You want to make a memory
Citation qui représente ton personnage ici
Il pouvait le toucher du doigt. Le Capitole. Nash tendait le bras, un œil plissé sous la concentration tandis qu'il laissait son index frôler le dôme blanc à l'horizon. Il en délimitait les contours, imaginant un jour être de ces personnes qui pouvaient légitimement faire partie de ce monde. Mais ce n'était pas pour tout de suite, pensa-t-il en laissant retomber son bras mollement contre sa cuisse. De son côté de Washington, là où la lumière du soleil brille un peu moins fort, là où les inégalités naissent et perdurent, Nash avait autre chose à faire. Il tourna un instant dans sa paume la balle de baseball qu'il tenait dans sa main gauche, passe-temps favoris d'un gamin qui n'a pas les derniers gadgets pour bousiller ses yeux et s'évader un peu plus. Mais il n'avait rien d'un gamin. Tandis que d'autres avaient le regard encore bercé de rêves et d'illusions, Nash ne conservait que détermination et réalisme. Ses parents avaient essayés pourtant. De tout leur donner pour qu'ils n'aient jamais à grandir aussi vite. Nash sentait encore l'injustice et la culpabilité naître dans le creux de son estomac à cette pensée. A l'image de son père, épuisé après avoir enchaîné deux boulots et réussissant tout de même à se consacrer à ses fils, à jouer avec eux et à s'enquérir de leur journée. A l'image de sa mère, douce et aimante, qui lui avait fait promettre de ne pas s'inquiéter. Tout allait bien. Mais il y a des choses qu'on ne cache pas. Les coupons de réduction que l'on collectionne soigneusement. Les sourires figés et tristes devant un enfant qui réclame inconsciemment un nouveau jouet. Le regard désolé en servant le même repas deux jours de suite. Les conversations chuchotées brusquement dans la cuisiné, penchés sur des multiples documents. Nash avait 14 ans lorsqu'il décrocha un petit boulot. Rien de légal, pas à son âge. Mais le petit épicier au coin de la rue devenait trop vieux pour ranger toute sa marchandise sur les étagères les plus basses, et Nash avait de l'énergie à revendre. Ça n'était pas grand-chose, mais il se souvient encore du regard de sa mère lorsqu'il lui avait tendu une maigre poignée de billets. Ça avait été le début. En grandissant, les jobs étaient devenus plus importants, plus lucratifs, assez pour faire une toute petite différence dans la vie de la famille. Son petit frère n'avait pas tardé à l'imiter et c'est ainsi que chacun des Howden mettait la main à la pâte pour aider ses proches. Sa mère aimait leur répétait que s'ils n'étaient pas riches en argent, ils l'étaient plus que tout en amour. Et c'était ça qui comptait. C'était un beau sentiment. Mais aimer sa famille ne l'aidait pas à faire en sorte que ses parents travaillent moins. Ça ne leur donnait pas des vacances qu'ils ne pouvaient s'offrir. C'est bête, une idée. Mais c'est coriace. Et Nash avait toujours eu la même. Il n'allait plus se contenter de toucher du doigt ce monde de pouvoir et de possibilité. Non, il allait s'en saisir à pleine main et le faire devenir sien.
«
Ok, j'ai deux minutes à te consacrer, go!» tonna Nash en claquant des mains, faisant irruption dans le bureau de son assistant, Peter, qui n'avait cessé de le bipper dans la dernière heure. Il s'adossa contre le battant de la porte, prêt à repartir tout aussi vite. Il avait un planning chargé aujourd'hui. «
On a un problème avec le flyer » fut le premier ordre du jour, et à son visage, Nash devinait qu'il s'agissait du dernier de leur soucis. Nash croisa les bras sur sa poitrine, pivotant enfin son regard sur la silhouette discrète assise dans un coin du bureau. Nash se contenta de signaler la personne d'un geste de la main, le questionnement clair et net sur son visage. «
Mon stagiaire » annonça son assistant dans un soupir. «
Je ne me souviens pas avoir approuvé un stagiaire » répondit-il, les sourcils froncés. «
Tu signes un tas de document ». Nash laissa échapper un sourire. «
Ce n'est pas faux ». Toujours à cent à l'heure, Nash n'était pas toujours au courant du moindre détail de ce qui se passait dans son service, mais n'était-ce pas pour ça qu'il avait un assistant? En pleine campagne, le parti était en effervescence constante et Nash était sur le pied de guerre à chaque instant. «
Ok, pendant que ton stagiaire va me chercher un café, parle-moi du flyer et de cette autre chose que tu ne veux apparemment pas mentionner » continua-t-il en prenant finalement place dans une chaise face à lui. Le jeune homme dans le coin de la pièce mis quelques instants à analyser la phrase et reconnaître la requête pour ce qu'elle était. Il se leva d'un pas maladroit et quitta la pièce comme s'il n'y avait rien au monde qu'il souhaiter plus que de mettre les voiles. «
C'est son premier jour » dit Peter comme si ça avait une quelconque pertinence dans la conversation. Nash haussa une épaule. Ils avaient tous eu des tâches ingrates à faire à leur début. «
Et quel meilleur moyen de le commencer que de rendre service au boss? » rétorqua-t-il. Nash n'était pas un supérieur tyrannique. Il mettait au contraire un point d'honneur a faire régner une bonne ambiance, convaincu qu'un environnement de travail agréable était un élément essentiel pour rendre ses collègues productifs. Mais il était exigeant. Il demandait de la détermination, il demandait des résultats et attendait que chacun fasse ses preuves. Rien n'est donné dans la vie, et ça n'allait certainement pas être lui qui allait laisser les "fils de" et les pistonnés gagner leurs credits pour leurs cours d'université en venant se la couler douce l'été au sein du parti Démocrate. Oui, il se souvenait avoir approuvé ce contrat précis finalement. «
Le flyer?» pressa-t-il, tournoyant entre ses doigts le stylo qui trainait sur le bureau. «
Problème de relecture. Une info incorrecte est passée à l'impression » soupira-t-il, et Nash se passa une main sur le visage, agacé. Ils en avait besoin pour le début d'après-midi, moment auquel une cinquantaine de volontaire était censée les distribuer en ville. Ok, ça n'était pas si grave que ça, mais Nash n'aimait pas les imprévus. «
Corriges ça vite. Quoi d'autre? » insista-t-il, conscient d'avoir visé juste lorsque Peter sembla se tortiller sur son siège, mal à l'aise. Il murmura une réponse, et Nash n'en discerna pas un seul mot. Il lui demanda de répéter, lassé de voir la chose traîner. «
On a perdu Rhett ». Nash haussa les sourcils, se penchant en avant avec un air incrédule au visage. «
Vous avez perdu Rhett?» répéta-t-il d'un ton moqueur. «
Quoi, je dois le faire tatouer ou lui mettre des clochettes? ». «
Lui et moi on avait rendez-vous avec un sénateur ce matin, et il m'a fait faux bond en chemin! Il m'a dit qu'il était sur un coup et l'instant d'après il était dans un taxi! » s'indigna l'autre. Nash le regarda un instant sans rien dire avant de secouer la tête et de quitter le bureau. Il ne savait pas ce qui l’agaçait le plus. Le fait que son petit frère semblait n'en faire qu'à sa tête, ou la facilité avec laquelle celui-ci faisait passer ses collègues pour des pleurnichards incapable de suivre son rythme. Nash penchait plus pour l'une des raisons, mais il ne le dirait pas laquelle à voix haute. On pourrait l'accuser de favoritisme.