Levi & Isobel ▬ Tous les aliens ne sont pas mauvais, juste un peu bizarres

Depuis que j’avais compris que la vie de tournée était loin derrière moi, que Washington était redevenu ma maison et que c’était à cet endroit que j’allais continuer à vivre, parce que je ne voulais pas être loin de ma fille et parce qu’il serait ridicule d’aller m’installer autre part, j’avais pris plaisir à aller visiter les différents musées qui se trouvaient au coeur de la ville. Plus encore, cet intérêt, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne venait pas du fait que j’avais travaillé un bref moment dans certains d’entre eux, avant de perdre lamentablement mon emploi à chaque fois. Je ne saurais pas expliquer le pourquoi du comment, mais j’aimais bien passer du temps dans ce genre d’endroit, et pour être franc, cela commençait à me manquer, à un tel point que la veille, quand un des autres résidents du centre m’avait annoncé qu’il se rendait au musée pendant sa sortie accompagnée avec sa femme, son gamin et un ami, je lui avais demandé si cela lui dérangerait de me permettre de sortir également. Je savais bien que ce n’était pas vraiment la façon la plus légale de profiter de mon autorisation, mais c’était tout de même accepté, et je me voyais difficilement cracher devant une telle opportunité. Le jour étant venu aujourd’hui pour la sortie, je m’étais assuré d’être dans la salle commune au moment où on m’avait dit de l’être, histoire de ne faire attendre personne. Puis, une fois que tous furent présents, nous nous mîmes en route pour nous rendre au National Mall, plus exactement au musée de l’Air et de l’Espace. Ce musée, je ne connaissais un peu moins que certains autres où j’avais pu bosser, mais je n’étais pas fermé à aller le voir, ou plutôt le revoir, parce que quand même, j’avais pu y passer un peu de temps, et je me doutais bien que je serais toujours - voire plus - fasciné par ce qu’il avait à présenter que précédemment. Sans broncher donc, je passai la sécurité en même temps que le petit groupe que j’accompagnais, mais par la suite, parce que je ne voulais pas trop m’imposer dans leur journée non plus, déjà qu’en mon sens, c’était énorme qu’ils aient accepter de m’y emmener, je leur proposai de partir chacun de notre côté, puis nous retrouver à la fin de la journée afin de tous rentrer au centre, histoire de faire bonne figure et ne pas éveiller quelconque soupçon. Laissé à moi-même, en totale liberté, pour la première fois depuis ce qui me semblait être une véritable éternité, ce fut limite avec bonheur que je commençai à marcher au travers des gens qui se trouvaient autour de moi, les laissant vaquer à leur occupation, ne me sentant pas obligé de tenir la conversation comme je me devais limite de le faire à la clinique. Non pas que les autres patients n’étaient pas sympathiques, mais disons que vivre en communauté n’était plus vraiment mon genre, alors retrouver le monde extérieur de même que ma vie un peu plus personnelle, là, c’était juste parfait. En silence, seul avec moi-même, je pus me permettre de commencer à considérer les éléments présentés dans le musée, à commencer par le premier qui se trouvera sur mon chemin. Peu pressé, je m’approchai pour y lire l’écriteau, en apprendre un peu plus. Mains dans les poches, je commençai à lire tranquillement, ne m’attendant clairement pas à ce que soudainement, une voix se fasse entendre non loin de ma personne, si proche qu’au bout d’un petit moment, je compris que c’était à moi que la personne s’adressait. Persuadé que je pourrais m’en sortir avec un petit hochement de tête, un sourire timide et quelques pas dans la direction opposé, comme la majorité des gens faisaient - c’était ce que je pensais en tout cas - il fut donc plus que surprenant d’entendre la demoiselle tenir des propos un peu plus personnels qu’une simple conversation superficielle entre deux personnes qui regardaient la même chose dans un musée. Pris de court, j’haussai les sourcils, ne sachant clairement que dire. Puis, peu de temps après, elle reprit la parole, comme si elle tentait de rattraper le coup, mais malheureusement, cela ne m’aida pas trop à savoir quoi lui dire, sauf:  « Ah ouais… », sachant très bien que ce bref propos ne menait carrément nul part. Perturbé, tentant de faire un sens à tout cela, mais surtout déterminer à quel genre de discussion j’aurais droit pour la suite - si je me décidais à la faire durer - je décidai de demander, un peu maladroitement, en tentant tout de même de rester poli:  « Hum… On se connaît ? » Parce qu’en fait, je ne voyais pas vraiment pourquoi elle en viendrait à me parler de vaisseaux en concubinage, colocation, je ne saurais dire… Enfin, si j’avais bien compris ses dires, parce que ça, je n’étais pas sûr et certain d’avoir tout saisi dans le cas présent.

Mon coeur se mit soudainement à battre la chamade au moment où la demoiselle en vint à me dire qu’elle savait soi-disant tout de ma personne. Paranoïaque ? Non, pas vraiment, enfin, je n’espérais pas l’être. C’était seulement parce que cette phrase, je l’avais entendue bien des vois, avec des tournures différentes, mais provenant du même type de public dans l’ensemble. Et en considérant la jeune femme, en essayant de me faire une idée sur l’âge qu’elle pouvait avoir, je commençai à supposer qu’elle faisait partie de ce type de personne. Puis, le tout me fut confirmé quand elle en vint à ajouter que nous nous étions rencontrés pendant un concert - ce dont je ne me souvenais pas mais après, qui pouvait me blâmer ? - me faisant comprendre que je me devais à présent de regretter ma sortie en solitaire et craindre que ce que je comparais à un cauchemar n’allait pas durer très longtemps ou prendre une tournure que je ne saurais supporter. Évidemment, rencontrer une fan, ce n’était pas nouveau me concernant. C’était arrivé bien des fois, et avant la rupture du groupe, ça ne me gênait pas. Après tout, quel jeune homme sur le point de devenir un adulte serait embêté à l’idée de se faire pourchasser par des filles qui l’idolâtrent ? Certainement pas moi, en tout cas. Cependant, cette période était à présent révolue. Maintenant, le moins je faisais de remous, le mieux c’était. Voilà pourquoi je m’étais tapi dans l’ombre aussi bien que possible une fois que tout cela fut terminé. Voilà pourquoi j’avais fait en sorte de ne rien faire de spécial, de même changer mon apparence, en quelques sortes, pour passer inaperçu. D’un jeune blanc-bec aux mèches blondes et sans poil au niveau du menton, j’avais repris ma couleur naturelle de cheveux, beaucoup plus foncée, et je m’étais laissé pousser la barbe. Ce n’était peut-être pas grand-chose, mais ça avait été suffisant pour berner la majorité des gens. Mais clairement, cette demoiselle, dans son rôle de fan, dépassait la normale, me laissant perplexe, démuni, sans savoir quoi faire. Allait-elle me sauter dessus ? Transformer ses commentaires sur mon comportement en reproches ? Si c’était la deuxième option qui se présentait, pour sûr, j’allais quitter ce musée aussi rapidement que j’y étais entré. Parce que là, elle viendrait, en mon sens, dépasser les limites de la vie privée. En effet, la façon que je me comportais envers tout le monde ne regardait que moi, et ma vie ne ressemblait à rien à celle que j’avais à l’époque, donc il était, en mon sens, tout à fait normal que je n’agisse pas de la même façon. Heureusement, je n’eus pas à défendre mon point de vue ou prendre mes jambes à mon cou. Je le compris au moment où la jeune femme en vint à ajouter qu’elle n’allait rien dire, ce qui me soulagea quelque peu. Cependant, je compris que je ne pouvais pas me permettre d’être complètement soulagé pour autant, puisqu’elle en vint à me proposer de marcher en sa compagnie dans le musée et… L’écouter parler. Légèrement embêté, puisque je pensais avoir un moment seul, je ne sus toutefois lui dire non, parce que je sentais que dans le cas échéant, elle ne me lâcherait pas. Pire encore, je ne pouvais pas simplement dire que je devais partir; il me fallait attendre la famille de mon ami pour le faire, je ne pouvais pas sortir tout seul… Soupirant doucement, je finis par lui dire, dans un haussement d’épaules:  « Si… Si vous voulez. » Sitôt, je me reprochai de m’être embarqué dans quelque chose de potentiellement malsain, mais je tentai de me rassurer en me disant que dans le pire des cas, je n’aurais qu’à faire demi-tour, quitte à me tapir dans les toilettes pour hommes pendant un moment, parce que là, à moins qu’elle soit vraiment cinglée, elle ne pourrait pas me suivre. Mais tentant quand même de faire mon mieux pour ne pas faire trop de remous, je m’efforçai quand même de lui demander:  « Et… Vous êtes ? » parce que si elle connaissait plus que mon prénom, moi, je ne le savais pas, et je ne pensais pas que j’avais à m’excuser pour l’avoir oublié après plus de dix années d’inactivité dans le monde de la musique.

Sans même que je réfléchisse ou quoi que ce soit, j’eus un sursaut au moment où la jeune femme prononça le mot « violer », et il me fallut faire un effort surhumain pour ne pas prendre un pas de recul, parce que là, j’aurais vraiment eu l’air plus qu’idiot, limite paranoïaque dans le cas présent. Et même si je devais admettre que je n’étais pas complètement confortable dans cette situation, il y avait quand même des limites. Tentant alors tant bien que mal de me changer les idées et m’assurer que mes démons n’auraient pas le meilleur de moi en ce moment, j’essayai de changer le sujet en demandant à qui j’avais affaire, me disant que c’était la moindre des choses, autant pour moi que pour elle. Fidèle à son habitude, que j’étais en train de découvrir, la demoiselle en vint à se présenter, non pas par son prénom ou son âge, mais m’expliquant ce qu’elle faisait dans la vie en long et en large, comme si limite, elle tentait de me vendre son boulot. Hochant la tête pour montrer que j’accusais réception de l’information, n’osant pas vraiment prendre le risque de prendre la parole, pour l’interrompre, ou bien dire quelque chose que je serais susceptible de regretter par la suite, puisque les deux éventualités me faisaient aussi peur l’une et l’autre. Je la laissai alors poursuivre, tandis qu’elle poursuivait ses explications sur ce qu’elle faisait. À la fin, je ne fus pas vraiment convaincu d’avoir tout compris, parce que jamais je ne m’étais approché de ce milieu. Bref, ce n’était certainement pas parce que je ne voulais pas comprendre, mais parce que cela dépassait ma capacité. Toutefois, pour ne pas le laisser paraître et ne pas passer pour encore plus antipathique qu’en ce moment, je tentai de répondre, maladroitement:  « C’est… Très intéressant. » Je regrettai aussitôt d’avoir tenu ces mots, persuadé que ne pas les avoir dits serait revenu à la même chose, aurait même été mieux dans le cas présent. Coincé par le fait de ne pas être en mesure de dire quoi que ce soit qui soit bien intelligent, ce fut que par un nouveau hochement de tête accompagné d’un haussement d’épaules que je lui fis savoir que cela ne me gênait pas qu’elle utilise un langage plus familier avec ma personne. Après tout, tout le monde le faisait à une certaine époque et plus encore, je me rendais compte aujourd’hui que cela me rendait plus à l’aise, quand je pouvais me permettre de l’être. Compte tenu que je n’avais pas une trop grande estime de moi-même, je n’estimais pas que je méritais de me faire appeler « monsieur » ou quoi que ce soit du genre, alors ainsi, c’était mieux. Et qui sait, peut-être que dans cette optique, la conversation serait un peu plus facile entre nous deux ? Je n’en étais pas complètement convaincu, mais je tentais quand même de m’encourager, et je tentai de le faire jusqu’à ce que soudainement, Isobel en vienne à me poser une question sur ma personne, une question à laquelle je n’avais jamais vraiment ouvertement répondu, pas à des étrangers en tout cas. Bien sûr, quand j’étais vendeur de souvenirs et autres babioles du genre, j’étais susceptible d’être reconnu, mais ce n’était jamais arrivé, pour mon plus grand soulagement. En tout cas, ce n’était jamais arrivé avant aujourd’hui, et bien sûr, je me devais encore de m’ajuster à la situation. Et là, dans le cas présent, cela signifiait de trouver quoi répondre à sa fameuse question. Au moins, savoir qu’elle n’allait pas en parler ouvertement venait me rassurer quelque peu, mais n’étant pas certain pour autant de savoir quoi dire, je me contentai de simplement dire, au bout du compte:  « Oh rien de bien particulier. » Qu’aurais-je pu dire d’autre de toute façon ? Franchement, je ne savais pas du tout ce que j’aurais pu dire, considérant le fait que parler de ma cure de désintoxication était trop délicat, et parler de mes petits boulots, trop peu glorieux. Enfin, ma réponse n’était pas brillante non plus, j’en étais conscient, d’où le fait que j’eus ensuite un rire nerveux, j’ajoutai:  « Ça ne doit pas trop t’impressionner pour le coup. » Évidemment, je faisais directement référence à l’admiration qu’elle semblait porter à ma précédente carrière, carrière qui n’existait plus à présent, et qui n’existerait plus jamais, à mon avis, qu’importe la quantité de personnes que cela pourrait décevoir.

D’une certaine façon, je m’étais promis d’être patient et tolérant envers cette jeune femme qui se trouvait à être une vraie pipelette, mais en retour, je m’attendais au minimum à ce qu’elle comprenne par mes dires que je ne voulais pas parler de ma personne trop longuement, parce qu’il n’y avait pas grand-chose à dire ou du moins, rien de quoi j’avais vraiment envie de parler. Et jusqu’à présent, ses questions frôlaient le raisonnable, alors je faisais avec, mais là, quand soudainement, elle en vint à se permettre de commenter mon choix de vie, faire une remarque sur mon manque d’ambition, là, pour moi, ce ne fut plus vraiment tolérable. Inspirant profondément pour ne pas m’énerver, je me contentai, pour toute réponse, de hausser les épaules, me refusant à dire quoi que ce soit, parce que je ne savais pas ce qui pourrait sortir de ma bouche, sauf pour le fait que je risquais fort probablement de le regretter. Et pourtant, ce ne fut pas suffisant pour la faire taire. Elle continua sur cette lancée, en venant à me demander l’argent que je pouvais faire, les passions que je pouvais avoir, et moi, je me refusai encore à répondre, même si je dus serrer le poing, pincer les lèvres, détourner mon regard. Bref, tout faire pour ne pas prendre les nerfs comme ça, dans ce musée, alors que techniquement, je ne devrais pas être seul comme ça. Enfin, j’avais la compagnie de la demoiselle, mais ça ne comptait pas vraiment, dans le sens où elle ne connaissait pas ma condition, elle n’était pas là pour me surveiller. En fait, en ce moment, elle faisait exactement le contraire de me surveiller, et tout cela me faisait grandement regretter de m’être éloigné de la sorte. Comment aurais-je pu penser que j’avais besoin de ce moment de solitude, à l’extérieur des murs du centre, alors que tout cela me rendait que plus sensible et vulnérable. Était-ce pour cela que les gens du centre refusaient les sorties non-accompagnées ? Fort probablement, et alors qu’avant, je trouvais ça idiot, puisque nous étions tous des adultes, je comprenais un peu mieux la raison. Mais là, personne ne serait là pour me sauver, alors une nouvelle fois, il me fallut supporter les propos de la jeune femme, comme ça, en subissant sans rien dire, en tentant de les oublier pour finalement, au bout du compte, en arriver à un point où là, c’était trop, pour vrai. Pas le genre de « trop » que quelqu’un pourrait utiliser pour donner un air un peu plus mélodramatique à une conversation, un trop que je ne saurais pas supporter. Celui-ci, il était arrivé quand Isobel en était venue à me demander si j’avais été blessé, parce que je n’étais plus comme avant. Et même si elle m’assura qu’elle ne souhaitait pas me faire du mal, j’eus quand même un geste de recul que je ne sus contrôler cette fois-ci, puis, j’eus le malheur d’ouvrir la bouche, et je me retrouvai à exclamer:  « Non, je ne suis pas comme avant, et ça ne regarde que moi, d’accord ? Et tant pis si je ne suis pas intéressant, si je n’a pas écrit de bouquin, si je ne sais pas peindre, merde, ce n’est pas tes affaires ! » Je ne voulais certainement pas en venir à pousser un juron de la sorte, mais ça avait été plus fort que moi. Cependant, quand je m’en rendis compte, je m’arrêtai, tentai d’inspirer, même si ce fut chose plus difficile. Puis, je repris en ajoutant:  « J’ai changé, ma vie a changé, et c’est pas l’affaire de personne. Désolé si je suis une telle déception à tes yeux. » Et ne voyant pas ce que je pourrais ajouter d’autre, et peu désireux de rester planté là alors que je savais très bien que je venais certainement de mettre un malaise monumental dans la conversation, je commençai à songer à l’éventualité de tourner les talons, et aller autre part, ou partir, je ne savais pas trop, mais bref, faire quelque chose pour fuir et oublier ce mauvais épisode.

J’avais déjà un doute comme quoi ma réponse serait fort probablement mal reçue. Je savais que je n’avais pas été des plus tendres, alors pour sûr, cela allait jeter un froid. Je n’en étais pas fier, je n’allais pas le cacher, mais je voulus attendre de me calmer, de laisser la poussière retomber avant de rectifier le tir, si j’étais capable de le faire, bien évidemment. Cependant, avant que je ne dise quoi que ce soit au final, j’eus droit à la réaction de mon interlocutrice, qui se fit encore plus outrée que je n’aurais pu ne serait-ce que l’imaginer. Se devait-elle de réagir à ce point ? Peut-être que pour elle, c’était légitime de se montrer vexée à ce point, mais de mon côté, je ne voyais pas vraiment ce qu’était le problème. Voilà un bon moment maintenant que je n’étais personne, que ce soit pour moi ou pour qui que ce soit. Pourquoi devrais-je prétendre que j’étais spécial pour une inconnue ? Pourquoi faudrait-il que je me plie à la volonté de la jeune femme d’en savoir plus à mon sujet, alors que certaines personnes que je côtoyais ne savaient même pas ce que je faisais de ma vie en détails ? Pour moi, ça ne faisait pas de sens, pas du tout même. Et dans cet ordre de pensées, je n’oubliais pas qui j’étais précédemment pour autant, mais voilà maintenant près de dix ans que plus personne ne voulait entendre parler de moi, et je vivais très bien avec cela, alors pourquoi cela changerait aujourd’hui ? Comment cela se faisait-il que soudainement, je sois de nouveau idolâtré par Isobel ? Je ne le sus trouver réponse à la question, mais je compris que je vais probablement la déstabiliser, la désillusionner. Je compris également que même si je ne le voulais pas, il me faudrait à un moment ou un autre comprendre que je ne pourrais pas changer qui j’étais, ou plutôt, ce que j’avais été. Pour les autres, ce serait toujours ainsi. Allais-je pouvoir l’accepter un jour ? Peut-être il me le faudrait, mais là, tout de suite, je ne savais comment, je ne savais même pas si ce serait possible me concernant. Et clairement, la demoiselle n’avait pas l’intention de me laisser le temps d’y réfléchir, puisque sitôt, elle me donna congé, ne me laissant pas le temps de dire quoi que ce soit au final. Dans une dernière tentative, je dis:  « Attends, je… » mais quand je me rendis compte que je ne savais même pas ce que je pourrais lui dire, si j’avais envie de m’expliquer alors que je ne savais même pas ce que je pourrais expliquer, je marmonnai:  « Et puis merde… » entre mes dents, histoire que personne ne m’entende. Désormais seul, je passai une main sur mon visage, lentement, comme si je voulais m’assurer que la jeune femme ne soit plus dans mon champ de vision une fois que j’aurais retrouvé ma vue des environs. Heureusement, ce fut le cas, mais cela ne m’aida pas à me décider à ce que je pourrais faire, parce que je ne voulais pas prendre le risque de la croiser de nouveau. C’était peut-être lâche et ridicule de ma part, mais je ne savais pas du tout comment composer avec tout cela, tout ce qui se passait dans ma tête. De ce fait, ce fut presque un soulagement de recevoir un message sur mon téléphone de mon ami, me signifiant qu’il était prêt à rentrer au centre. Décidément, c’était à cet endroit que j’appartenais pour le moment, et même si celui-ci ne me plaisait pas toujours, presque jamais en fait, il était clair que je n’étais pas prêt à aller à l’extérieur. En tout cas, si c’était pour avoir des visites aussi moches, je préférais rester seul à l’intérieur et sortir une fois que je serais capable de composer avec ma personne, si j’étais capable de le faire un jour.