Les études c'est du sérieux :: Chaby

L’école. Autant dire que si je pouvais l’éviter, ce mot ne ferais même pas parti de mon vocabulaire. Depuis tout jeune, j’avais toujours éprouvé de la difficulté quand il s’agissait d’être posé et mettre toute ma concentration dans une seule chose. Je ne comptais plus le nombre de fois où mes parents avaient entendu mes professeurs dire que je n’étais pas un mauvais élève, je ne créais pas la discorde, j’étais simplement inattentif. Ce qui m’amenais bien souvent à avoir de mauvaise note et ce qui m’avait aussi conduit à redoubler. Et alors que mon jumeau était rendu à l’université, moi je me retrouvais en terminal. Durant ces deux dernières années, ces professeurs qui ne m’avaient jamais eu auparavant pensaient que Skye était mon frère aîné. Il faut dire que pour la taille, il me surpassait tout comme pour les études… Pourtant, j’étais l’aîné, mais ça on omettait bien de le mettre dans nos dossiers. « Tu vas en rattrapage ? » me demandais Yasmin, alors que je levais mon regard de mon portable après avoir lu un sms de Winnie. « Pas le choix, Madame Coleman m’a convoqué. » Même si l’envie de sécher me traversais l’esprit, je devais bien me résigner. « Et puis, si j’échoue encore mes parents vont me tuer ! » Et je ne mâchais pas mes mots, ils étaient conciliant, mais comme tout le monde ils avaient leur limite et je ne pensais pas que d’autres échecs seraient à mon avantage. Je poussais un soupir. « Ça sera sûrement pas si terrible, Mme Coleman est sympa. » Je relevais mon regard vers ma meilleure amie. « Peut-être, mais j’ai pas lu une page du bouquin… » Je voyais l’exaspération se lire sur les traits de Yasmin, haussant les épaules je lui adressais un sourire. Lire… Voilà quelque chose que je ne faisais pratiquement jamais – pour ne pas dire jamais point. Quelques personnes me parlaient de lire qu’ils avaient appréciés et j’étais vite emballé, mais une fois le nez plongé dans les pages du livre, mon attention était vite détournée. Je commençais sérieusement à me dire que je devrais peut-être opter pour des livres audio, au moins je pourrais toujours les écouter en m’entraînant. « Tu écris à qui comme ça ? » Je relevais à nouveau mon regard vers Yasmin, c’était la première fois que je la voyais ainsi. « Euh… Winnie. » De toute je n’arrivais pas à lui mentir et si elle mettait la main sur mon portable, elle aurait tôt fait de découvrir qui était la mystérieuse personne. Donc bon, j’évitais l’embarras de lui dire que je lui avais menti pour une raison que j’ignorais. « Elle te plait finalement ? » J’haussais les épaules. « On est ami c’est tout. Et puis si tu voulais pas que je rencontre d’autres filles, fallait pas m’inscrire sur cette appli ! » Pour le coup, elle ne pouvait s’en vouloir qu’à elle ! Je n’avais jamais désiré qu’on me case, mais ça semblait tellement important pour mes amis. Célibataire ne semble pas être une option à mon âge. Je ne comprenais même pas le concept de vouloir être absolument avec quelqu’un ! Peut-être que je ne comprenais pas cela, simplement parce que je ne l’avais jamais vraiment été. En tout cas, pour le moment ma relation avec Winnie n’était que de l’amitié et je ne pensais pas que ça changerait. Pourquoi elle s’intéresserait à un mec plus jeune qu’elle ? Ce n’était pas parce qu’on avait dit être intéresser que forcément il se passerait quelque chose entre nous ! J’étais simplement content de lui parler à pratiquement tous les jours et elle me faisait souvent sourire, mais ça se limitait à ça. Appuyant sur enter, je regardais l’heure. « Je dois filer, si j’veux pas arriver trop en retard. » Je devais traverser l’école entière pour rejoindre la classe de ma prof de littérature. Saluant Yasmin, je me mettais en chemin, m’arrêtant pour boire à l’abreuvoir. Puis j’arrivais à la classe dont la porte était encore ouverte, glissant ma tête, je voyais qu’on était pas très nombreux à être convier. Poussant un soupir, je replaçais la bretelle de mon sac sur mon épaule et entrait dans le local. Instinctivement, je me rendais à ma place, mais il y avait déjà un élève, ou devrais-je dire une armoire à glace avec la cervelle d’un petit pois. À son grognement, j’haussais les sourcils. Pire qu’un bulldog qui a la rage ! Tournant de l’œil, je me dirigeais un peu plus loin pour prendre place, sortant mon cahier de cours et le roman qu’on avait pour but de lire. Attendant qu’elle commence le cours, je croisais mes bras sur mon bureau appuyant mon menton sur l’un d’eux regardant mon portable de l’autre main. Ce que j’aimais de cet école, c’était que tout dépendant de l’endroit on captait à merveille le wi-fi. Je prenais une photo que je publiais sur mon twitter « I so wish I could be somewhere else ».

J’avais beau avoir de nombreux étudiants, des étudiants adultes qui étaient autonomes et qui n’avaient plus envie d’être encadrés de quelconque façon, mais il n’en demeurait pas moins que j’avais leur réussite à coeur et parce que je ne me voyais clairement pas les laisser se débrouiller alors que je voyais que ceux-ci étaient en situation d’échec, ou d’une moins, en danger de ne pas avoir une amélioration assez considérable pour réussir l’année et par conséquent, avoir leur diplôme. Il y en avait, chaque année, qui ne s’en sortaient pas, mais puisque la moitié de l’année n’était pas arrivée, c’était le moment, en mon sens, de commencer à travailler sur ceux qui avaient le potentiel de se rattraper, dans l’espoir que cela marche, lentement mais sûrement. Aujourd’hui, pendant l’heure du repas pour les élèves, soit pendant ma seconde heure de pause consécutive me concernant, j’avais convoqué deux étudiants pour du rattrapage, afin de leur venir en aide, en plus de laisser la possibilité aux autres de venir s’ils en ressentaient le besoin. Dans leur cas, ce n’était pas pas parce qu’ils l’avaient demandé, mais parce que je jugeais que ce ne serait pas de refus dans leur cas. Je me doutais bien que cela ne leur faisait pas plaisir, mais je me doutais bien que cela leur ferait encore moins plaisir de perdre leur place dans l’équipe de football américain du lycée dans le cas du premier élève que j’avais convoqué, ou bien redoubler une nouvelle fois l’année scolaire dans le cas du second. Après, je ne savais pas si dans leurs autres matières, ils avaient aussi des soucis, mais si je pouvais les aider dans la matière que j’enseignais, alors j’en serais plus que satisfaite. Après avoir passé un moment à manger dans la salle des enseignants, j’étais retournée à mon bureau pendant quelques minutes, d’abord pour consulter mes messages, comme j’avais l’habitude de le faire plutôt régulièrement, puis ensuite pour prendre les documents que j’avais préparé pour les élèves que je recevais ce jour-là. Non pas parce que je voulais leur imposer du travail supplémentaire, mais parce que j’étais d’avis que ce genre de document serait susceptible de les aider, entre autres dans la lecture du roman qu’ils devaient faire pour leur dissertation qui aurait lieu dans environ deux semaines. Le roman étant un peu plus volumineux que la normale, alors j’avais demandé aux élèves de commencer d’avance, et je leur laissais plus de temps que d’habitude pour le lire, mais je craignais sincèrement que plusieurs n’avaient pas commencé et que par conséquent, ils aient des soucis pour la suite, comme ces deux élèves en particulier. Enfin, je croisais encore les doigts qu’ils allaient faire un effort, mais je ne m’attendais pas à grand-chose. À présent prête pour la séance de rattrapage, je me dirigeai vers la salle de classe où j’avais donné rendez-vous aux deux élèves. Ceux-ci, à ce que je vis, étaient déjà présents. Le premier n’avait pas sorti ses affaires et semblait attendre juste le moment de sortir, tandis que le second, Chip, était sur son téléphone, trop peu enthousiaste d’être là. Peu surprise, décidée à ne pas me laisser miner par cela, je tentai de capter leur attention en lâchant un simple:  « Bonjour, merci d’être venus. » Sur ces mots, je m’approchai du bureau situé à l’avant de la classe, histoire d’y déposer le roman ainsi que les documents, mais avant que je ne puisse aller plus loin, le grand gaillard se leva tant bien que mal du bureau - parce que ses genoux venaient cogner bien souvent contre la table - en venant à me dire qu’il ne pouvait pas rester parce qu’il avait un entraînement. Je tentai de lui faire prendre conscience que s’il n’avait pas la note de passage dans le cours au prochain examen, il n’y aurait plus d’entraînement, plus de match, plus rien, mais il ne voulut rien entendre. Soupirant doucement, je le laissai alors partir, me laissant alors seul avec Chip, installé au fond de la classe. Reprenant ma contenance, même si au fond, je savais que je ne pouvais pas faire grand-chose, je décidai de demander au jeune homme:  « Tu peux t’avancer, tu sais ? Je ne crois pas que vous allez être très nombreux, de toute façon… » Je n’avais pas de grands espoirs non plus, mais disons que ce n’était pas ce que j’avais prévu. Heureusement, je pensais avoir la faculté de changer mes plans, et là, si ça devait être un cours privé avec le jeune homme, alors qu’il en soit ainsi. Déjà, plutôt que de rester à l’avant, je décidai de prendre une chaise utilisée d’habitude par un élève, m’installer en face du jeune homme, et lui demander:  « Donc pour commencer… Puis-je savoir où tu en es dans la lecture de ton roman ? », parce que je ne me voyais pas commencer à lui en parler alors que je ne savais même pas s’il l’avait ouvert ou pas, autrement ça n’aurait rien de très utile et pertinent pour le coup, et ce n’était certainement pas ce que je voulais.

En quoi l’école c’était important ? C’était une question que beaucoup de personne se posait au courant de leur étude, bien entendu je ne faisais pas exception à la règle. Je ne comprenais pas le tiers de ce qu’on pouvait apprendre en cours, et je savais très bien que tout cela ne me servirait pas plus tard. J’avais le choix entre devenir un employé de l’entreprise familiale où je ne voyais pas l’utilité d’étude comme j’avais toujours baigné dans celle-ci. Je n’avais pas non plus besoin de reprendre les rênes de la branche pharmaceutique, donc s’il fallait un diplôme pour planter des fleurs et les faires pousser, je n’avais certes pas besoin de la littérature ou bien des mathématiques ! Et l’option qui me faisait réellement envie, j’avais simplement besoin de passer un cours spécial, rien d’universitaire. Assis à un bureau, je laissais mon regard posé sur l’écran de mon portable, défilant l’actualité de mon instagram. Je n’avais même pas remarqué la présence de ma prof, la remarquant que lorsqu’elle nous saluait, moi et montagne de muscle. Poussant un soupir, je me redressais un peu sur ma chaise, glissant mon portable dans la poche de mon jeans. J’attendais qu’elle poursuive pour ainsi feinter que je travaillais, mais le karma en décidait différemment. Regardant l’armoire à glace se lever, je fronçais légèrement les sourcils. Il pouvait s’en échapper à cause du sport, je poussais un soupir. Ayant redoublé, le coach avait pris un arrangement avec mes parents pour ne pas me reprendre dans l’équipe de football. Donc impossible pour moi de m’esquiver avec une excuse vieille comme le monde. Je regardais le colosse sortir de la classe. Au moins à deux, je savais que madame Coleman ne se serait pas tourné que vers moi, j’aurais eu des moments de répit, mais désormais je savais qu’ils se feraient rares. Oui avec ce genre de penser, ça commençait plutôt mal pour moi ! Pinçant mes lèvres, je la regardais avant de prendre mes trucs pour me lever et avancer de quelques places. Toutefois, je ne prenais pas une place trop près de son bureau. Peut-être que j’étais intimidé, mais je ne souhaitais pas être au premier rang, au stupide soit l’idée que je ne trouvais pas que c’était ma place. Pour moi le premier rang signifiait bolé, ce que je n’étais pas. Appuyant mon dos contre le dossier de ma chaise, je regardais mon cahier, mais aussi le livre que j’aurais dû commencer à lire. Son apparence était neuve, aucun coin tourné, la couverture n’était même pas pliée à la reliure. Mon regard déviait du livre en voyant mon professeur de littérature prendre place en face de moi. « Euh… » Avec elle en face de moi, je ne me voyais pas dire un mensonge. De toute façon, je détestais mentir même si je n’aimais pas l’école, même si je me savais incapable de trouver du plaisir assis sur un banc d’école, je ne mentais pas. Je pinçais mes lèvres, relevant mon regard pour croiser ses prunelles claires. « Je ne l’ai pas commencé. » avouais-je en baissant aussitôt mon regard avec ce sentiment honteux. « Je suis sûr qu’il est très bien, mais je ne suis pas un grand lecteur. Je crois même que je n’ai jamais lu un livre de ma vie. » Mais pourquoi est-ce que je lui racontais tout cela ? Elle n’était pas obligée de savoir cela, après tout ça changerait rien pour elle. Je n’aurais droit à aucun traitement de faveur. Je sentais mes joues devenir chaude et sans doute qu’elles s’étaient teintées d’un rose clair.

Chip n’était clairement pas le premier élève qui m’annonçait qu’il n’avait pas lu le livre qui était à l’étude. Limite, entendre, savoir ou douter que les élèves ne lisaient pas les livres, c’était part de mon quotidien maintenant. Enfin, ça l’avait toujours été, mais contrairement au moment où j’avais commencé ma carrière, maintenant, je vivais avec. Précédemment, j’étais insultée, bien souvent, je m’étais remise en question à savoir si c’était ma faute, si c’était comme ça avec chaque enseignant de littérature, puis je m’étais adapté à cette réalité triste, mais présente et récurrente. De ce fait, au moment où il me fallut composer avec la réponse de mon élève, qui avait poussé la chose au point de me mentionner qu’il n’était pas un grand lecteur, point barre, je demeurai plutôt impassible. Après tout, ce n’était pas comme s’il m’apprenait quelque chose de très nouveau; depuis un bon moment maintenant, je me doutais que ce n’était pas le point fort de mon élève. Non pas parce qu’il était un méchant garçon ou quoi que ce soit du genre, mais parce que je pouvais deviner que sa motivation n’était pas des plus fortes, et je pouvais le comprendre, puisque tout le monde avait ses matières plus fortes et plus faibles. Par contre, je ne pouvais pas lui dire de se contenter de ne pas réussir ce cours et le tour était joué. La littérature était une matière dont il avait besoin pour obtenir son diplôme au bout du compte, et une matière qui comptait pour beaucoup qui plus est. Cependant, pouvais-je vraiment lui faire un plan, l’obliger à lire ce livre et respecter des délais précis, alors qu’il était en terminale, et que je me doutais bien qu’il ne voulait pas être traité comme un enfant ? Peut-être qu’avec mon fils, je l’aurais fait, puisque même si le cas ne se comparait pas, il n’en demeurait pas moins que leur âge n’était pas le même, mais là, je ne me sentirais pas à l’aise dans le processus, et je savais très bien que Chip ne le serait pas non plus. Enfin, je ne lui avais pas demandé et je ne le ferais pas, mais je m’en doutais très bien d’emblée. Ne sachant pas trop ce qui me restait à faire dans le cas présent, parce que je pouvais difficilement lui parler du livre alors qu’il ne l’avait pas ouvert, j’inspirai profondément et au final, je lui demandai:  « Et… Je peux savoir comment tu aurais fait pour faire l’examen sur le roman à la fin ? » Je réalisai qu’après-coup que mon propos pouvait s’apparenter à un reproche, mais parce que ce n’était pas ce que je voulais, bien loin de là, je rectifiai le tir en ajoutant:  « Enfin… Je me demandais surtout si tu avais des techniques, stratégies, quoi que ce soit du genre pour t’aider… » J’étais peu convaincue que ce n’était pas vraiment mieux, mais en gros, ce que je voulais savoir, c’était s’il était possible de savoir comment il travaillait et ainsi, dans l’idéal, adapter son travail à son style, essayer de faire en sorte que ce soit un peu plus intéressant pour lui, même si je me doutais bien que ce n’était pas vraiment chose facile, surtout alors qu’il était très loin d’être un lecteur assidu; il n’était même pas un lecteur à proprement parler, si je me fiais à ce qu’il m’avait précédemment mentionné.

Qui pourrait se vanter qu’il ne lisait pas ? Eh bien moi, il faut croire… Dire cela à mes amis, ça n’apportait aucune conséquence, mais à mon enseignante, c’était une toute autre histoire. Je ne souhaitais pas qu’on me reproche le fait de ne pas travailler, de ne pas faire d’effort dans cet apprentissage. Seulement, je n’y pouvais rien. Ce n’était pas faute d’avoir essayé, mais à un moment, il faut bien avouer que la lecture n’est pas fait pour nous ou pour moi. Je ne faisais rien comme mon frère et fallait croire que c’était lui qui avait hérité du gêne du rat de bibliothèque. Mon regard perdu sur la couverture du roman que j’aurais dû commencer il y a quelques temps déjà, je pinçais mes lèvres en entendant ma prof. Jusqu’à présent, j’avais toujours su me débrouiller pour mes examens, même si j’avais redoublé une fois. Je n’avais jamais triché, mais sans doute était-ce un coup de chance à chaque fois que j’avais eu un test à faire. Je n’avais certes jamais des notes astronomique, mais tant que j’avais ce qu’il fallait pour passer, ça me suffisait amplement. Glissant mes mains dans mes poches, je relevais mon regard vers elle. Posant mes prunelles noisettes sur son regard qui était posé sur moi. Devais-je mal prendre ce qu’elle venait de me dire ? J’haussais ni plus ni moins les épaules : « Je lis en diagonale, si on a droit au livre et que la partie où se trouve la réponse est inscrite dans la question, je vais lire. J’y vais par logique aussi. » Bien entendu, je ne précisais pas que je prenais le plus souvent du temps les notes de mon jumeaux. Ça aurait plutôt fait mauvais genre de dire cela. « Je sais que ce n’est pas la chose à faire… » Sortant ma main de ma poche, je la passais dans mes boucles brunes. « … Après tout, si c’était une bonne méthode, je ne serais sans doute plus ici. » confiais-je, non pas que la littérature était la cause de mon redoublement, mais, ça n’aidait pas assez ma moyenne pour m’empêcher l’échec d’il y a deux ans. Par moment, je me demandais si je n’étais pas TDAH, ça pouvait expliquer plusieurs choses, mais aussi laisser une trace qui ne pourrait être effacé. Une médication constante, quelque chose que je devrais dire toute ma vie, jugé… Je n’avais pas besoin de cela, déjà que la médication j’en prenais ou du moins, je devrais en prendre et je ne le faisais pas trop, j’avais peine à imaginer si mon cas devenait sérieux. Je pinças mes lèvres : « Peut-être que je devrais me mettre à l’audio. » disais-je en souriant, plutôt satisfait de ma plaisanterie qui était proche de la réalité. En écoutant, je pouvais faire autre chose, ça ne me limitait pas, je n’avais pas le nez plonger dans un bouquin pendant des heures, cherchant le seul moyen de fuir cet endroit. Non, l’audio n’était pas une si mauvaise idée, néanmoins, ce n’était pas tous les livres qui offrait cette possibilité. Peut-être que je devrais demander à ma mère de me faire la lecture comme lorsque j’étais petit. Après tout, l’important c’était que je sache le contenu du livre, qu’importe la méthode utilisé, non ?

Chip m’avoua que même si la littérature, ce n’était pas son truc, il ne faisait pas absolument rien non plus et pour être franche, c’était rassurant. Évidemment, c’était loin d’être parfait, à un tel point que certains pourraient croire que j’étais idiote de voir du positif dans une telle situation, mais je m’en moquais. Au moins, je n’avais pas à faire à un élève qui m’avouait qu’il ne faisait absolument rien et qui ne ferait rien non plus par la suite. Ce genre d’élève était généralement hautain, pensait que tout lui serait servi sur un plateau d’argent, sans qu’il n’ait à lever le petit doigt. Et franchement, j’avais beaucoup de difficulté avec eux, et je déplorais qu’ils soient de plus en plus nombreux dans les classes. Est-ce que cela allait changer à un moment ou un autre ? Je ne savais pas trop, je supposais que seul le temps pourrait nous le dire. Mais au moins, Chip n’était pas ainsi. Ce que je pouvais ressentir, c’était qu’il voulait faire les efforts nécessaires, mais que c’était trop lui demandé. Pas dans le sens où c’était un caprice, mais parce que ça ne l’intéressait pas, parce qu’il était distrait. Cette partie, je ne saurais pas le dire exactement pour le coup, et pour être franche, je n’osai pas lui demander. J’aurais pu, je le savais, mais quand il vint à avouer qu’il estimait que sa méthode n’était pas la bonne, en venant à mentionner, ou plutôt sous-entendre, le fait qu’il avait redoublé son année, je me vis bien mal retourner le couteau dans la plaie, en quelques sortes. Mais après, cela me laissa quelque peu sans rien à dire, d’où le fait qu’au bout du compte, je me contentai de simplement esquisser un sourire un peu timide, mais aussi triste, sans ajouter quoi que ce soit. Cela donna l’occasion au jeune homme, quelques instants après, de passer un commentaire comme quoi il devrait peut-être commencer à s’attarder aux livres audio. À ce moment, n’importe quel professeur un peu plus vieux, mais surtout ne serait-ce qu’un peu plus coincé, aurait tôt fait de prendre un air offusqué, rappeler au jeune étudiant que la littérature demandait à être lue, et non pas simplement écoutée. Mais me concernant, je me contentai de simplement grimacer un peu, pas parce que je me refusais de considérer l’idée, mais parce que disons que ce n’était pas le but de l’exercice quand venait le temps de lire un roman et analyser son contenu par la suite. Mais comment étais-je supposée de savoir comment il le faisait ? Pourrais-je vraiment le retenir d’agir ainsi, surtout si cela lui venait en aide ? Pas vraiment, pour tout dire. Par contre, puisque je ne me voyais pas totalement l’encourager, il me fallut réfléchir davantage mes propos, et au final, je dis:  « Ce n’est pas une mauvaise idée, en fait… » Je marquai une pause, histoire de pouvoir guetter sa réaction pendant un bref moment, puis je continuai en affirmant:  « Enfin, si tu as tendance à mieux apprendre de façon auditive que visuelle, il est évident que ce serait préférable… » Mais malgré tout, quelque chose me chicotait… Comment était-il supposé prendre des notes ? La réponse toute bête serait de prendre un papier et un crayon pour le faire, mais en mon sens, ce n’était pas suffisant. Je tentai alors de trouver la meilleure solution, et quand je pensai l’avoir à peu près trouvée, je dis:  « Mais si, à tout hasard, tu décides de procéder ainsi… Je te proposerais d’avoir le livre non loin, pour prendre des notes… » Toutefois, je ne m’étalai pas davantage sur la question, me disant que cela, c’était bien suffisant et que de plus, peut-être qu’au fond, il ne faisait que plaisanter et que moi, naïve, j’étais tombée dans le panneau. Au moins, si c’était cela, je ne serais pas complètement flouée par tout cela, et si c’était sérieux, ça laissait l’occasion à Chip d’accepter ou non l’idée et voir ce qu’il voulait en faire par la suite. Ou peut-être voudrait-il trouver autre chose ? Je ne savais pas trop, pour tout dire, nous étions là pour le trouver ensemble, et je ne pouvais pas lui imposer quoi que ce soit, simplement l’aider à réussir.