No... No... I can't dance... But... [ PV Levi ♥ ]

Haley était têtue, elle avait un fort caractère, un caractère qui ne pouvait faire autrement que me rappeler celui de sa mère. Parce que moi, je n’avais pas ce caractère. J’avais beau être obstiné parfois, borné par moments, il n’en demeurait pas moins que j’étais tout sauf fort. J’avais été faible à bien des étapes dans ma vie, et là, j’aurais très bien pu l’être encore une fois, à ce moment où elle vint à me demander, limite me supplier de rentrer à mon appartement. C’était une véritable torture de le lui refuser, de tenir mon bout, mais je tenais à le faire, parce que je savais qu’un jour, peut-être, elle allait me remercier. Et même si elle ne me remerciait pas, même si tout cela ne prenait pas la tournure voulue, au moins, elle aurait essayé, et tous deux repartirions avec l’esprit plus tranquille comme quoi nous étions restés passifs par rapport à cette situation. Prenant donc mon courage à deux mains, j’allai au bout de mon propos, malgré ses arguments, malgré le fait que ça me brisait le coeur de l’entendre, surtout quand elle vint à me dire que je lui faisais du mal. J’avais fait bien des choses de la mauvaise façon dans ma vie, mais faire du mal à ma fille, c’était la dernière chose que je voulais. Mais non, ça ne lui ferait pas mal, voilà ce que je tentai de me dire pour finalement terminer mes dires. Au final, je vins à m’en congratuler, puisque lentement, mais sûrement, elle baissa sa garde, venant à dire qu’elle aimait danser, pour finalement acquiescer. Évidemment, elle ne le fit pas avec un grand enthousiasme, mais ce fut suffisant pour que je me sente soulagé, et que j’accueille son commentaire avec un sourire, plutôt qu’avec un air de panique. Avec un espoir renouvelé, je me décalai, laissai ma fille prendre ma main pour qu’on puisse se rendre ensemble à l’intérieur. Je ne me sentis nullement embêté par le fait qu’Haley garda sa main dans la mienne pendant ce temps, bien au contraire. Limite, ce fut quand elle vint à la lâcher, une fois que nous fûmes à l’intérieur, que cela me fit drôle, parce que je sentais un petit vide, un manque comme quoi il ne serait plus aussi facile pour moi de la rassurer. Toutefois, je compris bien rapidement qu’elle n’avait pas besoin d’être rassurée, l’espace d’un instant en tout cas, quand elle vint même à faire des plaisanteries. Ou était-elle sérieuse ? Préférant opter pour la première option, j’eus un petit rire nerveux, et dans un haussement d’épaules, je répondis:  « Je n’en ai pas trouvé à ma taille. » La vérité était que je n’avais pas cherché, ne pensant pas que ce serait obligatoire. Après, si Haley venait à l’exiger, ma faiblesse aurait certainement raison de moi et pour sûr, j’en enfilerais un, parce que je serais prêt à tout faire pour elle, mais là, elle ne sembla pas en tenir rigueur. Était-ce parce que la panique s’était quelque peu emportée d’elle au moment d’arriver dans le studio, la poussant à oublier les plaisanteries, oublier même d’avancer normalement ? Ce fut ainsi que j’interprétai sa gestuelle, puis ses dires. Me doutant bien qu’elle allait se remettre en question à un moment ou un autre, je compris que c’était encore une fois le moment de me faire violence pour ne pas flancher à ses désirs, faire demi-tour et la ramener chez moi. Mais pour me donner le courage de le faire, je me sentis obligé, lâchement, de détourner mon regard, pour avancer dans la salle, et m’approcher de la radio qui se trouvait dans la salle, histoire de lancer la musique. Ce fut une musique simple, classique qui se fit entendre, en écho dans le studio, puisque nous étions seuls. M’en moquant bien, je tournai les talons, et je revins vers ma fille. Une nouvelle fois, je lui tendis la main, et avec un air qui se voulait rassurant, qui voulait lui faire comprendre que ça n’avait pas besoin d’être sérieux, qu’on pouvait s’amuser aussi, je lui demandai:  « Tu veux bien m’accorder cette danse ? » Dans ma tête, le mieux était qu’elle s’y remette, petit à petit, et même si la première étape impliquait qu’elle grimpe sur mes pieds pour que je fasse tout le boulot, alors qu’il en soit ainsi.

Bien que la plaisanterie se faisait potentiellement entendre dans la voix de ma fille, il n’en demeura pas moins que j’éprouvai un certain soulagement quand je compris qu’elle n’allait pas sérieusement me demander de mettre un juste-au-corps, collant ou autre truc du genre pour cette petite séance de danse à deux. Je savais que je pourrais très bien le faire pour elle, si ça la poussait à réessayer de danser malgré son accident, malgré ses réticences, mais si je pouvais m’en passer, c’était tant mieux. Sachant désormais - croyant surtout - que rien ne saurait nous arrêter, je me laissai emporter peut-être un peu trop rapidement, me retrouvant à vouloir danser maintenant, sans qu’Haley se soit changé, sans que moi-même je n’aie retiré mes chaussures, ce qui, selon elle, était primordial. Me retenant quelque peu, je ne me vis pas lui dire que ce n’était pas grave, m’y opposer ou quelque chose du genre, puisqu’en mon sens, c’était signe qu’elle était partante, et en toute franchise, je ne demandais que ça. Acquiesçant et la laissant aller donc, j’en profitai pour retirer mes chaussures et les mettre dans un coin, à défaut d’avoir des chaussons appropriés. J’attendis quelques instants, calmement, la voyant finalement de retour, tenue enfilée, et avec une question à la bouche, question qui m’arracha un sourire amusé, accompagné d’un petit:  « C’est mon secret. » Le haussement d’épaules que je fis par la suite était, en mon sens, suffisant pour lui faire comprendre que ce n’était rien de bien sorcier, juste une simple entente avec son enseignante. En effet, je lui avais fait part de notre volonté de la motiver de nouveau, et elle avait su que nous appuyer, raison étant qu’elle avait vu le potentiel d’Haley et voulait clairement la voir revenir, même si ce n’était pas d’un seul coup, même si ce n’était pas simple dans un premier temps. Du coup, nous avions pu arriver à une entente, entente selon laquelle j’aurais accès à un studio désert pour y être seul avec ma fille. Ce n’était pas plus compliqué que ça en réalité, mais j’estimai peu nécessaire de le lui partager ici et maintenant, refusant de retarder le moment pour se lancer, surtout que ce moment semblait être arrivé, au vu de comment ma fille vint à me prendre la main pour m’emmener au milieu de la salle, ce que je ne sus clairement pas lui refuser. Riant doucement à ses questions, à ce qu’elle me demandait de faire, il fut évident que je ne savais rien faire de tout ça, d’où le fait que j’écarquillai les yeux, capitulant, lui disant:  « Depuis… Jamais ? », toujours avec amusement, lui montrant que c’était plus une blague autre chose, et que, je l’espérais, elle ne m’en voudrait pas. Après, si elle voulait me montrer, je pourrais tenter le coup, mais apparemment, elle avait un autre plan, plan dont elle me fit part quelques instants plus tard, un plan que je ne pouvais clairement pas refuser. Souriant tendrement, j’attendis qu’elle eut terminé de s’occuper de sa tenue, se redresse, et sans attendre, je lui dis:  « Viens… » Sur ce, je lui repris la main, et je glissai mon bras libre au niveau de son dos, histoire de l’attirer à moi, et la soutenir pour qu’elle s’appuie sur mes pieds, même si c’était beaucoup moins nécessaire que lorsqu’elle était enfant. Le poids aussi était différent, puisqu’elle avait grandi depuis ce temps, mais pour moi, ici et maintenant, ça ne changeait rien. Maintenant certain qu’elle n’allait pas chuter, je commençai à me balancer, doucement, au rythme de la musique, sans la lâcher, dans relâcher mon emprise. J’agis comme ça, en silence, pendant un petit instant, jusqu’au moment de venir à lui demander, à voix basse, comme si je craignais de gâcher le moment, qui me plaisait bien pour l’instant:  « Ça va, ma puce ? » Parce que même si moi, je ne saurais me plaindre de ce temps avec elle, il n’en demeurait pas moins que l’essentiel, c’était de voir si elle, elle se sentait à l’aise, puisque c’était le but premier dans tout cela, et non pas lui imposer quoi que ce soit et la rendre mal à l’aise. Ça, c’était tout l’inverse de ce que je comptais faire, de ce que je voulais voir comme résultat.

Je savais que cette soirée était faite pour Haley, pour son bien à elle et celui de personne d’autre, mais je dus m’avouer, silencieusement, pour moi-même, que me retrouver ainsi avec ma fille, elle montée sur mes pieds, en train de danser, comme nous le faisions quand elle était toute petite, me faisait du bien à moi aussi. Je savais que le fait d’être passé au travers de ma cure de désintoxication était en train de m’offrir une nouvelle vie, en train de m’offrir plus de temps avec ma fille, du temps que je voulais utiliser à bon escient, à chaque instant. Appréciant grandement cette nouvelle vie, je pensais que le mieux serait d’oublier autant que possible ce qui s’était passé avant, mais je me rendais compte ici et maintenant qu’il y avait des choses que je ne pouvais pas, que je ne voulais pas effacer de ma mémoire. Et ces choses, c’était mes souvenirs avec ma fille, ces moments parfois si simples, mais si précieux dans ma tête, ces temps où elle me faisait oublier le déchet que je pouvais être, ces temps où elle me faisait sentir spécial, même si ce n’était que pour même pas deux jours. Elle avait encore ce pouvoir sur moi, mais maintenant, plus encore, elle me donnait le courage, chaque jour, d’être mieux, mieux pour elle, mieux pour son bonheur. Un an auparavant, peut-être que je ne me serais jamais permis de me mêler de ce qui l’affligeait. Peut-être que je me serais simplement contenté de la réconforter du mieux que je le pouvais, sans insister. Mais là, la voir si triste m’avait poussé à en faire plus, et maintenant, je ne le regrettais pas. Parce qu’en plus de partager cet instant avec Haley, cette dernière finit par en tirer avantage. Petit à petit, elle vint à se détacher de mon étreinte, sans que je ne la retienne. Finalement, de participant, je devins spectateur, spectateur d’un spectacle touchant, soit celui de ma fille qui dansait d’elle-même, qui semblait, petit à petit, redécouvrir son intérêt pour la danse, ce qui semblait la porter en temps normal. C’était magnifique à voir, à tel point que si je pouvais le dire ainsi, je m’en montrai touché. Et ne voulant briser le moment, je n’osai pas parler, c’était limite si j’osais respirer, ne pouvant décrire comment je me sentais. Puis, je me rendis compte qu’il n’en était rien comparativement à ce que je ressentis quand soudainement, elle bondit dans mes bras, me remerciant de ce que j’avais fait ce soir, de tout ce que je pouvais faire. N’en demandant pas autant, je refermai mon étreinte sur elle, fermant les yeux de bonheur, lui disant qu’après, d’une voix enrouée par l’émotion:  « Ton bonheur, c’est tout ce que je veux, ma puce… » Et ces mots, je les tins avec grande sincérité. C’était indéniable maintenant, elle était ma raison de vivre. Depuis sa naissance, elle l’avait été, et elle le serait toujours, rien ni personne ne saurait changer ça. Et si son bonheur, là, tout de suite, était que je lui accorde une dernière danse avant qu’on quitte la salle - histoire de ne pas trop en mettre sur son genoux - alors pour sûr, je n’allais pas lui refuser. Désormais tout sourire, je lui dis donc:  «  Avec plaisir. » Et sur ce, tous les deux, nous continuâmes à danser, joyeusement. Cette fois-ci, je me permis même de faire tourner Haley, de me permettre de petites variations, pour rigoler, sans la forcer à quoi que ce soit, concluant, à mon avis, cette soirée de la meilleure façon qui soit, fier et heureux, une fois que nous rentrâmes chez moi, d’être allé au bout de cette idée, et, je l’espérais, d’avoir aidé ma fille du mieux possible.