Adela & Isaiah + I'll be there for you

Acceptant le remerciement d’un petit sourire, sans ajouter quoi que ce soit, je ne tardai pas à reprendre la place que j’occupais précédemment, puis commencer à manger doucement, alternant entre une gorgée de café et une bouchée de mon muffin. À ma surprise, je mangeais un peu plus rapidement que je ne l’aurais cru dans un premier temps, certainement parce que la faim venant en mangeant, ou bien parce que me remplir la panse venait me donner le regain d’énergie dont j’avais besoin pour tenir le coup pour le reste de la nuit. Parce que là, l’adrénaline que l’inquiétude et la panique étaient venus à engendrer chez moi retombait un peu, ce qui m’avait creusé l’appétit. Mangeant sans dire mot, puisque je me disais que j’allais laisser Adela faire de même, je fus quelque peu surpris de sa question. Parce que je ne pensais pas qu’elle me le demanderait, et aussi parce que bon, ce n’était pas un repas gastronomique que je mangeais là. Cependant, je ne me vis pas la laisser sans réponse, disant donc, même si ce ne fut pas d’un ton bien convaincu:  « Euh… Quand même… » Un haussement d’épaules fut suffisant pour faire savoir que je ne saurais dire mieux. Et pour tout dire, je ne pensais pas aller plus loin, mais j’avais l’impression d’être malpoli. Du coup, je m’efforçai d’ajouter:  « Enfin… C’est moins pire que ce que j’ai déjà mangé ici, en tout cas… » Si je ne savais pas qu’elle bossait ici et non pas en tant que personne responsable de la cantine, pour sûr, je me serais retenu, mais là, je pensais que je pouvais lui dire. Je n’allai pas plus loin par contre, prenant une autre bouchée de mon muffin, avant d’ajouter:  « Ça ne va pas en s’améliorant, de ce que je vois… » Finalement, je conclus mon propos par un petit rire nerveux, montrant que ce bout, c’était une blague, blague qui, quand même, avait sa partie de sérieux, dans le sens où la qualité n’était pas supérieure. Mais aussi, ça venait trahir le fait que pour tout dire, ce repas ne me manquaient pas, venir ici en tant que patient ne me manquait pas, et j’espérais à un moment qu’Adela saurait dire la même chose, ou plutôt, que ce ne serait que son lieu de travail, qui ne lui rappelait pas de mauvais souvenirs, rien de plus.

Qu’Adela soit d’accord avec mon commentaire était une chose, mais qu’elle vienne à dire qu’elle avait même songé à aller en cuisine pour que la nourriture préparée y soit meilleure, c’était tout autre chose, un fait qui me laissa particulièrement étonné, voire un peu perplexe si je pouvais le dire ainsi. Perplexe parce que limite je me demandais si elle ne détestait pas son métier pour vouloir faire une chose pareille. Ou bien cette affirmation était-elle plaisanterie ? Je ne saurais le dire, et je n’osai pas le demander, gardant donc le silence, adoptant une expression qui se voulait plutôt neutre, espérant que ce soit suffisant pour ne pas jeter de malaise. Apparemment, la démarche porta ses fruits, puisqu’Adela ne parla pas davantage de ça, déviant quelque peu le sujet avec une question personnelle, mais qui, en fait, ne l’était pas tant. En tout cas, ce n’était pas si gênant d’y répondre, pas dans un premier temps. Dans un nouveau haussement d’épaules, je répondis:  « Oui, quand même. », réalisant après-coup que peut-être c’était un peu trop vague. Du coup, je m’efforçai de préciser, ajoutant:  « Enfin… Je ne déteste pas cuisiner, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le faire, que pour le plaisir… » En fait, je ne me souvenais pas, sauf ans les débuts de mon mariage, à quel moment je m’étais mis derrière les fourneaux que pour le plaisir. Avant, c’était par crainte de déplaire à ma femme, maintenant, c’était surtout par manque de temps, avec toute cette transition qui était en train de s’opérer dans ma vie, sans compter le fait que je n’avais même pas de domicile fixe, rendant la chose encore plus compliquée. Peut-être pourrais-je m’y mettre à un moment, même si je n’y songeais pas tant, parce que ce n’était pas une priorité, parce que ce n’était pas tant une activité à laquelle je pensais à m’adonner, d’autres étant un peu plus hautes dans la liste. Mais quelque chose me disait qu’au vu de l’affirmation précédente de mon interlocutrice, pour elle, ce n’était pas la même chose, d’où le fait que je demandai:  « Et vous ? », ne pensant pas être indiscret, d’avis que peut-être cela permettrait de poursuivre la discussion, beaucoup plus simple et détendue que précédemment.

Je ne savais pas si c’était mon métier qui provoquait une telle chose chez ma personne, mais j’adorais voir les gens avoir une passion, en parler, voir leur regard s’illuminer un peu plus quand le sujet était abordé. Et du coup, je ne pus m’empêcher de trouver qu’Adela était adorable à regarder ainsi, puis comme si son bonheur était - si je pouvais l’appeler ainsi en ces circonstances - contagieux, je souris à mon tour. N’oubliant toutefois pas le lieu dans lequel nous étions, la raison pour laquelle nous étions venus à avoir cette conversation, je n’eus pas un large sourire, je ne cherchai pas à rire, ne serait-ce que doucement, timidement. Heureusement que je ne l’avais pas fait d’ailleurs, puisque rapidement, je me trouvai à adopter un air un peu plus refermé, triste. Triste parce que ce qu’elle me dit par la suite, je pouvais le comprendre, parce que je partageais ce sentiment, sentiment qui pouvait être particulièrement frustrant de vouloir faire plaisir à quelqu’un qu’on appréciait, qu’on pensait apprécier, qu’on pensait qui nous appréciait en retour, alors qu’en fait, il n’en était rien du tout. Et même que là, je me permis d’ajouter:  « Je comprends… » Mais quoi ajouter d’autre ? L’avoir connue un peu plus, je lui aurais suggéré de le faire pour moi, mais je n’osais pas tant le faire. Ce n’était pas l’envie qui me manquait, mais je me disais que ce serait peut-être un peu trop lui suggérer, et je ne voulais pas laisser planer des sous-entendus qui auraient tôt fait de provoquer un malaise, déjà que toute cette situation, malgré cette ambiance un peu plus détendue que précédemment, était quand même particulière.