Comment raté une drague en dix leçons ? (Micah)

Moi ? En train de me faire draguer dans ce bar ? Alors que normalement j’étais tout sauf attirant ? Pourquoi voudrait-elle me draguer moi ? Qu’avais-je vraiment d’attirant ? Était-ce un mauvais pari ? Bon d’accord, cette dernière supposition était complètement idiot, au vu de comment elle avait réagi, mais il n’en demeura pas moins que j’étais carrément estomaqué. Et quand je me retrouvais dans une telle situation de choc, je n’avais pas les aptitudes nécessaires pour réagir convenablement, répondre du tac au tac et tenter de détendre l’atmosphère. Comme un idiot donc, je restai là, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, ne pouvant laisser sortir de celle-ci qu’un débile:  « Oh… » qui n’irait nulle part, c’était sûr et certain. Et le pire, c’était que je ne voulais pas en rester là, parce que mine de rien, à la voir aussi décontenancée, limite fâchée envers moi, je me sentais pas. Et pour cette raison, la moindre des choses fut bien sûr de lui dire:  « Je suis… Vraiment désolé. » C’était là des mots polis, des mots que je pensais sincèrement dans le cas présent, même si là, tout de suite, ça me semblait trop plat. Voilà pourquoi je me décidai à ajouter, même si ce fut maladroit:  « Je ne voulais pas… Je ne voulais pas te vexer… Vraiment pas… » Par contre, je dus me rendre à l’évidence; je ne parvenais pas à dire quoi que ce soit. Pire encore, je me sentais idiot, idiot de ne pas avoir su comprendre les signes. Après, est-ce que cela aurait changé ma réaction ? Est-ce que ça m’aurait rendu confortable dans la situation ? Je doutais que ce soit le cas, parce que justement, ça ne m’était jamais vraiment arrivé, alors je n’aurais pas été davantage conditionné à réagir. De toute façon, qu’importe dans quel sens je retournais la question, désormais, il était trop tard. Outre m’excuser, me montrer confus de la situation, je ne pouvais pas faire grand-chose. J’espérais juste que ça ne viendrait pas gâcher toute la soirée, et surtout que ça ne gâcherait pas la soirée de la jeune femme, même si cet espoir, je ne m’y accrochais pas trop, ce qui me faisait culpabiliser encore plus.

Je demeurai quelque peu perturbé à la question de la jeune femme. Non pas qu’elle n’était pas légitime ou quoi que ce soit, mais parce que me concernant, jamais je ne me serais permis de demander une question aussi directe, d’une façon aussi directe. Peut-être était-ce simplement moi, peut-être que ma timidité et ma façon de ne jamais vouloir blesser qui que ce soit entrait en ligne de compte et me rendait encore plus différent et marginal que je ne l’aurais cru dans un premier temps, ou bien était-ce simplement dans la nature de la jeune femme blonde d’être aussi directe. Quoiqu’il en soit, il était évident que ça faisait un mélange un peu étrange, qui ne me rendait pas plus confortable. Évidemment, je n’en étais pas vraiment fier et je ne l’assumais pas vraiment, parce que pour sûr, j’aurais voulu être capable d’en rire, capable de détendre l’atmosphère, mais malheureusement, ce n’était pas dans mes capacités. Dans cet ordre d’idées, je ne parvins pas à rigoler, raconter une anecdote un peu étrange ou quoi que ce soit. Tout ce que je sus faire pour répondre à sa question - parce que quand même, elle méritait une réponse - ce fut de secouer la tête négativement, avant de lui dire, dans un haussement d’épaules:  « Pour tout avouer, je ne suis pas vraiment du genre à sortir à la base… » De ce fait, je n’avais pas tant multiplié les occasions de me faire aborder de la sorte, mais personnellement, je n’avais jamais vraiment mal vécu avec ce fait. Quand je sortais, je le faisais avec des amis proches, je m’adonnais à des activités qui, je le savais, allaient nous plaire à tous les deux. Là, je m’étais rendu dans ce bar surtout par politesse, sortant donc de ma zone de confort, et pas rien qu’un peu, au vu de ce qui venait de se passer. Et sans que ce soit contre la jeune femme, disons que désormais, il me tardait à revenir à mes habitudes, qui me convenaient pas mal plus que de me retrouver dans des situations remplies d’embarras comme celle-ci.

Alors que quelques secondes auparavant, c’était moi qui étais en train de me fondre en excuses, et avec raison de le faire, maintenant, c’était la demoiselle qui s’excusait à moi de m’avoir bousculée de la sorte. Ou bien était-ce pour ça ? Pour le fait d’avoir pété un câble sur ma personne ? Le simple fait d’être venue m’aborder ? Autre chose ? Peu certain, je décidai de ne pas passer plus ample commentaire, me contentant de simplement lui dire, dans un haussement d’épaules:  « Ce… Ce n’est pas grave. » Dans ma tête en tout cas, ce ne l’était pas. Évidemment, ç’avait provoqué un malaise, je ne pouvais pas le nier, mais je n’en faisais pas un drame non plus. Après, peut-être que ce n’était pas pareil pour la demoiselle, qui, elle, semblait avoir l’habitude d’aborder des gens comme ça dans un bar, alors je ne me vis clairement pas à lui dire que nous finirions par rire de cette histoire, puisqu’elle, elle semblait tout sauf avoir le coeur à rigoler. Mais ne me voyant pas non plus laisser tout cela sur cette note, comme si nous laissions des points de suspens à cette anecdote, même si nous ne nous connaissions pas, sauf de prénom, je tentai de trouver une façon de désamorcer encore plus tout cela. Malheureusement, je ne trouvai rien que je jugeais infaillible, alors je fus obligé de faire quelque chose qui ne me plaisait pas tant; prendre un risque. Normalement, j’aimais ma zone de confort, ou j’aimais en sortir quand je savais que je ne plongeais pas les yeux fermés dans quelque chose. Mais là, c’était un peu ça, et je n’allais pas le nier, ça me rendait un peu nerveux. Malgré tout, je pris mon courage à deux mains, et je finis par dire:  « Et si… On reprenait à zéro ? » Je me rendis compte qu’après-coup que ma proposition sonnait un peu étrange, même si elle était toute simple; pourrions-nous se présenter de nouveau, oublier l’étrangeté de la situation, et qui sait, peut-être apprendre à se connaître un peu ? Voilà ce que j’aurais voulu lui demander, mais les mots et la locution me manquaient, donc je m’étais contenté de dire cela, et je ne parvins pas à agrémenter mes propos, attendant donc, en silence, de voir comment la jeune femme allait réagir.

Puisque la réaction de la demoiselle ne fut pas des plus immédiates, je craignis pendant un instant que mon idée était complètement idiote et qu’elle aurait tôt fait de me repousser, laissant cette conversation se transformer en un profond malaise et ainsi, me faire regretter encore plus d’être venu en ces lieux en sachant d’emblée que je serais tout sauf confortable. Stressé, je pensai pendant un instant que je devrais peut-être dire quelque chose, rectifier mes propos ou un truc du genre, mais avant que je dise quoi que ce soit, au bout du compte, la demoiselle reprit la parole, en venant à accepter ma suggestion. Sitôt, je me détendis, et plus encore, à son rire, je me permis de lui sourire doucement, pas assez détendu toutefois pour rire avec elle, pas pour le moment en tout cas. Cependant, je fus quand même en mesure de lui dire, à sa question:  « Oh non, j’attends personne, vous pouvez vous asseoir. » tout en lui désignant le siège libre à côté de moi, m’installant de façon plus confortable sur le mien par la même occasion. Une fois que ce fut chose faite, j’eus un autre moment d’hésitation, mais celui-ci fut plutôt bref, faisant en sorte que je ne tardai pas à ajouter:  « Vous savez… Vous pouvez aussi… Enfin… » Malheureusement, j’avais parlé trop vite pour moi, pour moi dans le sens où je voulais bien dire quelque chose qui était tout banal pour certaines gens mais qui, moi, me rendait un peu plus inconfortable. Obligé de me ressaisir pour le coup, je pris un temps, et après, je me permis finalement de dire, d’un ton plus posé, d’une voix plus assurée:  « On peut se tutoyer, si vous le voulez bien. » Oui, ça faisait étrange de le demander comme ça, mais pour moi, je trouvais ça encore plus étrange de la vouvoyer alors que nous avions sensiblement le même âge, et que nous tentions de faire plus amplement connaissance, histoire d’effacer ce petit incident qui était survenu précédemment. Après, ce n’était là que mon avis. Si jamais la demoiselle préférait garder une certaine distance par le vouvoiement, je ne lui en voudrais pas non plus, mais j’avais préféré me lancer quand même, dans l’espoir que cela vienne détendre un peu plus l’atmosphère.

Un petit  « Moi non plus. » accompagné d’un petit rit fut suffisant, en mon sens, pour faire savoir à la demoiselle que moi non plus, je n’aimais pas tant être vouvoyé. Après, je savais très bien que pour bien des gens, c’était signe de respect, c’était ainsi qu’on parlait aux gens qu’on venait de rencontrer, mais après, me concernant, j’aimais bien passer au tutoiement et ce, rapidement, compte tenu du fait que j’étais quelqu’un de simple, quelqu’un qui ne pensait pas mériter qu’on le place sur un piédestal. Après, je ne disais pas que chaque personne qui autorisait le vouvoiement était une personne qui se la pétait devant les autres, mais moi, j’étais fait comme ça, et ce n’était pas une sortie dans ce bar qui allait changer ce fait, comme cela n’allait pas changer le fait que je n’aimais pas tant déplaire aux autres, les contredire ou quelque chose du genre. Par conséquent, au moment où Elena en vint à me demander si la musique me plaisait, même si je n’étais pas persuadé que j’étais d’attaque à lui donner une réponse totalement positive, je lui dis:  « Oui, quand même.. » Ce n’était pas totalement faux, mais ce n’était pas la vérité pure non plus. En vérité, c’était le genre de musique que j’entendais souvent comme musique d’ambiance au zoo et bien souvent, c’était la même, alors au fil du temps, je commençais à m’en lasser, préférant écouter autre chose, de différent, de plus tranquille, une fois que j’étais sorti de mon lieu de travail. Voilà pourquoi j’avais ajouté le « quand même » à mon propos, mais au bout du compte, je sentis celui-ci si peu convaincant que je sentis l’urgent besoin de me rattraper, disant plutôt:  « En fait j’entends de la musique populaire toute la journée quand je travaille, donc j’aime plutôt la musique tranquille quand je suis ailleurs. » Puisque ce n’était pas dans mes habitudes de m’opposer aux gens - même si la jeune femme ne m’avait pas dit à proprement parler qu’elle aimait cette musique, j’avais pu le deviner quand même un peu - j’eus un petit rire nerveux, et je n’osai pas aller plus loin dans mes dires, craignant à cet instant beaucoup trop d’en avoir trop dit, ou du moins, suffisamment pour me mettre dans l’embarras et provoquer un nouveau malaise. Mais déterminé à ce que cela ne se produise pas, je fis quand même un effort pour passer outre mon inconfort, et finalement demander:  « Et toi ? C’est le genre de musique qui te plait d’habitude ? » Volontairement, j’avais tourné ma question autrement, dans l’espoir que cela permettrait d’entretenir la discussion et, par la même occasion, faire en sorte que j’en connaisse un peu plus sur la demoiselle.