Where is my mind. Ft Chip

Complètement sonnée. La vision, on ne peut plus trouble et l’équilibre précaire. La seule chose qui la maintenait encore sur ses jambes tremblantes, c’était cette main autour de son poignet qui soulevait son poing ensanglanté en l’air. Les bandages qu’elle avait soigneusement enroulés, passaient de l’immaculé blancheur au rouge sang. Comme ce filet qui ruisselait ses lèvres vers sa peau pâle. La douleur était vivifiante mais pas plus que la victoire, la vision de l’homme gringalet qu’elle a envoyé au tapis. Bien que son regard ne discerne qu’une masse inerte, elle sait qu’il est là, elle sait qu’elle l’a défoncé. Qu’elle ait réussit à calmer sa rage, repaitre sa soif de vengeance. Ce n’est pas à ce pauvre type qu’elle en veut, ce n’est à personne d’ailleurs. Juste la vie, les circonstances, les aléas. Elle ne voyait meilleure façon de commencer cette nouvelle année. Une victoire pour une année qu’elle espérait bien meilleure que la précédente. Une année qu’elle espérait pas la dernière. Elle ne se souvient pas vraiment avoir quitter la piscine, ni se souvient-elle d’avoir récupéré ses affaires dans les vestiaires ou son cash auprès du teneur de pari. Du fric dont elle n’avait vraisemblablement pas besoin mais elle l’avait gagné alors elle pouvait autant aller se payer une centaine de pinte dans un pub. La morsure du froid sur sa peau était apaisante. Lisbeth n’avait pas fermé sa veste, laissant plaisir au vent de caresser son ventre plat où quelques ecchymoses violettes et bleutés se dessinaient déjà. Mollement, son sac pendait sur son épaule. Le poids, pourtant si insignifiant de celui-ci, l’obligeant à adopter une posture légèrement courbée. Elle avait besoin de s’assoir, de respirer, prendre le temps de calmer les battements de son cœur. A la place, elle s’adossa au mur, tira une clope de sa poche, l’alluma pour en tirer une longue taf. Elle expira longuement, laissant la nicotine mettre au sommeil son adrénaline. Son sac lui glisse des épaules, s’imbibant d’eau dans une masse molle de neige sale. Elle se contente de le regarder, se demandant si le barman acceptera des dollars trempés.

Retirant ses bandages sur ses mains, il relevait son regard pour voir les gens quitter la salle. Leur conversation s’alimentant de ces moments qui avait régit la soirée. Des soirées comme celle-ci, il en avait vécu plus d’une. Passer ses nerfs sur un ring, il n’avait plus que cela pour lui faire passer sa rage de ne plus se souvenir. Plus de six mois qui avaient perdu le cours d’une période de sa vie, sans repère, il en avait oublié cette enfant que ses parents avaient pris sous leur toit. Cette fille qui n’avait cessé de venir le voir à l’hôpital et qui semblait désolé, alors que lui n’avait pas la moindre idée de qui elle pouvait être. Perdre autant le désemparait, il radotait des choses qui remontait à tellement de temps que son entourage ne comprenait parfois pas à quoi il faisait allusion, alors que pour lui c’était comme si ces choses étaient arrivés hier. Il ne lui restait plus qu’à évacuer sa rage, cette colère face à cet inconnu, ces trous au sein de sa vie. Toutes ces phrases que son entourage lui disait : Soit patient ça reviendra. Rien. Ce soir, il avait fait comme bien d’autre soir, déployant toute son énergie, il avait mis le mec KO plus vite qu’il ne l’aurait voulu, jusqu’à s’en sortir avec quelques ecchymoses et une lèvre fendue. On semblait toujours sous-estimé sa carrure menue, mais il connaissait sa force et savait l’utiliser. S’il n’avait pas souvenir de tout, il se souvenait très certainement de tout ce temps qu’il mettait pour s’entraîner à diverse sport. Son corps, lui, s’en souvenait, il n’avait pas oublié et ça il arrivait encore à le maitriser. Il avait quitté le ring sans se retourner, sans assisté au combat suivant, dans le vestiaire, il avait longtemps regardé son reflet dans la glace. Où une immense meurtrissure marquait sa peau, il grimaçait en ressentant une douleur vive. Ses côtes, elles avaient absorbées le coup, mais bien loin d’être prêtes à cela, il ressentait la douleur maintenant que l’adrénaline chutait aussi vite qu’elle avait pu arriver. Il s’allongeait un moment sur un banc, son regard se portant sur le plafond. Combien de temps il restait là, il en perdait le fil, finissant tout de même par se relever, prendre son sac sans prendre la peine de se changer. Passant un hoddy, il prenait la direction de la sortie en faisant un petit détour pour récolter cette petite somme qu’il avait pu se faire avec quelques paris. Si sa famille savait ce qu’il faisait, c’est plus qu’un savon à quoi il aurait droit. Franchissant la porte qui menait à l’extérieur, une volute de fumée quittait ses lèvres. Il n’avait pas fait une dizaine de pas qu’il s’arrêtait dans la neige, ses baskets prenant l’eau. Ce visage, il l’avait déjà vu. Mais où ? C’est là que ça coinçait, il n’en avait pas souvenir. Son nom il l’avait oublié, mais il se souvenait de ces traits, ce sourire qui pouvait illuminer son visage. Dans ces éclats de mémoires elle n’était pas blessé, mais il arrivait tout de même à distinguer ses traits, les traçants d’un simple regard.

A mesure que l’adrénaline passe en sommeil, c’est la douleur qui se réveille. A cet instant, c’est bien la seule chose à laquelle elle s’accroche. Parce qu’avoir mal signifiait qu’elle était encore en vie. Il ne lui restait alors aucune sensation plus vivifiante que cette souffrance qui creusait ses côtes, sa lèvres inférieure, sa pommette gauche. Parce que d’énergie, elle était totalement vidée. C’est le picotement au creux de sa gorge et la brûlure sur le bout de ses doigts qui lui fit comprendre que sa clope, elle l’avait goulûment consommée jusqu’au filtre. Elle porta tout de même le mégot à ses lèvres pour tirer une énième bouffée toxique. On racontait que fumer jusqu’au filtre nuisait à la fertilité. Elle répondait généralement, qu’elle n’en avait rien à faire. Ce n’est pas demain la veille qu’elle serait mère. Elle badinait en disant qu’elle avait déjà du mal à prendre soin d’elle. Qu’une enfant ne pourrait en élever un autre. Elle omettait de dire qu’elle ne pensait pas avoir le temps pour ça. Qu’avec elle s’éteindrait sa lignée. Que derrière elle, elle ne laisserait rien. Fut un moment où elle aurait pu rattraper le tir. Un moment où elle aurait pu grandir et accepter des responsabilités qu’elle n’avait jamais demandé. Mais comme tout autre choses. Elle avait préféré fuir, repousser. Sa relation avec cette gamine, elle l’avait bousillé. Et elle l’avait laissé tomber avant même que son heure ait sonné. Elle ne le regrettait pas. Maxine avait aujourd’hui une chance d’être aimée autant que ses parents auraient voulu qu’elle le soit. Autant que Scott aurait aimé que Lisbeth puisse l’aimer. Mais elle n’aimait personne. Pas même, elle-même. Rien qu’à voir comment elle avait éloigné Derrick d’elle depuis leur retour. A voir la manière ingrate avec laquelle elle laissait Jared poiroter derrière sa porte avec son déjeuner. A voir les appels en absence de Solora qui s’empilaient dans son journal d’appel. A voir cette façon qu’elle avait devenir se faire démonter la gueule pratiquement tous les soirs depuis qu’elle était sorti d’hôpital. Son égoïsme n’avait sans pareille, ni n’avait-elle de limite. Elle releva le regard en même temps qu’elle laissait sa clope finalement aller s’éteindre dans la poudreuse. Laissant son regard accroché celui si sombre de ce jeune homme. A son image, il avait la gueule amochée. Miroir, miroir. Elle est celle qui a pris pourtant le plus chers. Il la détaille du regard mais c’est elle qui le reconnaît. Si elle n’a pas la mémoire des prénoms, elle a celui des visages. A ce garçon, elle avait peut-être tailler une pipe. Peut-être. Elle ne sait plus vraiment. Il continue de la regarder. Sans piper mot. Il la dévisage. Ça l’agace. «Tu veux ma photo?», elle lui demande en se décollant difficilement du mur pour se pencher en avant et récupérer son sac. Il lui semble alors alourdi par cet eau dont il s’est imbibé. Une petite plainte échappe ses lèvres mais elle se redresse, parce qu’il le faut bien. Parce qu’ici, elle ne gagnerait qu’à mourir de froid. Miroir, miroir. Elle le regarde une seconde fois, il est toujours là. A la regarder comme s’il ne l’avait jamais vue. Comme s’il se souvenait l’avoir déjà vue. Mémorable, elle devrait être. Elle l’était. Tomber dans l’oublie. Une hantise. «Décrispe, Pornstache. Je te paie un verre.», elle avait prévu de boire de toute façon. «T’as toujours pas l’âge de les payer tout seul.», si ses souvenirs sont exactes.