Micah + c'est l'appel d'un terrien en détresse ...

Pendant bien longtemps, je m’étais senti coupable de cette décision d’envoyer ma mère dans un hôpital psychiatrique, et ce sentiment de culpabilité était toujours resté, même si tout le monde - mes grands-parents, les amis de ma famille, les médecins - me disait que c’était la meilleure chose que je pouvais faire, je ne parvenais pas à y croire ou plutôt, je ne parvins pas à y croire avant un bon moment. Mais maintenant, avec un certain recul, avec cette maturité que j’avais prise avec l’âge, je me rendais compte qu’effectivement, ce n’était pas un mauvais choix. Ce n’était pas un mauvais choix pour elle, comme ce n’était pas un mauvais choix pour elle. Bien que ce n’était pas l’endroit le plus heureux de la planète, il n’en demeurait pas moins que ma mère était entourée de personnes qui savaient comment s’occuper d’elle, ce qui n’était pas mon cas, encore moins lorsque j’avais seize ans. Maintenant adulte, visitant ma mère aussi souvent que possible, je ne parvenais pas toujours à la cerner, alors jamais je n’aurais pu m’occuper d’elle à plein temps en étant adolescent. Je me serais ruiné la santé, j’aurais ruiné ma vie. Par conséquent, je savais au fond de moi que j’avais fait le mieux pour elle, bien que ce ne soit pas toujours facile de me convaincre d’une telle chose, surtout quand je la voyais triste, quand je voyais qu’elle m’en voulait. Mais ça, c’était que ma situation, situation bien particulière qui n’arrivait pas à tout le monde. Bien que Jazz éprouvait des problèmes avec sa mère, j’étais persuadé que c’était tout autre la concernant, alors je ne pouvais lui dire quoi faire. Par contre, je pouvais au moins lui faire comprendre que je savais ce qu’elle traversait, et que je pouvais l’écouter d’une oreille attentive, compréhensive, et non pas que pour l’entendre ses lamentes et ses dilemmes intérieurs. Heureusement, cela sembla suffisant pour qu’elle parvienne à m’expliquer quelque peu sa situation, à quelle point celle-ci était difficile, à quel point ses réflexions venaient à la torturer. Bien que je ne savais que dire, je pouvais quand même comprendre, et je ne me sentais pas hypocrite ou quoi que ce soit du genre d’accuser réception de ses propos en hochant la tête. Après, il n’en demeurait pas moins que je ne pensais pas être le mieux placé pour venir lui dire quoi faire, d’où le fait que je restais silencieux, même si à un moment donné, ce fut impossible, raison étant que ma collègue de travail vint à me poser une question, me demandant mon avis sur la situation. Quelque peu pris de court, j’écarquillai les yeux, sans que ce soit de quoi les faire sortir de leurs orbites, et je tentai de gagner un peu de temps en me raclant la gorge, pour finalement dire:  « Je ne dirais pas ça non… Je suis certain que tu fais ton mieux pour l’aider… » Et malheureusement, on ne pouvait pas tout contrôler, on ne pouvait pas s’oublier non plus, prendre la place de l’être aimé. Ça, on me l’avait dit, bien des fois, et encore une fois, je commençais tout juste à le comprendre. J’aurais bien voulu donner ce conseil à la jeune femme, mais je n’en eus pas le temps, puisqu’une silhouette vint interrompre la conversation, la silhouette de sa mère, confuse, complètement perdue, ne reconnaissant pas sa propre fille. Bien que j’aie eu droit à maintes crises de la part de ma mère, tantôt tristes, tantôt plutôt violentes, il n’en demeurait pas moins qu’un tel spectacle me brisait le coeur, pour mon amie surtout. Impuissant, je pensai rester en retrait pendant un instant, pour me rendre compte que ça ne se faisait pas, tant pour mon amie que pour moi. Mais que pouvais-je faire ? Honnêtement, je ne me voyais pas agir de quelconque façon comme ça, sans avertissement, sans permission, alors je tentai quand même de demander à Jazz:  « Tu… Tu veux que je tente de lui parler ? » Pour lui dire quoi ? Pour faire quoi ? Je ne savais pas. Pire encore, j’en vins même à me dire que mon idée était complètement idiote, compte tenu la crainte visible de la dame des inconnus. Du coup, il me faudrait une réflexion, mais qui sait, peut-être que mon amie me montrerait comment intervenir. Si c’était le cas, pour sûr, j’allais faire tout mon possible pour lui venir en aide.

Au vu de ses dires, je supposais que Jazz ressentait une culpabilité horrible que je pouvais très bien comprendre. Parce que si je voyais juste, cette culpabilité, ce sentiment d’abandon, je l’avais ressenti trop souvent par le passé. Même parfois, lorsque je quittais l’hôpital, après une matinée qui avait été plus difficile que les autres, je le ressentais encore, me demandant si ç’aurait pu être différent si elle était restée avec moi. Maintenant, j’avais le réflexe de me dire que non, de me dire que ç’aurait été certainement pire, pour elle, pour moi, pour tout le monde, mais si cela ne faisait pas si longtemps que Jazz voyait sa mère dans cet état, elle était possible qu’elle ne soit pas rendue là, et je ne pouvais pas la forcer à penser le contraire, encore moins en ce moment. Je ne me voyais pas non plus lui parler de ma propre situation une nouvelle fois, sentant l’urgence de la situation, sentant la nécessité d’aider aussi bien que je pouvais. J’ignorais si le fait d’aller parler à la mère de mon amie était vraiment une bonne idée, mais je pouvais quand même tenter le coup, non ? Espérant que ça viendrait à porter ses fruits, j’attendis quand même d’avoir sa permission, puisque je ne me voyais pas m’imposer, ce n’était pas mon genre de m’imposer. Et quand je l’eus, j’inspirai, tentai de réfléchir pour tourner les talons et me rendre aux côtés de la dame, mais avant que je puisse faire quoi que ce soit, Jazz m’arrêta, me posant une question qui m’étonna un peu, qui me laissa même légèrement perplexe, si bien que je fronçai les sourcils, cherchant à assimiler l’interrogation, avant de finalement dire:  « Oui, pourquoi pas… » Est-ce que cela voulait dire qu’elle souhaitait y aller maintenant ? Non, certainement pas, ce n’était pas possible. Et pourtant, même si dans ma tête, c’était bien logique, je me trouvai quand même à préciser:  « Mais juste… Après… D’accord ? » Après quoi ? Après qu’on ait pu s’occuper de sa mère, bien évidemment. Ce serait un peu inutile de la laisser là, prendre le risque de la perdre de nouveau, et que cette aventure devienne un cercle vicieux interminable qui ne ferait que souffrir davantage ma collègue de travail. Me concentrant de nouveau sur ce que je m’étais proposé de faire, je me retins encore un bref moment d’y aller, puisque je me rendis compte que clairement, j’avais un blanc, sur quoi dire, sur quoi faire. J’avais beau avoir du vécu, je n’étais pas un expert non plus. Du coup, je me dis que ce n’était pas de trop de me tourner vers la jeune femme, juste pour lui demander:  « Est-ce que… Il y a quelque chose que je dois savoir ? Qui pourrait aider ? » Je ne savais pas ce que ça pourrait être toutefois; une phrase, une anecdote qui pourrait la faire sentir en sécurité… Jazz connaissait mieux sa mère que moi, donc elle était en meilleure position pour me le dire. À condition que ma question ait été assez claire, évidemment.