilomètres à peu près puis elle a fait un truc bizarre, du style toussotement. J'ai eu le temps de me mettre sur le bas côté et elle s'est arrêté.

Tout en expliquant le soucis et tandis que Ryan s'installait au volant de la voiture, je ne pouvais m'empêcher de penser à la situation désastreuse dans laquelle je venais de me mettre ou du moins dans laquelle le hasard, le cosmos, les dieux et tous les anges venaient de me mettre. Apparemment, mon désarroi devait se lire sur mon visage au vu de la question de Ryan.

- Non, non, ça va... dis-je dans un premier temps tout en me passant la main dans les cheveux, signe chez moi qui signifiait souvent la même chose, j'étais mal à l'aise.

Qu'est-ce que je pouvais dire d'autre ? "Ryan, il faut que tu saches qu'il y a neuf ans j'étais enceinte de toi et je ne t'ai rien dis. Tu as deux enfants." Non, je ne pouvais pas dire ça. Ce n'était pas possible. Mais en même temps, le voir là, face à moi, me rappelait que je privais mes enfants de leur père, que je leur mentais à tous.

- Je suis juste...  Je suis un peu à cran. J'étais partie pour le boulot et toute cette histoire me mets en retard. Tu penses qu'elle est morte ? Je suis pas certaine d'avoir les moyens d'en acheter une nouvelle.


Ce n'était pas le moment pour lui dire. Il fallait un cadre pour ces choses là. Et là c'était clairement un mauvais timing. Je devais avant tout peser le pour et le contre, réfléchir à tête reposé.

Les femmes et la mécanique, c’est juste une plaie. Rares sont celles qui prennent soin de leur voiture comme un homme pourrait le faire. A vrai dire, elles ne se préoccupent pas de grand-chose du moment que ça roule. Ce n’est pas pour rien qu’on a plus de clientes féminines, elles ne savent pas entretenir leur véhicule. Ce n’est pas forcément un reproche, elles doivent avoir d’autres choses en tête… Même si l’entretien d’une voiture reste primordial dans la vie de tous les jours. Visiblement, on n’a pas tous les mêmes priorités. Dans son cas, elle avait oublié de faire la révision avant de partir. Avant un aussi long voyage c’est pourtant essentiel. « Ah ouais. Donc tu as eu une chance énorme qu’elle tienne pendant tout le trajet, crois-moi. On néglige souvent l’entretien d’une voiture, pourtant c’est primordial. Surtout pour un trajet pareil, tu as carrément traversé le pays. » Elle a dû y passer des semaines…

Enfin, ce qui est fait est fait. Pas étonnant que sa voiture rende l’âme après tant de kilomètres. Elle m’expliqua ce qu’il s’était passé pendant que je m’installais derrière le volant pour tenter à mon tour de la démarrer. Sans succès. La batterie devait être HS mais ça n’était pas le seul problème. « Pas étonnant après la route que tu lui as fait faire. Je suis même surpris qu’elle n’ait pas rendu l’âme plus tôt. » Elle avait l’air résistante mais au bout d’un moment, ça ne suffit plus. Je ne savais pas si Manuella était angoissée à ce point pour sa voiture mais sa détresse se lisait clairement sur son visage. A moins qu’elle ait une valeur sentimentale, ce n’était pas un drame. On pouvait toujours tenter de la réparer et dans le pire des cas, elle en rachèterait une. Il n’y avait pas mort d’homme. Elle assura que ça allait tout en passant une main dans ses cheveux. Nous n’avions pas été très longtemps ensemble à l’époque mais j’avais le temps de repérer quelques unes de ses manies. Et le geste qu’elle venait de faire n’était pas anodin. Quelque chose n’allait pas. Mais bon, ce n’était pas mes affaires de toute façon.  Pourtant, elle se justifia quand même. Je haussais les épaules à sa question. « Elle n’est pas toute jeune et en ajoutant à ça le nombre de kilomètres qu’elle a fait dernièrement, elle doit avoir un sacré compteur. » Lançais-je en sortant de la voiture et en refermant la portière derrière moi. « Je pense qu’il faut que tu envisages sérieusement la possibilité d’en acheter une autre. » Je me dirigeais vers le camion pour dérouler le crochet pour pouvoir la remorquer. « Si tu es en retard, je peux toujours te déposer à ton travail. Mais il faudra que tu me signes des papiers pour ta voiture et que tu me laisses clés et carte grise. » Le crochet déroulé, j’allais l’accrocher à sa voiture. « Ou alors on rentre ensemble au garage et tu préviens ton travail. » J’appuyais sur le bouton et sa voiture se hissa lentement sur le camion, grâce à la rampe que j’avais descendue. « C’est comme tu veux. Ton mec pourra toujours venir te chercher après. »

-Génial…dis-je en soupirant.

Ryan venait de m’annoncer le pire, à savoir l’achat d’une nouvelle voiture. Entre noël qui arrivait mais également la demande des jumeaux de partir en classe de neige, ce n’était clairement pas dans mes moyens actuellement. Malheureusement pour mes enfants, je savais pertinemment que je devrai m’y résoudre. Tandis que Ryatt quittait ma voiture afin de descendre la rampe de la dépaneusse, mon téléphone m’indiqua que l’on cherchait de nouveau à me joindre. Un sms cette fois ci. Je jetais un coup d’oeil discret pas vraiment surprise de voir le contenu. Au vu de l’heure, mes collègues s’inquiétaient de ne pas me voir revenir. En quelques secondes, je tapais un rapide message, expliquant ma situation, non sans écouter Ryan me donner les divers choix qui se posaient à moi. Il pouvait me ramener à mon travail, certainement la chose à faire ou au garage afin d’y attendre un « mec » qui n’existait pas. Le choix était on ne peut plus rapide.

- Je préfère que tu me déposes au travail. Je suis à l’hôtel Carlton. Et ils sont déjà inquiets de ne pas me voir revenir.

Bien sûr, je ne relevais pas la remarque sur cet homme que mon ex pensait existant dans ma vie. Je ne voulais pas démentir ou acquiescer ses dires, juste laisser planer une sorte de mystère qui, cas échant, me permettrait de dire que jamais oh grand jamais je n’avais dis avoir quelqu’un dans ma vie.
Une fois la voiture en position, je montais dans la camionnette, en compagnie de Ryan. Un peu comme si j’avais peur de le toucher ou de le frôler par inadvertance, je restais sur mes gardes. Maintenant que nous étions dans un espace clos, j’avais du mal à réfléchir correctement.
Que l’on soit clair. J’avais tiré un trait sur Ryan et ce, même si je le voyais tout les jours à travers nos deux enfants. Mais après tout ce temps, être si proche de lui, sentir à nouveau son parfum…

- Tu crois que tu pourrais te renseigner pour une voiture ? dis-je subitement alors que le silence s’était installé entre nous.

Premièrement, j’avais besoin d’une voiture et la preuve était faite que j’étais plutôt nulle pour ça. Deuxièmement et pas des moindres, j’avais pleinement conscience que je devrai revoir Ryan et le coup de la voiture était une idée plutôt bonne.

Je lui avais proposé plusieurs solutions sur la marche à suivre. Soit je l’emmenais au garage avec moi, soit je la déposais sur son lieu de travail. Inutile qu’elle perde son emploi pour une panne de voiture. Après un coup d’œil sur son téléphone, elle choisit la seconde option. Elle bossait à l’hôtel Carlton et ses collègues s’inquiétaient déjà visiblement. Ok, comme elle préférait. Ça ne changeait pas grand-chose pour moi. Sa voiture remorquée, je pris place derrière le volant. J’attachais ma ceinture de sécurité et mis le moteur en marche. J’attendais qu’elle en fasse de même avant de démarrer et de m’engager sur la route. Heureusement pour elle, je savais plus ou moins où se trouvait l’hôtel. Je n’y avais jamais passé une seule nuit de ma vie parce que je n’avais clairement pas les moyens, mais je voyais plus ou moins où il était situé. J’étais concentré sur la route alors je ne disais rien. De toute manière, je n’avais jamais vraiment été bavard. C’est elle qui rompit le silence au bout d’un moment en me demandant si je pouvais me renseigner pour une potentielle nouvelle voiture. Je haussais les épaules. « Je peux toujours voir avec les autres garages s’ils ont des voitures d’occas’ dispos. Mais si tu veux que ma recherche porte ses fruits, il va falloir que tu me donnes plus d’infos pour affiner ma recherche. Une fourchette de prix déjà, le type de moteur que tu préfères à savoir essence ou diesel, la taille de la voiture, le plus d’infos possible. » Si elle voulait mon aide, il fallait qu’elle-même m’aide un minimum. « Mais peut-être qu’on pourra la réparer, il faut qu’on regarde de plus près. » La nouvelle voiture, c’était dans le pire des cas.

« Il faudra que tu me laisses tes clés, ta carte grise et un numéro où je peux te joindre. Je vais voir si j’ai du temps cette après midi pour jeter un premier coup d’œil déjà. Mais on te tiendra au courant quand on sera sûr. » Pour le moment, je ne pouvais pas trop me prononcer. Et je ne pouvais pas lui garantir de m’occuper de sa voiture dans la journée, j’avais d’autres réparations en cours. Enfin, on finit par arriver devant son hôtel. Je me garais en double file le temps de la déposer. « Bon voilà, c’est bien là ? J’espère que tu n’as pas trop de retard. » Ce serait con de se faire virer. Ah, avant que j’oublie ! Je me penchais vers elle pour ouvrir la boite à gant et récupérer les papiers que j’avais remplis en remorquant sa voiture. L’une des copies était pour elle. Il y avait ma signature et le formulaire rempli justifiant le dépannage. Je lui tendis sa fiche. « Tiens, ça pourra toujours te servir de justificatif. »

Si j'avais eu le choix, je n'aurais certainement pas fait celui de rentrer avec Ryan. Non pas que j'éprouvais du dégoût à me retrouver à ces côtés, loin de là. Seulement j'avais plutôt peur d'être seule avec lui dans un espace aussi confiné. Mais bon, il s'agissait de l'option la plus raisonnable et certainement la plus adulte.

Après un bon silence, je mettais finalement lance qur la piste de la nouvelle voiture. Mentalement je notais les infos que j'aurai à lui donner, croisant les doigts pour ne pas à avoir aller jusque là.

-Ok, je vais réfléchir à tout ça au cas où et quand on se reverra pour les nouvelles, on en rediscutera.

En même temps qu'il me donnait la liste des choses à lui donner, je pris mon sac farfouillant à l'aveugle. Finalement, je récupérais ma carte de visite - où j'y inscrivis également mon numéro de domicile et celui de mon portable- ainsi que les clés et les papiers du véhicule.

-Il y a tout je crois, dis-je tandis qu'il se garait devant notre destination, à savoir l'hôtel.

De son côté, il sortit de la boîte à gant un papier qui prouvait que je lui avais bien donner ma voiture.

-Bon et bien... Merci.

La main sur la poignée, je regardais Ryan. C'était le moment où jamais. Je pouvais lui demander son numéro de téléphone par exemple ou lui dire que j'aurai aimé prendre un café avec lui. Mais non. Rien ne vint. J'avais juste les yeux fixés sur lui sans émettre le moindre son.

-Je ferai mieux d'y aller, dis-je après un trop long silence.

Je lui adressais un ultime sourire avant de quitter la dépanneuse. A la suite de quoi, je me precipitais littéralement jusqu'à l'intérieur de l'hôtel. Tout en rejoignant mon bureau, j'envoyais un sms à ma meilleure amie. J'avais besoin d'une oreille attentive et surtout de la voix de la raison. Car à l'heure actuelle, il était impossible pour moi de choisir la direction a emprunter. Dire à Ryan qu'il avait deux enfants ou le laisser dans l'ignorance comme je le faisais depuis si longtemps maintenant.