Cette fois papa sera là :: Decter

Étendue sur le canapé, les jambes étirées par-dessus Declan parcourant les pages du roman Everything, everything, je ne portais pas d'attention au bruit de fond que pouvait créer la télévision. Une émission pour enfant ou bien le télé journal, je n'en savais rien. De toute manière j'étais bien trop captivée par mon histoire pour porter mon attention ailleurs. Puisque je ne pouvais pas travailler, autant m'adonner à une activité que j'aimais, soit la lecture. Les larmes franchissaient mes cils et je retenais un reniflement en crispant mes orteils. Seulement, je ne savais plus si c'était à cause de mon roman ou bien les contractions, j'avais fini par donner ma main à Declan la serrant un peu plus chaque fois qu'une contraction m'envahissait. J'avais oublié que ça faisait aussi mal ! Une passait. Je relevais mon regard de mon roman pour observer Declan en pinçant mes lèvres. « C'est le dernier que nous avons !!! » disais-je les dents serrées. Le pensais-je ? Je ne pouvais pas dire, mais en ce moment ô oui j'y pensais ! Monsieur avait le beau rôle, mais je me retenais de ne pas lui balancer toutes les idées noires qui traversaient mon esprit à cet instant. Je savais qu'il devait s'inquiéter, mais contrairement à lui, j'étais déjà passé par là et inutile que j'aille à l'hôpital à ce moment-ci on aurait tôt fait de nous retourner chez nous. Retournant à ma lecture, la contraction fut cette fois beaucoup plus rapprochée et... « Chéri... j'ai perdu les eaux. » Aussi banalement que cela. J'espérais qu'il n'en avait pas prit conscience avant que je ne le dise, sinon ça serait un peu gênant. Je me levais doucement. « Où tu as mis le sac contenant mes habits et autres trucs ? » demandais-je en prenant mon ventre et marchant à petit pas vers la chambre pour y prendre un bas de survêtement et ainsi changer celui que je portais à cet instant. « Qui va prendre Steve ! » criais-je pour être certaine qu'il entend, mais dieu seul sait ce qu'il faisait !

Si elle pensait pourvoir garder le contrôle face à ce nouvel accouchement, elle faisait fausse route. Les contractions, elle pouvait les surpasser, c’est ce qu’elle se disait, bien décidée à se montrer forte, comme si le premier accouchement avait fait d’elle une experte. Seulement, c’était bien loin d’être le cas, intérieurement, elle souffrait, son corps lui paressait être inconnu. Elle avait mal, une douleur qu’elle avait oubliée et qui lui revenait à chaque contraction qui se rapprochait. Tout ce qu’elle faisait c’était garder la tête haute pour Declan. Il n’avait pas à paniquer et s’il pouvait entrapercevoir sa douleur, elle savait dès lors qu’il serait pris de panique. La naissance de leur fille était la première qu’il aurait la chance de voir, un spectacle qu’elle ne voyait pas comme étant quelque chose de particulièrement glorieux. Elle n’avait aucune envie qu’il la regarde les talons appuyer sur les étiers, jambes bien écartées à pousser sa vie pour expulser leur fille. Et expulser était un faible mot pour décrire cette envie qu’elle avait de sortir cet enfant d’elle. Neuf mois qu’elle sentait celui-ci grouiller dans son corps, enfin peut-être pas aussi longtemps, sachant que le premier trimestre était loin de ressembler au dernier. Seulement, elle n’en pouvait tout simplement plus. Elle voulait oublier la sensation d’un poids toujours appuyé contre sa vessie, ses seins qui lui faisait mal simplement avec le contact du tissu contre sa peau. Elle espérait perdre les vergetures qui avaient marqués son corps durant les dernières semaines. Et si elle maudissait tout cela, qu’elle tentait de se dire que c’était une bonne chose, elle savait qu’une fois cela passé, elle se retrouverait avec son nouveau bébé entre les mains et tous ces désagréments s’envoleraient. Et sans doute que son désir d’agrandir la famille encore lui reviendrait, mais pour l’heure, elle était loin de penser à agrandir leur petite famille. Un second enfant c’était bien suffisant ainsi. Elle appréciait toutefois le fait que Declan ne la contredise pas, s’il avait eu l’audace de le faire, elle l’aurait passé à tabac pour qu’il comprenne un minimum la douleur qu’elle pouvait éprouver à cet instant. En le regardant, elle savait que bien qu’il n’éprouvât pas de douleur physique comme elle, il était dans tous ses états comme elle. Un sourire planait sur ses lèvres, alors qu’elle le voyait contenir sa panique, si elle n’avait pas eu si mal, elle aurait cherché à le calmer, le sécuriser. Sauf que si elle prenait le temps de lui dire des petits mots pour le rendre plus confiant, elle perdait du temps pour se rendre à l’hôpital et donc retardait l’inévitable et ça, c’était hors de question. « D’accord. » avait-elle soufflée entre deux contractions, alors qu’elle changeait ses habits pour enfiler quelque chose de propre et adéquat pour se rendre à l’hôpital. Elle avait fini de se changer, bien avant que Declan ne refasse surface avec Steve entre ses bras. Son visage affichait une douleur constante, mordant sa lèvre inférieure, elle lui faisait signe de se dépêcher. Hors de question qu’elle accouche durant le trajet. Dans la voiture, elle poussait de petits souffles comme on lui avait apprit à faire. Une connerie. C’était ridicule, mais au moins, ça l’empêchait de porter son attention ailleurs et donc sur son mari qui conduisait. Si elle le regardait, c’est une avalanche de jurons qu’elle lui dirait. Il n’y était pour rien, c’était seulement la personne présente avec elle et elle ressentait le besoin de passer ses nerfs sur quelqu’un. Elle gémissait de douleur. Il avait à peine garé la voiture dans le stationnement de l’hôpital, qu’elle avait déjà ouvert la porte et sortait un pied pour s’extirper de la voiture. « Trouve moi un fauteuil. » disait-elle ses mains servant d’appuie pour son dos, alors qu’elle sentait cet énorme ventre faire un contre poids pour la pencher vers l’avant. Elle ne laissait aucun répit à son époux, marchant avec de petit pas rapide vers la pédiatrie. Elle prenait la fuite, cet enfant devait absolument sortir et elle n’avait pas la patience d’attendre que Declan trouve un fauteuil roulant, il n’aurait qu’à la rattraper !

Le cœur dans la gorge, Declan avait attaché Steve dans son siège auto et guidé sa femme côté passager comme un pro. Une sirène d’alarme semblait sonner dans sa tête depuis que Carter avait perdu les eaux. Un compte à rebours, le sang battant furieusement contre ses temps pour l’inciter à aller un peu plus vite. Mais pas trop. C’est en dépassant à peine les limitations de vitesse que Declan rejoignit l’hôpital. Il aurait été parfaitement contre-productif de provoquer un accident de voiture et, de toute manière, Declan était toujours d’une extrême vigilance lorsqu’il conduisait quelque part avec son fils dans sa voiture. Vu l’âge avancé du véhicule, il ne fallait pas trop le brusquer, et Declan n’était pas du tout tenter de tester ses limites. Mon Dieu ce que c’était angoissant. Declan savait que des centaines de bébés naissaient chaque jour et qu’il s’agissait d’un acte parfaitement anodin. Sa femme l’avait par ailleurs déjà fait. Tout allait bien se passer, mais Declan ne pouvait refréner le stress qui l’habitait. Il craignait déjà Carter mette leur fille au monde sur la route. Il ne cessait de lui jeter des regards en biais, s’attendant presque à trouver un bébé entre ses cuisses à chaque instant. Grand heureusement, ils arrivèrent à l’hôpital sans problèmes. A peine le véhicule immobilisé, Carter ouvrit la portière et s’extirpa tant bien que mal du véhicule, réclamant un fauteuil. Et la voilà qui était partie, sans un regard en arrière. Declan bafouilla un instant. Ce n’est pas comme s’il pouvait laisser Steve dans la voiture non plus ! Vivement que sa mère arrive pour qu’il n’ait plus qu’une chose à s’occuper à la fois !  Dans une vitesse sidérante, Declan détacha son fils, le hissa dans ses bras et rejoignit en petite foulée l’accueil de l’hôpital. Steve riait contre son visage, soudainement alerte et amusé par la cadence remuée de son père. Il avait rattrapé Carter, la devançant pour réclamer à haute voix un fauteuil roulant. A l’annonce de l’urgence, le personnel s’affola autour de Carter, et un fauteuil apparu comme par magie devant leurs yeux. « Tiens, assied-toi dit-il à sa femme en la prenant par la même. Il gênait plus qu’autre chose, et les infirmières lui firent bien comprendre. Dans un super timing, sa mère arriva et il lui fourra le gamin dans les bras sans même un bonjour. Il avait le droit d’être un mauvais fils vu son statut de panique ! Il emboita le pas de toute la petite horde emmenant Carter jusqu’à la salle d’accouchement. Dans ce qui sembla être quelques secondes, mais devait-être de longues minutes, il se retrouva avec une charlotte sur la tête, des protections aux chaussures et tout le bordel, puis au chevet de sa femme. Il s’empressa de lui reprendre la main, passant celle qui était libre sur son front moite pour la réconforter. « Promis, je vais essayer de ne pas tomber dans les pommes » dit-il pour essayer de diffuser la tension. Mais c’était loin d’être une blague.

Si la douleur était tout simplement insupportable, celle-ci ne ralentissait en rien Carter qui roulait à plein régime en direction de l’hôpital laissant derrière son mari qui devait dealer avec la voiture et leur fils. Beaucoup trop hâtive d’accouchée, elle se fichait bien que son époux ne soit pas là une fois de plus pour assister à l’accouchement. Elle n’en pouvait plus, soufflant toute l’air de ses poumons pour chasser cette douleur se rapprochant de plus en plus. La sueur perlait son front, elle n’avait rien de resplendissant et si une personne avait le malheur de lui passer un tel commentaire, elle allait lui faire bouffer ses dents. S’arrêtant un instant, elle cherchait du regard une infirmière, une personne pouvant l’aider, la guider. La voix de Declan résonnait derrière elle et la magie s’opérait devant ses prunelles bleutées. Elle n’avait jamais vu une équipe médicale se déployer aussi vite, prenant place dans ledit fauteuil, elle se sentait soulagée. N’ayant plus à supporter son corps, elle se laissait guider à travers les couloirs jusqu’à la salle qui allait servir à l’accouchement. Décoré de façon enfantine, Carter ne comprenait pas le but de tel décorations, peut-être que ça sécurisait les parents, mais elle, elle ressentait une rage, une envie de tout arracher. Décidément les grossesses la rendaient agressive ou alors c’était le fait qu’elle ressentait un besoin urgeant de sortir cet enfant d’elle. Elle sortait du fauteuil pour se changer enfilant une jaquette hospitalière et on l’aidait à venir s’installer sur le lit. Elle posait son regard sur les étrillés, des choses métalliques qui servaient à retenir ses pieds. Si elle avait laissé derrière Declan, elle ressentait ce besoin de le savoir avec elle. Sa respiration s’accélérant, elle relevait son regard en entendant une porte voyant son mari franchir celle-ci accoutré en schtroumpf, un sourire apparaissait sur ses lèvres. Elle se retenait de rigoler, elle ne voulait pas le vexer, mais cet accoutrement ne lui allait pas du tout. Glissant ses doigts dans la main de son mari, elle relevait son regard vers lui, sa respiration saccadée. « Ne promet rien que tu ne pourras tenir. Chéri tu es déjà blanc. » Une contraction et elle se penchait vers l’avant, criant sa douleur en compressant les doigts de son homme. « Ils sont où ces foutu médecins ! » disait-elle dans un souffle court. Une infirmière choisissait ce moment pour entrer dans la pièce, proposant l’épidurale, une chose que Carter ne refusa d’aucune façon, elle voulait se sentir plus léger, chasser la douleur et qu’importe ce qu’on pouvait dire, elle en ressentait le besoin, un énorme besoin. La femme quittait la pièce pour revenir quelques instants plus tard lui faire sa piqûre, Carter la remerciant, elle se laissait reposer confortablement, caressant la main du brun près d’elle. « Ta mère est passé chercher Steve ? Elle t’a dit si elle restait ou elle reviendra plus tard ? » Elle parlait surtout pour éviter de penser à tout ce qui allait se produire. « Je suis heureuse que tu sois là cette fois. » lui disait-elle un sourire sur son visage perlé de fines gouttes de sueur.

Le principe même de la chose était plutôt traumatisant, quand on prenait le temps d'y réfléchir. Expulser un petit être humain de son corps était un concept que Declan, en tant qu'homme, avait eu la chance cosmique de ne jamais avoir à expérimenter. Ça ne l'empêchait pourtant pas d'être tout autant décontenancé de voir Carter accomplir cet acte. Enfin, voir était une manière de parler. Il était hors de question qu'il quitte sa position actuelle, au niveau de son visage pour pouvoir la soutenir et offrir sa main en pâture. Ces pères qui se mettaient au niveau du personnel médical pour filmer toute l'action étaient complétement fous selon lui. Quelle idée. Qui a envie de voir ça?! Personne, voilà qui. Rien que l'idée de la chose lui donnait la nausée, et il déglutit, offrant un maigre sourire à sa femme. « C'est bien pour ça que j'ai dit essayer » répondit-il, en effet peu confiant en sa capacité de ne pas tourner de l'œil à un moment donné. Il fallait juste qu'il se concentre sur sa femme, qu'il garde les yeux sur son visage et fasse abstraction de tout ce qui se passait autour de lui. Il allait déconnecter sa conscience jusqu'à ce qu'il entende les pleurs de son bébé. En attendant, une infirmière était venue faire la péridurale à Carter, un soulagement pour elle comme pour lui. Savoir qu'elle allait moins souffrir ne pouvait qu'alléger un tant soit peu son niveau d'angoisse. Plus apaisée qu'il y a quelques minutes, Carter le questionna sur sa mère et Steve. Declan n'avait franchement pas eu le temps – ou la courtoisie – d'échanger le moindre mot avec sa mère, donc il ne pouvait que supposer. C'était presque un miracle qu'il se souvienne avoir déposé son fils dans les bras de sa grand-mère, tant il avait été pris dans le chaos et le stress du moment. « Oui, elle l'a récupéré. La connaissant, elle va sans doute rester » supposa-t-il, un léger sourire aux lèvres. A moins qu'on leur annonce que le travail allait s'annoncer très long et laborieux, il était peu probable que sa mère quitte les lieux, bien qu'elle aurait largement le temps de rentrer chez elle et revenir une fois la petite prête à recevoir les visiteurs. Puis Carter le remercia d'être là, et Declan eu le temps de ressentir une pointe de honte et de remord pour ne pas avoir été là lors de la naissance de Steve. « Moi aussi » se contenta-t-il de dire avant de déposer un baiser sur son front. « Essaie de ne pas briser tous les os de ma main, je vais en avoir besoin pour gérer deux enfants » plaisanta-t-il, prêt à maintenir une conversation légère le plus longtemps possible pour offrir une distraction à sa femme.

À voir son mari, Carter savait d’ores et déjà qu’il tournerait de l’œil. Même si leur relation ne datait pas de plusieurs années, elle commençait peu à peu à connaitre l’homme qu’elle avait malencontreusement épouser à Vegas. Si elle n’avait avant ce jour jamais cherché à en apprendre plus sur lui, aujourd’hui, c’était tout le contraire. Elle commençait à savoir chaque signification de ses traits brodant son visage pour l’illustrer ses émotions. Ses petites manies et tout un tas d’autre chose qui la faisait tomber un peu plus amoureuse à chaque fois. « Tu devrais peut-être prendre une chaise, ainsi tu essayeras un peu plus. » disait-elle un sourire aux coins de ses lèvres. Elle appréciait de le savoir là, contrairement à la naissance de Steve où il avait été complètement absent et où elle avait accouchée avec un pur étranger. Cette fois, ils ressemblaient davantage à une vraie famille. Elle pouvait dire qu’il en avait fait du chemin tous les deux, même si elle savait que des hauts et des bas seraient sans doute encore à venir, elle savait que tout ceci ne pourrait que les rendre plus fort. Calmée, elle paressait plus douce et délicate avec la main de Declan, caressant sa peau au lieu de lui détruire chaque os de sa main avec sa puissance herculéenne de femme enceinte. Elle lui adressait un sourire à l’information de sa mère. Elle savait qu’elle devrait prévenir sa propre famille, mais une fois prévenue, ils envahiraient l’hôpital et ce qu’elle désirait le plus ce n’était pas de les voir, mais de simplement pouvoir profiter de son mari. Un moment que pour eux. Et elle lui faisait bien comprendre qu’elle était heureuse de le savoir présent. Son sourire s’élargissait sur ses lèvres alors qu’il lui répondait avec deux mots qui possédaient tout leur sens. Elle fermait les yeux au contacte de ses lèvres sur sa peau. Comment avait-elle pu tomber sur cet homme ? Elle le savait, l’alcool avait usé de sa magie, mais il aurait tellement pu être l’image qu’elle se faisait de lui, alors qu’il lui avait montré qu’il était tout le contraire. Parfois, elle ne comprenait pas. Elle cherchait pourtant une explication, avant de se dire qu’il n’y en existait peut-être pas. Un rire franchissait ses lèvres, ouvrant ses paupières posant ses prunelles claires sur son époux. « Pour ça fallait me trouver un nouvel étranger ! » Elle le taquinait, relâchant la pression de sa poigne, elle venait porter la main de son mari à ses lèvres embrassant sa peau d’un baiser doux. « Je suis désolée d’avance pour tout ce que tu subiras dans cette pièce. » Elle relevait ses yeux vers lui, lui adressant un sourire tendre, mais désolé. « Mais si je te brise tous les os, tu sais bien que de toute façon je serai là pour prendre soin de vous. » Lui. Leurs enfants. Si une fois elle les avait quittés, ce ne serait plus jamais le cas. Une contraction passait, mais elle la sentait à peine, peut-être un peu trop occupée à jouer avec l’alliance de son mari. « Tu crois que Steve prendra bien le fait qu’il ait une sœur ? » demandait-elle, le regard perdu dans le vide.

Dans toute autre situation, Declan aurait peut-être eu un peu plus d’orgueil, se raccrochant à ce statut d’homme fort et stable qu’il n’avait jamais revendiquer pour refuser d’admettre son malaise face à l’accouchement imminent. Mais il sentait déjà la nausée lui restreindre son champ périphérique, si bien qu’il acquiesça bêtement sous les mots de sa femme. « Oui, c’est pas une mauvaise idée » admit-il, son regard balayant déjà la pièce à la recherche d’une chaise en plastique extrêmement inconfortable à traîner à côté du lit. Malgré sa panique grandissante, Declan renvoya un sourire attendri à sa femme. Il était presque incroyable qu’elle soit là, à tenter de rendre la chose plus confortable pour lui alors que c’était elle qui était sur le point de mettre au monde un enfant. Bon Dieu qu’il était chanceux d’être tombé sur une femme aussi exceptionnelle et aussi masochiste pour accepter de l’épouser. Elle était là, à lui caresser doucement la main au lieu de s’en servir comme anti-stress, et il aurait pu de nouveau poser un genou par terre et la demander en mariage. Proprement cette fois. Comme elle le méritait. Declan Gardner ne tombait jamais amoureux, mais quand il le faisait, il ne le faisait pas à moitié! Declan secoua la tête lorsqu’elle mentionna qu’il fallait lui trouver un étranger. Elle le taquinait, mais Declan s’en voulait encore des années après de ne pas avoir été là pour la naissance de son tout premier enfant. Quel abruti il faisait à cette époque. Mais il se rattrapait à présent! Il était là et il n’allait nulle part, sauf peut-être dans les vapes. « Ne t’excuses pas. C’est un peu ma faute si tu es dans cet état après tout » répondit-il dans un sourire satisfait. Oui, il était encore et toujours fasciné par le fait d’être le père de Steve et de cet enfant à venir. Les plus belles choses qu’il ait jamais faite de sa vie. « ça, je n’en ai aucune doute » continua-t-il en caressant son visage. S’ils avaient eu des hauts et des bas, Declan savait qu’ils pouvaient tous compter sur elle. Le silence les entoura pendant un instant, chacun perdu dans la mélancolie et la paix du moment, leurs mains toujours nouées et en mouvement. Puis Carter posa une question qui étonna un peu Declan. « Oui, bien sûr » s’empressa-t-il de répondre. « Je pense qu’il lui faudra un petit temps d’adaptation pour comprendre que le bébé à besoin de plus d’attention que lui, mais il a eu l’air de bien prendre la chose quand on lui a expliqué » répondit-il. C’était toujours délicat, surtout à cet âge-là, mais Declan ne se faisait aucune inquiétude. Steve n’avait jamais rouspété à l’idée de ne plus être enfant unique, et il semblait même assez excité à l’idée de jouer le rôle du grand frère protecteur qui saura mieux qu’elle et que sa petite sœur cherchera à imiter. Après tout, les petits à cet âge sont terriblement égocentrique ! Si Steve pouvait se montrer un peu brusque parfois, il n’en restait pas un gentil petit garçon. C’est dans ses gênes à ce pauvre gamin!  

Voyant qu’il cherchait du regard un endroit pour s’asseoir, Carter s’amusait un peu plus à ses dépends avant de lui pointer une chaise. Si elle n’en avait pas eu besoin, elle lui aurait sans doute proposer son lit. À voir cet air qu’il affichait, c’est lui qui ne supporterait pas la douleur, lui qui perdrait connaissant et elle qui finirait par s’occuper de lui. Et en toute franchise, elle serait heureuse si ça devait arriver. Elle ne se serait jamais crue aussi maternelle, mais prendre soin de ses enfants ainsi que de son mari semblait être des choses qu’elle avait de plus en plus de facilité à faire, une chose totalement innée. Qui l’aurait cru ? Peut-être qu’elle le savait déjà, toutes ces années à s’occuper de Summer, Christian ou Noah, ce n’était pas bien différent maintenant, ce qui avait changé c’était surtout que ce n’était pas ses frères ou sa sœur, non c’était cette famille qu’elle s’était construite. Elle attendait qu’il aille chercher une chaise, pour continuer. Inutile qu’il se blesse en perdant connaissance ! « C’est bien de prendre le blâme, parce que d’ici peu, je trouverai toutes les raisons bonnes pour te faire porter le chapeau. » répondait-elle en rigolant. Elle pourrait le faire s’il gardait les deux yeux ouverts, autrement, elle ne pourrait que parler dans le vide. Une chose qui serait bien dommage, alors qu’elle l’avait sous la main. Et c’était le cas de le dire, ses doigts continuant de jouer avec le jonc qui ornait la main de Declan. C’était relaxant, une vague d’apaisement l’envahissant. Perdu dans le méandre de ses pensées, elle posait une question pour le moins étonnante. Pourquoi maintenant ? Elle ne pouvait le dire, mais ça venait de lui traverser l’esprit. Declan, toujours là pour la rassurer, lui faire comprendre qu’elle n’avait pas à s’inquiéter. « Lui qui aime être le centre de l’attention… » disait-elle en passant une main dans ses cheveux. Elle n’allait pas le cacher, elle s’inquiétait. Poussant un soupire, elle relevait son regard pour regarder Declan. « Mais tu as sans doute raison, il s’habituera. Et puis c’est pas comme si on pouvait la retourner. » Elle n’oserait jamais faire une chose aussi affreuse, elle avait même chassé toute possibilité de ne jamais mettre un enfant au monde. Sa tentative d’avortement contrecarré par Declan lui avait ouvert les yeux. Elle ne pouvait pas, elle ne pourrait plus faire une telle chose. Fermant les yeux, elle serrait la main de son époux, serrant ses dents pour retenir un cri qui affluait dans sa gorge. « J’en peux plus. » disait-elle à bout de force, déjà épuisé alors que le travaille n’avait même pas commencé. « Qu’on me sorte ce bébé ! » grognait-elle en ressentant toujours une douleur, cette fois persistante. « Va chercher quelqu’un ! » lui hurlait-elle presque, alors que des gouttes de sueur perlaient son front.

Declan ne pouvait que poser un sourire indulgent et terriblement affectueux sur sa femme lorsqu'elle lui indiqua où se procurer une chaise. Il n'était même pas foutu d'être conscient de son propre environnement et on allait lui donner la responsabilité d'un autre être humain. Quelle monde incroyable. Declan s'éloigna de Carter quelques instants pour rapprocher le mobilier qui allait sauver sa dignité, avant d'y prendre place et de capturer de nouveau la main de sa chère et tendre. Elle ne devait pas encore se sentir trop mal si elle était encore capable de plaisanter et de le taquiner. Mais ça pouvait vite changer. Il supposait. Il en savait rien, c'était son premier accouchement bon sang. Declan ne s'était jamais senti aussi incompétent qu'en cet instant, et il était monté sur scène devant des milliers d'inconnus sans le moindre talent particulier. Ce chemin de penser lui fit réaliser qu'un jour ses enfants allaient trouver les vidéos de son passé de membre d'un boyband et avoir éternellement honte de lui. Bon, ce n'était clairement pas le problème le plus pressant. « Et j'assumerai chacune d'elles ! » rétorqua-t-il, pas le moins du monde enclin à dire le contraire. Declan savait admettre que sa femme était le boss dans leur couple, et s'il pouvait soulager toutes ses lourdes responsabilités d'une manière ou d'une autre, il allait certainement le faire. Si Carter ne semblait pas encore en pleine souffrance, elle trouvait tout de même le moyen de penser à de nouveaux soucis. La future entente entre Steve et sa sœur, par exemple. C'était une réflexion tout à fait légitime, mais assez inutile. Steve n'allait pas avoir de problème. Aucun enfant n'avait réellement de problème avec l'arrivée d'un bébé, hormis peut être une période temporaire animée par l'égoïsme de l'enfance. Non, c'était bien plus tard que les réels conflits entre frères et sœurs naissaient. Declan parlait en connaissance de cause. Il se demanda un instant si Spencer avait été heureux à l'annonce d'un petit frère, ou s'il s'était pendant un temps rebellé à l'idée de ne plus être le centre du monde de ses parents. La blague de Carter le fit sortir de cette réflexion, et il laissa s'échapper une exclamation à la fois amusée et surprise. C'était lui d'habitude qui privilégiait un humour sec et sarcastique, et c'était terriblement rafraîchissant (et séduisant) d'entendre Carter faire de même. « Oui écoute, puisqu'elle est là, autant la garder » renchérit-il en déposant un baiser rapide sur ses lèvres. Ils tombèrent pendant quelques minutes dans un silence confortable; le calme avant la tempête, et celle-ci ne tarda pas à venir. Declan se redressa soudainement sur sa chaise lorsque Carter s'exprima, un ton décidément plus agacé aux lèvres. Il ne pensa même pas à refuser lorsqu'elle lui ordonna d'aller chercher quelqu'un. « Uh..oui j'y vais » bafouilla-t-il en se levant. Il fit un pas vers la porte avant de revenir vers Carter. « Ça va aller, mon cœur. Je reviens » dit-il avant de déposer un baiser sur son front. La seconde d'après il était dans le couloir, un air sans doute paniqué sur le visage puisqu'une infirmière arrêta ce qu'elle faisait l'instant même où elle le vit. Après ça, tout se passa à une vitesse effrayante : la consultation rapide de l'infirmière, l'arrivée du médecin puis du travail en lui-même. Declan ne tourna pas de l’œil. Certes, il tourna le regard ou ferma les yeux plusieurs fois pour prendre de grandes inspirations et calmer les battements frénétiques de son cœur, mais il ne lâcha jamais la main de Carter jusqu'à ce qu'on lui demande de couper le cordon ombilical et qu'on lui place son bébé dans les bras. Son bébé. Declan était à peu près sûr qu'il pleurait. Il en était même terriblement conscient lorsqu'il déposa leur fille dans les bras de Carter et murmura un « Vous êtes parfaites » avant de pleurer comme une madeleine.