Flagrant délit [Feat. Carson A. McLaughlin]

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Johan n'était pas un gamin méchant, il fallait juste apprendre à le connaître un peu, à percer sa carapace pour ensuite comprendre qui il était vraiment. C'est ce que les agents avant celle assise face à lui n'avaient pas pris le temps de faire, l'accusant à tord et à travers, si bien que plutôt de se confier, il avait tout simplement agit pour se protéger et il s'était braqué. Impossible d'en savoir plus sur lui. En revanche, cet agent du FBI qui lui faisait face avait agit différemment, alors certes au début il ne lui avait pas fait de cadeaux, mais elle l'avait mis en confiance, tout du moins, elle avait essayé, et elle avait voulu voir plus loin que les simples faits. Combien de personnes sont arrêtées au mauvais endroit au mauvais moment ? Sans doute un bon paquet et pourtant, ce ne sont pas pour autant des criminels.

Johan avait été traité comme tel et les policiers n'avaient rien pu en tirer, Carson elle, avait fait en sorte de lui montrer qu'elle le croyait tout en prenant un malin plaisir à détruire sa carapace qui s'était fissuré en quelques minutes seulement. Elle n'était peut-être pas si solide que ça, ou bien, elle avait déjà eu le même cas et savait comment s'y prendre. Le soucis n'était plus celui-ci de toute manière maintenant qu'elle savait pourquoi l'allemand avait agit de la sorte. Allait-elle le condamner ? Lui faire payer le prix de ses erreurs ? Les prochaines minutes allaient être décisives pour lui, mais contrairement à ce qu'il aurait pu penser dans un premier temps, il n'était pas stressé, il avait tout simplement arrêter de se battre, arrêter de nier l'évidence, il avait besoin d'aide, et désormais, son existence ne sera plus jamais la même.

Alors qu'il se laissait tomber bien bas en montrant ses larmes face à cette femme qui l'avait percé à jour, il entendit la porte s'ouvrir, pensant que c'était la fin pour lui, que c'était maintenant la prison ou tout du moins le centre de redressement qui l'attendait, il ne bougea pas, résigné à accepter son sort. Mais lorsque la porte s'ouvrit de nouveau, il fit la jeune femme déposer un beignet devant lui tout en profitant de l'occasion de lui retirer ses menottes. Frottant ses poignets comme par réflexe, il adressa un regard à son interlocutrice comme pour lui demander des explications ? Mais il n'en obtient aucune si ce n'est qu'elle le questionna pour savoir qui il était vraiment. Lui qui ne parlait jamais de sa personne, c'était sa dernière chance de s'en sortir sans trop de séquelles. Ça allait lui faire mal, mais il devait le faire. Pour lui. Pour Isaiah, parce qu'il sait que lorsqu'il sera au courant de ses conneries, il mettra du temps avant de lui pardonner, si toutefois il y arrive un jour.

Regardant le beignet devant lui, il hésita à le manger mais la vérité, c'est que son estomac était totalement vrillé et sa gorge serrée au point qu'avaler sa salive le faisait souffrir. Faisant face à la réalité, il savait qu'il n'avait pas d'autres choix que de dire la vérité à l'agent du FBI et non débiter un de ses mensonges qu'il servait aux autres, sinon il risquait de gâcher sa seule chance de s'en sortir. Poussant un soupir de résignation, il baissa les yeux n'affrontant pas celui de son interlocutrice avant de débuter son récit.

" - Je viens d'Allemagne, j'ai vécu avec ma mère pendant cinq ans avant qu'elle décède. Avant, elle l'avait expliqué que je n'avais pas de père, du moins, de manière physique. J'ai été conçu par fécondation in-vitro, à partir de ce moment là je me suis donné comme objectif de retrouver mon père sachant que je risquais d'être déçu, peut-être qu'il avait refait sa vie, qu'il avait d'autres enfants.. Mais j'avais besoin de le voir pour avancer, pour avoir les repères nécessaires et grandir comme tous les autres enfants.

Faisant une pause dans son récit, il croqua dans le beignet, mâcha une bouchée puis poursuivit.

" - Suite au décès de ma mère, j'ai été placé dans un foyer. Un calvaire. Les moqueries, les critiques, en soit ça ne change pas vraiment du lycée, ce n'était qu'un aperçu de ce que je vis maintenant. Après avoir passé cinq ans dans ce foyer, j'ai été placé dans une famille d'accueil, j'y suis resté trois ans avant de.. Avant de fuguer.. Je ne me suis jamais senti à ma place où que j'aille, j'ai toujours l'impression d'être de trop, de ne pas avoir le droit d'être heureux.. Alors j'ai fugué, je suis parti pour venir ici. Je savais que la clinique où ma mère avait choisi de se faire inséminée était ici, à Washington. J'ai commencé à récolter quelques informations mais.. N'ayant pas de famille ni même de moyens, j'ai dormi dans la rue, parfois dans des squats, parfois dans les stations de métro.. Puis, j'ai fini par retrouver mon père biologique.. Et aujourd'hui, je vis chez lui, enfin.. Du moins pour le peu de temps que j'y passe.."

S'adressant à l'agent en face de lui, plongeant son regard dans le sien.

" - Je sais que je n'ai pas toujours fait les bons choix, après tout, j'ai beau être surdoué je reste qu'un gosse. J'ai pris des décisions que je pensais être les bonnes mais j'ai fais fausse route. On fait tous des erreurs non ?"

C'était sa plaidoirie pour la convaincre qu'il avait fait des choix qu'il regrettait, mais qu'il était prêt à payer le prix de ses erreurs, malgré son jeune âge, il était conscient de la situation.

" - Et maintenant ? Qu'est-ce qui va m'arriver ?"

Johan & Carson

Flagrant délit

Is it really your fault ?

Je restais aussi naturelle que possible et pourtant, chacun de mes gestes, ou presque, et surtout, chacune de mes paroles, de mes questions, étaient calculés et ce, même si je voulais que l’ambiance soit un peu plus détendue, ressemblant davantage à une conversation qu’un interrogatoire. Pour ce faire, je n’avais pas relâché ma garde, me contentant de tout installer, puis poser une question relativement vague, volontairement. Et même si celle-ci laissait place à bien des propos, bien des affirmations, bien des révélations, je ne m’attendais pas à un discours. J’étais consciente que cela ne faisait pas longtemps que nous étions en face l’un de l’autre, et honnêtement, je ne pensais pas avoir cette conversation avec lui ici et maintenant, pensant que mes collègues étaient plus compétents, que j’aurais à faire à un plus dur à cuire que ça. Mais apparemment, je n’étais pas au bout de mes surprises, puisque Johan hésita peu de temps, commença à se confier, à tout dire, parlant de sa naissance, de la mort de sa mère, de ses nombreux périples, de ses erreurs. Puis, au fur et à mesure qu’il parlait, je me rendais compte qu’il ne faisait pas que m’expliquer ce que je voulais entendre. En vérité, je n’en avais pas besoin de tant, et pourtant, il était en train de me le donner, me laissant lire en lui comme un livre ouvert. Et en le lisant, je me rendis compte que ce qu’il cherchait, probablement, certainement, c’était quelqu’un qui pourrait le comprendre, un adulte qui serait capable de lui montrer la voie à suivre, lui montrer qu’il n’était pas seul dans ce monde comme on lui avait fait croire pendant trop longtemps. De ce que je comprenais, il pouvait avoir un adulte dans sa vie, mais il ne s’y accrochait pas tant. Pourquoi ? Était-il méfiant ? Y avait-il quelque chose que je ne connaissais pas par rapport à l’histoire ? Désireuse de le savoir, pour y voir plus clair, je ne parvins pas à lui poser la question à temps, puisqu’au final, ce fut lui qui vint à m’en poser une, après avoir cherché mon approbation comme quoi il était possible de faire des erreurs, à quoi je n’avais pas bronché, histoire de rester neutre. Sa question étant légitime, et ne pouvant lui en vouloir de me l’avoir posée, je fus obligée toutefois d’y réfléchir un instant. Normalement, ce n’était pas à moi de faire de tels verdicts, me contentant surtout de recommandations. Mais au vu des circonstances, je compris que je me devais de prendre un peu plus d’initiative, en prenant évidemment soin de ne pas empiéter sur les plates-bandes des policiers non plus avec mes manières différentes de travailler. Je décidai de m’en tenir au plus simple dans un premier temps, et lui dire: « Premièrement, il faudra qu’on appelle ton père. Si je comprends bien, c’est ce que tu as de plus proche d’un tuteur légal, et on ne peut te laisser partir seul. » C’était un propos tout à fait technique, rien de plus. Mais ça restait quand même la première étape. Après, que se passerait-il quand il viendrait le chercher, s’il venait le chercher ? Ça, je ne le savais pas encore, mais je pouvais au moins me permettre de lui suggérer: « Ensuite, je crois bien que tu devrais discuter avec lui. » Sachant ma proposition peut-être un peu trop audacieuse pour le coup, je marquai une pause, puis rectifiai le tir en ajoutant: « Tu sais, selon la loi, il n’a aucune obligation de te considérer comme son fils et t’héberger, et pourtant il le fait. » Du coup, c’était sûrement qu’il le voulait, d’une façon ou d’une autre, ou du moins, qu’il était habité d’un sentiment qui le poussait à ne pas l’abandonner. J’écartais complètement la possibilité selon laquelle Johan aurait pu le forcer, il me semblait trop chétif, avec trop peu à donner pour ce faire. Mais après, je ne le disais pas en reproche, utilisant la loi pour protéger ce que je pensais, à savoir que peut-être il pourrait lui laisser une chance, comme cet homme, que je ne connaissais pas, pourrait le faire aussi. Devrais-je lui dire quand il arriverait ? J’y songeais, encore, mais le moment n’étant pas arrivé, je m’occupai encore de Johan, ajoutant: « Et le reste, ça dépend de toi. Que veux-tu faire Johan, vraiment ? » Avait-il des projets, des ambitions ? Était-il prêt à se prendre en main de lui-même, ou bien serait-il du genre à faire comme si tout cela ne s’était pas passé et retourner dans la rue ? La dernière option me semblait peu plausible à cet instant précis, mais je ne l’écartai pas pour autant, cherchant juste à voir si lui, il avait un minimum de volonté pour améliorer son sort, ou bien s’il se croyait encore une cause perdue comme précédemment.

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Johan était dans une position très inconfortable, il ne savait pas vraiment comment réagir à tout cela, et pourtant, il était sur le point de se livrer à cette personne, qui, avec le pouvoir qu'elle avait, pouvoir se permettre de le détruire, de le réduire à moins qu'un être. Le gamin avait longtemps hésité avant de finalement se confier à elle. Alternant son récit avec une bouchée de beignet et une gorgée d'eau, il poursuivit comme ça durant plusieurs minutes. Il essayait de ne pas laisser sa voix trahir l'émotion qui émanait de ses propos, surtout lorsqu'il évoqua les souvenirs avec sa mère. À cette pensée, sa gorge se serra.

Il poursuivit en évoquant tout ce par quoi il était passé, aussi bien le foyer pour jeunes, les familles d'accueil, jusqu'à son arrivée ici à Washington. En arrivant en ville, il n'avait qu'un seul but, retrouver l'homme qui était son père. Il s'était préparé à toutes les éventualités, sauf à celle qu'il décide de l'héberger, même si au plus profond de lui, c'est ce qu'il espérait. Et malgré tout ça, il trouvait encore le moyen de tout foutre en l'air. Isaiah serait-il assez compréhensif pour lui pardonner ? Pour passer au-dessus de ses erreurs d'adolescent totalement perdu et à la recherche de lui-même ? Il ne se faisait pas d'illusion, le chemin allait être long, encore plus maintenant que le jeune homme allait connaître les agissements du gamin vivant sous son toit. Allait-il accepter de continuer de l'héberger ? Et d'ailleurs, Carson mit le doigt sur le sujet. Effectivement, il n'était pas obligé de l'héberger, ni même de lui donner un quelconque intérêt, et pourtant, il le faisait.

Le jeune allemand haussa les épaules quand l'agent face à lui, lui annonça qu'ils allaient devoir prévenir son père. Il le savait, il ne pouvait pas y echapper, mais il espérait secrètement d'Isaiah ne serait pas joignable, mais c'était une pure utopie. Isaiah allait le savoir, Johan allait payer le prix de ses erreurs. C'est plus la perspective d'être rejeté par ce dernier que de finir en prison qui l'effrayait, peu de gens pouvaient vraiment comprendre ce qu'il ressentait au fond de lui. Et le comprendre lui-même au passage, sauf cette femme visiblement. Même s'il aurait voulu la contredire concernant le fait de prévenir son père biologique, il n'avait aucun pouvoir là-dessus et sa parole n'aurait aucun poids face à ceux d'un agent de FBI.

" - Je sais.. Je.. J'ai peur d'être rejeté une fois de plus, alors je.. J'ai essayé d'exister.."

C'est un peu un signal d'alarme que le gamin a lancé, comme s'il réclamait qu'on s'occupe de lui, qu'on lui prête attention et qu'on lui donne l'attention dont il avait besoin. Il savait qu'il pourrait encore être à la rue, mais il ne pensait pas mériter qu'on s'intéresse à lui, alors il avait essayé d'exister par ses propres moyens, et le résultat n'est pas très probant. Il risquait même d'y retourner à la rue si Isaiah le décidait. Carson avait vu juste, il n'était pas forcé de partager son toit avec lui.

L'allemand ne savait pas ce que l'agent attendait comme type de réponse à sa dernière question. Parlait-elle dans un avenir proche ou bien concernant sa personne ? Alors il releva la tête, comme s'il essayait de puiser une réponse dans le regard de son interlocutrice, mais sans grand succès. À la place, il finit son beignet et froisa l'emballage dans lequel il était mis afin de réfléchir à ce qu'il veut vraiment.

" - Ce que je veux ? Je veux avoir une existence normale, comme tous les autres enfants de mon âge, mais je suppose qu'il est trop tard pour ça à cause de mon handicap de surdoué."

Une fois de plus, c'est quelque chose qui bloquait le gosse dans son évolution, il n'avait pas encore accepté d'être différent, et les jeunes étaient encore à l'âge con, bête et méchant, si bien que c'est lui payait les pots cassés.

" - Ce que je veux, c'est quitter cet établissement et faire une faculté de droit pour devenir avocat."

C'était un rêve, bien plus qu'un rêve de gosse, il savait pertinemment que c'est ça qu'il voulait faire, ça et rien d'autre. Et concernant le reste, ce qu'il voulait c'était s'en sortir.

" - Et pour.. pour le reste.. Je veux.. J'aimerai de l'aide pour m'en sortir.."

Oui il avait honte d'avouer qu'il avait besoin d'aide, lui qui s'était toujours débrouillé seul, c'était bel et bien un signe de faiblesse qu'il avait du mal à accepter. D'où le fait qu'il baissa immédiatement la tête pour jouer nerveusement avec ses doigts.

Johan & Carson

Flagrant délit

Is it really your fault ?

Si Johan se braquait de la sorte, ce n’était pas parce qu’il voulait jouer les durs. Je le savais maintenant, son comportement et son histoire venant me le confirmer sans aucun doute. Avec ce qui m’était venu à l’oreille et ce que je pouvais déduire de cet échange, il l’avait fait parce qu’il était seul, parce qu’avoir quelqu’un dans sa vie en qui avoir aveuglément confiance, c’était quelque chose qu’il ne connaissait pas, qu’il ne connaissait plus en fait. De crainte d’être déçu, qu’on abuse de lui, il se protégeait, il se protégeait même trop fort, ne s’autorisant plus aucune vulnérabilité à moins d’être acculé au pied du mur, comme il l’avait été à cet instant précis. Aux premiers abords, cela me paraissait être une conclusion plutôt plausible, qui l’était encore plus à mes yeux au vu de ce qu’il disait, dessinant un portrait de sa personne encore plus désolant que ce que j’avais pensé dans un premier temps, soit celui d’un petit garçon normal qui voulait justement que ça… Vivre normalement. Sa situation familiale ne lui permettait pas, sa condition ne lui permettait pas, d’où le fait qu’il voulait cela comme étant un handicap, comme il vint à le mentionner. Secouant la tête à ce dernier propos, je répondis: « Ça n’a pas à être un handicap. Que je sache, tu n’as pas une condition physique ou cérébrale qui t’empêche de faire certaines choses. » J’avais volontairement mis l’emphase sur le mot « empêche » pour qu’il voie que ce n’était pas un blocage, sauf s’il se comportait comme tel. Même si j’avais toujours travaillé dans la branche plus criminelle, il n’en demeurait pas moins que mes études en psychologie m’avaient menée à en apprendre sur ces personnes, comment elles pouvaient se sentir. Et j’avais toujours été celle croyant que la société était idiote de penser que c’était un handicap et normaliser la chose. Au contraire, il devrait l’utiliser à son avantage, en profiter pour passer au-delà des autres, autrement qu’en sautant des années scolaires. Ce n’était pas mieux non plus à mon avis, pas abusivement en tout cas, au vu du creux que cela était susceptible de creuser avec les autres, empirant les troubles d’adaptation, ce genre de troubles que Johan semblait être en train de subir. Mais au moins, il ne les niait pas, au moins, il ne les niait plus. Oui, il avait toujours cette ambition, apparemment, de faire quelque chose de bien, mais la triste réalité était qu’il devait passer au travers de ses études pré-universitaires, et avoir un bon dossier scolaire, ce qu’il n’était certainement pas en train de se constituer en se comportant de la sorte, en séchant les cours et en vendant de la drogue dans la rue. Était-il conscient de se fait ? J’avais envie de croire, j’espérais que ce soit le cas, surtout qu’en mon sens, ce n’était pas à moi de le lui rappeler, comme ce n’était pas mon rôle de lui dicter quoi faire. Je lui avais tendu une perche, pour qu’il fasse ses propres choix, mais restait que je n’étais pas intervenante en toxicomanie - dans le cas où il voulait de l’aide pour sa visible dépendance - et je n’étais pas son enseignante non plus. Le mieux que je pouvais faire, c’était servir d’intermédiaire pour régler le souci, avec des gens qui, eux, pourraient vraiment l’aider. Dans cet ordre d’idées, je me résignai donc à lui dire: « On va commencer par appeler ton père, d’accord ? Je crois que ce sera mieux pour voir ce qui peut être fait pour toi. » Je ne connaissais pas l’individu en question, mais quelque chose me disait que s’il avait pris son fils sous son toit, alors qu’il n’avait pas demandé à être père, pas à proprement parler, c’était qu’il devait vouloir son bien. Après, peut-être serait-il possible d’élaborer un plan, quitte à instaurer une certaine surveillance sur le gamin si jamais il en avait besoin. Non pas surveiller ses faits et gestes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais au moins s’assurer qu’il aille en classe, et s’il n’y était pas, savoir où il était. Limite, peut-être pourrais-je collaborer un minimum, mais ça, je préférais ne pas le dire, ne pas m’avancer trop rapidement. D’abord et avant tout, encore fallait-il que le père de l’adolescent veuille bien venir le chercher, et tant qu’il n’était pas prévenu, ce serait bien difficile. Attrapant mon téléphone portable, je regardai Johan, lui demandant: « Tu peux me donner son nom et un numéro où je peux le joindre, s’il te plait ? » En temps normal, j’aurais dû prendre un des téléphones fixes du commissariat pour le faire, ou bien demander à un des policiers de s’en occuper, mais puisqu’apparemment, ils n’avaient rien compris de ce qui se passait, je préférais garder le tout pour moi, et les prévenir par la suite, les mettant devant le fait accompli, impossible de faire quoi que ce soit. Ils n’oseraient pas, de toute façon. De ce que j’avais pu voir, un agent du FBI qui débarque dans les affaires municipales, ça fait toujours un peu peur… Même si pour moi, c’était juste amusant.

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Johan ne s'était jamais considéré comme un garçon fort et au-dessus de tout, bien au contraire, il se savait faible, mais il n'avait jamais eu le courage de l'avouer réellement aux yeux des yeux. Alors pour cacher cette faiblesse, il s'était construit ce masque lors du décès de sa mère, et depuis, il ne l'avait plus jamais ôté. L'allemand est du genre à se braquer, non pas parce qu'il essaye de jouer au plus fort, encore moins avec les forces de police, puisque la réalité, c'est qu'il est totalement terrorisé, et s'il n'était pas sous l'effet de la drogue, il aurait probablement tenté de s'enfuir. Mais heureusement, il ne l'avait pas fait pour la simple et bonne raison qu'il était quasiment incapable de tenir sur ses jambes lorsqu'il avait été arrêté. En se revoyant, il se dégoutait lui-même. Comment avait-il pu en arriver à ce point ?

Johan avait pourtant tout pour recommencer une nouvelle vie, une place dans un lycée, une famille constituée de son unique géniteur mais surtout un toit. Il ne lui fallait rien de plus pour être heureux, mais même ça, il était incapable de s'en contenter, il avait tout foutu en l'air parce qu'il n'estimait pas mériter tout cela. Et encore moins cette protection que lui offrait Isaiah. Désormais, il allait le foutre dehors, il allait de nouveau errer dans les rues sans but et tôt ou tard, il replongera dans la drogue. Tout cela n'est qu'une question de temps, sa vie se résume à un cercle vicieux duquel il ne pourra pas se sortir, pas seul en tout cas. Mais pour cela, il faut encore qu'il accepte l'aide qu'on lui propose, si on lui en propose, vu sa situation, qui voudrait encore le tirer vers le haut ? Carson semblait être décidé à le sortir de tout cela.

Était-il vraiment fautif de A à Z dans cette histoire ? Non il est clair que non, il a agit comme bon lui semblait, mais au final, il s'est ramassé en beauté. Comme on dit, c'est lorsque l'on touche vraiment le fond qu'on peut commencer à remonter. Maintenant, il devait se convaincre que tout le monde n'était pas méchant et qu'il pouvait faire confiance, mais hormis sa mère, il ne s'était jamais repose sur qui que ce soit, il ne connaissait pas ce sentiment de confiance. Alors par effet boomerang, il n'avait jamais donné sa confiance, de peur d'être rejeté ou abandonné.

Il écouta avec attention les propos de l'agent face à lui. Les effets de la drogue commençaient à s'estomper et il ressentait une énorme fatigue lui tomber dessus. Combattant celles-ci, il haussa les épaules. Non en effet, il n'y avait rien qui l'empêchait de faire des choses, c'était même plutôt le contraire, son intelligence lui permettait de faire plus de choses que les autres, et pourtant, il n'avait jamais réussi à vivre avec son don de surdoué. Pourquoi ? La raison est plutôt simple, on lui avait toujours montré que c'était une défaut et que sa différence suffisait à le mettre à l'écart du reste. Peut-être que dans un établissement spécialisé, avec d'autres enfants comme lui, il se sentirait plus à l'aise, et il serait apte à reconnaître que ce don qu'il possède ne doit pas faire de lui quelqu'un de différent, mais qu'il doit l'utiliser à bon escient. Mais tout cela lui était encore inconnu, il allait devoir apprendre à vivre avec, et s'y faire parce qu'il n'avait pas d'autre choix tout simplement.

L'inévitable était désormais là, ce moment qu'il avait repoussé jusqu'alors allait avoir lieu. Le fameux coup de téléphone à Isaiah. Il ne pouvait désormais plus reculer, il allait devoir s'y confronter, assumer ses erreurs en priant intérieurement pour qu'il finisse par lui pardonner tôt ou tard. Était-il prêt à tout pour se racheter ? En tout cas, il était prêt à beaucoup pour se racheter une conduite, même si pour cela, il devait retourner au lycée, ce qui signifiait s'ennuyer et se faire frapper par ses camarades, pour son géniteur il devait être assez fort pour endurer tout cela. Pour répondre à la réponse de la jeune femme, n'arrivant pas à prononcer un mot tout en déglutissant, il hocha la tête. Ça lui faisait toujours bizarre que quelqu'un appelle Isaiah comme étant son père, il n'avait jamais réussi à l'appeler papa. Il faut dire que ça ne fait pas non plus une éternité qu'ils se connaissent.

" - Il s'appelle Isaiah.. Isaiah Navarro, vous pouvez l'appeler au 1-202-384-2844.." fit-il d'une petite voix.

Il aurait donné cher pour entendre cette conversation ainsi que de voir la réaction de ce dernier lors de l'appel. Rien que d'imaginer la tête d'Isaiah et le soucis qu'il allait lui faire faire le rendait malade. Il sentit la nausée lui nouer l'estomac mais il tenta de respirer calmement pour la faire passer.

Johan & Carson

Flagrant délit

Is it really your fault ?

Au fur et à mesure que Johan me donnait le numéro de téléphone de son géniteur, je l’entrais dans mon portable, et une fois que j’eus terminé, juste avant d’appuyer sur le bouton pour passer l’appel, je dis, à voix plus ou moins basse: « Isaiah Navarro donc… », comme si je voulais confirmer le nom de la personne à qui j’allais parler, manie que j’avais dans mes habitudes de perfectionniste, refusant que quelconque détail soit mis de côté, refusant de m’adresser à cette personne et avoir l’air de celle qui ne savait pas à qui parler, quoi dire. Chose faite, je me levai, indiquant à l’adolescent: « Je reviens. », pour finalement tourner les talons et quitter la pièce une nouvelle fois. Je paraissais être celle qui voulait lui cacher quelque chose, mais je refusais qu’il entende la conversation. Ne connaissant pas l’individu, ne sachant à quoi m’attendre, je ne me voyais pas tant avoir la discussion devant lui, l’inquiéter si quelque chose qui n’allait pas. En m’isolant, je gardais le contrôle sur la suite des choses, et je pourrais tourner la situation de la façon que je le voulais, que je jugeais le plus approprié. Le téléphone sonna une fois, deux fois, puis j’entendis une voix me répondre, sur un ton trop peu certain. Pas tant étonnée, je pris la parole comme si rien n’était, me présentant, expliquant la situation vaguement, comme quoi Johan avait été arrêté, qu’il avait donné son nom comme référence et qu’il avait besoin d’une personne majeure pour venir le chercher. Je pris aussi le temps de lui mentionner que j’allais tout lui expliquer une fois qu’il arriverait. Je ne me voyais pas le faire au téléphone, préférant de loin le voir en face de moi, adapter mon discours à ses réactions, ce que je ne pouvais pas faire quand nous étions à distance comme cela. L’homme ne sembla pas trop s’en montrer embêté, se contentant de me dire qu’il se mettrait en route sous peu pour venir le chercher. Il avait été courtois, bien que son ton de voix et les pauses qu’il faisait en parlant laissaient croire qu’il était déboussolé, ce qui n’était pas tant étonnant. Raccrochant, je revins dans la salle, y retrouvant Johan de nouveau, lui expliquant: « Il sera là dans une vingtaine de minutes. Il doit seulement prendre congé et il quitte le travail. » Toujours dans l’optique de montrer au jeune garçon qu’il y avait quelqu’un qui tenait à lui quelque part, j’avais volontairement mentionné le fait que son père biologique allait prendre congé pour lui, plutôt que d’attendre que la journée soit terminée avant de passer le prendre, ce qu’il aurait très bien pu faire aussi. Enfin, moi je pensais que c’était une bonne chose, même si cela ne me laissait pas un délai si grand pour clôturer le dossier. Enfin, je pouvais le faire, mais cela impliqua que je dus laisser Johan de nouveau seul. Ce n’était pas l’idéal, mais je ne le laissai pas complètement en reste, et je justifia mes actions en lui mentionnant: « Je vais aller boucler certaines choses pour que tu puisses partir dès qu’il arrivera. Tu peux manger mon beignet en attendant, je ne le prendrai pas. » Et surtout, il avait certainement besoin de manger pas mal plus que moi, mais ça, je ne le lui dis pas, ne voulant pas lui mettre la pression s’il ne souhaitait pas manger davantage. Et sur ce, je le laissai dans la pièce, laissant volontairement la porte entrouverte pour qu’il ne se sente plus enfermé, son cauchemar étant bientôt terminé. Enfin, il serait terminé s’il le décidait, mais espérant qu’il en avait pris conscience avec cet épisode, j’avais envie de penser que du mieux allait se dessiner pour lui, et je n’allais pas lui mettre des bâtons dans les roues de ce côté, d’où le fait que j’allai lui remplir un dossier comme quoi il était sous condition, ne lui donnant donc pas un dossier criminel, pas pour le moment, même si je savais très bien que personne ne saurait se montrer si clément s’il venait à chuter de nouveau, et tristement, je ne saurais le défendre une nouvelle fois.

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