Chip & Winnie + I'm scared to be lonely

Bien que cela faisait maintenant quelques mois que je gardais la maison seule, m’occupant de Tinsley la majorité du temps, puisque c’était mon boulot de maman, c’était la première fois que je me sentais aussi seule, aussi désespérée. Pourtant, rien n’avait concrètement changé dans mon quotidien. Ce qui avait provoqué ce changement d’attitude, c’était le fait que j’avais finalement rédigé les papiers de divorce et que celui-ci avait été déclaré officiel. Ce n’était là qu’une concrétisation de ce qui se passait depuis la naissance de Tinsley à notre domicile à Mike et moi, mais tant et aussi longtemps que ça n’avait pas été écrit noir sur blanc, j’avais eu ce maigre espoir que les choses auraient pu redevenir à peu près comme avant, qu’il saurait comprendre que son absence à la naissance de notre fille m’avait terriblement blessée, qu’il chercherait à se faire pardonner, quelque chose du genre. Il avait éprouvé des remords, ça, je devais le lui accorder, et il avait compris que ça ne se faisait pas, mais après, jamais il n’avait posé un geste pour se racheter. Limite, j’en étais venue à me demander s’il s’intéressait vraiment au fait d’être père, ou bien si tout ce qu’il avait pu me dire précédemment n’était que mensonge. Ne sachant plus le supporter, j’avais demandé le divorce, et il ne l’avait pas refusé. À ce point, c’était plus sain que nous puissions continuer sur notre chemin de façon individuelle, partageant qu’une enfant qui, la pauvre, n’avait rien demandé. C’était probablement cela qui me brisait le coeur; alors que j’avais pu vivre en couple de façon stable pendant près de dix ans, voilà que je ne parvenais pas à offrir à Tinsley cette stabilité que je prônais tant avant À la place, je lui offrais une mère, divorcée à vingt-quatre ans, qui avait passé l’âge et le niveau de maturité pour sortir, faire la fête. Je ne regrettais pas d’avoir eu ma fille, au contraire, elle était mon plus beau cadeau et mon rayon de soleil, mais il n’en demeurait pas moins que la solitude se faisait lourde, et en ce moment, j’avais l’impression que je finirais vieille fille avant le temps. Après tout, combien de gens se divorçaient aussi jeunes ? Peut-être n’étais-je pas la seule, mais je me sentais quand même un cas à part, et j’avais du mal à l’accepter. Mais refusant de rester là à me morfondre constamment, je cherchai à me bouger malgré tout. Ce soir, il était prévu que je reste à la maison avec Tinsley. Mais refusant d’être de nouveau isolée dans ma demeure, je cherchai de quoi me distraire, me divertir. C’est en parcourant mon téléphone que je trouvai le numéro de Chip, ce confident inespéré, dont l’innocence et la jeunesse étaient rafraichissants, apaisants, encore plus que je ne l’aurais cru dans un premier temps. En effet, jamais il ne m’avait jugée sur ma vie, sur mes problèmes, et rares étaient les gens qui agissaient ainsi. De plus, cela faisait un moment que je n’avais pu le voir. Je ne le lui reprochais pas, et à moi non plus, c’était normal à mon avis, mais là, ça ne fit que davantage m’encourager à l’idée de lui envoyer un message, lui proposant de venir me rejoindre chez moi, afin que nous puissions manger une pizza, regarder un film, bref, passer une soirée tranquille, une soirée où je ne tournerais pas en rond dans la maison, une soirée où je pourrais peut-être parler à quelqu’un d’un ton normal, et non pas avec une voix de maman gaga, parce que ça aussi, ça me manquait, je devais l’avouer. Une fois que j’eus relu, puis envoyé le message, je déposai mon téléphone sur la table de la cuisine, non loin de la chaise haute où j’étais en train de faire manger ma fille, espérant sincèrement entendre mon téléphone sonner pour me signifier que j’avais un message sous peu.

Poussant un souffle, je m'arrêtais de courir prenant le rebord de mon sweat pour essuyer mon front. Ma respiration saccadée, ces gouttes de sueurs que je sentais ruisseler dans mon dos démontraient que je mettais les bouchés doubles durant l'entraînement. J'entendais la voix grave du professeur annonçant que le cours était terminé. Me dirigeant vers l'endroit où j'avais déposé ma bouteille d'eau, je récupérais mon portable ainsi que mes quelques trucs laissé sur le bas côté. Buvant une longue goulée, je me dirigeais vers les vestiaires pour prendre une douche et me changer. J'en ressortais quelques minutes plus tard, trouvant sur mon écran un message texte de Winnie. Est-ce que je pouvais me permettre de passer la soirée chez quelqu'un alors que j'avais cours le lendemain ? Si j'avais été au lycée, la réponse aurait été non. Bien que je l'aurais fait tout de même ! Mais le lycée c'était fini pour moi, j'avais enfin mon diplôme et dieu merci je pouvais enfin passer à autre chose ! Je lui répondais donc par l'affirmatif avant de ranger mon portable. Je devais encore passer à la maison pour manger un morceau et prévenir mes parents que je sortais. Ça, ça n'avait pas vraiment changer, mais si je ne prévenais pas, j'étais persuadé que ma mère alerterait la police et mettrait la ville sans dessus dessous pour retrouver fiston... Et puis, si je disais que j'allais passer la soirée chez une fille... Non ça valait mieux que je n'en dise rien. J'arrivais chez moi, personne. Pas très surprenant. Je laissais donc un mémo sur le frigo avant d'aller poser mon sac dans ma chambre et puisque qu'il n'y avait personne à la maison, j'allais tout simplement m'arrêter chez Subway en me rendant chez Winnie. Notre dernier moment passer ensemble commençait à remonter à loin, j'avais passé quelques nuits chez elle lorsque son mari était parti de chez eux, mais après cela, on avait pas cherché à se revoir. Moi trop occupé et elle... Je n'en savais trop rien. Tout ce dont j'étais certain, c'est que ça me faisait plaisir de la voir, je sentais mes lèvres trahir ma joie et pommettes se réchauffer. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez moi ? Prenant mon vélo, je faisais un détour par le Subway prenant au passage le nouveau wrap au steak que l'on pouvait manger à une main ! Génial, non ? Au moins, je pouvais manger tout en conduisant mon vélo ! J'arrivais quelques minutes plus tard devant la porte de chez Winnie, mais au lieu de sonner je toquais trois petits coups de peur de réveiller sa fille. Posant mon regard sur mon t-shirt je réalisais qu'il y avait de la sauce sud-ouest sur le academy police. Flûte ! Prenant mon index, je retirais la sauce la portant à ma bouche alors que la porte s'ouvrait sur la jeune femme : « Chalut. » disais-je le doigt dans ma bouche.

Chip avait pour habitude de répondre relativement rapidement quand je lui envoyais un message, ce qui, mine de rien, avait toujours eu pour effet de me rassurer, de me faire sentir importante. Enfin, peut-être c’était que mon impression, peut-être que c’était complètement débile, mais cela ne me déplaisait pas. Sauf que là, il ne lui fallut pas seulement quelques secondes, mais de longues minutes, de longues minutes qui furent suffisants pour que Tinsley termine son repas. Bon d’accord, elle ne mangeait pas comme un adolescent, même si elle avait bon appétit, mais quand même, compte tenu du fait que je devais lui donner chaque bouchée moi-même, et que je voulais manger un peu au passage en temps normal, même si là, je n’avais pas très faim, ce n’était pas quelque chose qui se faisait en deux minutes. Était-il occupé ? Ou bien préférait-il ne pas me répondre et faire comme s’il avait vu le message trop tard ? Je dus admettre que je stressai pendant un moment, pour au final, aucune raison; alors que j’étais en train de troquer la nourriture de Tinsley pour une petite compote de fruits en guise de dessert, mon téléphone se mit à vibrer. Rapidement, je terminai ce que je faisais, puis une fois installée de nouveau sur ma chaise, je le regardai, voyant le message de Chip me répondant par la positive. À ce moment, j’aurais dû sourire, mais à la place, je poussai un soupir de soulagement, montrant à quel point j’étais devenue désespérée et pathétique. Normalement, je m’en serais simplement réjouie, mais là, je me sentais limite libérée à l’idée de ne pas passer la soirée seule. Heureusement, Chip ne pouvait pas me voir, donc je n’aurais pas à lui en faire part, pas si je ne le voulais pas en tout cas. Plus encore, je pus me permettre de simplement lui envoyer un petit émoji souriant, pour lui montrer que j’avais bien reçu son message, que je l’attendais et que j’avais hâte de le voir. Bon, c’était beaucoup à faire dire à un simple petit personnage souriant, mais je me doutais bien qu’il allait comprendre. De plus, nous aurions plus de temps pour discuter une fois qu’il serait sur place. En attendant, je terminai de donner le petit dessert à ma fille, nettoyai son visage, puis je la sortis de sa chaise haute pour la prendre dans mes bras et me rendre à la salle de bains, où je lui fis prendre son bain, sans toutefois prendre autant de temps que d’habitude. Normalement, je pouvais prendre un bon moment avec elle, parce qu’elle adorait jouer dans la baignoire, mais là, je ne me voyais clairement pas être les deux mains dans l’eau au moment où Chip allait arriver. Coupant le tout plutôt court, je lui mis une couche propre, lui enfilai son pyjama. Je venais tout juste de fermer le dernier bouton lorsque soudainement, j’entendis frapper à la porte d’entrée. Emmenant Tinsley avec moi, je la déposai dans son couffin au salon en chemin, avant de me rendre à la porte, ou j’ouvris sur un Chip en train de… se curer la bouche ? Terminer une bouchée de je-ne-sais-quoi ? Légèrement intriguée au début, ce fut en fronçant un sourcil que je le regardai et que je dis:  « Hum… Salut. » Ce fut suite à cela que je remarquai la petite trace sur son sweat shirt. Mettant les pièces en ordre dans ma tête, je me permis finalement de lui faire remarquer:  « Tu sais, si tu avais faim, j’aurais pu te préparer quelque chose à manger. » Comme pour lui montrer que ce n’était pas un reproche toutefois, je me décalai suite à ces mots pour le laisser entrer dans la maison, ajoutant même un:  « Installe-toi, mets-toi à ton aise. » Je refermai la porte derrière lui, puis j’allai le retrouver au salon, là où était toujours installée Tinsley, qui, tétine en bouche, commençait quelque peu à s’endormir. Je savais bien qu’il lui faudrait un biberon pour y parvenir complètement, mais tant qu’elle était tranquille, je n’étais pas pressée. De ce fait, je pus m’asseoir sur le canapé avec Chip, et lui dire:  « Je suis contente de te voir. Comment tu vas ? », commençant par une banalité parce que mine de rien, j’avais le sentiment que ça faisait un moment que nous n’avions pas parlé de tout et n’importe comme, comme nous avions l’habitude de le faire avant. Je n’allais pas le nier, cela m’avait grandement manqué, encore plus que j’étais probablement en mesure de l’admettre en ce moment, au vu de tout ce qui s’était passé.