Overreacting at its finest ◮ w/ Jimmy

Declan ne l'avait pas remarqué tout de suite. Ca ne sautait pas non plus aux yeux à vrai dire. Mais à force de passer toute sa journée chez lui, il fallait bien qu'il prenne conscience à un moment ou un autre que son animal n'était pas au top de sa forme. D'abord, Declan avait cru que son chat s'alignait à l'humeur de son maître et avait décidé de passer ses journées dans un semi état de léthargie, à se lamenter sur sa vie. Depuis qu'il avait perdu son boulot, Declan s'était autorisé quelques jours pour pleurer son sort et se noyer dans l'auto-pitié. C'était loin d'être une attitude productive, mais Declan n'avait jamais été le genre de personne à s'animer suite à l'adversité. A rassembler les armes pour montrer qu'il n'allait pas baisser les bras. Nope. Declan lui savait admettre défaite, peut être un peu trop tôt, et s'apitoyer sur son sort en maudissant l'univers pour sa situation. Pas éternellement. Non. Il allait falloir qu'il se bouge les fesses et rapidement, car à cette allure, avec seulement un seul salaire pour les supporter tous les trois (et la chat!)? Ca allait vite devenir urgent! Mais pour revenir au sujet: le chat. Declan était horriblement attaché à cette petite créature. D'abord chat de la famille Gardner, Declan n'avait embarqué sans plus de cérémonie avec lui lorsque ses parents l'avaient plus ou moins mis à la porte et supplié de se trouver un appart où vivre. Ca n'avait été alors que lui et son chat, seul contre le monde dans un appartement minable avec un colocataire qui l'était tout autant. Truc, car c'était ainsi qu'il était nommé, avait été avec lui pour les bons et les mauvais côtés et même si l'animal semblait complétement indifférent à son maître qu'il réduisait sans doute à cette grosse créature qui lui donnait à manger, Declan s'en occupait au mieux. C'est pourquoi il commença à s'inquiéter en observant que son chat mangeait à peine et gambadait bien moins qu'avant. Légèrement parano, il n'avait pas fallu longtemps avant que Declan s'en fasse une montagne et imagine le pire. Il avait été sur le point d'appeler Carter lorsqu'il réalisa qu'il était ridicule et qu'il s'inquiétait sans doute pour rien. Mais le doute persistait. Ce qui était sûr, c'est qu'ils n'avaient pas vraiment les moyens de se permettre une visite chez le vétérinaire, surtout si Truc n'avait rien au final et se sentait juste particulièrement fainéant ces temps-ci. Alors, en toute logique, Declan l'embarqua sous le bras, ignorant les protestations de l'animal, et se dirigea vers l'animalerie qui n'était pas très loin de chez eux. L'endroit était presque vide lorsqu'il s'y engouffra et son regard zomma sur le premier employé qu'il aperçu. Un jeune à l'air hagard qui traînait près des aquarium. Declan se pointa devant lui, hissant le chat au niveau de son regard et demandant avec tout le sérieux du monde « Mon chat ne mange plus. C'est grave? ». La finesse incarnée.

Il y eu un petit moment de silence. C'était franchement inévitable. Declan pouvait prendre assez de recul pour admettre que la situation était un peu particulière. Ou complétement loufoque pour être plus honnête. Il le savait, ok?! Il le savait. C'est pourquoi Declan s'attendait franchement à ce que l'employé le chasse au plus vite en lui indiquant que ce n'était certainement pas son boulot de diagnostiquer son animal. Il fut donc très surpris lorsque le jeune homme demanda très poliment s'il pouvait regarder son chat de plus près. L'air ahuri, Declan lui donna l'animal sans un mot. Cela témoignait sans doute de son désespoir qu'il ne réfléchissait pas deux secondes avant de se confier à l'expertise d'un gars qui, vu son accoutrement, avait pour principale responsabilité de nettoyer les cages de l'animalerie. Mais il avait l'habitude de cotoyer des animaux. Et peut être avait-il lui-même un chat qui avait souffert d'un mal similaire? Peut être encore, avait-il commencé des études vétérinaires avant de jeter l'éponge? Ok, Declan partait complétement en délire dans sa propre tête tandis qu'il observait l'individu parler à son chat. Ah, comme quoi c'était un comportement tout à faire normal! Declan parlait constamment à son chat, et si la logique aurait été de penser que le pauvre animal ne comprenait pas un seul mot qui sortait de sa bouche, Declan préférait penser que l'animal l'ignorait juste dans un "qu'il est idiot mon humain" typique et tout ce bordel. Quelques longues secondes s'écoulèrent pendant lesquelles le jeune homme examina l'animal, puis il lâcha une exclamation en s'approchant de sa bouche. Declan fut étrangement offensé de la part de son chat lorsque l'autre critiqua son hygiène buccale. Il ouvrit la bouche, outré, mais resta pantois lorsqu'il réalisa qu'il n'avait aucun argument pour se défendre. Bon. En même temps, avec ce qu'il bouffe et son manque évident de séance "brossage de dent avant d'aller au lit", l'animal ne pouvait avoir qu'une haleine de fauve!! Declan pensait que c'était normal. Apparemment pas. « De la nourriture pour chat, qu'est ce que vous voulez que je lui donne! » grommela-t-il à la place, jamais enclin à perdre la face même s'il était clairement dans le tort. Mais il ne s'agissait pas la d'une critique sans fondement ni utilité comme il fut évident quelques instants plus tard lorsque l'employé donna son verdict. « Ah »  dit-il simplement, pris à court par cette déclaration. « Et...quoi. C'est pour ça qu'il mange pas? Je lui brosse les dents et c'est réglé? »  demanda-t-il un peu dubitatif. Ça se trouve, ce gars racontait complétement n'importe quoi. Ou la vérité la plus totale.  

Declan étouffa un gloussement nerveux en entendant l'élaboration du jeune homme quant aux mauvaises habitudes des propriétaires d'animaux. Puisque Declan avait un certains orgueil, il se garda bien de préciser qu'il n'était certainement pas du genre à donner à son chat le peu de bouffe qu'il arrivait à se mettre sous la main. Etant donné la qualité de celle-ci, c'était d'ailleurs une bonne chose. Même lui savait reconnaître que donner des restes de fast-food à son animal s'apparentait à de la maltraitance. Non. Declan était correct à ce niveau. Certes, il achetait à Truc la marque de première prix dans la nourriture pour chat, mais il faisait ce qu'il pouvait avec son budget, ok?! Declan ne pu cette fois-ci retenir une petite expression amusée lorsque l'employé face à lui suggéra que son chat faisait de l'exercice. Il avait beau ne pas être gros, cette pauvre bête devait avoir l'endurance de son maître: aucune. Chat d'intérieur, ses journées consistaient sans doute à passer d'un endroit confortable où faire une sieste à un autre. Lorsque Declan posa la question de comment régler le problème, il eu la distincte impression que son interlocuteur se foutait de sa gueule. Qu'est ce qu'il avait dit encore comme connerie? L'un dans l'autre, en tant que professionnel, l'autre préféra lui servir une litanie commerciale sur fond de bienveillance. Declan haussa un sourcil. Il l'avait perdu en parlant de prix et d'achat par lot, et franchement Declan en venait même à douter de la véracité de ses propos. Et s'il lui avait raconté n'importe quoi dans l'unique but de lui faire acheter un de leur produit? Ok. Declan savait reconnaître quand ses tendances parano pointaient le bout de leur nez. « Uh....ok » dit-il bêtement. Il l'avait tout de même convaincu en prononçant le mot "10 cents". Rien ne sonnait plus doux aux oreilles d'un homme aux finances limitées comme lui. Avant qu'il ne puisse conclure l'affaire, une personne fit irruption dans la boutique. Une vendeuse. Une vraie, apparemment. Declan jeta un regard en biais au jeune homme, étrangement agacé d'être maintenant fiché comme "le gars dont le chat à un problème de dentition". Qu'était sa vie. C'est d'ailleurs ce qu'il se demandait en assistant au petit geste familier entre les deux collègues. Okaaaaay. Belle ambiance de travail. Sympa, cool. Peut être qu'il était temps qu'il s'en aille, se dit-il en récupérant son chat. Il resta planté là un instant, observant son interlocuteur retourner à sa tache ingrate. « Ok, merci » dit-il quand même. Il se tourna finalement vers la vendeuse pour acheter ces fameux sticks. « Vous devriez le promouvoir » lâcha-t-il brusquement à la vendeuse tandis qu'il attendait à la caisse. C'était franchement pas ses oignons mais ça l’apitoyait presque de voir le gars nettoyer des cages (des mygales, bon sang!) dans son horrible accoutrement, alors qu'il était clairement assez dégourdi pour faire de la vente.