ISAIAH & ADELA → I wish someone would do the same for me

Je ne pouvais nier que cela me fit drôle d’entendre la jeune femme m’avouer qu’elle n’avait pas l’habitude de parler de ses problèmes conjugaux. Non pas que je ne trouvais pas ça normal, mais parce qu’encore et toujours, j’avais le sentiment de voir la version féminine de ma personne devant moi. Je savais que jamais je ne m’étais donné l’occasion de découvrir si certaines gens vivaient une situation similaire à la mienne, mais je me doutais bien que ce n’était pas quelque chose de fréquent. Enfin, je savais que la violence conjugale était un problème beaucoup trop récurrent, mais pas au point où tout le monde pouvait en parler ouvertement, pas à mon avis en tout cas. De ce fait, c’était particulièrement troublant de trouver une personne susceptible de me comprendre à ce point. Mais était-ce pour autant que je voulais lui parler, m’ouvrir concernant ma situation ? Je ne pus m’empêcher de me poser la question pendant un instant, en particulier au moment où elle en vint à me proposer d’être une oreille attentive pour mes problèmes. Pendant un instant, me coeur hurlait de m’ouvrir, de lui dire à quel point j’en avais assez, de lui faire part du fait que je ne savais plus du tout quoi faire concernant mon mariage, parce que j’étais à la limite du « je n’en peux plus ». Par contre, je ne me voyais pas non plus commencer à me plaindre, dans mon bureau, alors que la jeune femme traversait une phase aussi difficile que la mienne pour le coup. Au bout du compte, je fis alors ce que je faisais toujours, c’est-à-dire que je me ravisai, encore une fois, et je finis par lui dire, dans un sourire qui se voulait rassurant:  « C’est gentil, mais… Ça ira, ne vous en faites pas. » Mais est-ce que ça irait vraiment ? Je n’en étais pas tant certain, mais pour le moment, il me faudrait faire avec, j’en avais l’impression. C’était dommage, je n’allais pas le nier, mais en même temps, je commençais, tristement, à en avoir l’habitude.

Je pensais qu’une fois que j’aurais dit à la jeune femme que je n’avais pas tant besoin d’en parler, elle changerait de sujet, ou du moins, cesserait de parler de cela, mais au contraire, elle en vint à insister davantage, en venant à me dire que cela pourrait me faire du bien, qu’elle pourrait comprendre si jamais je venais à lui expliquer et ce, même si ce n’était pas simple à expliquer, à mettre des mots dessus. J’appréciais sa compassion, j’appréciais aussi le fait qu’elle voulait se montrer compréhensive, et je lui fis savoir en lui lâchant un petit:  « Merci… », revenant presqu’à lui dire ce que j’avais dit précédemment quand elle en était venue à me le proposer pour la première fois, en un mot différent, mais avec la même portée, soit que je trouvais cela gentil de sa part. Par contre, je n’allai pas plus loin, revenant donc à silencieusement lui dire que je préférais ne pas en parler pour le moment. Ce n’était pas contre elle, bien loin de là, mais ici et maintenant, je n’étais tout simplement pas confortable pour le faire. Du coup, je gardai le silence suite à mon simple mot, me rendant compte toutefois bien rapidement que ce n’était pas tant la chose la plus confortable qui soit. Commençant limite à stresser, comme rarement je le faisais, même quand il était question de la partie la plus délicate de ma vie actuelle, je ne savais que faire. Pourtant, ce n’était pas la première fois que je laissais planer du doute concernant ma vie personnelle, mais chaque fois, je pouvais m’en sortir sans qu’on me pose trop de questions. Sauf que là, j’avais l’impression que limite, Adela pouvait lire en moi, et je savais parfaitement que je ne pourrais pas la berner de quelconque façon. Devrais-je alors lui dire ? Qui sait, peut-être que ça me ferait du bien… Mais avant que je prenne ma décision, un élève vint frapper à la porte de mon bureau, me faisant comprendre que je devrais bientôt me remettre au boulot. M’excusant maladroitement, je vins à proposer à la jeune femme de me raccompagner jusqu’à la sortie, là où je la saluai poliment une dernière fois, tentant de reprendre ma contenance sur le chemin du retour pour ne rien laisser paraître et ainsi, mettre des doutes dans la tête de ceux qui n’en avaient pas besoin ou ne sauraient comprendre.