Il faut beaucoup d’amour pour transformer un nounours en meilleure amie ♠ Marnnie

Je n’allais pas nier que j’appréciais que Marius exprime sa reconnaissance envers ma personne, le fait que je l’écoutais et que je le faisais comme je le pouvais, que ce soit par un simple baiser sur la joue ou bien ses mots. Cependant, jamais je ne serais en mesure de prendre en considération ce fait comme étant quelque chose qu’il devrait me rendre à un moment donné. Ce serait tout simplement idiot de ma part. Et puis, je préférais de loin lui donner mon temps sans compter, parce que je me disais que l’amitié, c’était fait pour ça. Et puis, comme Marius en vint à le dire par la suite, il était autant là pour moi que je l’étais pour lui. Évidemment, je n’avais pas vécu tant de soubresauts amoureux que lui, mais quand Sheri avait eu son accident, quand les choses avaient commencé à moins bien se dérouler avec Mike, Marius avait toujours été une épaule réconfortante, des oreilles attentives, bref, une personne vers qui je n’avais pas hésité à me tourner pour me rassurer et me sentir mieux. Après, je ne pouvais nier que cela faisait toujours du bien de l’entendre me le rappeler, d’où le fait que je me permis d’esquisser un petit sourire à ses propos, sourire qui devint encore plus large quand Marius se permit de poser sa main sur mon ventre. Sachant que les mouvements de ma fille n’étaient pas aussi évidents qu’à d’autres moments - bien souvent la nuit, comme si elle voulait absolument me garder éveillée - j’espérai quand même qu’il avait été en mesure de la sentir ne serait-ce qu’un peu. Je n’eus pas l’occasion de lui demander au bout du compte, mais je compris bien que l’attention lui avait fait plaisir et au final, j’avais compris que c’était l’essentiel dans le cas présent. Et puis, si jamais c’était nécessaire, ce n’était pas comme si son contact me complexait, alors pour sûr, je pourrais l’aider à repérer les coups de pied pour qu’il puisse le sentir s’il le souhaitait, mais ce serait quelque chose que nous ferions certainement plus tard, puisque peu de temps après, nous entrâmes dans la boutique, main dans la main, nous obligeant à porter notre attention sur ce qui nous entourait, comme les gens portaient attention en notre direction. Je n’avais pas vraiment besoin de les regarder bien longtemps pour deviner ce qu’ils devaient penser; que Marius et moi formions un joli couple, peut-être jeune pour devenir parents, mais quand même mignon. Je ne l’imaginais pas pour le plaisir, ça nous était déjà arrivé, et franchement, je n’avais su qu’en rire. Enfin, je ne pouvais nier qu’au vu de notre âge commun et de notre complicité, il était facile de nous prendre pour un couple, mais je ne m’en complexais pas, je préférais m’en amuser plus qu’autre chose. Pour cette nouvelle raison, je gardai encore et toujours un petit sourire, comme si celui-ci n’allait jamais disparaitre. Mais pourtant, à la nouvelle question de mon ami, déviant complètement du sujet dont nous étions en train de traiter, eut sitôt cet effet. Mon visage devint soudainement un peu plus décontenancé et triste, sans même que je puisse y réfléchir, donc tenter de le cacher de quelconque façon. Dans le même ordre d’idées, ce fut plutôt maladroitement que je dis:  « Ça va… », sachant parfaitement que ça sonnait faux et que ça ne me plaisait pas du tout. Pourquoi ? Parce que c’était Marius dont il était question, et même si je n’avais pas envie de l’embêter avec mes ennuis, il n’en demeurait pas moins que je ne pouvais pas mentir à propos de ceux-ci, pas à mon meilleur ami qui savait tout de moi, qui pouvait tout deviner de moi, alors je pouvais difficilement lui cacher quoi que ce soit. Soupirant doucement, je me résignai alors à ajouter:  « Mike est de plus en plus distant et franchement, je ne sais plus quoi faire. Je sais qu’il est en deuil de son frère et tout, mais il ne me laisse pas l’aider… Et hors de question que je lui propose de consulter quelqu’un… » En vérité, j’avais déjà tenté de le faire, et ça avait été un véritable cauchemar. Il avait déblatéré un paquet de trucs sur son statut professionnel et sa crédibilité, d’une façon si sèche et agressive que je n’avais pas osé en reparler par la suite.  « C’est de peine et de misère que j’ai su le convaincre à préparer la chambre du bébé… J’espère juste que lorsqu’elle arrivera, ce sera différent… » Était-ce idiot de s’accrocher à cela ? À mon avis, pas vraiment, pas quand je me rappelais comment il avait réagi quand je lui avais annoncé que j’étais enceinte en tout cas. Il m’avait paru si heureux à l’idée d’être papa… Peut-être avait-il perdu cette enthousiasme et il le retrouverait à la naissance du bébé ? C’était malheureusement un des derniers espoirs que j’avais à ce point.

Moi non plus, je ne pouvais pas comprendre la douleur que Mike pouvait éprouver en ce moment. Je pouvais l’imaginer un peu, quand je repensais au moment où nous avions tous deux su que Sheri et Kyle avaient eu un accident de voiture, sans savoir comment ils s’en étaient tirés. Pendant un instant, j’avais vécu cette frousse horrible de perdre ma soeur, une des personnes les plus importantes dans ma vie. Compte tenu que j’étais en début de grossesse à ce moment-là, j’en avais même été encore plus malade qu’à l’habitude. Mais moi, contrairement à mon mari, j’avais pu éprouver le soulagement de savoir ma soeur en vie. Pas nécessairement sans séquelles, mais en vie, ce qui était énorme, quand même. Mike n’avait pas eu droit à ça. Évidemment, j’avais été également triste de perdre mon beau-frère que j’affectionnais tout de même, mais la douleur que mon mari devait ressentir n’avait rien à voir. De ce fait, je m’étais efforcée de garder profil bas, de ne pas me faire trop insistante, de rester disponible si jamais il voulait parler, être réconforté, mais au bout du compte, il s’était tant refermé sur lui-même que je me trouvais impuissante, complètement inutile, d’où le fait que je commençais à ne plus savoir quoi faire. Pire encore, j’étais tant enfermée dans cette situation qu’aucun geste, aucune parole, aucune solution la moindrement logique ne me semblait possible. Il fallait dire aussi que je n’avais pas pris de recul, et pas encore je m’étais ouverte comme je venais de le faire avec Marius. Pourquoi ? Parce que ça n’avait pas adonné, parce que je pensais que cela passerait, que la situation serait plus supportable avec le temps, mais le temps s’écoulait, et plus il avançait, plus je voyais la naissance de notre fille approcher, et plus je commençais à m’inquiéter qu’il ne soit pas présent pour elle. Commençant donc à m’alarmer, je ne regrettai pas une seule seconde d’en avoir parlé à mon meilleur ami, puisque celui-ci, à mon agréable surprise, en vint à me proposer quelque chose que je n’avais pas envisagé précédemment, soit lui faire part de ce que je ressentais, non pas dans une discussion, mais d’une façon plus indirecte, qu’il pourrait considérer seul s’il le voulait. Ne pouvant qu’aimer l’idée, je hochai la tête quand il continua d’en parler, et une fois qu’il eut terminé, c’est là que je me permis d’ouvrir la bouche et dire:  « C’est vrai… Tu as raison… » Perdue dans mes pensées pendant un bref instant, je me mis soudainement à penser à ce que je pourrais lui dire, pour finalement me rendre compte qu’en fait, je ne savais pas trop ce que je pourrais lui dire exactement. Légèrement hésitante pour le coup, mais peu désireuse de rejeter l’idée, parce qu’elle demeurait quand même brillante, je décidai d’en revenir à celui qui s’avérait à être mon plus précieux conseiller en ce moment, histoire de lui demander:  « Mais… Tu crois qu’il serait susceptible de trouver ça… Égoïste de ma part ? » Ce que je voulais dire par là, c’était que je ne voulais pas lui donner l’impression que je voulais le forcer, encore et toujours. Mais si jamais je ne faisais que penser à moi dans tout cela, que je lui parlais un peu trop dans mes sentiments, peut-être que ça ne ferait qu’envenimer davantage les choses ?  « Je n’ai pas envie que ce soit pire… Quoique j’ai l’impression que ça ne saura jamais être pire qu’en ce moment… » Voilà ce qu’était ma grande crainte dans tout cela. Marcher sur des oeufs constamment avec l’être aimé, et ne pas être en mesure de faire quoi que ce soit pour régler le problème, c’était lourd, et surtout, ça me faisait peur pour la suite, puisqu’une vie de famille nous attendait bientôt, même si en ce moment, j’avais le sentiment que ça, Mike l’avait complètement oublié et voyait l’arrivée de notre fille plus comme une corvée qu’autre chose.

Je savais bien que Marius ne pouvait pas avoir réponse à tout, encore moins dans la situation présente. C’était tout à fait normal et par conséquent, je ne pouvais clairement pas lui en vouloir d’une telle chose. Cependant, compte tenu que tout était devenu si complexe, si délicat avec mon mari, j’avais voulu espérer pendant un instant que ce que Marius venait de me proposer serait la solution à mes problèmes, que soudainement, parler de ce que je ressentais à mon époux serait susceptible de lui ouvrir les yeux, faire en sorte qu’il ne se referme plus de la sorte et qu’il soit capable de me parler, pour que je puisse l’aider à passer au travers de son deuil et être prêt pour l’arrivée de notre fille. Mais par ma question, par la réponse de mon meilleur ami, mon espoir s’était quelque peu envolé, parce qu’il venait créer le même noeud dans lequel j’étais prise depuis l’accident de voiture. Bref, j’étais encore et toujours partagée entre l’égoïste et la nécessité de le faire, et bien que j’étais maintenant convaincue que ne rien faire ne changerait rien au bout du compte, il n’en demeurait pas moins que je n’avais pas l’enthousiasme que j’aurais voulu avoir à cette idée. Plutôt que de m’extasier devant le génie de cette idée comme j’aurais tant aimé pouvoir le faire, je me contentai de simplement soupirer doucement, puis répondre à Marius:  « Je l’espère… » Et puis, qui sait, peut-être que Mike était demeuré suffisamment rationnel pour comprendre que quelque chose clochait si jamais je venais à lui en parler ainsi ? Peut-être comprendrait-il que si j’avais pris le temps de préparer quelque chose pour lui, plutôt que de l’apostropher pour lui parler, il verrait qu’il était peut-être temps qu’il tente de percer cette bulle dans laquelle il semblait emprisonné depuis trop longtemps maintenant ? Si jamais je ne tentais pas la chose, pour sûr, je ne le saurais jamais, et j’allais le faire, même si clairement, ça me faisait peur. Mais au moins, je pouvais me réconforter en me disant que je n’étais pas seule. Contrairement à bien des gens que j’avais pu connaître, je ne m’étais pas permise de me refermer sur mon mari et ma famille proche en oubliant mes amis au moment où je m’étais mariée. Mes amis, ils avaient une place primordiale dans ma vie et ils l’auraient toujours. Et ça, Marius me le prouva une nouvelle fois quand il en vint à dire, à la blague bien sûr, qu’au pire, lui, il servirait de père à cette petite fille que je portais. Sachant très bien que son propos n’était que bonne intention, je ne cherchai pas à lui dire que c’était là un commentaire idiot, ou remettre en question ses capacités de s’occuper d’un bébé. Marius n’était probablement pas au stade de sa vie pour penser à avoir un enfant qui serait le sien, mais sachant très bien que malgré tout ce qui s’était passé dans sa vie, jamais il ne m’avait laissée tomber, jamais il ne m’avait oubliée, j’étais consciente que si jamais je lui demandais de m’aider, il serait capable de le faire. Et pour cette raison, en guise de réponse, je me contentai de simplement enrouler mon bras autour du sien, puis poser momentanément ma tête sur son épaule en lui adressant un doux:  « Merci… » Évidemment, ce remerciement ne s’appliquait pas qu’à ce commentaire, mais aussi au fait que malgré ses propres tourments, il avait pris du temps pour m’aider, être là pour moi, me redonner le sourire. Et puis au fond, ce remerciement était si sincère qu’il pourrait simplement signifier à lui dire merci d’être mon meilleur ami que je n’en serais pas complexée, bien loin de là. Et éventuellement, je pus rajouter à la liste un merci de le laisser jouer les poupées avec moi pendant un moment, considérant que nous étions maintenant entrés dans cette première boutique et que désormais, j’étais bien décidée non seulement à me changer les idées, mais aussi changer celles de mon meilleur ami, histoire que pendant un instant, nous soyons capables d’oublier nos problèmes respectifs et passer un bon moment ensemble.